Pour humilier Vladimir Poutine, l’Ukraine a aidé Hay’at Tahrir Al-Sham
L’ennemi de mon ennemi est mon ami. Les renseignements ukrainiens semblent avoir adopté le célèbre adage en aidant les rebelles syriens de Hay’at Tahrir Al-Sham (HTS) à faire tomber Bachar Al-Assad, pantin de Vladimir Poutine dans le Moyen-Orient qu’il a sauvé et maintenu au pouvoir en 2015 ce qui était à l’époque une démonstration de force du président russe face à l’Occident. Les Ukrainiens voient en la chute du dictateur syrien un affaiblissement de leur ennemi irréductible sur l’échiquier géopolitique international. Ceci est de bonne guerre mais montre jusqu’où la haine entre Russes et Ukrainiens peut aller et comment tous les coups sont permis.
Imed Bahri
David Ignatius, analyste du Washington Post, a affirmé que l’opposition syrienne a vaincu le régime d’Al-Assad avec le concours de l’Ukraine qui voulait ainsi faire subir une déroute géopolitique au président russe en Syrie, en précisant que Kiev avait envoyé des drones aux rebelles syriens qui ont contribué au renversement du régime d’Al-Assad, véritable vassal de Poutine dans le Moyen-Orient.
Selon des sources proches des activités militaires ukrainiennes à l’étranger, les rebelles syriens qui sont entrés dans la capitale Damas le week-end dernier ont reçu des drones et d’autres formes de soutien de la part d’agents des renseignements ukrainiens qui cherchaient à affaiblir la Russie et ses alliés syriens, a indiqué l’analyste, ajoutant, en citant des sources bien informées, que les renseignements ukrainiens avaient envoyé, il y a quatre ou cinq semaines 20 experts en pilotage de drones et 150 drones équipés d’appareils vidéo au quartier général des rebelles à Idlib pour aider HTS, le groupe qui a dirigé l’opération visant à renverser Al-Assad.
Les experts occidentaux du renseignement estiment que le soutien ukrainien a joué un rôle modeste dans le renversement du président syrien déchu et que ces activités font partie des tentatives de l’Ukraine visant à nuire aux intérêts russes au Moyen-Orient, en Afrique et en Russie elle-même.
Ignatius affirme également que le programme d’aide ukrainien en Syrie était un secret de Polichinelle bien que les responsables de l’administration Biden aient nié avoir eu connaissance de l’affaire en réponse aux questions de l’auteur qui voulaient vérifier s’ils étaient au courant.
La motivation derrière cela est claire: face à une attaque russe à l’intérieur de leur pays, les services de renseignement ukrainiens ont cherché d’autres fronts sur lesquels ils pourraient plonger la Russie et affaiblir ses agents. Les Ukrainiens ne faisaient pas mystère de leurs intentions. Dans un article publié le 3 juin, le journal Kyiv Post, citant une source du service de renseignement militaire ukrainien, connu sous le nom de GUR, affirmait que «les rebelles [syriens] ont lancé leur offensive avec le soutien d’agents ukrainien, ajoutant que «depuis le début de l’année, de nombreuses frappes ont été menées contre des installations militaires russes dans la région.»
L’article présentait des séquences vidéo montrant des attaques contre un bunker polygonal, un camion blanc et d’autres cibles russes qui auraient été bombardées par des rebelles soutenus par l’Ukraine en Syrie.
Le journal précise que l’opération en Syrie a été menée par une unité spéciale connue sous le nom de Khimik au sein du GUR et en coopération avec les rebelles syriens. Il ajoute que les responsables russes se plaignent depuis plusieurs mois des groupes paramilitaires ukrainiens et de leurs efforts en Syrie. Alexandre Lavrentiev, représentant spécial russe en Syrie, a déclaré à l’agence de presse russe Tass: «Nous disposons d’informations sur la présence d’experts ukrainiens de la direction ukrainienne des renseignements dans la région d’Idlib».
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov avait évoqué en septembre les mêmes allégations et la présence d’«envoyés des services de renseignement ukrainiens» qui menaient ce qu’il a qualifié de «sales opérations». Le journal syrien Al-Watan a confirmé, de son côté, que le lieutenant-général Kirilo Budanov, directeur de l’agence de renseignement ukrainienne, a eu des contacts personnels avec HTS.
Avant que le groupe rebelle ne renverse Al-Assad, les responsables russes ont confirmé que les liens de l’Ukraine avec HTS étaient une tentative de recruter des combattants syriens pour sa guerre contre le Kremlin.
Un article publié en septembre sur le site Internet Criddle affirmait que l’Ukraine avait proposé 75 drones de combat dans le cadre d’un accord avec HTS =mais aucune information ne vient confirmer les allégations russes.
Ignatius estime que la Russie a été surprise par l’avancée rapide des forces d’opposition vers Damas; mais les sources russes ont tenté de minimiser le rôle ukrainien dans cette avancée.
Le 2 décembre, un article du site Middle East Eye faisait état d’un compte russe sur la plateforme Telegram qui reflétait la position de l’armée russe et tentait de minimiser le rôle ukrainien: «D’abord, des membres du GUR se sont rendus à Idlib mais pour peu de temps. Cela n’a pas suffi pour former les Syriens à l’utilisation de drones de combat et deuxièmement, Hay’at Tahrir Al-Sham avait déjà son programme de drones».
Ignatius souligne, par ailleurs, que l’opération syrienne n’est pas le seul cas dans lequel les services de renseignements militaires ukrainiens ont tenté de harceler des agents russes à l’étranger.
La BBC britannique a rapporté dans un reportage publié en août que l’Ukraine avait aidé les rebelles du nord du Mali à tendre une embuscade aux mercenaires russes du groupe Wagner. La BBC a indiqué que l’attaque du 27 juillet avait entraîné la mort de 84 agents Wagner et de 47 soldats de l’armée malienne.
Andreï Youssov, porte-parole du GUR, a salué l’opération quelques jours plus tard, affirmant que les rebelles maliens «ont reçu les informations nécessaires et pas seulement des informations, qui ont permis une opération militaire réussie contre les criminels de guerre russes», a rapporté la BBC.Après l’attaque, le Mali a rompu ses relations diplomatiques avec l’Ukraine.
Seon Ignatius, le lieutenant-général Budanov des services de renseignement ukrainiens s’était engagé en avril 2023 à poursuivre les Russes accusés d’avoir commis des crimes de guerre «partout dans le monde». L’auteur a cité des responsables américains affirmant que les opérations de renseignement menées par Budanov avaient parfois suscité l’inquiétude de l’administration Biden.
Dans une interview menée par l’auteur avec Budanov au quartier général de son commandement à Kiev, en avril, il l’a interrogé sur les opérations menées par l’unité de renseignement militaire contre Wagner en Afrique et il a répondu: «Nous menons de telles opérations dans le but de limiter les capacités militaires de la Russie partout où cela est possible. Pourquoi l’Afrique devrait-elle faire exception?»
Tout comme les opérations de l’Ukraine en Afrique et son attaque contre la région de Koursk en Russie, l’opération secrète en Syrie reflète une tentative d’étendre le champ de bataille et de nuire aux Russes dans des zones auxquelles ils n’étaient pas préparés et là où ils ne s’y attendaient pas.
L’aide apportée par l’Ukraine aux rebelles syriens n’a pas été la cause principale mais elle a contribué au moins dans une certaine mesure à faire tomber l’agent le plus important de la Russie au Moyen-Orient.
Comme Israël dans son incapacité à anticiper l’opération du Hamas à travers la barrière de Gaza le 7 octobre 2023, la Russie a vu avancer les rebelles soutenus par l’Ukraine mais n’a pas été en mesure de se mobiliser pour arrêter l’offensive et éviter ses conséquences désastreuses pour Al-Assad et par ricochet ses «employeurs» à Moscou.
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