La rencontre entre les chefs de la diplomatie tunisienne Mohamed Ali Nafti et son homologue russe Serguei Lavrov, samedi 9 novembre 2024, a permis d’examiner divers aspects de la coopération entre la Tunisie et la Russie et d’envisager les moyens de la développer dans les domaines commercial, économique, scientifique, médical, pharmacologique et universitaire, sachant que plus de 1900 étudiants tunisiens poursuivent leurs études dans des universités russes.
Imed Bahri
Ces thèmes seront abordés lors de la prochaine session de la Commission mixte tuniso-russe à Moscou, a indiqué un communiqué du ministère tunisien des Affaires étrangères, des Tunisiens à l’étranger et de la Migration, ajoutant que les deux responsables ont échangé leurs points de vue sur un certain nombre de questions régionales et internationales d’intérêt commun.
La rencontre a eu lieu à l’occasion de la première réunion ministérielle de la Conférence Russie-Afrique, samedi et dimanche à Sotchi, à laquelle participe le ministre Nafti.
Cette conférence ministérielle, qui a réuni des hauts responsables d’une cinquantaine de pays africains, est l’occasion pour Vladimir Poutine de démontrer l’échec de la politique d’isolement et de sanctions engagée contre son pays par les Etats occidentaux après l’assaut russe en Ukraine en février 2022. Le Kremlin entend apporter une nouvelle illustration du «monde multipolaire» qu’il veut promouvoir dans son face-à-face avec les Occidentaux.
Lavrov a d’ailleurs salué la participation de la Tunisie à cette réunion ministérielle visant à développer les investissements bilatéraux entre la Fédération de Russie et les pays africains.
Nafti a déclaré, de son côté, que ce genre de réunion contribue au développement du continent africain et à sa stabilité, en complément aux autres cadres de coopération au sein de l’espace africain.
Allié historique des Etats-Unis et de l’Union européenne, la Tunisie a obtenu en 2015 le statut d’allié majeur non membre de l’Otan. Elle participe aux conclaves organisés par cette organisation et abrite souvent des exercices militaires que celle-ci organise aux niveaux africain et méditerranéens. Elle reste donc solidement amarrée au bloc occidental, comme l’a voulu, dès les années 1960, le fondateur de l’Etat tunisien moderne, Habib Bourguiba, qui savait ce que son pays doit au soutien des Etats-Unis pour accéder à l’indépendance et mettre en œuvre ses premiers plans de développement.
Sur un autre plan, la Tunisie importe de Russie surtout du pétrole et des céréales et sa balance commerciale avec ce pays est historiquement et structurellement déficitaire.
Outre la diversification de ses relations et de ses alliances internationales pour éviter le harassant tête-à-tête avec un Occident unilatéraliste, hautain et condescendant, l’intérêt pour Tunis dans ses relations avec Moscou serait donc d’abord d’essayer de rééquilibrer les échanges bilatéraux et d’examiner les moyens de développer les exportations tunisiennes vers la Russie et l’augmentation des flux de touristes russes vers notre pays.
Le commandement militaire ukrainien, poussé en avant par le pouvoir politique, est confronté à de graves difficultés dans l’organisation des opérations offensives, malgré la fourniture de matériel militaire occidental et les tentatives de formation de nouvelles brigades d’infanterie, principalement constituées non pas de militaires ou des volontaires, mais de civils attrapés dans les rues des villes et villages ukrainiens et enrôlés de force.
Oleg Nesterenko
Kiev a prévu d’augmenter le nombre de formations mécanisées, mais l’efficacité d’une telle stratégie est discutable.
De nouvelles ressources humaines et financières limitées, de graves problèmes de maintenance du matériel mécanique, des pertes humaines et matérielles très considérables et en croissance constante compliquent grandement la situation des forces armées ukrainiennes au point de l’apparition d’une réelle menace d’effondrement à grande échelle sur plusieurs directions stratégiques du front.
La «stratégie» militaire de Kiev: avancer sans compter les pertes
Etant totalement dominé pratiquement sur tous les points par l’armée russe, Kiev mise sur une nouvelle stratégie qui peut s’avérer être suicidaire : passer à l’offensive, au lieu de se rester sur la défensive.
Le commandement ukrainien est en train de transformer les brigades d’infanterie en brigades mécanisées. Ainsi, la 159e brigade d’infanterie a récemment été reformée en une brigade mécanisée, de même que la 155e d’infanterie, en recevant des chars allemands Leopard 2A4 et les canons automoteurs français Caesar. Une transformation similaire est également prévue pour les 156e, 157e et 158e brigades de fantassins.
La 154e brigade mécanisée, impliquée dans des combats dans les régions de Kharkov et Koursk, a reçu des véhicules blindés américains M1117 pour les opérations d’assaut. En outre, Berlin prévoit de transmettre à l’Ukraine 21 unités supplémentaires de déminage Wisent 1 MC.
Ces mesures de soutien, de modernisation et de transformation des brigades signifient une seule chose : la préparation de nouvelles opérations offensives.
Compte tenu du transfert régulier des meilleures unités à disposition des forces ukrainiennes dans la région de Koursk et de la présence de la 154e et de la 155e brigades mécanisées dans cette région russe – une escalade est à attendre dans cette direction. Avec une forte probabilité, les troupes ukrainiennes tenteront de nouveau d’avancer à partir de leurs positions actuelles dans la région de Koursk et/ou de franchir la ligne de défense russe dans la région de Bryansk (Russie).
La question est de savoir si une telle stratégie a des chances d’être efficace.
Le matériel mécanique livré par les pays de l’Otan renforce, certes, l’armée ukrainienne, mais arrive en quantités trop limitées et nécessite un entretien complexe qui est également aggravé davantage par la trop large gamme hétéroclite du matériel à disposition et un manque important de techniciens qualifiés.
Le manque d’équipages formés complique également la tâche de la conversion des brigades d’infanterie en brigades mécanisées et de leur modernisation qui nécessite des ressources et du temps considérables.
Le manque de formation des militaires et le manque de soutien logistique rendent les nouvelles brigades, tout simplement, inefficaces. Elles peuvent, certes, être utiles dans des opérations tactiques, mais certainement pas efficaces au sein de grandes opérations offensives où les pertes ukrainiennes sont connues d’avance : elles seront considérables et le résultat sera éloigné de celui escompté par Kiev.
La réelle situation sur le front
En résumé : l’armée ukrainienne est épuisée et démoralisée.
En face, l’armée russe, largement épaulée par son industrie de défense en croissance, continue et soulagée par la possibilité des rotations en flux tendu des unités engagées au combat.
Sur les directions stratégiques, les forces armées de la Fédération de Russie poursuivent l’offensive en infligeant des pertes importantes aux unités ukrainiennes. Le transfert par Kiev des renforts sur les parties du front ayant les confrontations les plus intenses ne permet pas de renverser la tendance et de contrecarrer l’avancée de l’armée russe, dont le mode opératoire n’est guère la prise de nouveaux territoires, mais l’annihilation des forces ennemies dans des zones limitées.
En direction de Koursk, l’armée ukrainienne a perdu des positions importantes : les forces armées russes ont libéré les colonies de Novaya Sorochina et Pokrovsky et ont repris le contrôle du territoire entre les villages de Sheptukhovka et Kremenoye. Pour stabiliser sa défense, le commandement ukrainien a été obligé d’y transférer les 47e et 41e brigades mécanisées, ainsi que la 17e brigade blindée.
En direction de Kupyansk, les troupes russes ont coupé la route d’approvisionnement des forces armées ukrainienne Kruglyakovka-Kovsharovka et ont avancé vers Glushkovka. Dans cette zone, les 110e et 115e brigades ukrainiennes ont subi de lourdes pertes et ont dû quitter leurs positions. La ville de Kupyansk qui est stratégique pour la défense ukrainienne est sous une menace directe d’encerclement.
En direction de Kharkov, l’armée russe a également renforcé ses positions dans cette zone d’importance stratégique en reprenant aux unités d’élites ukrainiennes du GUR le domaine de l’usine de Volchansky.
Sur plusieurs autres directions avec les combats les plus intenses la situation des forces armées ukrainiennes est également critique.
L’aide militaire occidentale
L’aide militaire occidentale continue d’être fournie, néanmoins, son volume et son calendrier des livraisons ne répondent nullement aux besoins ukrainiens qui subissent des pertes exponentielles.
Ainsi, la livraison de 6 exemplaires de chasseurs Mirage 2000-5, prévue pour la fin de l’année 2024, est reportée à l’année 2025. Une telle quantité dérisoire d’avions n’a déjà pas eu d’autre réelle valeur que celle d’un coup médiatique pour faire diluer la profondeur du désespoir des soupirants du régime ukrainien. Toutefois, même cet élément qui a dû servir à la propagande n’est plus d’actualité.
Pour ceux qui n’ont pas perdu le sens de la réalité, il est important de faire attention au poids comparatif de l’adversaire en face qui n’a pas besoin d’une interprétation : en 2024, les forces aérospatiales de la Fédération de Russie disposent près de 1500 avions de combat opérationnels, dont environ 900 chasseurs.
Quel rôle les 6 avions ennemis pilotés par des Ukrainiens mal formés devait avoir, hormis celui de produire un défilé aérien ou celui d’être immobilisé, caché et de ne jamais prendre le ciel, comme c’est le cas de quelques chasseurs F-16 livrés auparavant par l’Otan et que la propagande occidentale a présentés durant une année en tant que Wunderwaffe – l’arme miracle qui changera le cours de la guerre ?
Il est important de noter que l’Ukraine perd face à la Russie également dans un autre élément-clé de la guerre d’aujourd’hui : l’utilisation des drones de combat aérien.
L’interdiction chinoise à l’exportation de drones aériens depuis le 1er septembre 2024 a aggravé le déficit, qui, selon les experts ukrainiens en reconnaissance aérienne des forces armées ukrainiennes, pourrait s’avérer encore plus dévastateur que le manque de munitions.
Contrairement à de fausses idées répandues par la propagande de médias mainstream euro-atlantiques, ce sont bien les forces armées ukrainiennes et non pas russes qui ont été les principaux bénéficiaires des drones de la production chinoise. La nouvelle initiative de Pékin est un coup très dur vis-à-vis de Kiev.
Bien que l’Ukraine tente d’établir sa propre production de drones, c’est un long processus et le temps des manœuvres qui reste au régime de Kiev pour survivre se raccourcit comme une peau de chagrin.
Le retard technologique et les ressources limitées mettent l’Ukraine dans une position perdante. Dans le même temps, les pertes humaines sur le front ne font que croître.
Le tonneau des Danaïdes
Afin de combler les pertes, les forces armées ukrainiennes ont transféré des troupes de la direction de Kherson vers les zones de combats les plus intenses. Il y a six mois, la rive droite de la région de Kherson comptait la disposition des 9 brigades ukrainiennes à part entière. Aujourd’hui, il n’en reste plus que 4.
Aidera-t-il ce transfert de 5 brigades dans le feu des combats à stopper, au moins provisoirement, l’avancée des troupes russes – le temps le montrera. Toutefois, la direction de Kherson dépouillée des troupes ukrainiennes peut devenir fort attrayante pour les opérations offensives des forces armées russes.
Aujourd’hui, le commandement de l’armée ukrainienne tente de combler les trous dans leur défense qui apparaissent pratiquement sur toute la ligne de front. Cependant, l’action de Kiev ressemble de plus en plus au travail des Danaïdes qui remplissent sans cesse leur tonneau troué : la pression des forces russes est si importante que les faiblesses de la défense ukrainienne ne font que s’accentuées.
Pendant ce temps, les troupes ukrainiennes du génie ont commencé à créer à la va vite des fortifications dans la région de Dnipropetrovsk (Dnipro), préparant de nouvelles lignes défensives plus proches de la capitale, car le constat est sans équivoque : en franchissant les zones des fortifications construites par Kiev depuis 2014 où les combats ont lieu aujourd’hui et depuis février 2022 – l’avancée de l’armée russe peut être fulgurante, car sur les centaines de kilomètres à venir il n’y a que peu d’obstacles construits qui pourraient la retenir.
Seul l’arrêt des hostilités peut sauver les restes de l’armée du régime de Kiev d’une déroute écrasante qui se profile de plus en plus à l’horizon. Ainsi, au lieu de se concentrer sur la réalisation de son plan de guerre «jusqu’au dernier ukrainien», au sens propre du terme, le président ukrainien Zelensky devrait se pencher davantage sur la question de l’arrêt des hostilités et de l’arrivée des prochaines élections présidentielles, dont lui et son entourage auront une seconde chance d’essayer de manipuler et de falsifier le processus, afin de se maintenir au pouvoir.
* Ancien professeur auprès des masters des Grandes écoles de commerce de Paris.