AprĂšs son tour du propriĂ©taire au Golfe, Donald Trump est rentrĂ© avec dans son escarcelle les pertes amĂ©ricaines occasionnĂ©es par le Covid, auquel il aura pris soin dâajouter lâaide militaire accordĂ©e Ă lâUkraine, ainsi quâau gĂ©nocidaire des Palestiniens perpĂ©trĂ© par Netanyahu Ă Gaza. En attendant, les foules de lâIslam continuent de se rendre chaque annĂ©e aux lieux saints dâAbraham afin dâalimenter sa tire-lire. Qui a dit que la nation du prophĂšte Ă©tait vouĂ©e Ă disparaĂźtre, ainsi quâil en avait Ă©tĂ© en Andalousie? (Ph. Trump apprend la danse de lâĂ©pĂ©e lors de sa premiĂšre visite en Arabie saoudite, en 2017. LâhospitalitĂ© et la gĂ©nĂ©rositĂ© des Arabes nâa pas de limite).
Dr Mounir Hanablia *
Lorsque jâĂ©tais Ă lâĂ©cole primaire, il Ă©tait communĂ©ment admis que lâIslam, qui Ă©tait arrivĂ© en Inde et aux confins de la Chine, nâavait dĂ» sa dĂ©chĂ©ance quâĂ deux facteurs: les Mongols Ă lâEst, et les Taifas en Andalousie, Ă lâOuest, qui sâĂ©taient alliĂ©s avec les chrĂ©tiens pour se combattre les uns les autres.
Nos maĂźtres avaient Ă©tĂ© lĂ pour entretenir nos convictions Ă ce sujet, fortement aidĂ©s par les romans Jorge Zaydan, et les victoires sur le ring de Mohamed Ali Clay. Il y avait eu la guerre de Juin 1967 lorsque lâun des instituteurs de 4e annĂ©e nous faisait Ă©couter sur son transistor les diatribes enflammĂ©es du palestinien Ahmed Choukairy, sur la Voix des Arabes, Ă©mettant du Caire. Qui nâavait pas cru Ă la victoire finale?
Quelques annĂ©es plus tard, en lisant un livre du journaliste Jacques Derogy **, jâavais appris quâen fait de guerre, il nây en avait pas eu puisque lâaviation Ă©gyptienne avait Ă©tĂ© clouĂ©e au sol dĂšs les premiĂšres heures et que les blindĂ©s privĂ©s de soutien aĂ©rien nâavaient eu aucune chance face Ă leurs ennemis. Il sâest avĂ©rĂ© que les choses nâavaient pas Ă©tĂ© ce quâon croyait.
Des mirages au dĂ©sert dâArabie
Nasser avait Ă©tĂ© entraĂźnĂ© sur un terrain glissant par les Syriens, sĂ©cessionnistes de la dĂ©funte RĂ©publique Arabe Unie, il faut le prĂ©ciser, et il sâĂ©tait placĂ© dans la position de lâagresseur sans avoir jamais eu lâintention dâattaquer, celle que ses adversaires voulaient quâil endosse, afin dâavoir le prĂ©texte adĂ©quat pour atteindre leur but, la destruction de lâarmĂ©e Ă©gyptienne et lâoccupation de la totalitĂ© du territoire palestinien.
Dans cette optique, de lâaveu mĂȘme des gĂ©nĂ©raux israĂ©liens, les sermons hystĂ©riques de Choukairy promettant de dormir Ă Tel Aviv, certains ont ajoutĂ© avec des femmes juives, avaient valu pour leur pays plus quâune division blindĂ©e.
On a prĂ©tendu que Bourguiba avait prĂ©venu du dĂ©sastre en 1965 mais que personne nâavait voulu lâĂ©couter. PrĂšs de 60 ans aprĂšs, le Golan a Ă©tĂ© annexĂ© et la Cisjordanie est en passe dâĂȘtre totalement colonisĂ©e, avec en perspective une expulsion massive des Palestiniens qui y rĂ©sident encore, faisant suite au gĂ©nocide en cours Ă Gaza pour lequel nul ne lĂšve le petit doigt, Ă commencer les Arabes.
Avant dâen arriver lĂ , il y avait eu la chute du mur de Berlin, la disparition de lâUnion SoviĂ©tique, suivie en 1991 par la premiĂšre Guerre du Golfe, lorsque la «troisiĂšme armĂ©e du monde», en occupant le KoweĂŻt, avait fait croire Ă la Rue Arabe, qui avait oubliĂ© sa leçon de 1967, et dont la fibre de Saladin avait de nouveau vibrĂ©.
En fait de guerre, cette fois non plus il nây en eut pas dans le sens souhaitĂ© par les foules. Comme toujours des bruits avaient circulĂ© relativement Ă des «signes», annonçant la victoire, comme ce cheveu quâinvariablement on dĂ©couvrait dans tout exemplaire du Coran. Ou bien encore ce hadith de Mohamed le prophĂšte sorti dâon ne sait oĂč annonçant lâarrivĂ©e dâun homme appelĂ© Sadem, et non pas Saddam, qui verrait se dresser contre lui une coalition rĂ©unissant les Arabes et Ajams, ce terme Ă©tant lâĂ©quivalent de goys chez les juifs, quâil les vaincrait, et quâaucun nâen rĂ©chapperait, «entre Ramadan et Rajeb, vous verrez de lui le prodige».
Au lieu de cela, lâarmĂ©e Irakienne fut enterrĂ©e sous les bombes amĂ©ricaines et seule la crainte par les Ătats du Golfe dâun pouvoir chiite infĂ©odĂ© Ă lâIran maintint Saddam en survie pendant 12 annĂ©es supplĂ©mentaires et la fiction dâun Ătat irakien.
On apprit plus tard quâune fois encore un ambassadeur amĂ©ricain, en lâoccurrence Avril Gillespie, avait jouĂ© un rĂŽle majeur dans le dĂ©clenchement de lâagression en assurant Saddam que son pays ne bougerait pas si lâIrak envahissait le KoweĂŻt, coupable de casser les prix du pĂ©trole dont il avait besoin pour sa reconstruction aprĂšs 9 annĂ©es de guerre contre lâIran.
La cinquiĂšme colonne
En 2001, il y eut lâassaut contre New York suivie de la grande guerre ouverte menĂ©e contre le monde musulman, qui dĂ©buta par lâoccupation de lâAfghanistan puis de lâIrak en 2003, et qui se prolongea Ă partir de 2011 par ce quâon a appelĂ© le Printemps Arabe, dont on prĂ©tendit que lâholocauste dâun petit marchand de lĂ©gumes de Sidi Bouzid en Tunisie, giflĂ© par une policiĂšre, fut lâĂ©tincelle. Puis les Ă©tranges personnages fĂ©rus dâIslam et de saintetĂ© qui rentrĂšrent du Londonistan accueillis comme le prophĂšte par le chant «la lune est apparue au-dessus de nous» prĂ©tendirent ĂȘtre revenus pour instaurer la dĂ©mocratie.
Des visionnaires tels que Hamma Hammami firent demander par les jeunes de leur parti une assemblĂ©e constituante, et BĂ©ji CaĂŻd Essebsi nâeut de rien plus pressĂ© que de lâaccorder, afin de prendre le temps de constituer le parti politique dont il Ă©tait dĂ©pourvu, et quâil sâempressa de saborder en accĂ©dant Ă la magistrature suprĂȘme.
Au lieu de six mois, il avait fallu prĂšs de quatre annĂ©es de palabres pour rĂ©diger la fameuse Constitution, dont on nous demanda de rester bien sages parce quâon nous en promettait monts et merveilles une fois «la transition» achevĂ©e; promis, jurĂ© !
Le quartet du Dialogue national (UGTT, Utica, LTDH et Conseil de lâordre des avocats) reçut mĂȘme le prix Nobel, pour nous rappeler que nous Ă©tions sur la bonne voie, au cas oĂč nous en aurions doutĂ©.
Entretemps le terrorisme avait fait florĂšs, il y a eu le Covid, et nous avons eu pour majoritĂ© parlementaire Rached Ghannouchi alliĂ© Ă Nabil Karoui et Saifeddine Makhlouf, dont le parti sâaffubla de lâĂ©pithĂšte «Dignité». Autrement dit, le Vieux de la Montagne Ă la tĂȘte des FrĂšres Internationaux de Qaradawi sâĂ©tait associĂ© aux FrĂšres Nationaux et Ă Silvio Berlusconi.
La dĂ©gradation concomitante de la situation Ă©conomique inquiĂ©ta suffisamment les bailleurs Ă©trangers soucieux de rentrer dans leurs fonds pour permettre la perpĂ©tuation dâune situation sans issue. On en vit prĂ©sentement les consĂ©quences.
AprĂšs le Covid il fallut bien que les Etats-Unis cherchassent Ă financer aux dĂ©pens du monde entier leur manque Ă gagner consĂ©cutif Ă la pandĂ©mie. Il y eut donc inĂ©vitablement la guerre en Ukraine puis Ă Gaza, dont on affubla opportunĂ©ment pour la circonstance les habitants du qualificatif de violeurs. Ce fut la rĂ©surrection des thĂšses de Choukairy, reprises cette fois par les sionistes et qui furent le prĂ©texte opportun justifiant le massacre des civils sur une grande Ă©chelle, et on Ă©tendit la fureur de destruction de YahvĂ© au Liban, abritant le Hezbollah coupable dâavoir vidĂ© de ses habitants le Nord dâIsraĂ«l par un tir continu de missiles et de drones durant plus dâune annĂ©e.
Bien que les Etats-Unis eussent Ă©tĂ© chassĂ©s ignominieusement dâAfghanistan, et dans une moindre mesure dâIrak, on pensait que la Maison de Muhammad sâĂ©croulait par pans entiers, surtout aprĂšs le dĂ©part peu glorieux de Bachar, lâĂ©vaporation de son armĂ©e travaillĂ©e par la cinquiĂšme colonne, lĂąchĂ©e par un Poutine occupĂ© ailleurs, et lâĂ©cartĂšlement de la Syrie en cantons dâobĂ©diences Daech turque, kurde amĂ©ricaine, et depuis peu, druze israĂ©lienne. NĂ©anmoins les thĂšses israĂ©liennes dâinviolabilitĂ© de la frontiĂšre ont volĂ© en Ă©clat, sous les missiles du Hezbollah, le double lĂącher de missiles iraniens, et la perpĂ©tuation des attaques des va nus pieds Houthi, qui mettent Ă mal autant la sĂ©curitĂ© de lâaĂ©roport de Tel Aviv, que lâorgueil sioniste.
Les AmĂ©ricains ont estimĂ© prĂ©fĂ©rable de sâaccommoder du porc-Ă©pic yĂ©mĂ©nite par un accord qui ne peut ĂȘtre que provisoire. Comme toujours, la foule arabe a considĂ©rĂ© cela comme une grande victoire militaire. Comme toujours, la suite a dĂ©montrĂ© que ce nâĂ©tait lĂ quâun mirage du dĂ©sert, un de plus. Trump est entrĂ© dans le Golfe par la grande porte, et il avait besoin de la menace yĂ©mĂ©nite, et plus encore iranienne, afin de gagner ses interlocuteurs Ă ses vues sonnantes et trĂ©buchantes. Mais pas seulement. Les IsraĂ©liens pensaient se tailler une zone de prospĂ©ritĂ© exclusive au Moyen-Orient sâĂ©tendant de lâOcĂ©an Indien Ă la MĂ©diterranĂ©e grĂące Ă un accord de paix avec les Taifas de la Mecque et du Golfe.
LâOncle Sam rafle la mise
Câest une telle Ă©ventualitĂ© que la guerre Ă Gaza a torpillĂ©e, Ă leurs dĂ©pens. Et on sâaperçoit Ă prĂ©sent que les AmĂ©ricains nâont jamais eu lâintention de partager leur chasse gardĂ©e du dĂ©sert dâArabie avec quiconque, et quâils ont mĂȘme fourni toute la logistique militaire et financiĂšre nĂ©cessaire pour laisser leur alliĂ© sioniste se fourvoyer dans une aventure sans issue, dont il ne sortira quâau prix dâune marge de manĆuvre des plus rĂ©duites. Le gĂ©nocide Ă Gaza aura un prix. Les rĂ©centes mesures contre lâĂtat dâIsraĂ«l, prises par le valet servile de lâoncle Sam, lâAngleterre, mĂȘme si elles ont plus une portĂ©e symbolique, sont significatives, Ă ce sujet. Y a-t-il eu une entente amĂ©ricano-iranienne dĂšs le dĂ©but? On peut se le demander. Cela expliquerait dans une large mesure la hardiesse des dirigeants persans piquant le museau de la bĂȘte sioniste au nez, et dans le mĂȘme temps, prenant bien soin de prĂ©venir de leurs ripostes.
Dans ce grand jeu, Bachar Al-Assad et Hassan Nasrallah auront Ă©tĂ© des piĂšces quâon aura sacrifiĂ©es pour la grandeur de lâIran, lui assurant une place Ă la table des nĂ©gociations.
Quant Ă Trump, aprĂšs son tour du propriĂ©taire au Golfe, il est rentrĂ© avec dans son escarcelle les pertes amĂ©ricaines occasionnĂ©es par le Covid, auquel il aura pris soin dâajouter lâaide militaire accordĂ©e Ă lâUkraine, ainsi quâau gĂ©nocidaire des Palestiniens perpĂ©trĂ© par Netanyahu Ă Gaza.
LâOncle Sam serait bien entendu heureux que les Taifas et les Sionistes sâentendent, mais pas sur son dos. En attendant les foules de lâIslam continuent de se rendre chaque annĂ©e aux lieux saints dâAbraham afin dâalimenter sa tire-lire. Et le Pakistan, qui dispose de lâarme atomique, a de nouveau fait vibrer la fibre de Babur le conquĂ©rant de lâInde en abattant trois rafales français aux couleurs indiennes par le biais dâavions chinois dont personne nâa jamais entendu parler, dont sans doute le nom imprononçable leur vaut le qualificatif plus simple de J10.
Qui a dit que la nation du prophĂšte Ă©tait vouĂ©e Ă disparaĂźtre, ainsi quâil en avait Ă©tĂ© en Andalousie?
* Médecin de libre pratique.
** ââThe untold history of Israelââ de Jacques Derogy, Ă©d. Grove Press, 1er janvier 1979, 346 pages.
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