La plateforme égyptienne de thérapie en ligne Shezlong a lancé un assistant thérapeutique basé sur l’intelligence artificielle, avec pour objectif de transformer les soins en santé mentale. Cette innovation vise à fournir aux thérapeutes des analyses avancées et des insights approfondis sur l’état psychologique de leurs patients.
Fondée en 2014, Shezlong facilite la mise en relation entre patients et thérapeutes agréés via des consultations vidéo en ligne. Elle s’appuie notamment sur la thérapie cognitivo-comportementale pour aider les individus à mieux gérer le stress et l’anxiété.
Grâce à cet assistant intelligent, les professionnels de santé mentale bénéficient désormais d’outils d’analyse leur permettant de générer des rapports de traitement personnalisés, d’identifier les schémas émotionnels, de suivre l’évolution des patients au fil du temps et de renforcer la relation thérapeutique dans la durée, avec une clarté et une structure inédites.
Des essais menés sur des cas réels ont permis à Shezlong de valider l’efficacité de cette technologie dans un cadre clinique concret.
Le professeur Mohamed Elsheikh, directeur médical de Shezlong, déclare: «Nous pensons que l’élément humain reste au cœur du parcours thérapeutique de nos clients. Cette innovation donne des super-pouvoirs à nos thérapeutes pour enrichir l’expérience des praticiens comme des patients. Et nous le faisons avec de vrais patients, une vraie thérapie et un véritable engagement».
Ce développement intervient dans un contexte national préoccupant: selon l’Organisation mondiale de la santé, l’Égypte figure parmi les pays affichant les taux de dépression les plus élevés de la région Méditerranée orientale. Une étude menée par le ministère égyptien de la Santé et de la Population révèle qu’environ 5,7% de la population souffre de dépression, un chiffre nettement supérieur à la moyenne mondiale estimée à 4,4%.
En avril, l’Égypte a enregistré un taux d’inflation de 13,5 %, marquant une légère hausse par rapport aux 13,1 % constatés en mars, selon les chiffres publiés par l’Agence centrale pour la mobilisation publique et les statistiques. L’indice des prix à la consommation a atteint 253,8 points, traduisant une progression mensuelle de 1,3 %. Cette […]
«Le Liban est ce pays où les étrangers sont autant heureux d’arriver que de repartir», disait, dès en 1976, un chrétien cité par Robert Fisk dans son livre de mémoires ‘‘Night of Power : The betrayal of the Middle East’’. Il n’est pas déraisonnable de penser que ce constat s’applique à l’ensemble du Moyen-Orient et du monde arabe, devenu le cimetière autant de ses populations que des hallucinations occidentales et sionistes.
Dr Mounir Hanablia *
L’auteur synthétise dans cette œuvre testamentaire le constat désabusé issu de sa carrière de journaliste au Moyen-Orient.
Dans sa recherche du contrôle géostratégique d’une région vitale à la préservation de sa prééminence dans le monde, l’Occident (et la Russie) a soutenu militairement des régimes arabes corrompus et meurtriers, oblitéré l’avenir politique de leurs peuples, et préparé son intervention militaire, au nom de l’établissement de la démocratie et du respect des droits de l’homme. Le résultat, ou le moyen, en ont été la guerre civile, la dislocation des Etats, la destruction des villes et des campagnes, et le «terrorisme» islamiste.
Afin de s’assurer le soutien de sa population dans cette entreprise (néocoloniale) de grande ampleur, l’Occident use d’une rhétorique s’apparentant plus à un discours de propagande qu’à une information objective rapportant des faits, à laquelle les journalistes se plient sous peine pour les récalcitrants d’être exclus et de perdre leurs emplois. C’est cela qu’on appelle ailleurs la liberté de la presse.
Dans ce maelstrom, il n’y a factuellement ni bons ni mauvais. Les différents protagonistes usent des mêmes horreurs, qui sont à l’extrême celles que les Américains ont utilisées à Falloujah en Irak, les Israéliens à Gaza et au Sud Liban, Assad père et fils à Alep et à Hama, et Saddam au Kurdistan; et dont Sarkozy aurait empêché Kadhafi de faire usage à Benghazi afin d’empêcher «un autre Srebrenica», dixit Bernard Henry Levy.
Autrement dit, dans l’arc de cercle s’étendant des frontières de la Chine en Afghanistan jusqu’à l’Océan Atlantique au Maroc, les clans au pouvoir ont été au mieux répressifs, ne tolérant aucune opposition, au pire, terroristes, semblables aux pires colonialistes américains et israéliens. Mais ces derniers se sont réservé le beau rôle. A la différence de leurs adversaires, leurs gouvernements sont issus d’élections démocratiques et prétendent à ce titre lutter pour la liberté et les droits de l’Homme contre le terrorisme, d’Etat ou islamiste, qu’ils ont eux-mêmes contribué à légitimer par leurs politiques meurtrières (embargo contre l’Irak des années 90), quand ils ne l’ont pas eux-mêmes créé de toutes pièces ou soutenu, directement, ou par le biais de leurs alliés (Turquie).
Il restait à faire la distinction, digne de Tony Blair, l’ex-Premier ministre britannique, ou de Barak Obama, parmi les bourreaux et les tortionnaires qui n’ont pas détruit leurs propres villes, entre les bons, ceux qui torturent et assassinent mais uniquement dans les locaux de leur police politique dirigée par des Britanniques et des Américains (Bahreïn); les moins bons, comme le maréchal Sissi qui quoique féal de l’Occident fait tirer dans le tas sur la foule à Rabaa devant les caméras des journalistes du monde entier; et les mauvais, comme Kadhafi, qui après être devenu bon pour avoir démantelé son programme nucléaire et chimique, a mérité d’être tué comme un chien, ou encore les Iraniens, qui tuent les femmes et les hommes indifféremment dans la rue ou à l’abri des regards dans leurs sinistres geôles, mais qui ont surtout le tort de soutenir Bachar, le Hezbollah, les Chiites irakiens, et ces mêmes Houthis qui ces jours derniers, et l’auteur n’a pas vécu assez longtemps pour le voir, constituent désormais un défi stratégique majeur pour l’Etat d’Israël grâce aux missiles iraniens en leur possession, après que Donald Trump s’y soit cassé les dents.
Ainsi, le tort des Iraniens, ce n’est pas d’avoir les mains ensanglantées, mais de s’opposer à l’entreprise américano-israélienne, et d’avoir les moyens de le faire, du moins jusqu’à un certain point.
Pour tout résumer, les civilisés sont ceux qui tuent les autres, les sauvages exterminant leurs propres peuples. Et parmi ces derniers, il y aurait, selon l’expression de Franklin Roosevelt, «our sons of b….», ceux de l’Occident, et les autres.
Le dernier chapitre du livre, édifiant, a trait à la Syrie, dont l’auteur, s’étant fixé au Liban, fait naturellement une obsession, jusqu’à soulever la question de la survie du régime de Bachar, assurée selon lui pendant au moins quelques années. Son pronostic se révélera juste. Seul le repli russe imposé par les revers essuyés dans le conflit ukrainien ont conduit à l’effondrement de l’armée syrienne, si on peut appeler cette dernière ainsi, et à la conquête de Damas par les membres de Jibhat Ennosra, autrement dit Daech et Al-Qaida «United», armés, financés, et opérant pour le compte d’Erdogan et de la Turquie.
Robert Fisk qui estimait le démembrement de la Syrie, déjà amputée du Liban, d’Alexandrette, et du Kurdistan syrien (Haut Euphrate), comme une conséquence de la politique des puissances impérialistes depuis l’accord Sykes-Picot de 1916, se demandait si le pays survivrait à la chute du clan Assad. Il n’avait pas prévu que la guerre entre les Etats-Unis et l’Iran par Israël et le Hezbollah interposés en serait la cause. Mais qui l’aurait imaginé ?
Abstraction faite de l’avenir obéré du Moyen-Orient (et du Maghreb), que le pessimisme malheureusement raisonné de l’auteur met en évidence, il reste à se remémorer le commentaire ironique de ce chrétien qui en 1976 lors de l’arrivée au Liban de l’armée syrienne, et répété en 2005, près de 30 ans après, lors de son évacuation contrainte et forcée après l’assassinat de Rafik El-Hariri: «Le Liban est ce pays où les étrangers sont autant heureux d’arriver que de repartir».
En fait, après l’évacuation américaine de Beyrouth en 1983, d’Afghanistan, et dans une certaine mesure, d’Irak, il n’est pas déraisonnable de penser que ce constat anecdotique s’applique à l’ensemble du Moyen-Orient et du monde arabe, devenu le cimetière autant de ses populations que des hallucinations occidentales et sionistes.
* Médecin de libre pratique.
‘‘Night of Power: The Betrayal of the Middle East’’, de Robert Fisk, éd. Fourth Estate, 8 octobre 2024, 672 pages.
Le président russe Vladimir Poutine a souligné les liens tissés en temps de guerre et la forte croissance des échanges commerciaux lors d’une rencontre avec le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi au Kremlin, vendredi 9 mai. Il décrit le pays comme l’un des « partenaires clés de Moscou en Afrique ».
La délégation égyptienne est arrivée à Moscou pour participer aux autres festivités marquant le 80e anniversaire de la victoire de l’Union soviétique sur l’Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Après le défilé, les dirigeants russe et égyptien ont tenu une réunion bilatérale.
« Nous sommes sincèrement heureux de vous accueillir tous à Moscou », a déclaré Poutine. Il a rappelé le rôle de l’Égypte comme base stratégique pour les alliés de l’URSS en Afrique du Nord pendant la guerre et a souligné que Le Caire avait officiellement rejoint la coalition anti-Axe.
Poutine a rappelé que l’Égypte avait rejoint les BRICS en 2024, et que le commerce bilatéral avait augmenté de plus de 30% à la fin de l’année, atteignant 9 milliards de dollars. Il a ajouté que le commerce avait encore augmenté de 80% au cours des deux premiers mois de cette année.
Le président Abdel Fattah al-Sissi a répondu que c’était un grand honneur de participer aux événements commémoratifs et a félicité la Russie à l’occasion de l’anniversaire de sa victoire sur l’Allemagne nazie.
Al-Sissi est l’un des sept chefs d’État africains qui ont assisté au défilé du Jour de la Victoire à Moscou le 9 mai. Selon des responsables du Kremlin, le président Poutine devrait tenir des réunions bilatérales avec les dirigeants de quatre pays africains : le Congo, le Zimbabwe, le Burkina Faso et la Guinée-Bissau.
Le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Mondher Belaïd, a reçu ce vendredi, au siège du département, une délégation de responsables égyptiens chargés de l’innovation, de l’intelligence artificielle et de la recherche scientifique, de la coopération et de l’enseignement supérieur.
Selon un communiqué du département, l’entretien a porté sur les moyens de renforcer la coopération bilatérale notamment dans le cadre de la mise en œuvre de l’accord-cadre de partenariat dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique signé à Tunis le 13 mai 2022 entre la Tunisie et l’Égypte.
Les responsables ont aussi discuté des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche scientifique des deux pays évoquant les principaux indicateurs de performance, ainsi que les moyens de développer la coopération bilatérale.
Ils ont, en outre, abordé le lancement, en octobre 2025, du sixième appel à projets pour le financement de projets conjoints de recherche et d’innovation dans des domaines d’intérêt commun tels que les changements climatiques, la protection de l’environnement, l’intelligence artificielle et la transformation numérique.
A noter que l’entretien fait suite aux travaux de la commission mixte tuniso-égyptienne dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, qui s’est tenue hier jeudi au siège du ministère.
Lors des travaux de cette commission mixte, il a été convenu, d’organiser deux ateliers pour l’échange d’expertises entre les deux pays, portant notamment sur l’expérience tunisienne dans la gestion du programme “Horizon Europe” et la formation des points de contact, ainsi que sur l’expérience égyptienne en matière de soutien à l’entrepreneuriat et à la création de startups au sein des universités.
L’économie du secteur privé non pétrolier en Égypte a connu une nouvelle contraction en avril, sous l’effet d’une baisse de la demande tant intérieure qu’étrangère, ce qui a entraîné une diminution des nouvelles commandes et de la production pour le deuxième mois consécutif, selon une enquête publiée mardi.
L’indice PMI de S&P Global pour l’Égypte est passé de 49,2 en mars à 48,5 en avril, atteignant son niveau le plus bas depuis le début de l’année 2025. Un score inférieur à 50 signale une contraction de l’activité, tandis qu’un score supérieur indique une expansion, rapporte Reuters.
David Owen, économiste principal chez S&P Global Market Intelligence, déclare : « L’activité économique s’est affaiblie pour le deuxième mois consécutif en avril, les entreprises signalant un ralentissement supplémentaire lié à la baisse des ventes. » Il ajoute que la faiblesse des marchés internationaux a pesé sur la confiance des entreprises et freiné les dépenses.
Bien que les coûts des intrants aient augmenté, principalement en raison d’une hausse de 15 % des prix du carburant, les entreprises ont maintenu leurs prix de vente inchangés, mettant ainsi fin à 56 mois consécutifs d’inflation. L’emploi et les achats ont également reculé, avec une réduction des effectifs pour le troisième mois d’affilée.
Les prix des intrants ont enregistré leur plus forte hausse en quatre mois, mais les prix de sortie sont restés stables, traduisant une pression modérée sur les coûts. Les entreprises restent prudemment optimistes quant à l’avenir, avec une confiance remontée à un plus haut de trois mois, bien qu’elle demeure en dessous des moyennes de long terme.
Les chaînes d’approvisionnement sont demeurées stables, sans changement dans les délais de livraison et avec une légère hausse des stocks. L’indice de la production a reculé à 47,4 contre 48,6, tandis que celui des nouvelles commandes a chuté à 47,24 contre 49,0.
Malgré le démenti mardi 6 mai de la Division générale des produits pétroliers de la Fédération des chambres de commerce d’Égypte sur la présence de carburant de qualité inférieure sur le marché, le gouvernement a agi rapidement, le ministère du Pétrole annonçant que tous les échantillons collectés et analysés étaient conformes aux spécifications.
Dans des déclarations récentes, Moataz Atef, chef du bureau technique et porte-parole officiel du ministère du Pétrole, a confirmé que tous les produits pétroliers, y compris l’essence commercialisée localement, sont soumis à des inspections et des tests périodiques rigoureux tout au long des différents processus de production et de distribution pour garantir leur conformité aux spécifications standard égyptiennes. Il a souligné que les plaintes sont ouvertes à tout citoyen qui a des doutes sur la sécurité du carburant.
D’ailleurs, il assure que des équipes d’inspection supplémentaires ont été dépêchées suite à des inquiétudes concernant la qualité de l’essence sur les marchés locaux. Tout confirmant que des échantillons d’essence ont été prélevés directement dans les stations-service à travers le pays.
« Les résultats des tests jusqu’à présent ont été cohérents avec tous les échantillons qui répondent aux spécifications standard égyptiennes, qu’ils proviennent des entrepôts des sociétés de distribution ou des raffineries productrices », a-t-il poursuivi. « Nous avons reçu des plaintes concernant un certain nombre de stations-service qui n’étaient pas incluses dans les échantillons que nous avons initialement collectés pour garantir la sécurité de l’essence ».
Des échantillons conformes au standard
Il a expliqué qu’« en réponse à ce qui a été observé, et suite aux résultats des analyses d’échantillons d’essence, commercialisés localement et prélevés indépendamment à travers le pays par des inspecteurs neutres d’organismes accrédités au niveau international, les résultats à ce jour ont montré que tous les échantillons sont conformes aux spécifications standard égyptiennes, qu’ils proviennent des entrepôts des sociétés de distribution ou des sociétés de raffinage productrices ».
La Division générale des produits pétroliers de la Fédération des chambres de commerce égyptiennes a démenti les rumeurs, confirmant qu’elle n’avait reçu aucune plainte concernant la distribution de carburant de qualité inférieure, ou ce que l’on appelle « essence frelatée ».
Le chef de la division, Hassan Nasr, a confirmé avoir tenu des réunions au cours des dernières heures avec des responsables de trois entreprises, qui ont confirmé que rien n’avait été fait à cet égard. Il a souligné la difficulté de la fraude au carburant, en particulier dans le Grand Caire.
Il est des voix qui traversent le temps et réveillent les peuples. Le 23 juillet 1952, à la radio du Caire, une voix annonça la fin d’un ordre ancien et le début d’un espoir nouveau. Derrière ce message, il y avait déjà l’âme et la volonté d’un homme appelé à incarner cette révolution : Gamal Abdel Nasser.
Khémaïs Gharbi *
Lorsqu’on entendit : «Redresse ta tête, citoyen arabe, tu es un homme libre dans un pays libre, convoité par les ennemis», ce n’était pas une simple harangue politique. C’était une déflagration dans l’âme de millions d’hommes et de femmes colonisés, humiliés, niés. En un instant, un souffle nouveau parcourut l’Afrique et l’Asie et même au-delà. Le sentiment d’être de nouveau un être digne, un peuple debout, traversa toutes les frontières coloniales.
L’histoire juge, mais n’oublie pas
On peut discuter les erreurs politiques, les échecs stratégiques, les dérives autoritaires du régime. Mais on ne peut balayer d’un revers de main ce que Nasser a donné : la fierté, la conscience et l’élan. Il fut l’un des premiers à hisser haut le drapeau de l’émancipation postcoloniale, à soutenir sans relâche les luttes de libération — de Tunis à Alger, de Léopoldville à Accra —, à porter au sommet de Bandung, avec Nehru, Tito et Sukarno, la voix des peuples longtemps tenus dans l’asservissement.
Réduire Nasser à la défaite de 1967, c’est méconnaître ce qu’il a incarné pour des millions de colonisés. Il fut, avec d’autres, l’un des fondateurs du mouvement des non-alignés, donnant une voix forte et digne a ce qu’on appelle aujourd’hui le Sud global. Il soutint concrètement les luttes de libération en Afrique, notamment en Algérie, en Tunisie, au Congo. Il osa nationaliser le canal de Suez, défiant les puissances coloniales et restaurant la fierté arabe. Bien sûr, son régime eut ses zones d’ombre, et ses rêves d’unité arabe échouèrent. Mais il reste une figure majeure de l’émancipation du XXe siècle. L’histoire se doit d’être équilibrée : elle juge, mais elle n’oublie pas.
La nationalisation du canal de Suez, en 1956, fut un acte de souveraineté inouï. Il défia les empires déclinants, fit vaciller les certitudes de l’Occident impérial. C’est cela aussi, Nasser : la rupture avec la résignation, le refus de l’humiliation, la construction d’un avenir arabe autonome.
Or voilà que certains aujourd’hui, en toute légèreté, ne retiennent que la défaite militaire. Ils oublient, ou feignent d’oublier, que l’histoire des peuples ne se résume pas à une bataille perdue, mais à ce qu’elle inspire de durable : une conscience collective, une mémoire partagée, une fierté rendue. S’attaquer à la mémoire de Nasser, précisément maintenant, à l’heure où l’idéal panarabe est si fragilisé, c’est comme vouloir donner le coup de grâce à ce qui nous reste de lien, d’horizon, de souffle commun.
Non, ce n’est pas de la nostalgie. C’est de la mémoire juste. C’est le refus de l’ingratitude et de l’amnésie. Et c’est surtout un hommage à ce moment rare dans l’histoire où une voix arabe, forte et claire, nous a dit : redresse-toi, tu es libre. Cette phrase, pour ceux qui l’ont entendue, n’a pas de prix.
Des hommes que l’Histoire ne quitte jamais
Quant à moi, je n’oublierai jamais ce mercredi 23 juillet 1952. J’avais huit ans. Cet après-midi-là, en rentrant de l’école, nous étions nombreux à avoir redressé la tête — pour de bon. Pour la première fois, nous nous sommes sentis pleinement chez nous, dans notre pays, pourtant encore sous occupation française… mais plus pour longtemps.
Il est des hommes que l’Histoire ne quitte jamais. Leur grandeur ne réside pas seulement dans les victoires militaires ou les accomplissements tangibles, mais dans ce qu’ils ont fait naître dans le cœur des peuples. La France continue d’honorer Napoléon, malgré ses défaites, parce qu’il a incarné une ambition, un souffle, une époque. De même, pour le monde arabe, Gamal Abdel Nasser reste cette figure immense, inoubliable, dont la parole et le geste ont éveillé une dignité trop longtemps niée. Ce n’est pas l’homme parfait que les peuples retiennent, mais celui qui a su incarner leur espoir, leur lutte, leur rêve d’émancipation. Et c’est ainsi que les géants deviennent immortels.
Le journaliste tunisien Mohamed Mamoun Abassi vient de publier un essai historique intitulé ‘‘La Ligue des États Arabes à Tunis (1979-1990)’’, à l’occasion du 80e anniversaire de la fondation de cette organisation panarabe, le 22 mars 1945), et 46e anniversaire de l’adoption de la résolution relative au transfert de son siège du Caire à Tunis.
C’était lors de la session extraordinaire du Conseil de la Ligue, réunie au niveau des ministres arabes des affaires étrangères et de l’économie, à Bagdad, en mars 1979, et ce en application de la recommandation du IXe Sommet Arabe, tenu en novembre 1978 dans la capitale irakienne, après la signature de l’accord de paix entre l’Égypte et Israël.
Ancien rédacteur en chef à l’Agence Tunis Afrique Presse (Tap), et ancien attaché de presse (1979 -1990), au cabinet du secrétaire général de la Ligue Arabe, feu Chédli Klibi, Mohamed Mamoun Abassi maîtrise bien son sujet.
Cet ouvrage de 200 pages en format moyen, publié à Tunis aux Editions Santillana, est, comme le souligne l’auteur, «une contribution à la préservation de la mémoire d’une étape de l’action arabe commune qui s’est poursuivie durant dix ans (1979-1990».
Il s’agit d’un travail essentiellement documentaire dont la finalité n’est point d’évaluer l’action menée par la Ligue Arabe, au cours de cette étape, tâche, que l’auteur considère être du ressort des historiens.
Il convient de rappeler que dans un premier livre, paru en février 2024, sous le titre ‘‘Itinéraire d’un journaliste à l’Agence Tunis Afrique Presse (TAP) et à la
Ligue des États Arabes’’, Mohamed Mamoun Abassi avait passé en revue certains aspects de l’action arabe commune, au sein de la Ligue Arabe durant l’étape de Tunis, en mettant l’accent, notamment, sur sa mission en tant qu’attaché de presse consistant à assurer la couverture médiatique des activités de l’organisation, avec ses différentes structures.
Dans ce nouveau livre, l’auteur revient sur différents aspects de l’action arabe commune dont il a été témoin au cours de cette décennie. Il précise, également, que «l’une des motivations de la publication de ce livre était, en particulier, le constat selon lequel la bibliothèque arabe manque d’ouvrages traitant de la période tunisienne de l’histoire de l’action arabe commune en général, et de la Ligue arabe, en particulier».
Le livre contient des photos et des documents liés à cette étape, ainsi qu’un aperçu des contextes arabes, régionaux et internationaux, qui ont caractérisé cette période. On y trouve, également, les listes des noms des divers acteurs de cette période, notamment, des personnalités éminentes, des experts, des journalistes et autres personnes plus ou moins connues, qui ont contribué, chacun selon ses attributions et sa fonction, à l’action arabe commune au cours de la période en étudiée.
Quelques semaines avant sa mort, l’ancien président égyptien Gamal Abdel Nasser donnait à Mouammar Kadhafi, qui venait d’accéder au pouvoir en Libye, une leçon de realpolitik aux tonalités bourguibiennes. Trop peu et déjà trop tard !
Mohamed Sadok Lejri
Dans cet enregistrement audio qui date de 1970, une vidéo publiée il y a quelques jours et devenue virale sur internet, Gamal Abdel Nasser se plaint auprès de Kadhafi sur un ton défaitiste, voire vaincu, du désengagement des pays arabes dans la lutte contre Israël. Les dirigeants arabes qui voulaient encore en découdre avec Israël ne faisaient que fanfaronner ; ils ne produisaient que de la pollution sonore.
Le président égyptien était dans une impasse et vivait un moment de doute et de grande vulnérabilité. Il faut dire que pendant plusieurs années, et plus précisément jusqu’à la défaite de 1967, il a tenté d’exercer un leadership exclusif dans le monde arabe de façon à apparaître comme le maître incontesté de ses destinées. Sa volonté d’hégémonie, son outrecuidance et son orgueil démesuré l’ont poussé à s’ériger en leader de l’Unité arabe et à se croire investi d’une mission historique pour réaliser cette unité.
Nasser s’était fait un point d’honneur d’unir et d’unifier les objectifs des peuples arabes et de répondre à leurs aspirations telles que la libération de la Palestine. L’alignement automatique sur sa politique jusqu’au-boutiste et l’infaillible allégeance aux dogmes du nationalisme arabe étaient nécessaires pour s’accorder les faveurs des panarabistes.
Ceux qui s’inscrivaient en faux contre les articles de foi de l’Eglise Nassérienne et tentaient d’échapper à son emprise, même parmi les dirigeants des autres pays arabes comme Bourguiba, étaient considérés comme des traîtres à la Nation arabe et des agents du colonialisme. Le refus d’allégeance de Bourguiba à Abdel Nasser a valu au premier un flot d’injures dont il s’est quotidiennement abreuvé pendant plusieurs années.
L’on peut en déduire en écoutant cet enregistrement qu’il a fallu passer par l’humiliation de 1967 pour que Nasser se mette à prononcer des discours aux accents particulièrement bourguibiens, c’est-à-dire pensés dans un esprit rationnel, pragmatique et lucide, loin de toute mégalomanie pharaonique et de tout dogmatisme. Mais il était déjà trop tard ! D’ailleurs, Nasser mourra quelques semaines après cet échange pathétique avec Kadhafi.