La dĂ©cision surprise de Donald Trump dâaugmenter considĂ©rablement les droits de douane sur tous les produits importĂ©s de tous les pays, quâils soient amis ou pas, marque la fin dâune Ăšre et lâentrĂ©e du monde dans une zone de fortes turbulences dont personne ne peut prĂ©voir lâissue. Lâauteur, Ă©conomiste de formation, navigue dans cet article entre lâĂ©conomie, la gĂ©opolitique et mĂȘme la psychologie des principaux acteurs, en particulier Donald Trump pour les Etats-Unis et Kais SaĂŻed pour la Tunisie, pour estimer les risques et les enjeux pour notre Ă©conomie dĂ©jĂ si fragile et proposer une stratĂ©gie de riposte Ă la guerre Ă©conomique mondiale dĂ©clenchĂ©e au nom du slogan «America First».
Dr. Sadok Zerelli
Je ne suis pas particuliĂšrement superstitieux et je ne crois pas tellement aux symboliques tels que porte-bonheur ou porte-malheur, mais je ne peux pas mâempĂȘcher de relever la coĂŻncidence entre la premiĂšre Ă©lection de Kais SaĂŻed en 2019 et lâarrivĂ©e du Covid 19 en 2019/2020 qui a constituĂ© le premier choc extĂ©rieur qui a frappĂ© de plein fouet lâĂ©conomie tunisienne, suivi en 2022 par un deuxiĂšme choc extĂ©rieur constituĂ© par la flambĂ©e des prix du pĂ©trole et des matiĂšres premiĂšres suite au dĂ©clenchement de la guerre en Ukraine et maintenant un troisiĂšme choc extĂ©rieur auquel personne ne sâattendait non plus constituĂ© par la guerre Ă©conomique que Trump a dĂ©clenchĂ© contre le reste du monde, y compris la Tunisie.
Je nâirais pas jusquâĂ dire que lâĂ©lection de Kais SaĂŻed comme PrĂ©sident de la RĂ©publique a portĂ© malheur Ă la Tunisie, mais je dirais que les vents ne lui sont pas favorables et que le conjoncture nâa pas votĂ© pour lui.
Contrairement aux deux premiers chocs extĂ©rieurs qui ont fait beaucoup de mal Ă lâĂ©conomie tunisienne, mais qui ont Ă©tĂ© relativement rapidement circonscrits, ce troisiĂšme choc me semble ĂȘtre plus dĂ©vastateur, plus durable et plus difficile Ă maĂźtriser non seulement pour notre pays mais aussi pour lâensemble de la communautĂ© internationale.
LâHistoire retiendra que le 2 avril 2025, le jour de lâannonce par Trump de la guerre des droits de douane, le monde a basculĂ© du systĂšme Ă©conomique et politique mis en place en 1945 Ă Yalta et Ă Bretton Woods aprĂšs la fin de la deuxiĂšme guerre mondiale, il y a 70 ans, vers un nouveau systĂšme dont personne, y compris Trump lui-mĂȘme, ne peut prĂ©voir les consĂ©quences et lâissue finale, avec le risque accru de dĂ©clanchement dâune troisiĂšme guerre mondiale qui signifiera la fin de lâhumanitĂ©.et de la vie sur terre.
Dans le prĂ©sent article, je vais essayer de me limiter Ă analyser les retombĂ©es directes et indirectes possibles de la dĂ©cision de Trump sur lâĂ©conomie de la Tunisie et esquisser les grandes lignes dâune riposte possible de Kais SaĂŻed pour limiter les dĂ©gĂąts sur notre Ă©conomie qui est si fragile et malade de ses propres dĂ©sĂ©quilibres structurels (faible croissance Ă©conomique, chĂŽmage Ă©levĂ©, budget et balance commerciale largement dĂ©ficitaires, endettement extĂ©rieur de moins en moins tenable, inflation encore Ă©levĂ©e malgrĂ© les modestes progrĂšs enregistrĂ©sâŠ)
Un cyclone nommé Trump
Pour le titre de cet article, jâavais lâembarras du choix entre plusieurs termes tous aussi apocalyptiques les uns que les autres : cyclone, tornade, tremblement de terre, tsunamiâŠ
Ce qui est certain, de mon point de vue dâĂ©conomiste, est que la date du mercredi 2 avril 2025, Ă laquelle Trump a annoncĂ© ses dĂ©cisions (le moratoire de 90 jours quâil a accordĂ© nâest quâun sursis et une manĆuvre tactique destinĂ©e Ă arracher Ă tous les pays pris un Ă un le maximum de concessions en faveur des Etats-Unis) restera dans les annales de lâHistoire et sera enseignĂ©e Ă nos petits enfants au mĂȘme titre que la date du jeudi 24 octobre 1929, le jour oĂč, suite Ă une dĂ©cision similaire dâaugmenter les droits de douane de 40% sur les produits agricoles Ă©largie par la suite par le CongrĂšs Ă tous les produits (Loi Hawley-Smoot),la panique a Ă©clatĂ© Ă la Bourse de New York (Wall Street), provoquant un effondrement des cours boursiers, la faillite de centaines de milliers dâentreprises et une hyperinflation. Le chĂŽmage massif quâelle a engendrĂ© notamment en Allemagne a permis Ă Hitler dâaccĂ©der au pouvoir ce qui sâest traduit par le dĂ©clenchement de la deuxiĂšme guerre mondiale qui a fait 50 millions de morts des deux cĂŽtĂ©s.
Sur le plan Ă©conomique, elle sâest traduite par la fin du systĂšme monĂ©taire international de lâĂ©talon-or (toutes les monnaies sont dĂ©finies par rapport Ă la quantitĂ© dâor monĂ©taire dĂ©tenue par leurs banques centrales) et Ă la mise en place dâinstances internationales telles que le Fonds monĂ©taire internationale, la Banque Mondiale, les Nations unies, lâOrganisation mondiale du commerce, lâOrganisation mondiale de la santĂ©âŠ
Mon pressentiment est que lâensemble de ce systĂšme international, caractĂ©risĂ© par la domination tant politique quâĂ©conomique des Etats-Unis, notamment par le biais du dollar en tant que seule monnaie convertible en or (selon un taux de change fixe de 1 once dâor vaut 36 dollars) et seul moyen de paiement des transactions internationales, va disparaĂźtre Ă plus ou moins brĂšve Ă©chĂ©ance.
Par quoi serait-il remplacĂ©? Dieu seul le sait et aucun expert aussi chevronnĂ© soit-il, y compris Trump lui-mĂȘme, ne peut le prĂ©voir et on devrait sâestimer heureux sâil ne se terminera pas par une troisiĂšme guerre mondiale qui, Ă lâheure des missiles hypersoniques et dâautres armes de destruction massive, effacera toute trace de lâhumanitĂ© sur terre.
Le personnage de Trump
Compte tenu du systÚme américain hyper-présidentiel et de la concentration du pouvoir exécutif entre les mains de Trump sans réelle opposition, son parcours, sa personnalité et sa psychologie influeront ses décisions et donc le sort du monde.
A ce sujet, il ne faut pas oublier que Trump est avant tout un homme dâaffaires qui, parti dâun modeste capital immobilier hĂ©ritĂ© de son pĂšre (il a commencĂ© sa vie professionnelle en tant quâagent de recouvrement des loyers des appartements louĂ©s par son pĂšre) a pu construire un empire immobilier et devenir multimillionnaire grĂące Ă son intelligence, sa ruse et sa capacitĂ© de nĂ©gociation (deal).
Son annonce de droits de douane massifs pour tous les pays du monde et le moratoire tactique de 90 jours quâil vient de leurs accorder afin de les diviser et de nĂ©gocier sĂ©parĂ©ment avec chacun dâeux pour leur arracher le maximum dâavantages pour les Etats-Unis prouve que câest un redoutable joueur au poker menteur.
Il ne faut pas oublier aussi quâil a su sâallier tous les patrons de la high tech de la Silicon Valley qui ont rĂ©ussi comme lui Ă devenir des billionnaires grĂące Ă leur gĂ©nie et leur succĂšs dans les affaires, en particulier Elon Musk Ă qui il voue une admiration sans borgne et qui est parti de lâAfrique du Sud avec 2000 dinars en poche, a Ă©migrĂ© au Canada puis aux Etats-Unis pour fonder Space X, Neurolink, Tesla, XAI, etc., et devenir ainsi lâhomme le plus visionnaire et le plus riche du monde.
Enfin, il ne faut pas oublier non plus que Trump est conscient de la puissance militaire de son pays (750 bases militaires rĂ©parties sur plus de 80 pays dans le monde) et Ă©conomique (24% du PIB mondial), les deux piliers sur lesquels repose son slogan Maga (Make America Great Again) quâil compte bien tenir, car il faut bien lui reconnaĂźtre la qualitĂ© de dire ce quâil pense et de faire ce quâil dit.
La nouvelle stratégie économique américaine
La stratĂ©gie Ă©conomique de Trump repose sur trois axes qui sont, du moins sur le plan de la thĂ©orie Ă©conomique, complĂ©mentaires et dont il nâa dĂ©voilĂ© pour le moment quâun seul :
â une augmentation massive des droits de douane sur toutes les importations aux Etats-Unis;
â une baisse massive des impĂŽts;
â lâutilisation de lâarme du dollar.
La premiÚre arme vise à réduire le déficit commercial record des Etats-Unis (1 212 milliards de dollars en 2024) en imposant des droits de douane massifs sur toutes les importations, y compris des pays amis et alliés (Canada, Union européenne, Royaume-Uni, Japon, etc.). Elle permettra non seulement de protéger les producteurs américains de la concurrence extérieure, mais aussi de renflouer le budget américain par des recettes supplémentaires considérables et estimées à plus de 6000 milliards de dollars pour les seules trois prochaines années.
La deuxiĂšme arme vise Ă compenser la baisse du pouvoir dâachat des AmĂ©ricains qui ne manquera pas de se produire suite aux mesures de rĂ©torsions que les autres pays ont commencĂ© Ă prendre. Cette mesure sera rendue possible grĂące aux recettes gĂ©nĂ©rĂ©es par lâaugmentation des droits de douane.
La troisiĂšme arme est la baisse de la valeur du dollar pour encourager les exportations amĂ©ricaines malgrĂ© les nouveaux droits de douane imposĂ©s par les autres pays. Il a dĂ©jĂ lancĂ© plusieurs appels Ă la Fed (banque centrale amĂ©ricaine) pour quâelle baisse son taux directeur dâencore 25 points alors quâelle lâa dĂ©jĂ fait Ă deux reprises. Un des effets de cette politique monĂ©taire accommodante est la baisse des taux dâintĂ©rĂȘt, lâaugmentation de lâinflation et donc lâĂ©rosion de lâĂ©norme dette publique amĂ©ricaine vis-Ă -vis du reste du monde (130% du PIB), quâil propose de rembourser par des obligations Ă 100 ans ou mĂȘme perpĂ©tuelles. Autant dire quâil ne compte pas la rembourser, tout comme Nixon a refusĂ© en 1971 la conversion en or des dollars dĂ©tenus par la Banque de France Ă la demande de Charles De Gaulle, mettant ainsi fin unilatĂ©ralement au systĂšme monĂ©taire international mis en place en 1944 Ă Bretton Woods.
Trump peut il gagner ?
Sur le papier oui mais en pratique rien nâest moins sĂ»r.
En effet, les mesures protectionnistes quâil a dĂ©cidĂ© de mettre en place et celles que prendrons immanquablement les autres pays en reprĂ©sailles vont se traduire par une baisse des Ă©changes internationaux, un accroissement des prix Ă la consommation et donc de lâinflation avec Ă lâhorizon un crash boursier et un chĂŽmage massif, y compris aux Etats-Unis mĂȘmes, comme en 1929, et ceci tant pour des raisons thĂ©oriques que gĂ©opolitiques.
Sur le plan de la thĂ©orie Ă©conomique, un cĂ©lĂšbre Ă©conomiste nĂ©oclassique du dĂ©but du XIXe siĂšcle, David Ricardo, a dĂ©veloppĂ© une loi qui porte son nom et qui sâappelle «la loi des avantages comparatifs», qui explique clairement pourquoi deux pays, mĂȘme si lâun dâeux est plus productif dans tous les domaines, ont intĂ©rĂȘt Ă se spĂ©cialiser dans la production des biens pour lesquels ils disposent dâun avantage non pas absolu mais comparatif et les Ă©changer. Le contraire, sâenfermer et vouloir produire tous les biens dont la population locale a besoin, mĂȘme ceux que dâautres pays peuvent produire Ă un moindre coĂ»t, se traduit par une baisse du niveau de vie de la population de tous les pays.
Sur le plan de la gĂ©opolitique, il est clair que la Chine, avec ses 1,4, milliards dâhabitants et son Ă©conomie qui est la deuxiĂšme du monde (17% du PIB mondial), constitue une force Ă©conomique capable de dĂ©jouer les plans de Trump. Cela est dâautant plus vrai si on tient compte quâelle est membre fondateur des Brics qui incluent quatre autres pays (Russie, Inde, BrĂ©sil, et Afrique du Sud) qui ont Ă©tĂ© rejoints en janvier 2024 par cinq autres (Egypte. Ethiopie, Iran, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis) pour constituer les Brics+, qui ensemble constituent 40,4% du PIB mondial et 51% de la population de la planĂšte, plus mĂȘme que celle des pays du G7 rĂ©unis
Avec leur sagesse et leurs civilisations millĂ©naires, ils seront Ă mon avis bien capables de vaincre celles des cow-boys amĂ©ricains qui ne datent que de quelques siĂšcles. Dâailleurs, alors que selon Trump, les dirigeants de 75 pays lâont dĂ©jĂ appelĂ© pour le supplier de baisser les taux de droits de douane quâil leur a imposĂ©s et seraient mĂȘme disposĂ©s à «lui lĂ©cher le cul» selon son expression vulgaire, seule la Chine ne lâa pas fait et continue Ă rĂ©torquer au coup par coup en portant mĂȘme jusquâĂ 125% les droits de douane sur les produits amĂ©ricains contre les 145% imposĂ©s jusquâĂ maintenant par Trump.
En plus, les Chinois ont eu lâintelligence dâexonĂ©rer par la mĂȘme occasion 34 pays africains de tous droits de douane afin de pouvoir exporter davantage et contourner ainsi les barriĂšres de douane imposĂ©s par Trump, parallĂšlement Ă une dĂ©valuation du renminbi, leur monnaie nationale, pour booster leurs exportations.
Le match Donald Trump/Kais SaĂŻed
Dans cette guerre Ă©conomique mondiale que Trump a dĂ©clenchĂ©e, au nom du slogan Maga, dont les retombĂ©es en termes de risque de rĂ©cession Ă©conomique et dâinflation toucheront tous les pays, que peut faire la petite Tunisie et son PrĂ©sident Kais SaĂŻed?
Pour rĂ©pondre Ă cette question, il faut Ă mon avis prendre en compte le profil et personnalitĂ© de chacun des combattants (car il sâagit bien dâun combat), avant mĂȘme une analyse Ă©conomique objective et quantitative des enjeux et des rapports de force.
Face Ă un Trump, qui a non seulement fait ses preuves et rĂ©ussit dans le monde impitoyable des affaires new yorkais, mais qui est aussi diplĂŽmĂ© de la Warthon School, une des universitĂ©s les plus prestigieuses en management et finance, et Bachelor of Sciences (BS) en Ă©conomie et en finance internationale (1968), notre PrĂ©sident est juriste de formation, mĂȘme pas en droit des affaires oĂč on apprend un peu dâĂ©conomie et de finance, mais en droit constitutionnel, une discipline quâon peut apprendre de A Ă Z et enseigner durant toute sa vie sans avoir Ă faire une seule opĂ©ration arithmĂ©tique dâaddition ou de soustraction (il lui est arrivĂ© mĂȘme dans ses discours de confondre entre les millions et les milliards!)
Autant dire quâil nây a pas photo, comme disent les jeunes.
MalgrĂ© ces diffĂ©rences notaires, je distingue personnellement quelques similitudes entre les deux prĂ©sidents car, quelquefois, les extrĂȘmes se rejoignent.
Comme tous les discours de Trump sont axĂ©s sur le slogan «America First», je dĂ©cĂšle un slogan «Tunisia First» dans tous les discours de notre PrĂ©sident quâil exprime Ă sa maniĂšre par le slogan «Le peuple veut».
Les deux sont des super-prĂ©sidents et disposent dâun pouvoir exĂ©cutif presque sans opposition quâils exercent par dĂ©cret (Trump en a pris 117 en moins de trois mois).
Enfin, les deux prĂ©sidents pensent quâils ont reçu une mission divine pour sauver leurs pays respectifs.
Mais la comparaison sâarrĂȘte lĂ car les cartes entre les mains de chacun dâeux sont trĂšs inĂ©gales au point quâon peut parler, pour reprendre la mĂ©taphore de notre PrĂ©sident devant le « Sommet pour un nouveau pacte financier mondial » organisĂ© en juin 2023 en France, que câest un combat entre Hardy (le plus gros) et Laurel (le plus petit), dont lâissue ne peut pas faire de doute. Ce pronostic se confirme par lâanalyse quantitative des Ă©changes entre la Tunisie et les Etats-Unis.
Le commerce extérieur de la Tunisie avec les Etats-Unis
Heureusement que les Etats-Unis ne sont que le 10e partenaire commercial de la Tunisie et que le total de nos échanges avec ce pays ne représente que 3% du total de notre commerce extérieur.
En 2024, les exportations de la Tunisie ont représenté 2,013 milliards de dinars, les importations 1,797, soit un excédent commercial au faveur de la Tunisie de 215,8 millions de dinars.
Les principaux produits exportĂ©s par la Tunisie vers les Etats-Unis sont lâhuile dâolive, les dattes et les articles dâartisanat, tandis que les principaux produits importĂ©s par la Tunisie sont les hydrocarbures en particulier le pĂ©trole raffinĂ©, des vĂ©hicules et engins de transport y compris des piĂšces dĂ©tachĂ©es ainsi que divers machines et Ă©quipements industriels.
Le taux de droits de douane appliqué par la Tunisie sur les produits importés des Etats-Unis est de 55%, tandis que Trump vient de porter par sa derniÚre décision le taux de droits de douane sur les produits importés de la Tunisie à 28%, soit la moitié du taux appliqué par la Tunisie aux produits américains.
Dans ce sens, il faut bien reconnaĂźtre que la dĂ©cision de Trump nâest pas si arbitraire que cela mĂȘme si elle est Ă regretter.
LĂ oĂč elle fera beaucoup de mal Ă lâĂ©conomie tunisienne est le fait de nâimposer que 10% de droits de douane sur les produits concurrents et souvent similaires aux nĂŽtres tels que ceux exportĂ©s par le Maroc et qui vont bĂ©nĂ©ficier ainsi dâun avantage comparatif auprĂšs des consommateurs amĂ©ricains. Le risque de perdre le marchĂ© amĂ©ricain, quâil nous a fallu beaucoup dâefforts pour conquĂ©rir, est trĂšs grand.
Les axes dâune stratĂ©gie de riposte de Kais SaĂŻed
A mon avis, mĂȘme si on entame des nĂ©gociations directes avec lui, il ne faut pas espĂ©rer beaucoup de souplesse de la part de Trump, qui ne porte pas spĂ©cialement la Tunisie dans son cĆur, suite aux pressions exercĂ©es sur lui par des sĂ©nateurs et des membres influents du CongrĂšs pour punir Kais SaĂŻed Ă qui ils reprochent ce quâils qualifient de «discours haineux anti-amĂ©ricains» et dâentorses Ă lâexercice de la dĂ©mocratie en Tunisie (voir mon dernier article intitulĂ© «Faut il se rĂ©jouir de lâarrivĂ©e des investisseurs chinois en Tunisie?»)
Dans ce contexte, la riposte de Kais SaĂŻed doit ĂȘtre articulĂ©e Ă mon sens autour de trois axes:
Axe1: constituer, comme les AmĂ©ricains eux-mĂȘmes font quand ils ont une dĂ©cision complexe Ă prendre, une «Task Force», regroupant les meilleurs Ă©conomistes et experts des secteurs Ă©conomiques qui seront affectĂ©s par la dĂ©cision de Trump. Leurs tĂąches sera dâarriver Ă un consensus sur la meilleure riposte Ă apporter sur la base dâĂ©tudes dâimpact et du modĂšle de dĂ©cision du minimum du risque maximum ou Minimax (voir Ă ce sujet mon article intitulĂ© «La dĂ©cision de rompre avec le FMI analysĂ©e par le modĂšle du Minimax»).
Axe 2 : ne pas envisager de proposer la surpression totale des droits de douane et la crĂ©ation dâune zone de libre-Ă©change entre les deux pays, comme certains pays tels que le Zimbabwe lâont fait, car cela se traduira par un Ă©change inĂ©gal dans lequel la Tunisie sera perdante.
Axe 3 : compte tenu du faible volume des Ă©changes avec les Etats-Unis, ce qui compte le plus nâest pas tellement le montant du manque Ă gagner pour le budget de la Tunisie en termes de recettes de droits de douane, mais la prĂ©servation du marchĂ© amĂ©ricain quâil sera trĂšs difficile de reconquĂ©rir sâil sera perdu. Selon cette stratĂ©gie, la Tunisie doit proposer dâaligner les droits amĂ©ricains de douane avec ceux appliquĂ©s Ă des pays concurrents tels que le Maroc. Dans cette optique il faut proposer de baisser nos droits de douane sur les produits amĂ©ricains de 55% actuellement Ă 20%, de sorte que les AmĂ©ricains appliquent Ă nos produits le mĂȘme taux de 10% que pour le Maroc et dâautres pays concurrents. La perte de recettes douaniĂšres pour notre budget sera marginale par rapport aux enjeux en de stratĂ©gie de diversification de notre commerce extĂ©rieur trop dĂ©pendant de lâEurope.
Conclusion
Dans ce combat de titans entre grandes puissances Ă©conomiques, des petits pays comme le nĂŽtre ne peuvent quâĂȘtre spectateurs, compter les coups et encaisser les «balles perdues» qui ne nous sont pas directement destinĂ©es mais qui nous affectent indirectement. La rĂ©cession Ă©conomique, lâinflation et le chĂŽmage que tous les experts prĂ©disent dans le monde y compris aux Etats-Unis aggraveront encore les nĂŽtres qui sont dĂ©jĂ trĂšs alarmants.
Ce que pourrait gagner la Tunisie, notamment de la baisse du dollar, une des armes de Trump qui nâa pas encore dĂ©gainer mais qui ne manquera pas de le faire dans un avenir proche, ne compensera pas la baisse de croissance Ă©conomique et lâaggravation du chĂŽmage que nous allons subir Ă cause de la rĂ©cession Ă©conomique et lâinflation que nos principaux pays partenaires en Europe vont subir.
Enfin, ces turbulences qui vont durer certainement pendant plusieurs annĂ©es, du moins tant que Trump est encore au pouvoir, nous font oublier dâautres menaces pour lâhumanitĂ©, telles que le changement climatique, lâIA ou la mise en alerte par Poutine de ses missiles nuclĂ©aires hypersoniques au niveau 3 (les pays et villes cibles y ont Ă©tĂ© programmĂ©s) pour rĂ©gler son conflit avec lâOccident Ă propos de lâUkraine.
Encore, je ne parle pas du drame de Gaza et de ses 51 000 morts que tout le monde a oubliĂ©s pour se focaliser sur lâindice Dow Jones et le S&P 500 de la bourse de New York, que le moindre twit entre deux parties de golf de Trump fait trembler et lâĂ©conomie mondiale avec.
Quel monde !
PS : Justement pour Ă©chapper Ă ce monde, je viens dâĂ©crire un court poĂšme intitulĂ© «Si jâĂ©tais un oiseau», que jâinvite les lecteurs et lectrices Ă lire sur mon blog «PoĂšmes de la vie». Dans ce poĂšme, je vole trĂšs haut au-dessus de Trump, Musk, SaĂŻed, etc comme dans le film ââVol au dessus dâun nid de coucousââ avec lâadmirable acteur Jack NicholsonâŠ
Lâarticle La Tunisie dans lâĆil du cyclone Trump est apparu en premier sur Kapitalis.