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Quels métiers verts créeront le plus d’emplois durables en Tunisie ?

12. August 2025 um 07:22

Economie VerteEn l’absence de stratégies dynamiques et crédibles pour aider les Tunisiens à s’adapter au dérèglement climatique auquel la Tunisie est sérieusement exposée, des ONG s’emploient, par de petites initiatives, à alerter sur l’enjeu de s’y préparer. Il s’agit, particulièrement, d’intensifier la formation des ressources humaines dans les métiers verts ou verdissants.

Le partenariat CCIT–EFE-Tunisie

C’est dans ce contexte que s’inscrit la conclusion, ces derniers jours, d’une convention de partenariat entre la Chambre de Commerce et d’Industrie de Tunis (CCIT) et l’organisation EFE-Tunisie (Education For Employment Tunisie), organisation à but non lucratif faisant partie d’un réseau international dont le programme Challenge Fund for a Just Transition. Ce programme vise à contribuer à l’atténuation du changement climatique en soutenant les petites entreprises vertes en croissance (PEC).

Objectifs et limites du programme

Objectif du partenariat : accélérer l’intégration des jeunes dans les métiers verts et former 235 jeunes (dont au moins 50 % de femmes) dans des emplois verts au sein d’entreprises ayant engagé une transition écologique, en particulier dans le secteur industriel.

Le communiqué publié à cette occasion précise que ce rapprochement entre acteurs économiques et structures de formation « ambitionne à répondre à un double enjeu, renforcer les compétences vertes au sein des entreprises et offrir aux jeunes des débouchés professionnels dans des secteurs en mutation ».

« Les métiers écologiques sont désormais un prérequis essentiel pour une économie durable. »

 

Par-delà ces détails, cette initiative est certes louable, mais elle demeure fort limitée dans le temps (durée réduite du programme) et dans l’espace (Tunis), alors que les enjeux sont énormes.

Un retard face aux pays voisins

Est-il besoin de rappeler qu’au moment où des pays comme le Maroc, l’Égypte, la Jordanie, également exposés au réchauffement climatique, investissent intensément dans la formation aux métiers verts et verdissants, la Tunisie est carrément à la traîne.

Pour une formation généralisée aux métiers verts et verdissants

D’où l’enjeu, pour les gouvernants qui veulent entendre, d’intensifier la formation dans les métiers verts et verdissants et de saisir cette précieuse opportunité qu’offrent la transition énergétique et l’adaptation au réchauffement climatique pour créer, partout dans le pays, des métiers spécialisés, utiles et surtout durables.

« Former aux métiers verts, c’est investir dans des compétences recherchées en Tunisie comme à l’étranger. »

 

On ne le répétera jamais assez : ces métiers écologiques dans l’industrie sont devenus, de nos jours, un prérequis essentiel pour la transition vers une économie plus durable. Ils offrent de nombreuses opportunités d’emploi et permettent de contribuer activement à la protection de l’environnement.

Les secteurs et les types de métiers écologiques

Ces métiers se retrouvent dans de nombreux secteurs d’activité, tels que le bâtiment, les transports, l’industrie, l’énergie, l’agriculture, la gestion des déchets, la protection de la nature.

On distingue deux types de métiers écologiques dans l’industrie :

  • Les métiers verts, directement liés à l’environnement : ingénieurs en énergies renouvelables, techniciens en génie climatique, responsables de station d’épuration, agents d’entretien des espaces verts, hydrobiologistes, techniciens de la qualité de l’eau, chargés de mission RSE, experts en développement durable, conseillers en rénovation énergétique, responsables de la gestion des déchets, techniciens de traitement des déchets…
  • Les métiers verdissants, métiers traditionnels intégrant des pratiques écologiques : acheteurs responsables, conducteurs d’engins de chantier à faible émission, carrossiers-peintres utilisant des produits écologiques, agents d’entretien utilisant des produits respectueux de l’environnement…
« Pendant que nos voisins accélèrent, la Tunisie reste à la traîne dans la formation verte. »

Un investissement rentable pour l’État

Tout investissement dans la formation aux métiers verts et verdissants est un bon placement pour l’État tunisien, car il permet de disposer de ressources humaines bien qualifiées et fortement demandées, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Abou SARRA

EN BREF

  • La Tunisie reste en retard dans la formation aux métiers verts, malgré l’urgence climatique.
  • Un partenariat entre la CCIT et EFE-Tunisie vise à former 235 jeunes, dont 50 % de femmes, aux emplois verts.
  • Ces métiers concernent l’énergie renouvelable, la gestion des déchets, l’eau, le bâtiment, l’agriculture, les transports…
  • On distingue les métiers verts (directement environnementaux) et verdissants (intégrant des pratiques écoresponsables).
  • Les experts appellent à un déploiement national, à l’image du Maroc et de l’Égypte, pour allier transition écologique et création d’emplois durables.

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Gestern — 11. August 2025Haupt-Feeds

Amnistie pour chèques impayés : un conflit d’intérêts au Parlement ?

11. August 2025 um 20:20

ARPL’évènement parlementaire a été, ces derniers jours,  le rejet,  le 21 juillet 2025, par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) d’une proposition législative portant amnistie générale pour le délit d’émission de chèques sans provision.

L’objectif prétendu –bien prétendu- des députés auteurs de cette initiative était double : désengorger les tribunaux et les prisons, et favoriser la réinsertion économique des condamnés, tout en maintenant le droit des créanciers à recourir aux voies civiles.

Rejet de l’extension de l’amnistie aux montants de plus de 5000 dinars

Ce projet visait, dans sa première version, à accorder une amnistie générale aux personnes ayant émis des chèques sans provision de petits montants, voire des montants ne dépassant pas les cinq mille dinars.

C’est sa deuxième mouture présentée en séance plénière qui a été rejetée. Cette dernière élargissait l’amnistie à tous les chèques sans provision sans distinction du montant.

En plus clair encore, la première version prévoyait un plafond de 5 000 dinars, alors que la seconde ne le prévoyait plus, sachant que le nombre total des émetteurs de chèques sans provision détenus en prison a été estimé, au début de cette année,  par la ministre de la justice à 406 avant de baisser 136 par l’effet de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur les chèques et son corollaire, la régularisation de la majorité des situations.

« Toute loi qui ne protège pas la victime constitue une forme de criminalité légale. » — Fatma M’seddi

 

Concernant les 136 détenus qui restent, ils ont émis des chèques de différents montants, et non uniquement inférieurs à cinq mille dinars. Les personnes concernées par ce plafond ne sauraient dépasser quelques dizaines, voire quelques individus seulement.

Conséquence : avec la suppression du plafond, l’amnistie engloberait tous ceux qui ont émis des chèques de gros montants.

C’est ce qui explique les raisons qui ont amené la plupart des députés à voter contre cette proposition. Ils ont estimé que cette deuxième version ne garantit pas efficacement les droits des créanciers et qu’elle ouvre la voie à des abus qui pourraient être incontrôlables.

Nous nous empressons de signaler que le projet n’est pas totalement abandonné. D’après le député Ahmed Saïdani, le projet est simplement revenu à la commission pour être remanié.

« En 2011, la libération massive de condamnés avait causé la faillite de nombreux petits commerçants. »

 

Avec ce rejet, le parlement aurait reçu une nouvelle claque

Pour les observateurs de la chose parlementaire, le rejet de cette initiative parlementaire a décrédibilisé davantage le parlement en ce sens où des députés ont osé proposer un projet de loi dénué de tout bon sens et contraire à la loi. Et pour cause.

Cette proposition législative présentée à la hussarde pèche par son timing. Elle est présentée  à une période de démobilisations générale (vacances estivales).Le choix du timing ne serait pas innocent, il reflèterait la recherche d’objectifs malsains.

Cette initiative parlementaire est dénuée de tout bon sens et est contraire à la loi pour une raison simple : l’émission d’un chèque sans provision est considérée partout dans le monde comme une escroquerie caractérisée. Le chèque étant un instrument de paiement qui repose sur la confiance; l’émettre sans provision, c’est obtenir un bien ou un service en trompant sciemment son bénéficiaire.

C’est pourquoi, à travers cette initiative législative scélérate, le parlement, si jamais il avait adopté le projet sous prétexte que l’Etat a l’habitude de promulguer des amnisties fiscales,  aurait  choisi les escrocs contre les victimes. Car, que cette amnistie ait un plafond de 5000 dinars ou plus les créanciers victimes restent victimes.  Il s’agit, le plus souvent,  de commerçants, d’artisans, de fournisseurs de marchandises et de services.

« Avec ce projet, le Parlement aurait choisi les escrocs contre les victimes. »

Pour Fatma M’seddi, la proposition législative serait une forme de « criminalité légale »

Commentant sur sa page facebook cette affaire, la dynamique députée de Sfax, Fatma M’seddi a estimé que « toute loi qui ne protège pas la victime constitue une forme de « criminalité légale »  et de « clémence anarchique ».

Elle estime que l’initiative législative concernent l’amnistie, qu’elle prenne la forme d’une « amnistie générale », d’un « règlement fiscal » ou d’un « arrangement pénal », ne sont que des accoutrements séduisants dissimulant un risque réel d’impunité ».

Elle a mis en garde contre le risque de reproduire, selon ses termes, « la catastrophe de 2011, lorsque des milliers de condamnés pour émission de chèques impayés avaient été libérés sans obligation de régularisation, causant la faillite de nombreux petits commerçants, artisans et fournisseurs ».

La question qui se pose dès lors est de savoir pour quelle raison certains députés ont proposé un tel projet de loi controversé.

Selon Riadh Jrad, chroniqueur de télévision, généralement bien informé auprès des premiers décideurs du pays, « il y aurait un conflit d’intérêts concernant certains députés initiateurs de ce projet, ils seraient eux-mêmes émetteurs de chèques sans provision et chercheraient, à travers cette loi qu’ils ont soumise, à obtenir une amnistie ».

Morale de l’histoire : les informations qui circulent selon lesquelles les députés ne seraient au parlement que pour servir leurs propres intérêts et non  ceux des communautés qu’ils y représentent ne seraient pas infondées.

Abou SARRA

EN BREF

  • Le 21 juillet 2025, l’ARP a rejeté une proposition d’amnistie générale pour chèques sans provision.
  • La première version limitait l’amnistie aux montants inférieurs à 5 000 dinars, mais la deuxième, rejetée, supprimait ce plafond.
  • Les députés ont estimé que la mesure favorisait les auteurs de chèques impayés, y compris de gros montants, au détriment des victimes.
  • Fatma M’seddi a dénoncé une « criminalité légale » et un risque d’impunité.

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ECLAIRAGE – Néomercantilisme – Quand les blocs mercantilistes annoncent les guerres mondiales (3/3)

11. August 2025 um 06:00

À chaque époque de l’Histoire, lorsque le monde se fracture en blocs économiques concurrents, le mercantilisme s’institutionnalise, la rivalité s’intensifie et la guerre devient inévitable. De l’Antiquité à nos jours, la montée des logiques protectionnistes et de l’affrontement géoéconomique débouche sur des conflits planétaires. Sommes-nous aujourd’hui à l’orée d’un nouveau cycle ?

Carthage contre Rome : la matrice antique du conflit géoéconomique

Loin d’être une simple rivalité militaire, la lutte entre Carthage et Rome trouve ses racines dans une confrontation économique systémique. Carthage, puissance maritime commerçante, bâtit sa prospérité sur le contrôle des échanges méditerranéens. Rome, au contraire, développe une logique d’expansion territoriale, agricole et militaire. À mesure que leurs sphères d’influence s’entrechoquent, les tensions deviennent irréversibles. Les Guerres Puniques ne furent pas seulement des affrontements d’empires, mais la première grande guerre mondiale autour du commerce et de la domination économique régionale.

Ce modèle se répète dans l’Histoire, chaque fois que deux systèmes économiques structurés autour de réseaux fermés et d’intérêts exclusifs se heurtent.

L’Europe moderne et les empires : le mercantilisme comme ferment de la guerre

Du XVIe au XIXe siècle, les puissances européennes s’engagent dans une course effrénée aux colonies, aux routes maritimes et aux métaux précieux. L’Espagne, le Portugal, la France colbertiste et l’Angleterre impériale adoptent des politiques mercantilistes assumées : enrichissement par l’excédent commercial; monopole sur les matières premières; subordination des périphéries coloniales.

Chaque expansion commerciale entraîne son lot de confrontations. La Guerre de Sept Ans (1756-1763) , les conflits napoléoniens, ou encore la guerre d’indépendance américaine sont autant de symptômes d’un monde compartimenté par des logiques de domination économique. La fermeture des blocs, l’érection de barrières tarifaires et la militarisation du commerce transforment la concurrence en affrontement militaire.

 

Du XVIe au XIXe siècle, les puissances européennes s’engagent dans une course effrénée aux colonies, aux routes maritimes et aux métaux précieux. L’Espagne, le Portugal, la France colbertiste et l’Angleterre impériale adoptent des politiques mercantilistes assumées : enrichissement par l’excédent commercial, monopole sur les matières premières, subordination des périphéries coloniales.

 

Les deux guerres mondiales : l’apogée des blocs géoéconomiques rivaux

Le XXe siècle illustre, dans sa brutalité, les conséquences extrêmes du cloisonnement économique mondial. À la veille de la Première Guerre mondiale, le monde est structuré en empires impérialistes, chacun tentant de maximiser ses intérêts commerciaux au détriment des autres. L’absence de régulation multilatérale et la montée des nationalismes économiques accélèrent l’engrenage vers la guerre.

Le schéma est encore plus explicite dans les années 1930. Face à la crise de 1929, les puissances ferment leurs économies, instaurent des zones d’influence fermées, mettent en place des politiques autarciques. L’Axe Rome-Berlin-Tokyo défie ouvertement l’ordre libéral anglo-saxon. La logique des blocs se durcit, les rivalités s’exacerbent, et l’économie mondiale s’effondre sous le poids des tensions. La Seconde Guerre mondiale n’est pas née du hasard, mais bien d’un déséquilibre systémique provoqué par un mercantilisme nationaliste et prédateur.

Lire aussi : Néoprotectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ?

Le monde contemporain : un nouveau cycle de fragmentation

Depuis deux décennies, les signes avant-coureurs d’une nouvelle structuration en blocs sont de plus en plus visibles. Le retrait des États-Unis de plusieurs accords multilatéraux, la guerre commerciale sino-américaine, la militarisation du commerce technologique et la multiplication des sanctions ont ouvert une ère de découplage. Les BRICS s’élargissent et proposent une alternative à l’ordre occidental en s’appuyant sur la souveraineté monétaire, la dédollarisation et les alliances régionales. En face, l’Occident resserre ses rangs autour de l’OTAN, du G7 et de l’Union européenne, dans une logique de sécurisation des intérêts énergétiques, industriels et géopolitiques.

Lire également : « Les BRICS sont morts » s’ils s’attaquent au dollar, selon Trump

Le commerce n’est plus un vecteur de paix mais un instrument de pression. L’Organisation mondiale du commerce (OMC) est marginalisée, les chaînes de valeur se régionalisent et la coopération internationale se délite. Chaque bloc cherche à imposer son modèle, à verrouiller ses marchés, à exclure ses rivaux. Le piège de Thucydide devient économique : la montée en puissance de nouvelles économies crée une tension insoutenable avec les hégémonies en place.

Et la Tunisie dans tout cela ? Entre vulnérabilité et opportunité

Dans ce contexte de recomposition globale, la Tunisie se retrouve dans une position d’équilibriste. Trop dépendante de ses partenaires traditionnels pour rompre brutalement avec l’ordre établi; mais suffisamment exposée aux nouvelles routes économiques pour espérer en tirer profit, elle doit impérativement repenser sa stratégie.

Refuser de choisir un camp ne signifie pas rester passif. Il s’agit plutôt de construire une posture active de non-alignement stratégique, fondée sur la diversification des partenariats, le renforcement de la coopération régionale et la montée en gamme de son économie. L’Afrique, les BRICS, la Méditerranée du Sud offrent des relais de croissance que la Tunisie doit saisir sans renier ses ancrages euro-méditerranéens. Mais pour cela, encore faut-il retrouver une cohérence de politique économique, une stabilité institutionnelle et une vision stratégique.

 

Dans ce contexte de recomposition globale, la Tunisie se retrouve dans une position d’équilibriste. Trop dépendante de ses partenaires traditionnels pour rompre brutalement avec l’ordre établi, mais suffisamment exposée aux nouvelles routes économiques pour espérer en tirer profit, elle doit impérativement repenser sa stratégie.

 

L’Histoire bégaie, mais l’intelligence peut rompre le cycle

Si l’Histoire nous enseigne que les blocs mercantilistes conduisent inévitablement à la guerre, elle nous rappelle aussi que l’intelligence politique et la coopération peuvent en atténuer les effets. L’après-1945 avait vu naître un ordre multilatéral fondé sur des règles, des institutions et une certaine idée de l’interdépendance pacifique. Ce cadre est aujourd’hui affaibli, mais il peut être réinventé.

L’enjeu pour les puissances émergentes et les pays vulnérables comme la Tunisie n’est pas seulement de survivre à cette polarisation; mais de contribuer à la reconstruction d’un ordre plus équitable, ouvert et résilient. Faute de quoi, la logique des blocs, une fois encore, finira par embraser le monde.

 

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Articles en relation:

ECLAIRAGE – Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ? (1/3)

ECLAIRAGE – Géopolitique – La Tunisie à l’épreuve du néomercantilisme mondial (2/3)

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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Championnat national de football – Bis repetita ?

09. August 2025 um 05:35

Un penalty jugé « imaginaire » et l’absence de la VAR, lors de la Supercoupe de Tunisie, ont fait couler beaucoup d’encre à quelques jours du démarrage du Championnat national de football. De quoi susciter des craintes quant à la plus importante compétition de football, celle de la Ligue 1. Beaucoup émettent, cela dit, des espoirs avec le projet de loi sur les structures sportives et avec le projet de réforme relatif à l’aménagement de l’horaire scolaire qui pourraient renverser la vapeur en consolidant les finances des associations sportives, pour le premier projet, et en donnant la place qu’il mérite au sport scolaire, pour le second.

« Mil Marsa bedina Nekadhfou », littéralement « Nous avons déjà commencé à ramer à partir de La Marsa ». Le proverbe est largement connu en Tunisie, il signifie que « le ton est déjà donné ». Il pourrait, sans doute, être appliqué à ce qui s’est déroulé, sous nos yeux, dimanche 3 août 2025, lorsque l’arbitre de la Supercoupe, Houssem Boularès, a accordé un penalty « imaginaire » à l’Espérance Sportive de Tunis (EST) face au Stade Tunisien (ST). Un penalty qui a fait du moins polémique. Avec deux faits indéniables : le ST a qualifié, dans un communiqué, la prestation du corps arbitral, lors de la finale de la Supercoupe face à l’EST, de « catastrophique », et la Fédération Tunisienne de Football et Houssem Boularès (notre photo) a été convoqué devant la Commission de suivi de la FTF qui n’a pas manqué de le sanctionner.

Une séquence de notre football national qui survient à moins d’une semaine du démarrage effectif du Championnat de football 2025-2026. Et qui fait craindre que nos stades revivent les désagréments, pour ne pas dire plus, que l’on a observés ces dernières années avec des fautes d’arbitrage flagrantes. Des fautes contre lesquelles on pensait pouvoir lutter avec l’instauration de la technique de la VAR (Assistance Vidéo à l’Arbitrage), introduite assez tard l’année précédente, et qui n’a pas réussi à convaincre tout le monde : le dernier mot reste, toujours, à l’homme en noir.

En cas de pression des clubs ?

Une VAR qui n’a pas été utilisée au cours de la rencontre de la Supercoupe et pourrait n’être de mise que tardivement au cours du Championnat qui démarre aujourd’hui, 9 août 2025, avec au programme quatre rencontres. Car l’appel d’offres lancé pour choisir un opérateur de VAR n’a pas encore abouti : la réception des offres a été fixée au 15 août 2025. Que feront les dirigeants de la FTF entre temps en cas de pression des clubs ? Ou dans le cas de multiplication d’erreurs d’arbitrage ? On sait qu’il arrive que les appels d’offres puissent trainer en longueur.

Des fautes d’arbitrage et une absence de VAR qui peuvent encore nourrir les mécontentements. On se demande, à ce propos, si le Championnat aura le même visage que l’année précédente ? S’il sera, donc, âprement disputé ? On se souvient que nous sommes restés pratiquement dans la dernière journée pour connaître le nom du vainqueur ? Auquel cas, il pourrait tracer une trajectoire bien salutaire. Même si évidemment il y aura toujours des grands et des petits. Le fait cependant que trois clubs devraient quitter au bout du compte la Ligue 1 devrait aider à ce que le Championnat ait un visage plus radieux !

Apporter des réponses à la situation

Quoi qu’il en soit, cela ne sera pas là, assurent certains connaisseurs de notre football, le seul problème auquel feront face nos dirigeants. Outre l’état des infrastructures, il y a lieu de citer la précarité financière de certains clubs qui devrait tôt ou tard apparaître à la surface. Tout récemment, des clubs considérés parmi les grands étaient confrontés à des risques de rater leur participation aux prestigieuses compétitions de la Confédération Africaine de Football (CAF) pour n’avoir pas réglé des dettes et éviter des sanctions.

La loi fondamentale des structures sportives qui a fait l’objet, le 15 juin 2025, d’un Conseil ministériel, saura-t-elle, le jour où elle sera promulguée, apporter des réponses à la situation, notamment financière, de nos associations sportives ? On sait que le projet ambitionne d’« assurer la gouvernance de la gestion sportive afin de bien gérer les ressources humaines et financières des structures sportives » et de « financer et soutenir les structures sportives par de nouveaux modes de financement ».

Un véritable vivier du sport

Un nouveau mode de gouvernance qui permettrait aux associations sportives d’évoluer au rythme du monde. Car, et malgré les réussites observées, ici et là, par notre sport national, on sent que l’on est loin du compte. Notamment que nous sommes dépassés par des pays qui nous ont, comme on dit, laissés derrière eux. Le sport tunisien aura, à ce niveau, un test grandeur nature avec la participation du onze national à la prochaine Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football qui se tiendra au Maroc entre le 21 décembre 2025 et le 18 janvier 2026. Nous savons que dès le départ, les Tunisiens seront opposés aux mastodontes nigérians. Les échecs du passé dans cette compétition sont déjà dans nos têtes.

Un nouveau mode de gouvernance qui ne peut être apprécié que dans une approche globale. Il s’agit de s’interroger, entre autres, sur la place qu’occupe le sport dans la société. A commencer par l’école où il a perdu de son importance avec un manque d’infrastructures et une quasi-négligence de son intégration dans le temps scolaire.

Des espoirs sont-ils permis avec ce qu’on dit des réformes en route pour aménager l’horaire scolaire ? Le problème, sans doute, ici comme ailleurs, c’est que beaucoup connaissent aussi bien le diagnostic que ce qu’il y a lieu de faire, mais ne bougent pas assez. Qui ne se souvient pas du reste de l’âge d’or du sport scolaire et universitaire lorsque le Palais de la Foire, situé à l’Avenue Mohamed V, ou encore le Palais des sports d’El Menzah accueillaient ces finales interscolaires ou universitaires qui ressemblaient à des finales des compétitions sportives nationales ? Dommage ! Le sport scolaire et universitaire était considéré comme un véritable vivier du sport.

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Appel aux derniers gardiens du temple économique…

08. August 2025 um 14:43

Dans son article intitulé « Quand le bavardage prétend à la rigueur intellectuelle », publié en réaction à mon texte « Néo-protectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ? », l’auteur s’autorise un exercice qui se veut critique, mais qui verse rapidement dans la caricature, l’attaque personnelle et le jugement de valeur. Le débat d’idées mérite mieux.

À ceux qui aspirent à élever la discussion économique, je propose ici une mise au point en trois temps : sur la rigueur conceptuelle, sur l’éthique du débat, et sur les contours thématiques choisis délibérément dans mon article initial.

 

Un distinguo conceptuel fondamental : néo-protectionnisme et néomercantilisme

L’un des reproches formulés est que la distinction que je fais entre néo-protectionnisme et néomercantilisme relèverait d’un artifice académique, ou d’un « dualisme simpliste ». Cette critique néglige profondément les apports de l’économie politique internationale contemporaine, ainsi que ceux de la géoéconomie stratégique.

Le néomercantilisme, dans sa définition actualisée, renvoie à une stratégie étatique de long terme, visant la puissance par l’outil économique. Il repose sur une articulation entre politique industrielle, commerciale, monétaire et technologique. Il vise à façonner l’ordre économique mondial de manière structurelle et hégémonique.

Le néo-protectionnisme, à l’inverse, traduit des mesures souvent fragmentées, prises sous la pression de contextes politiques internes, sans coordination d’ensemble ni ambition géoéconomique. Il s’agit d’un repli ponctuel, d’une gestion de crise ou d’une réponse populiste, qui se distingue par sa volatilité et sa faible cohérence stratégique.

La différence n’est pas théorique : elle est observée empiriquement. Elle permet de comprendre, par exemple, pourquoi la Chine développe une expansion géoéconomique concertée, alors que certaines puissances occidentales adoptent des mesures protectionnistes improvisées, souvent contradictoires. Elle éclaire également les effets différenciés sur les pays en développement, pris entre des flux erratiques et des stratégies de domination commerciale.

Contester cette distinction revient à effacer les lignes de force qui structurent aujourd’hui l’économie mondiale. C’est confondre les symptômes avec les causes, les rhétoriques politiques avec les stratégies étatiques.

 

Une critique ne dispense jamais de l’éthique du débat

Au-delà des divergences sur le fond, je me dois de réagir à la tonalité du texte qui m’est adressé. L’usage récurrent d’un registre injurieux, moqueur ou condescendant n’est pas simplement un choix de style : c’est un affaiblissement volontaire du débat intellectuel.

Me prêter des intentions creuses, qualifier mon travail de « dissertation de licence égarée » ou de « bavardage pseudo-savant », ironiser sur ma fonction ou sur mon identité intellectuelle n’apporte aucune valeur argumentative. Cela révèle surtout un refus d’engager un échange d’idées respectueux.

Il n’existe aucun droit – ni moral ni intellectuel – à disqualifier personnellement un contradicteur. La critique se fonde sur l’analyse, la confrontation d’arguments, la précision conceptuelle. Elle ne se fonde ni sur la dérision, ni sur la suspicion, ni sur les attaques ad hominem.

En sus, Karl Marx à Elinor Ostrom, en passant par Friedrich Engels, Thorstein Veblen, Pierre Bourdieu, Amartya Sen, Silvio Gesell, John Kenneth Galbraith, Ivan Illich ou encore Muhammad Yunus, nombreux sont ceux qui, sans être des économistes de souche, ont profondément transformé la pensée économique en venant d’horizons philosophiques, sociologiques, politiques ou même pratiques.

J’aurais accueilli une objection rigoureuse avec intérêt. J’aurais volontiers poursuivi un dialogue critique. Ce que je lis ici, en revanche, relève davantage d’un règlement de comptes déguisé que d’une contribution sérieuse à la réflexion stratégique.

 

Du choix des cadres d’analyse : pourquoi la Tunisie ne figurait pas dans l’article initial

L’auteur s’étonne, voire s’offusque, de l’absence de toute mention de la Tunisie ou du Maghreb dans mon article. Faut-il le rappeler : écrire en tant qu’auteur tunisien ne signifie pas que chaque texte doive être réduit à un prisme exclusivement national ou régional.

L’objet de mon article était clair : analyser les logiques macroéconomiques des puissances dominantes, leurs choix stratégiques face à la mondialisation, et les répercussions globales de ces transformations. Il s’agissait d’une contribution à la lecture systémique du désordre commercial mondial, non d’un commentaire sur la situation maghrébine.

Cela n’exclut nullement que la Tunisie ou la région soient pertinentes à analyser. Bien au contraire. Elles le seront, mais dans un cadre propre, avec les outils méthodologiques appropriés, tenant compte des contraintes spécifiques, des dépendances structurelles, et des marges de manœuvre réelles. J’annonçais déjà, en conclusion, qu’un article futur serait consacré à ce sujet. Il le sera.

 

Penser avec rigueur dans un monde brouillé

Le monde économique d’aujourd’hui est traversé par des tensions nouvelles, des recompositions silencieuses, des contradictions apparentes. Il exige, de la part des analystes, non pas des certitudes bruyantes ou des postures péremptoires, mais de la nuance, de la méthode, de la patience intellectuelle.

Loin d’être une construction artificielle, la distinction que je propose entre néo-protectionnisme et néomercantilisme constitue un cadre d’analyse utile pour décrypter les trajectoires géopolitiques actuelles.

Et loin d’être un bavardage, l’exercice d’écriture stratégique repose sur l’ambition de mettre de l’ordre dans un monde brouillé. Le désaccord est bienvenu, la contradiction est nécessaire, la polémique peut être féconde. Encore faut-il qu’elle soit menée avec respect, lucidité, et surtout d’une bonne dose d’humilité intellectuelle.

 

À bon entendeur, une fois encore.

 

 

Note : Droit de réponse – Pour une critique sérieuse, rigoureuse et respectueuse.

 

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Mahjoub Lotfi Belhedi

Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA // Data analyst & aiguilleur d’IA

 

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ZOOM – Néoprotectionnisme – le miroir brisé de la mondialisation

08. August 2025 um 09:21

Le protectionnisme d’aujourd’hui ne se contente pas de fermer les frontières : il redessine la carte du pouvoir mondial. Le texte soumis à notre réflexion, « Néoprotectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ? » prétend trancher un débat d’école : vivons-nous un retour du néomercantilisme ou l’essor d’un néoprotectionnisme décomplexé ? L’auteur penche résolument pour la seconde hypothèse, insistant sur le caractère défensif, populiste et conjoncturel des politiques commerciales actuelles. Mais à force d’opposer deux concepts comme s’ils étaient mutuellement exclusifs, il escamote la réalité : dans l’économie mondiale d’aujourd’hui, le néoprotectionnisme est souvent le masque de manœuvres géoéconomiques qui, elles, relèvent bel et bien d’un néomercantilisme assumé.

 Un faux dilemme conceptuel

La distinction théorique avancée– un néomercantilisme structuré, stratégique, coordonné, face à un néoprotectionnisme désordonné et électoraliste- repose sur une séparation nette qui, sur le terrain, s’efface. Les grandes puissances n’agissent pas uniquement dans l’urgence. Même lorsque leurs décisions semblent improvisées, elles s’inscrivent souvent dans des trajectoires de puissance plus longues.

La guerre commerciale de Trump avec la Chine n’a certes pas réduit le déficit américain, mais elle a solidifié une tendance stratégique bipartisane : contenir la montée en puissance industrielle chinoise. Et cela, qu’on le veuille ou non, a toutes les caractéristiques d’un néomercantilisme revu à l’ère populiste.

 

La guerre commerciale de Trump avec la Chine n’a certes pas réduit le déficit américain, mais elle a solidifié une tendance stratégique bipartisane : contenir la montée en puissance industrielle chinoise.

 

La crise de la COVID-19 : prétexte ou révélateur ?

Le texte présente la pandémie comme un simple accélérateur de réflexes souverainistes, sans y voir un instrument de recomposition économique. Or, relocaliser les chaînes d’approvisionnement stratégiques dans les secteurs médicaux, technologiques ou énergétiques ne se réduit pas à un geste défensif. C’est aussi un investissement dans une autonomie productive qui, à terme, sert de levier d’influence commerciale et politique.

L’Europe, avec ses programmes de semi-conducteurs ou de batteries, ne fait pas que se protéger : elle se positionne pour peser demain sur les normes et les marchés mondiaux. C’est là que l’analyse de l’article s’avère courte : il sous-estime la dimension de planification stratégique derrière ces mesures.

 

Or, relocaliser les chaînes d’approvisionnement stratégiques dans les secteurs médicaux, technologiques ou énergétiques ne se réduit pas à un geste défensif. C’est aussi un investissement dans une autonomie productive qui, à terme, sert de levier d’influence commerciale et politique.

 

Populisme économique : l’arbre qui cache la forêt

L’auteur insiste sur le rôle du populisme comme moteur principal du néoprotectionnisme. Certes, les slogans comme America First ou Make in India sont calibrés pour flatter l’électorat. Mais derrière la rhétorique, les appareils d’État, les groupes industriels et les lobbies dessinent des architectures économiques qui dépassent le cycle électoral. La défense d’industries clés, même sous un vernis populiste, s’inscrit dans une logique de rapport de force durable. Qualifier cela uniquement de « réactif » revient à prendre au pied de la lettre un discours politique conçu justement pour dissimuler ses véritables objectifs.

 

Et la Tunisie dans tout ça ?

L’article effleure la question des pays vulnérables mais sans en mesurer l’ampleur stratégique. Pour la Tunisie, la distinction entre néoprotectionnisme et néomercantilisme n’est pas un débat académique : c’est un problème de survie économique. Quand la Chine verrouille ses circuits de production pour consolider son pouvoir d’exportation, c’est du néomercantilisme pur. Quand les États-Unis imposent des barrières imprévisibles sur l’acier, c’est du néoprotectionnisme, certes, mais aux effets tout aussi destructeurs. Dans les deux cas, Tunis se retrouve face à un monde où les règles changent au gré des rapports de force, sans filet de sécurité multilatéral. Cela impose une stratégie nationale qui ne soit pas seulement défensive mais proactive : diversification des partenaires, montée en gamme des exportations, intégration sélective dans les chaînes de valeur et surtout capacité à produire localement dans les secteurs critiques.

 

L’article effleure la question des pays vulnérables mais sans en mesurer l’ampleur stratégique. Pour la Tunisie, la distinction entre néoprotectionnisme et néomercantilisme n’est pas un débat académique : c’est un problème de survie économique. Quand la Chine verrouille ses circuits de production pour consolider son pouvoir d’exportation, c’est du néomercantilisme pur. Quand les États-Unis imposent des barrières imprévisibles sur l’acier, c’est du néoprotectionnisme, certes, mais aux effets tout aussi destructeurs.

 

In fine, entre idéologie et rapport de force

En voulant trop nettement séparer néoprotectionnisme et néomercantilisme, l’auteur oublie que dans la réalité, les puissances pratiquent un cocktail des deux. Le protectionnisme défensif est souvent la porte d’entrée d’un mercantilisme offensif. La mondialisation actuelle ne connaît plus les murs clairs et les frontières nettes : elle avance par zones grises, où les discours populistes servent à légitimer des stratégies de puissance.

Pour les économies fragiles, l’enjeu n’est pas de savoir si les grandes puissances sont « réactives » ou « stratégiques », mais de comprendre qu’elles sont toujours opportunistes. Et face à cela, continuer de penser que la Tunisie peut naviguer à vue relève moins de la naïveté… que de l’aveuglement.

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ZOOM – Néoprotectionnisme – le miroir brisé de la mondialisation est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

ZOOM – Quand le bavardage prétend à la rigueur intellectuelle !

08. August 2025 um 06:00

Pour son dernier article Néoprotectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ?, publié à la UNE de l’Economiste maghrébin du 6 août 2025, Mahjoub Lotfi Belhedi signe un texte à mi-chemin entre une dissertation de licence égarée et un pensum pseudo-savant, bardé de concepts recyclés, vaguement définis et maladroitement opposés, le tout saupoudré d’un jargon pompeux à prétention stratégique. À lire cet article, on hésite entre l’agacement face à l’enflure verbeuse et la compassion devant tant d’énergie dépensée à enfoncer des portes ouvertes.

Néoprotectionnisme vs néomercantilisme : une querelle d’école creuse

Le cœur de l’article repose sur une distinction que l’auteur tente désespérément de rendre lumineuse : d’un côté, le méchant néoprotectionnisme “populiste”, “impulsionnel”, “défensif”, bref un phénomène d’humeur. De l’autre, le noble néomercantilisme “stratégique”, “coordonné” et “structuré”, incarné par l’éternel modèle chinois – l’alpha et l’oméga de toute pensée géoéconomique paresseuse.

Mais à force de vouloir trop distinguer, Belhedi finit par s’empêtrer dans un dualisme simpliste qui passe à côté de l’essentiel : la réalité contemporaine des politiques économiques n’obéit ni à une logique purement électoraliste ni à un dessein machiavélique de domination commerciale. Les États bricolent, tâtonnent, improvisent. Et ce n’est pas en ressassant des typologies binaires qu’on éclaire le chaos ambiant.

 

A force de vouloir trop distinguer, Belhedi finit par s’empêtrer dans un dualisme simpliste qui passe à côté de l’essentiel : la réalité contemporaine des politiques économiques n’obéit ni à une logique purement électoraliste ni à un dessein machiavélique de domination commerciale.

 

Le cas Trump : l’éternelle obsession pavlovienne

Comme dans tout article écrit depuis 2016 par un intellectuel de salon en mal de pertinence, Trump est convoqué comme figure repoussoir. “Populisme !” crie l’auteur, tel un moine exorciste, oubliant que les mesures de Trump – aussi chaotiques soient-elles – ont ouvert un débat réel sur les effets destructeurs du libre-échange sauvage.

Belhedi nous sert ici une critique standardisée et moraliste, sans jamais interroger les raisons profondes de ce “protectionnisme de crise” : désindustrialisation massive, précarisation du salariat, dumping social chinois, etc. Ce n’est pas de l’analyse, c’est de la liturgie libérale mal déguisée.

COVID-19 : l’effet d’aubaine rhétorique

L’auteur mobilise la pandémie de la Covid-19 comme argument en faveur de son néoprotectionnisme “réactif”. Mais au lieu de proposer une grille de lecture innovante sur la reconfiguration des chaînes de valeur ou la souveraineté productive, il rabâche ce que tout le monde sait depuis 2020 : les États ont paniqué, relocalisé à la va-vite, bricolé des plans de relance plus ou moins efficaces.

Il y avait pourtant matière à explorer des dynamiques profondes – le retour de l’État planificateur, la résurgence de l’économie mixte, le brouillage des frontières entre public et privé. Mais non. L’auteur préfère le confort des clichés convenus.

 

L’auteur mobilise la pandémie de la Covid-19 comme argument en faveur de son néoprotectionnisme “réactif”. Mais au lieu de proposer une grille de lecture innovante sur la reconfiguration des chaînes de valeur ou la souveraineté productive, il rabâche ce que tout le monde sait depuis 2020

 

L’Union européenne : l’éternelle caricature technocratique

Quand Belhedi évoque l’UE, on atteint des sommets de naïveté. Il nous dresse la liste des dispositifs réglementaires comme un élève appliqué récitant son manuel de droit européen : DMA, DSA, GAIA-X, CBAM… À croire qu’il confond politique industrielle et catalogue de bonnes intentions. Aucun mot sur les contradictions internes de l’UE, sur la schizophrénie entre libre-échange dogmatique et velléités de “souverainetés stratégiques”. On reste à la surface.

Et la Tunisie dans tout ça ? Absente, comme toujours

Il est quand même fascinant de voir à quel point l’auteur – tunisien, rappelons-le – réussit à écrire un article entier sur les conséquences géopolitiques du néoprotectionnisme… sans jamais ancrer sa réflexion dans les réalités maghrébines, tunisiennes ou africaines. Tout se passe comme si l’histoire se jouait ailleurs, entre Trump, Bruxelles et Pékin, pendant que la Tunisie subit – silencieusement, passivement – les secousses du monde.

C’est peut-être ça, le plus grave : une pensée qui mime l’analyse stratégique mais refuse d’assumer les implications locales. Où est la réflexion sur le positionnement géoéconomique de la Tunisie ? Sur ses marges de manœuvre ? Sur ses choix industriels ? Silence radio.

 

Il est quand même fascinant de voir à quel point l’auteur – tunisien, rappelons-le – réussit à écrire un article entier sur les conséquences géopolitiques du néoprotectionnisme… sans jamais ancrer sa réflexion dans les réalités maghrébines, tunisiennes ou africaines. Tout se passe comme si l’histoire se jouait ailleurs, entre Trump, Bruxelles et Pékin, pendant que la Tunisie subit – silencieusement, passivement – les secousses du monde.

 

In fine, sous la rhétorique, le vide

À vouloir opposer le “néoprotectionnisme” à un “néomercantilisme” idéalisé, Belhedi se contente en réalité de rejouer un débat académique stérile, sans valeur ajoutée analytique. Son article empile les concepts comme des briques mal jointées, sans édifice intellectuel cohérent. Il prétend penser la géoéconomie, mais ne dépasse jamais le commentaire de surface.

Le lecteur averti n’y trouvera qu’une énième variation sur les grandes peurs de l’époque : repli, populisme, fin du multilatéralisme… Des mots jetés comme des incantations, dans un théâtre d’ombres conceptuelles.

Et dire qu’il signe “Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA”. Dommage qu’aucune intelligence – ni artificielle, ni humaine – n’ait été mobilisée pour optimiser le fond !

À bon entendeur, en effet.

 

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Articles en relation: 

Néoprotectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ?

ECLAIRAGE – Géopolitique – La Tunisie à l’épreuve du néomercantilisme mondial (2/3)

ECLAIRAGE – Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ? (1/3)

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

L’article ZOOM – Quand le bavardage prétend à la rigueur intellectuelle ! est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.

Néoprotectionnisme ou néomercantilisme : où en sommes-nous exactement ?

07. August 2025 um 13:10

Alors que de nombreux analystes qualifient la période actuelle de retour du néomercantilisme, cet article défend la thèse selon laquelle l’économie mondiale contemporaine est plutôt marquée par un néoprotectionnisme à outrance. À travers l’exemple emblématique des politiques commerciales de l’administration Trump, mais aussi à la lumière de la crise de COVID-19 et de la montée du populisme économique, nous montrons que ces dynamiques relèvent davantage d’une logique défensive, populiste et conjoncturelle, que d’une stratégie économique étatisée à visée hégémonique.

Néoprotectionnisme versus néomercantilisme : clarifier les concepts

Le néomercantilisme désigne une stratégie étatique de long terme, visant à maximiser les excédents commerciaux, soutenir les champions nationaux, et renforcer la puissance géoéconomique. Il suppose une coordination entre politique industrielle, commerciale et monétaire, comme en témoigne le modèle chinois post-2000.

Le néoprotectionnisme, en revanche, est davantage réactif. Il traduit un repli défensif contre la mondialisation, via des barrières tarifaires, des restrictions à l’importation, ou des relocalisations, souvent motivées par des pressions politiques internes plutôt qu’une volonté de domination commerciale. Il est le reflet d’un populisme économique soucieux de protéger des secteurs ou des emplois jugés sacrifiés par le libre-échange.

 

Lire aussi : Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ? (1/3)

 

Le cas Trump : un néoprotectionnisme populiste, non mercantiliste

L’élection de Donald Trump en 2016 symbolise un tournant majeur vers un néoprotectionnisme décomplexé. Sous la bannière « America First », l’administration Trump adopte des mesures tarifaires massives, souvent sans vision industrielle structurée.

Dès 2018, la guerre commerciale avec la Chine s’est traduite par des droits de douane exorbitants sans impact significatif sur le déficit commercial américain.

Par ailleurs, la taxation excessive de l’acier et de l’aluminium a touché même des alliés traditionnels comme le Canada ou l’Union européenne.

 

Ces politiques visaient avant tout à protéger certains électorats industriels, notamment dans la « Rust Belt », plutôt qu’à restructurer l’économie pour conquérir les marchés mondiaux. En cela, elles traduisent un protectionnisme défensif et électoraliste, bien éloigné d’un néomercantilisme étatique cohérent.

 

L’administration américaine a aussi remis en cause certains accords multilatéraux, tel que l’ALENA – remplacé par l’USMCA -, avec des clauses plus protectionnistes.

Ces politiques visaient avant tout à protéger certains électorats industriels, notamment dans la « Rust Belt », plutôt qu’à restructurer l’économie pour conquérir les marchés mondiaux. En cela, elles traduisent un protectionnisme défensif et électoraliste, bien éloigné d’un néomercantilisme étatique cohérent.

 

COVID-19 : accélérateur du repli économique

La pandémie de COVID-19 a révélé la vulnérabilité des chaînes de valeur mondialisées, provoquant un sursaut souverainiste. Les pénuries sanitaires, notamment de masques et de médicaments, ont incité à relocaliser les industries stratégiques.

De surcroît, des projets industriels régionaux, dans les batteries ou les semi-conducteurs, ont été lancés en Europe et en Asie, souvent motivés par la sécurité économique plus que par la compétitivité exportatrice.

Ces mesures, prises dans un contexte d’incertitude, relèvent d’un néoprotectionnisme « factuel » et « impulsionnel », détaché de tout socle doctrinal néomercantiliste.

 

Lire également :  Géopolitique – La Tunisie à l’épreuve du néomercantilisme mondial (2/3)

Populisme économique : logique politique avant stratégie commerciale

La montée du populisme économique dans les démocraties libérales favorise des politiques commerciales réactives et identitaires, fondées sur le rejet des élites mondialisées. Des initiatives comme « Make in India », les appels à la souveraineté économique en Europe, ou encore les politiques anti-importations en Amérique latine s’inscrivent dans cette logique.

Ces politiques visent à protéger les économies nationales à court terme, sans plan stratégique cohérent pour renforcer les capacités exportatrices ou la puissance économique globale. L’État devient arbitre, non stratège.

 

La montée du populisme économique dans les démocraties libérales favorise des politiques commerciales réactives et identitaires, fondées sur le rejet des élites mondialisées. Des initiatives comme « Make in India », les appels à la souveraineté économique en Europe, ou encore les politiques anti-importations en Amérique latine s’inscrivent dans cette logique.

 

L’Union européenne : un protectionnisme normatif ?

Face à la concurrence déloyale, notamment chinoise, l’Union européenne adopte elle aussi des instruments défensifs, entre autres :

* DMA (Digital Markets Act) : impose des règles aux “gatekeepers” pour limiter les abus de position dominante.

* DSA (Digital Services Act): responsabilise les plateformes sur les contenus diffusés.

* Promotion de solutions européennes (cloud souverain, moteurs de recherche alternatifs).

* Investissements dans les technologies stratégiques via des programmes européens (ex. : GAIA-X).

* Le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières a été instauré.

* Le filtrage des investissements étrangers est renforcé.

* Des subventions industrielles ciblées sont accordées dans les technologies vertes.

Ces mesures s’inscrivent dans un cadre de rééquilibrage et de sécurisation technico-économique, là encore la logique reste réactive, pas néomercantiliste.

 

Impacts géopolitiques des distinctions entre néoprotectionnisme et néomercantilisme sur les pays vulnérables

La distinction entre néoprotectionnisme et néomercantilisme a des conséquences majeures sur la géopolitique mondiale, en particulier pour les pays vulnérables à ces tendances.

Les pays émergents et en développement, souvent dépendants des exportations et des investissements étrangers, se retrouvent pris entre des puissances, comme la Chine, qui cherchent à étendre leur influence par des stratégies économiques cohérentes, et des économies majeures adoptant un néoprotectionnisme défensif, marqué par l’instabilité et l’arbitraire.

Dans ce contexte, les États vulnérables subissent des pressions accrues : l’accès à certains marchés clés se réduit brutalement en raison des barrières tarifaires ou non tarifaires. Tandis que les flux d’investissements étrangers directs deviennent plus imprévisibles.

Ce phénomène complique la planification économique et accroît les risques d’instabilité politique. Ces pays doivent alors naviguer entre la nécessité d’intégration dans les chaînes de valeur mondiales et le besoin de renforcer leur autonomie stratégique, souvent sans disposer des moyens étatiques ou financiers nécessaires.

 

L’économie mondiale connaît un retour du protectionnisme, sous une forme nouvelle : populiste, défensive, fragmentée et souvent improvisée. Contrairement au néomercantilisme, stratégique et structuré, ce néoprotectionnisme reflète une désillusion face à la mondialisation, un rejet du multilatéralisme et un repli sur les intérêts nationaux immédiats.

 

Par ailleurs, l’instabilité générée par le néoprotectionnisme, caractérisé par des mesures ponctuelles, parfois contradictoires accroît les tensions géopolitiques, notamment dans les régions fragiles, où la compétition pour l’accès aux ressources et aux marchés se double d’enjeux sécuritaires.

Ainsi, la montée du néoprotectionnisme impose aux pays vulnérables un exercice d’équilibre délicat, entre adaptation aux nouvelles règles du jeu économique mondial et développement d’une stratégie propre, qui devra sans doute conjuguer souveraineté économique et intégration sélective.

In fine, l’économie mondiale connaît un retour du protectionnisme, sous une forme nouvelle : populiste, défensive, fragmentée et souvent improvisée. Contrairement au néomercantilisme, stratégique et structuré, ce néoprotectionnisme reflète une désillusion face à la mondialisation, un rejet du multilatéralisme et un repli sur les intérêts nationaux immédiats. La politique douanière de Trump illustre un protectionnisme de crise, motivé par la peur, l’idéologie et des enjeux politiques internes, avec des conséquences géopolitiques importantes, notamment pour les pays vulnérables dépendants du commerce international, confrontés à une économie mondiale plus instable et conflictuelle.

A bon entendeur !

 

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Mahjoub Lotfi Belhedi

Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA // Data Scientist & Aiguilleur d’IA

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QNB – Revue Economique : What to expect from the Chinese consumer?

06. August 2025 um 13:32

Chinese consumer spending slowed significantly in Q2 this year, after a strong start in early 2025. In recent months, growth in real terms dropped to the lowest rate since the start of the year. Importantly, despite new incentive measures to stimulate consumption, household savings rate has been stable, pointing to the difficulty of changing entrenched household habits.

In fact, Chinese households have long been viewed as the missing piece in the country’s economic puzzle and something that goes beyond cyclical patterns. Despite government stated efforts to enact a transition from investment-led growth into services and consumption, analysts and policymakers have pointed to persistently low consumption as a drag on growth – especially in a country of 1.4 billion people with rising income levels.

This perceived underperformance is not fully without cause, as Chinese consumers have remained cautious amid waves of economic disruption: the pandemic, a prolonged property market correction, and increased policy unpredictability.

However, despite those facts, we do believe there is a general misunderstanding about the overall magnitude and importance of Chinese private consumption.

 

While the ratio of Chinese consumption over headline GDP cannot be compared to those found in affluent, highly consumerist, private sector driven economies, such as the US, it does not deviate significantly from the ratio from other advanced economies. This is particularly the case for advanced manufacturing, export-oriented economies from Asia, such as Japan, South Korea, Taiwan, and Singapore – countries that adopt an economic model that China emulates.

Moreover, in terms of growth dynamics, Chinese consumers have comfortably outperformed their peers even in the most growth-prone large emerging economies of the BRICS (Brazil, Russia, India, China, and South Africa) and MIST (Mexico, Indonesia, South Korea, and Türkiye) over the last decade.

 

In addition to those more constructive facts on Chinese household consumption, we believe that the next phase of the country’s growth story could see consumers playing a much more central role. Not only are there strong structural reasons for this shift, but recent policy direction and macro data also support an even more positive outlook. In particular, we highlight three main arguments.

First, according to the People’s Bank of China (PBoC), the local central bank, personal deposits in the Chinese banking system increased from USD 11.8 trillion pre-pandemic to USD 22.3 trillion in May 2025. This impressive build-up of private savings can be quickly mobilized for more consumption or investments over the medium-term, if confidence in the future is further restored. This would contribute for continued consumer growth and an increase in the overall share of private consumption on GDP. However, the bar is high for a significant increase of consumer spending in China. Households in China tend to be conservative with their finances and prefer to save more on the back of limited social support system from the government. Despite this, only a small change in the savings rate would be enough to create a significant impact on consumption and investment. This is expected to take place as plans to broaden the incipient welfare system are gradually executed.

Second, China is actively aiming to further rebalance its growth model away from the need for large infrastructure investments. While much of the recent focus has been on accelerating advanced manufacturing – particularly in sectors such as electric vehicles, batteries, and semiconductors –, policymakers are equally explicit about the need to boost household demand. Beijing has outlined plans to raise the share of consumption in GDP from the current 40% to 50% by 2035. This ambition is being supported by social policy reforms, housing support programmes, lower-tier city revitalization, and support for household credit, particularly in consumer finance. Rather than temporary stimulus, savings can be quickly mobilized for more consumption or investments over the medium-term, if confidence in the future is further restored. This would contribute for continued consumer growth and an increase in the overall share of private consumption on GDP. However, the bar is high for a significant increase of consumer spending in China. Households in China tend to be conservative with their finances and prefer to save more on the back of limited social support system from the government. Despite this, only a small change in the savings rate would be enough to create a significant impact on consumption and investment. This is expected to take place as plans to broaden the incipient welfare system are gradually executed.

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Marx 1.0 vs Marx 4.0 ?

06. August 2025 um 11:07

Imaginez « Karl Marx » débarquant à notre époque, curieux de comprendre les luttes sociales d’aujourd’hui. Face à l’omniprésence des algorithmes, de l’IA générative et du capitalisme de plateforme, il chercherait en vain la classe ouvrière dans les usines. Et tomberait nez à nez avec… Marx 4.0 – une version de lui-même – qu’il ne reconnaîtrait pas.

La rupture est nette, presque violente. Marx, l’original (1.0), pensait le monde en termes de matière, de forces productives, de travail aliéné. Pour lui, la valeur se créait à la sueur du front. La révolution viendrait des masses laborieuses, organisées, conscientes de leur exploitation.

Marx augmenté (4.0), lui, vit dans un autre monde : celui des data lakes, des revenus d’attention, des travailleurs invisibles du clic. Il ne parle plus de lutte des classes, mais de captation algorithmique, d’extraction comportementale. Il ne cherche pas le prolétaire dans la rue, mais dans les conditions d’utilisation d’une app mobile.

Le premier croyait au progrès industriel, le second le soupçonne de nous surveiller. L’un voulait renverser l’usine, l’autre désinstaller TikTok.

Cette fracture épistémologique est telle qu’ils ne pourraient même plus débattre : l’un parlerait de dialectique, l’autre de disruption. L’un cite « Hegel », l’autre se focalise sur l’agrégateur de contenu géant « Reddit ».

Cette rupture épistémologique est si abyssale qu’un dialogue entre les deux serait impossible. Marx 1.0 parlerait de dialectique, Marx 4.0 lui répondrait en emojis. Le premier croit à la conscience de classe, le second exploite les mécanismes inconscients du comportement de masse.

Et s’ils venaient à se croiser ? Marx 1.0 accuserait son successeur de trahison théorique, de collaboration avec l’ennemi numérique, et de porter une lunette AR sponsorisée par Amazon. Marx 4.0, lui, l’accuserait de ne rien comprendre à l’économie de l’attention, et lui proposerait un NFT de « Das Kapital » pour se calmer.

Face aux IA qui réécrivent l’histoire pendant qu’on dort, Marx 1.0 finirait peut-être par murmurer, fatigué, en regardant les serveurs tourner :

« Influenceurs de tous les pays, unissez-vous ! »

 

A suivre…

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Mahjoub Lotfi Belhedi

Chercheur en réflexion stratégique optimisée IA // Data scientist & Aiguilleur d’IA

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Tunisie 2043 – Etude panafricaine : quelles perspectives économiques?

06. August 2025 um 07:01
Tunisie 2043 - image Gemini
Tunisie 2043 – image Gemini

« Tunisia Geographic Futures » (« Tunisie Avenirs géographiques »), tel est l’intitulé d’une étude prospective effectuée par le programme African Futures & Innovation, institution spécialisée dans la fourniture de prévisions intégrées des perspectives de développement de l’Afrique, et ce, en partenariat avec l’Agence de développement de l’Union africaine Auda – Nepad. L’étude analyse le processus de développement actuel et les perspectives d’avenir de notre pays à l’horizon 2043, date de la fin du troisième plan décennal de mise en œuvre de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.

Elle souligne, dans ses conclusions, l’importance de réformes coordonnées et multisectorielles pour libérer le potentiel économique et social à long terme.

Huit secteurs analysés

L’analyse explore huit secteurs clés : la démographie et la santé, l’agriculture, l’éducation, l’industrie manufacturière, les grandes infrastructures et le « leapfrogging » (saut vers le développement sans passer par les étapes intermédiaires), la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), les flux financiers et la gouvernance.

Parmi les bonnes nouvelles annoncées par cette étude figurent la possibilité de réaliser l’autosuffisance alimentaire et celle de voir la qualité de l’éducation s’améliorer. En voici les principales projections.

« D’ici 2043, la Tunisie devrait atteindre l’autosuffisance alimentaire totale. »

Les scénarios sectoriels

Démographie et santé : une population vieillissante
L’espérance de vie passerait à 82,2 ans en 2043, soit 1,7 an de plus que la trajectoire actuelle. La structure de la population tunisienne se caractérise par un vieillissement démographique. La part de la population en âge de travailler va diminuer.

Économie : une croissance modeste du PIB
En termes de PIB aux taux de change du marché, l’économie tunisienne devrait passer à 75,1 milliards de dollars US en 2043 (43,05 milliards de dollars en 2023), reflétant un taux de croissance annuel moyen modeste de 2,8 %.

Le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat devrait augmenter progressivement pour arriver à 12.870 dollars en 2043 (9.900 dollars en 2023).

« Le scénario Industrie manufacturière porte la valeur ajoutée à 19,2 % du PIB. »

 

Informalité en baisse, pauvreté en recul
D’après l’étude, les parts du secteur informel devraient contribuer à hauteur de 20,3 % au PIB et employer 32,9 %, ce qui représente une baisse par rapport aux années précédentes et devrait, ainsi, témoigner d’une lente formalisation de l’économie.

Les niveaux de pauvreté devraient diminuer pour atteindre 1,7 % en 2043.

Des disparités régionales persistantes
L’étude fait mention de la persistance de certaines fragilités structurelles. Il s’agit notamment des disparités régionales et de la pauvreté multidimensionnelle. Ces fragilités demeureraient des préoccupations majeures.

Agriculture : vers l’autosuffisance alimentaire
Le scénario Agriculture renforce la sécurité alimentaire en améliorant les rendements des cultures, en développant l’irrigation et en adoptant des techniques intelligentes face au climat. D’ici 2043, la Tunisie devrait passer d’un déficit alimentaire à un excédent, atteignant ainsi l’autosuffisance alimentaire totale.

« Le PIB par habitant atteindrait 13.440 dollars, avec des recettes publiques en hausse. »

 

Éducation : hausse de la qualité et de l’égalité
L’étude prévoit une augmentation du nombre moyen d’années de scolarisation à 11,9 ans et une amélioration des scores de qualité à tous les niveaux. Elle réduit l’écart entre les sexes et permet à la Tunisie de mieux adapter le capital humain aux demandes du marché du travail.

Industrie : montée en puissance de la valeur ajoutée
Le scénario Industrie manufacturière élargit la base industrielle et porte la part de la valeur ajoutée manufacturière dans le PIB à 19,2 % d’ici à 2043. Il favorise la création d’emplois, la réduction de la pauvreté et l’augmentation des recettes fiscales.

Commerce extérieur : diversification et intégration régionale
L’impact de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) prévoit un accroissement de l’ouverture commerciale et la diversification des exportations. Le déficit commercial de la Tunisie se réduirait à mesure que les exportations de produits manufacturés et de technologies de l’information et de la communication augmentent.

« Cette étude indépendante mérite toute l’attention de nos gouvernants. »

 

Infrastructures et « leapfrogging » technologique
Le scénario des grandes infrastructures et du « leapfrogging » devrait stimuler la connectivité à large bande et la production d’énergie renouvelable. Il soutient également la croissance des services numériques et accélère la transition écologique.

Financement : des flux en hausse
Le scénario « Flux financiers » accroît les IDE, ralentit la baisse des envois de fonds et réduit la dépendance à l’égard de l’aide. En 2043, le PIB par habitant devrait atteindre 13.440 dollars.

Gouvernance : vers des institutions renforcées
Le scénario Gouvernance renforce l’efficacité des institutions, la prestation des services publics et l’équité sociale.

Les scores de gouvernance augmenteraient, la pauvreté reculerait à 1,7 % et le PIB augmenterait pour atteindre 75,1 milliards de dollars en 2043.

Une étude à considérer sérieusement
Et pour ne rien oublier, cette étude, de par la pertinence de ses conclusions, gagnerait à faire l’objet d’une attention particulière de la part de nos gouvernants pour une raison simple. Elle émane de Thinks tanks africains indépendants et n’obéissent pas à des intérêts géopolitiques de tendance ultralibérale occidentale. À bon entendeur.

Abou SARRA

EN BREF – Ce qu’il faut retenir

  • Une étude panafricaine indépendante projette la Tunisie à l’horizon 2043.
  • Des perspectives positives : hausse du PIB, recul de la pauvreté et autosuffisance alimentaire.
  • Le PIB pourrait atteindre 77,33 milliards USD et la pauvreté baisser à 1,4 %.
  • L’éducation, l’industrie, l’agriculture et les infrastructures sont au cœur des scénarios de progrès.
  • Les disparités régionales et les fragilités structurelles restent des défis persistants.
  • L’étude plaide pour des réformes multisectorielles et une gouvernance renforcée.
  • Elle se distingue par son origine africaine, en dehors des cadres géopolitiques occidentaux.

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Tunisie : Déficit commercial, une spirale dangereuse

05. August 2025 um 07:16

BateauLa Tunisie risque une dérive économique si les signaux d’alerte ne sont pas pris au sérieux. Le déficit commercial dépasse déjà les 9,9 milliards de dinars au cours de la première moitié de l’année, un niveau jamais atteint hors période de crise. Derrière cette dégradation se cache une dynamique inquiétante : recul des exportations, explosion des importations, perte de compétitivité, et dépendance  au financement extérieur.

Le scénario d’un déficit record de 20 milliards à la fin de 2025 semble de plus en plus probable. Le dernier rapport de l’INS (Institut National de la Statistique) sur les échanges commerciaux extérieurs est sans équivoque : au premier semestre 2025, les exportations tunisiennes ont reculé de 0,6 %, atteignant 31,77 milliards de dinars contre 31,95 milliards un an plus tôt. Une réponse inattendue dans un contexte censé marquer la relance post-Covid.

À l’opposé, les importations ont bondi de +4,3 %, totalisant 41,67 milliards de dinars contre 39,97 milliards au premier semestre 2024. Résultat : un déficit commercial aggravé de près de 2 milliards de dinars, culminant à -9,9 milliards de dinars. Le taux de couverture – indicateur clé de la capacité du pays à financer ses importations par ses exportations – a chuté de 79,9 % à 76,2 %. Un décrochage significatif, révélateur d’une perte d’équilibre dans les flux de dispositifs.

« La dérive du déficit commercial n’est pas une donnée technique, c’est un symptôme de perte de souveraineté. »

Un déficit structurel, pas seulement conjoncturel

Ce déséquilibre ne peut plus être attribué à des circonstances passagères. Il révèle une fragilité de fond. La Tunisie peine à tirer partie de ses atouts structurels – géographiques, humains, agricoles, industriels – pour dynamiser ses exportations. Et lorsque celles-ci reculent, alors que les importations augmentent, la pression sur les fondamentaux macroéconomiques deviennent insoutenable.  Ce déficit extérieur n’est pas neutre : il affaiblit la valeur du dinar, accroît la dette extérieure, alimente les pressions inflationnistes sur les produits importés et creuse les inégalités, car il touche directement le pouvoir d’achat des ménages.

 Tourisme : l’espoir d’une saison exceptionnelle… sous condition

Dans ce contexte, le tourisme est attendu comme un moteur vital. Les prévisions officielles tablaient sur une année 2025 « exceptionnelle ». Mais la réalité du terrain est plus nuancée. La Tunisie subit une concurrence régionale féroce de la Turquie et de l’Égypte, qui ont adapté leur politique tarifaire au contexte géopolitique, guerre entre l’Iran et l’entité sioniste oblige, en attirant massivement les marchés de l’Est, y compris les touristes polonais traditionnellement acquis à la Tunisie.

« Exporter moins, importer plus : la Tunisie finance sa dépendance au prix de son avenir. »

 

Sur le plan domestique, la réforme sur les chèques a eu un effet pervers : de nombreux ménages tunisiens qui finançaient leurs courts séjours avec des chèques postdatés ont tout simplement annulé leurs vacances. Résultat : une demande intérieure en berne et une consommation touristique comprimée.

Attendons-nous trop de la récolte céréalière ?

Autre sujet sensible : les importations de céréales, théoriquement en baisse en quantité dans l’espoir qu’une bonne campagne de récolte compense. Le fait est qu’au 5 juillet, la récolte nationale s’établissait à 10 millions de quintaux, soit à peine 1 million de plus que l’an dernier, et bien en deçà de l’objectif des 15 millions prévus par le budget. La saison étant quasiment terminée, l’argument d’une récolte excédentaire ne tient plus.

La baisse des importations serait donc davantage le fruit de restrictions budgétaires, imposées par le manque de devises, que d’une autosuffisance céréalière réelle.  Et ce, alors même que les besoins alimentaires devraient être en augmentation du fait de la saison touristique.

« La lucidité n’est plus une option, c’est une nécessité. »

Exportations industrielles : résultats mitigés

Les exportations ont enregistré une baisse dans le secteur de l’énergie de 36,3% sous l’effet de la diminution de nos ventes des produits raffinés soit 245,6MD contre 950,4 MD, ainsi que le secteur des industries agro-alimentaires de -19,1% à la suite de la baisse de la valeur de nos ventes en huiles d’olives 2346,6 MD contre 3406 MD.

Dans un pays où l’exportation est censée être un levier de croissance, la baisse des exportations des produits en question est d’autant plus préoccupante. L’huile d’olive – secteur historiquement performant – a vu ses flux perturbés à cause d’affaires liées à plusieurs grands opérateurs du secteur. Les quantités exportées plus importantes cette année n’ont pas apporté les recettes escomptées, les cours mondiaux de l’huile d’olive ayant baissé. Les exportations du secteur mines, phosphates et dérivés ont enregistré une hausse de +11,2% celui des industries mécaniques et électriques de +6,2% et textile, habillement et cuirs de +0,4% progressent encore plus sur le deuxième semestre pour, relativement, pallier le recul des autres produits en quantité et en valeur.

« L’espoir d’une relance repose sur une stratégie industrielle claire et partagée. »

Jusqu’où ira le déficit ?

La crainte d’un déficit de 20 milliards de dinars à fin 2025 est désormais évoquée ouvertement par plusieurs économistes. Ce seuil critique, franchi uniquement en période de pandémie, symboliserait une rupture durable des équilibres extérieurs. Une telle situation contraindrait l’État à intensifier le recours à la dette extérieure, ou à mobiliser l’épargne intérieure, au risque d’asphyxier les banques et de détourner les financements du secteur productif. Et dans un pays où la culture entrepreneuriale peine à se maintenir, cette perspective alimente la défiance des investisseurs et accentue la stagnation.

Des solutions à portée de main ?

La Tunisie ne manque pourtant pas de leviers, encore faut-il en prendre compte pour des mesures constructive loin d’un populisme devenu destructeur pour le pays.

Il suffit de réactiver le tissu industriel, de doter des moyens pour renforcer ses capacités à l’export et d’améliorer l’attractivité logistique et la valorisation des produits à haute valeur ajoutée pour inverser la tendance. Mais cela exige : une stratégie claire de soutien aux exportateurs, un climat d’affaires apaisé et transparent, des incitations fiscales stables et surtout, une vision à long terme portée par l’État et partagée avec le secteur privé ce qui ne semble pas être le cas aujourd’hui.

« Le déficit commercial est en passe de franchir un seuil critique inédit hors période de crise. »

 

La dérive du déficit commercial n’est pas seulement une donnée technique. C’est le symptôme d’un pays qui importe ce qu’il pourrait produire et qui n’exporte pas assez ce qu’il pourrait vendre. Si rien n’est fait pour redresser la barre, le pays risque de se retrouver en situation de dépendance chronique, étranglé entre le service de la dette, l’inflation importée et la rareté des devises.

C’est le socle même de la souveraineté économique qui est en jeu.  Face à cette urgence, la Tunisie doit choisir : continuer à nier l’ampleur du problème, ou mettre en œuvre une politique économique réaliste, volontariste et cohérente. La lucidité n’est plus une option, c’est une nécessité.

Amel Belhadj Ali

EN BREF

  • Le déficit commercial tunisien atteint un niveau critique : -9,9 milliards TND au premier semestre.
  • Les exportations reculent, les importations explosent, aggravant la dépendance extérieure.
  • Les espoirs d’une relance par le tourisme ou la récolte céréalière s’amenuisent.
  • Des secteurs clés comme l’énergie ou l’agroalimentaire plongent, malgré quelques hausses industrielles.
  • Sans stratégie industrielle claire, la Tunisie s’expose à une spirale d’endettement et d’appauvrissement.

 

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ECLAIRAGE – Géopolitique – La Tunisie à l’épreuve du néomercantilisme mondial (2/3)

05. August 2025 um 06:03

Alors que les grandes puissances redessinent les lignes de fracture de l’économie mondiale à coups de barrières tarifaires, de restrictions technologiques et de relocalisations industrielles, un vieux spectre resurgit : celui du mercantilisme. Sous son nouveau visage – le néomercantilisme – il ne s’agit plus de coopérer, mais de dominer. La mondialisation s’effrite, les blocs se reforment et les plus faibles risquent d’en payer le prix fort. Pour la Tunisie, le défi est clair : ne pas sombrer dans le mimétisme stratégique, mais inventer une souveraineté économique adaptée à ses réalités et à ses atouts.

Le retour brutal des États-puissance

Depuis la pandémie de Covid-19 et la montée des tensions géopolitiques, l’économie mondiale n’est plus guidée par le libre-échange ou les règles communes. Elle est désormais le terrain d’un affrontement feutré mais implacable entre grandes puissances. Les États-Unis imposent des droits de douane massifs, l’Europe subventionne ses industries « vertes », la Chine verrouille ses exportations stratégiques. Tous avancent un même objectif : sécuriser leurs intérêts nationaux dans un monde devenu instable. Cette montée en puissance des États s’accompagne d’un durcissement des accès aux marchés, aux technologies et aux ressources, au détriment des pays qui n’ont pas les moyens de riposter.

Un monde fermé aux économies vulnérables

La nouvelle architecture économique mondiale se structure en blocs. Ceux qui dictent les règles d’accès aux circuits financiers, aux innovations technologiques ou aux ressources naturelles ne sont plus dans une logique de partage, mais de contrôle. Pour les économies émergentes et en développement, cette fermeture est synonyme de marginalisation. La Tunisie, comme d’autres pays du Sud, risque de se retrouver enfermée dans une périphérie stratégique, exposée à des conditionnalités plus sévères et à une dépendance accrue vis-à-vis de flux exogènes.

Le piège de l’imitation

Dans ce contexte, la tentation est grande de calquer les choix des grandes puissances : protectionnisme, relocalisation, préférence nationale. Mais cette voie serait dangereuse pour un pays comme la Tunisie. Elle ne dispose ni d’un marché intérieur suffisant, ni de marges budgétaires, ni d’un appareil productif assez robuste pour soutenir une économie fermée. Adopter ces recettes sans les moyens d’en assumer les conséquences reviendrait à créer des niches étroites, inefficaces, coupées de l’innovation et de la compétitivité internationale.

Une souveraineté économique ouverte et maîtrisée

La Tunisie ne peut se permettre un repli. Elle doit au contraire bâtir une souveraineté économique lucide et intelligente. Cela implique de repenser son intégration mondiale, non pas en la refusant, mais en en maîtrisant les termes. La souveraineté ne consiste pas à s’isoler, mais à choisir ses dépendances, à diversifier ses partenariats, à anticiper les mutations et à renforcer ses capacités à négocier. L’avenir tunisien se joue dans sa capacité à s’insérer dans des alliances régionales solides – notamment avec l’Afrique et la Méditerranée – et à identifier les créneaux technologiques et industriels porteurs, en lien avec ses ressources et ses compétences.

La crise du multilatéralisme, une opportunité à saisir

Ce basculement vers le néomercantilisme s’inscrit dans un contexte plus large : celui d’un affaiblissement du multilatéralisme. Les institutions internationales perdent de leur influence, les règles communes vacillent, les rapports de force prennent le dessus. Ce vide normatif crée une instabilité globale, mais aussi un espace pour inventer autre chose. La Tunisie ne doit pas se contenter d’être spectatrice de cette recomposition, ni se soumettre à des modèles extérieurs. Elle peut, si elle le décide, devenir un acteur stratégique de cette transition mondiale, en misant sur l’innovation, la formation, la diplomatie économique et la projection régionale.

Inventer une voie tunisienne dans un monde fragmenté

Le néomercantilisme n’est pas une fatalité, mais un symptôme du désordre global. La Tunisie doit éviter deux écueils : celui de l’isolement et celui de la soumission. Elle a la possibilité de définir une voie originale, fondée sur la résilience, l’intelligence collective et le choix stratégique de ses interdépendances. Dans ce nouveau monde, la souveraineté ne se proclame pas à grand renfort de discours, elle se construit dans le détail des décisions, des alliances et des investissements.

In fine, penser l’après-mondialisation, pour la Tunisie, ce n’est pas tourner le dos à la mondialisation, mais refuser d’en subir les dérives. C’est affirmer une capacité à exister autrement, à faire entendre sa voix, à participer pleinement à la reconfiguration du monde – non pas comme un simple rouage, mais comme un acteur à part entière.

 

A suivre…

 

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Article en relation:

ECLAIRAGE – Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ? (1/2)

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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Pourquoi les investisseurs chinois misent-ils sur les ressources stratégiques tunisiennes ?

04. August 2025 um 09:15

Ces dernières semaines, les multinationales chinoises sont de plus en plus nombreuses à visiter la Tunisie, à y explorer des opportunités d’affaires et à prendre parfois des décisions d’investissement. Trois exemples méritent qu’on s’y attarde.

ChineLa première initiative, la plus importante est à l’actif du groupe multinational chinois Asie — Potash International investment (Guangzhou), spécialisé dans le commerce des céréales, le potasse, le transport maritime et la logistique internationale.

Un investissement de 800 MDT pour développer le gisement de Sra ouertane

En visite, en ce mois de juillet 2025,  dans la région du Kef (nord ouest de Tunisie ) où est localisé le gisement de phosphate de Sra ouertane, le président de cette  multinationale chinoise a annoncé son intention d’investir, dans une première étape 800 MDT pour le développement de ce gisement dont les réserves sont estimées à des milliards de tonnes.

Mieux, dans une déclaration aux médias, le responsable chinois, a tenu à confirmer « la volonté de son entreprise d’accélérer les démarches administratives pour obtenir les autorisations nécessaires au démarrage du projet ».

« Nous voulons accélérer les démarches pour démarrer rapidement l’exploitation du gisement de Sra Ouertane. »

Un investissement de 95 MDT pour créer une unité de brome et dérivés

La deuxième décision d’investissement chinois est attribué à la multinationale Shandong Haiwang Chemical Co., groupe spécialisée dans la chimie, notamment dans la production de brome. halogène  présent dans l’eau de mer et les sources salines. Il est utilisé comme désinfectant pour les piscines et spas.

Reçu le 17 juillet à Tunis,  par la  ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, Fatma Thabet Chiboub, le vice‑président du groupe Wu Yonghong, s’est engagé à investir en Tunisie quelque 95 millions de dollars dans une unité de dérivés de brome d’une capacité annuelle de près de 92000 tonnes.

« Huawei joue un rôle clé dans la transition numérique et énergétique de la Tunisie. »

 

Shandong Haiwang Chemical Co., 1ère entreprise du secteur en Chine et 3ème au rang mondial, est déjà titulaire de deux permis d’exploration des sels minéraux à Chott El Jérid Nord ainsi qu’à Al Adhibate Sud (gouvernorat de Tataouine).

Le groupe chinois ne compte pas s’arrêter là. Il a donné son accord de principe pour produire et valoriser le sel tunisien et d’autres ressources minières à haute valeur ajoutée.

Huawei pour aider la Tunisie à mener sa transition énergétique

La troisième initiative est à l’actif du groupe chinois Huawei spécialisé dans la fourniture de solutions dans le secteur des (TIC) et de réseaux de télécommunication aux opérateurs (matériels, logiciels et autres prestations de services…).

Une délégation de ce groupe a discuté, le 9 juillet 2025, à Tunis, avec Jalel TEBIB, Directeur Général de l’agence de promotion des investisseurs extérieurs (FIPA), des possibilités de coopération et d’investissement notamment dans le domaine de l’énergie numérique. Il s’agit de technologies appliquées à la gestion de l’énergie (intégration des technologies digitales comme l’IA,  l’IoT, le Cloud…). Objectif : optimiser la production, la gestion et la consommation d’énergies renouvelables en lien avec les objectifs de la Tunisie en matière de transition énergétique.

« Les Chinois ne sont pas des anges gardiens… mais des partenaires stratégiques à encadrer. »

 

Présent en Tunisie depuis 1999, Huawei Tunisie compte déjà une unité employant 200 personnes dont 90% sont des tunisiens est un acteur majeur dans les domaines des télécommunications, des services aux entreprises, des terminaux intelligents et des énergies renouvelables, jouant un rôle clé dans la transition numérique et énergétique de la Tunisie.

Mention spéciale pour la distinction du groupe Huawei en Tunisie. Lors de l’édition 2022 du Tunisia Investment Forum, organisée par FIPA, le groupe chinois a obtenu le Prix de l’industrie des TIC et du développement des talents.

Par delà cette intensification des investissements chinois en Tunisie, nous espérons que les détails de mise en œuvre de ces projets d’infrastructure seront bien négociés –bien négociés- par les tunisiens particulièrement en matière de soutenabilité environnementale et sociale. Les chinois ne sont pas des anges gardiens !!!.

Abou SARRA

EN BREF

  • Trois grandes entreprises chinoises accélèrent leur implantation en Tunisie.
  • Asia Potash investit 800 MDT dans le développement du gisement de Sra Ouertane.
  • Shandong Haiwang engage 95 millions USD pour une unité de brome à Chott El Jérid.
  • Huawei propose un partenariat stratégique dans la transition énergétique et numérique.
  • Si ces projets confirment l’attractivité tunisienne, ils exigent une vigilance renforcée sur l’impact social, environnemental et économique.

 

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ECLAIRAGE – Néomercantilisme et géopolitique – Un retour stratégique ou un repli systémique ?

04. August 2025 um 06:01

La récente publication de l’IACE sur « Le néomercantilisme : vers la formation d’un nouveau système économique mondial » s’inscrit dans un contexte de turbulences internationales où la globalisation, autrefois vecteur de convergence, semble aujourd’hui éclatée en sphères d’influence, tensions commerciales et nationalismes économiques.

Le constat proposé par l’Institut est factuellement rigoureux mais idéologiquement lisse. Derrière la neutralité du propos se dessine une profonde mutation du capitalisme mondial : une transformation où les logiques de coopération cèdent la place à des stratégies de puissance, et où l’intérêt national supplante toute ambition collective.

 

Du mercantilisme classique à sa résurgence contemporaine : l’illusion de la continuité

Le texte établit un parallèle historique entre le mercantilisme des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles et sa forme contemporaine. À première vue, le lien semble pertinent : la volonté d’accumulation, la primauté de l’export sur l’import, la centralité de l’État dans la stratégie économique. Mais ce rapprochement masque des différences fondamentales.

Le mercantilisme classique s’inscrivait dans un monde de monarchies absolues, d’empires coloniaux et de monnaies métalliques. Le néomercantilisme actuel, lui, s’implante dans une économie financiarisée, interconnectée, où les flux immatériels (données, brevets, normes, capitaux) pèsent souvent davantage que les marchandises. Ce que nous appelons aujourd’hui néomercantilisme est moins un retour qu’un recyclage – un habillage idéologique d’un capitalisme d’État stratège, interventionniste, technologique, profondément asymétrique.

 

La souveraineté économique : impératif stratégique ou prétexte hégémonique ?

La chronique de l’IACE insiste, à juste titre, sur les cinq piliers du néomercantilisme : autonomie technologique, protection des marchés, affirmation politique, sécurisation des ressources et contrôle des flux financiers. Ce cadrage est pertinent. Il reflète la volonté croissante des puissances – États-Unis, Chine, Europe – de réduire leur vulnérabilité structurelle face à un monde instable.

Mais ce positionnement, présenté comme un réflexe défensif, masque une réalité plus cynique : l’usage du néomercantilisme comme levier de puissance, souvent à sens unique. La « souveraineté économique » des puissants devient un instrument pour restreindre celle des autres. Par exemple, les sanctions technologiques imposées à la Chine, les restrictions sur les IDE dans les secteurs sensibles, ou encore les aides d’État massives sous couvert de transition écologique en Europe ne visent pas seulement à se protéger, mais à dominer, à verrouiller les rapports de dépendance.

 

La logique des blocs : vers une fragmentation géoéconomique du monde

L’un des angles morts de l’analyse réside dans la tendance à la bipolarisation, voire à la fragmentation du système économique mondial. Les politiques néomercantilismes, en renforçant les préférences nationales, les relocalisations et les exclusions réciproques, participent à l’érosion du multilatéralisme. L’OMC est marginalisée. Les accords bilatéraux supplantent les règles communes. Les normes deviennent des armes.

Le danger n’est pas théorique. Il est tangible : fragmentation des chaînes d’approvisionnement, inflation importée, compétition fiscale, explosion des subventions industrielles, guerre des brevets. Tout cela conduit à un « capitalisme géopolitique » dans lequel l’économie devient un champ de bataille permanent, sans arbitre, ni règles universelles.

 

Néomercantilisme et pays en développement : le piège de la périphérie

L’article ne dit presque rien sur la place des pays en développement dans ce nouvel échiquier. Or, pour des économies comme la Tunisie (nous y reviendrons), l’impact du néomercantilisme mondial pourrait être dévastateur. Dépendante des importations stratégiques (technologies, énergie, matières premières) et des marchés extérieurs pour ses exportations (agroalimentaire, composants automobiles, textile), la Tunisie risque de subir les effets collatéraux d’un repli protectionniste généralisé.

L’accès aux financements internationaux devient plus conditionné politiquement. Les normes imposées par les blocs dominants (règles d’origine, critères environnementaux, exigences technologiques) créent de nouveaux obstacles à l’intégration. Même les secteurs où la Tunisie pouvait espérer renforcer sa compétitivité – comme les services numériques – sont désormais verrouillés par des logiques de souveraineté technologique.

Face à cela, le risque pour la Tunisie serait de céder à la tentation mimétique : copier les politiques protectionnistes des grandes puissances sans disposer ni des marges budgétaires, ni des capacités industrielles, ni des leviers technologiques. Une souveraineté économique sans base productive ne serait qu’un slogan.

 

Un monde sans règles, ou un monde à réinventer ?

La chronique conclut que le néomercantilisme incarne une transition vers un nouveau système économique mondial. Mais elle ne dit pas si ce système sera plus juste, plus soutenable, ou plus stable. Or, c’est là que se situe l’enjeu central : dans l’absence d’une vision alternative.

Peut-on réellement bâtir un ordre économique fondé uniquement sur la compétition stratégique, la sécurisation des intérêts nationaux et la logique d’exclusion ? Le retour des États dans l’économie est nécessaire, mais leur repli sur eux-mêmes est dangereux.

Faut-il vraiment revenir au mercantilisme, ou ne vaudrait-il pas mieux redéfinir la souveraineté économique autour de la coopération régionale, de la solidarité technologique et d’une réforme du multilatéralisme ?

 

Souveraineté ou souverainisme économique ?

L’IACE a le mérite d’attirer l’attention sur un phénomène en pleine expansion. Mais en en faisant une évolution naturelle, presque inévitable, il court le risque de normaliser un processus profondément inégalitaire. Le néomercantilisme n’est pas une panacée. C’est une stratégie d’exception devenue système. Il peut répondre à des besoins de sécurité à court terme, mais il fragilise les fondements de l’économie mondiale à long terme.

Pour la Tunisie, comme pour les autres économies périphériques, la solution n’est pas de s’aligner aveuglément sur cette dynamique, mais de repenser ses leviers d’intégration, d’innovation et d’alliance. Il faut construire des espaces d’autonomie, certes, mais sans rompre avec les principes d’ouverture, de dialogue et d’équité. La souveraineté économique n’est pas un repli, c’est une capacité à choisir, à négocier et à inventer son propre modèle.

A suivre…

 

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* Dr. Tahar EL ALMI,

Economiste-Economètre.

Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,

Psd-Fondateur de l’Institut Africain

D’Economie Financière (IAEF-ONG)

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Tourisme, des recettes juteuses cachant des signes de fragilité

03. August 2025 um 13:26

La Tunisie a toujours misé sur le tourisme, qui reste incontestablement un pilier de l’économie du pays, constituant une source importante d’emplois et de devises. Avec les transferts des Tunisiens résidents à l’étranger, les recettes touristiques permettent de réduire le déficit courant et de couvrir une part importante du service de la dette. Selon les derniers chiffres publiés, les revenus de l’activité touristique ont atteint, durant les six premiers mois de l’année 2025, 3 284 millions de dinars (environ 1116 millions de dollars). Ces recettes ont augmenté de 8,5% par rapport à l’année passée. Cette progression marque un ralentissement, comparé à celles de juin 2024 (15,3%) et au rebond enregistré en juin 2023 (82,6%) après la crise de Covid-19. La part des revenus du tourisme dans le PIB a certes légèrement dépassé le niveau d’avant la pandémie (1,9% contre 1,7%), mais elle reste en deçà des moyennes atteintes avant la révolution (2,4% du PIB entre 2008 et 2010).

Le secteur du tourisme a pu montrer une certaine résilience face aux différents chocs domestiques et internationaux. Mais la décélération de la croissance des recettes révèle un essoufflement du modèle basé sur un tourisme de masse, principalement balnéaire, généralement peu rentable et fort dépendant du cycle saisonnier. La mise en place de la stratégie nationale de développement du tourisme durable 2035, de la stratégie globale de digitalisation et le projet de création d’un observatoire national du tourisme tentent d’offrir un modèle alternatif. Un modèle basé sur une diversification des produits (tourisme culturel, écologique, médical) et des marchés (pays asiatiques) et une digitalisation des contenus promotionnels et des services touristiques.

Ces stratégies sont loin d’être une panacée, tant qu’on tarde ra à relever les défis, avec un modèle de propreté urbaine, de respect de l’environnement et de qualité du transport public, qu’il soit aérien, maritime, ferroviaire et même routier. La concurrence reste rude dans la région, la Tunisie est en compétition directe avec d’autres destinations méditerranéennes et africaines qui l’ont largement devancée dans la modernisation de leur secteur touristique. L’accélération des réformes dans ce secteur est vitale. Le tourisme doit être le fer de lance de l’économie tunisienne et non son talon d’Achille.

Par Lamia Jaidane-Mazigh 

Cet article est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin du 30 juillet au 27 août 2025.

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Entreprises publiques : pragmatisme

03. August 2025 um 04:46

Nos ministres peuvent-ils (elles) avoir le sommeil ? A commencer par le ministre du Transport face à l’effondrement et à l’agonie de Tunisair qui fut en son temps l’incarnation et le symbole de cette Tunisie sûre et conquérante. La SNCFT, Etat dans l’Etat, qui marqua de son empreinte les Trente Glorieuses, l’âge d’or de l’économie nationale, sombre dans le coma, dans un état de mort clinique. Le transport urbain est victime d’euthanasie précoce. Il poursuit sa descente aux enfers, au grand dam des usagers qui n’en peuvent plus. La CTN, qui sillonnait naguère les mers chaudes et froides, voit son pronostic vital engagé. Pour combien de temps encore ? Ce navire amiral du transport maritime bat de l’aile plus qu’il n’arbore le pavillon national. Sa flotte se rétrécit comme peau de chagrin, entraînée qu’elle est sur la même pente que Tunisair, la SNCFT et bien d’autres encore.

Grandeur et décadence, vie et mort programmée d’entreprises publiques que rien ne prédestinait à une telle tragédie. Figures emblématiques, elles connurent leur heure de gloire sous la houlette de dirigeants visionnaires, aidés en cela par la politique volontariste de l’Etat. Ces entreprises phares, qui dominaient et structuraient le paysage productif, étaient les principaux leviers de développement d’une économie en construction, aux premiers stades de son démarrage. Elles étaient aussi l’affirmation d’une volonté d’émergence sur la scène mondiale après la longue nuit coloniale. Il y flottait un air de souveraineté retrouvée. Elles avaient osé et elles avaient réussi à faire jeu égal jusqu’à susciter la crainte de concurrents de réputation mondiale.

 

Le temps a, semble-t-il, suspendu son vol sur les ports de Sfax, Bizerte et Zarzis. Ils sont aujourd’hui beaucoup moins ouverts sur le monde qu’ils ne l’étaient par le passé

 

Le ministre de l’Equipement n’est pas non plus à l’abri de terribles insomnies. Il a bien des raisons de s’inquiéter de l’état de délabrement de nos ports, devenus la risée des transporteurs mondiaux. Les bateaux, quand il leur arrive de s’arrimer à quai, y accostent pour ne jamais sortir dans les délais qui sont de rigueur, ne serait-ce que dans le pourtour méditerranéen. Maintenus en rade, faute de manutention aux standards mondiaux, ils provoquent une véritable saignée en ces temps de disette de devises. Que n’a-t-on construit les quais 8 et 9 du port de Radès et mis fin à une gestion calamiteuse d’un autre âge des flux de marchandises !

Le temps a, semble-t-il, suspendu son vol sur les ports de Sfax, Bizerte et Zarzis. Ils sont aujourd’hui beaucoup moins ouverts sur le monde qu’ils ne l’étaient par le passé. Et ne parlons pas de ce serpent de mer qu’est le port en eau profonde d’Enfidha, dont on n’arrête pas de parler depuis plus de 20 ans. Que d’occasions et d’opportunités d’investissements perdues !

Que de rendez-vous ratés pour enclencher une vraie dynamique de développement et une montée en gamme de l’industrie automobile et de bien d’autres filières industrielles ! On n’arrête pas de nous promettre la lune, comme si parler valait réalisation, au seul motif de se dédouaner ou de se faire bonne conscience. Le fait est que les ministres continuent leur chemin sur les décombres de notre infrastructure de transport, pourtant véritable épine dorsale de l’économie nationale. Pendant ce temps, le pays s’enfonce dans la dé pression et poursuit son inexorable déclassement.

La ministre de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie, pur produit de ce secteur qu’elle maîtrise et qu’elle porte au plus profond d’elle-même, a bien des soucis à se faire à l’idée de voir se saborder de la pire des manières la CPG, l’ETAP…, hier fleurons de l’activité minière et pétrolière dans la région. Le séisme postrévolutionnaire est passé par là.

Ici aussi, comme ailleurs, les transitions énergétiques et environnementales, si nécessaires pour préparer l’avenir, ont pris trop de retard et sont dans un état embryonnaire. Pourtant, le déficit énergétique et le stress hydrique font peser de sérieuses menaces sur le pays. Dire qu’on voyait venir le danger, qu’on avait largement anticipé ses effets sur la balance des paiements, l’agriculture et l’industrie ! A qui la faute ? Comment expliquer cette passivité des pouvoirs publics ?

Anticiper, agir, c’est devenu au-dessus de nos moyens. A peine sommes-nous capables de réagir dans l’urgence, en mode survie, forcément sans grand succès au regard de l’étendue des dégâts. Le coût de l’immobilisme est si élevé qu’il condamne à la paralysie.

 

A quoi peut-on s’attendre dans ces conditions? Gérer le vide ou tirer des plans sur la comète ? Difficile de déplacer les montagnes, pris qu’est le pays dans l’étau des contraintes à nulle autre pareilles. Que peut-on planifier dès lors, sinon craindre le repli, le déclassement et le déclin?

 

Dans ces conditions, le ministre de l’Economie et de la Planification, universitaire et économiste chevronné, une tête bien faite et bien pleine, qui a pour champ de vision l’ensemble des entreprises, paraît en lévitation, hors-sol. Il a d’autant plus de soucis – de quoi troubler son sommeil – qu’il a une conscience aiguë du poids des contraintes qui limitent sa marge de manœuvre.

Quelle politique économique ? Quel type de planification à court ou à moyen terme peut-on mettre en œuvre quand les déficits jumeaux crèvent structurellement tous les plafonds, quand les transferts des revenus du tourisme et des TRE couvrent à peine le service d’une dette abyssale et non soutenable ? Que faire quand le taux d’investissement, à force d’errements budgétaires, chute à près de 11% ? Moins du tiers de ce qu’il est dans la région.

L’épargne nationale, au regard de la situation des entreprises publiques maintenues sous perfusion, est descendue à son plus bas étiage : à peine 6%. A quoi peut-on s’attendre dans ces conditions? Gérer le vide ou tirer des plans sur la comète ? Difficile de déplacer les montagnes, pris qu’est le pays dans l’étau des contraintes à nulle autre pareilles. Que peut-on planifier dès lors, sinon craindre le repli, le déclassement et le déclin?

A quoi bon égrener la liste des ministres aux bilans peu reluisants, qui peinent à agir, alors qu’ils nous proposent à chaque fois de remettre les choses à l’endroit ? Peuvent-ils dormir du sommeil des braves, sachant que de partout montent la déception, les frustrations et la colère ? On a sacrifié l’avenir sans même tirer la moindre satisfaction du présent. Ni investissements structurants, ni projets futuristes, rien de ce qui pourrait nourrir le rêve tunisien : les prix flambent, le chômage se propage comme une traînée de poudre, la misère se répand – plus d’un Tunisien sur quatre vit sous le seuil de pauvreté -, le déclassement social s’institutionnalise. L’informel n’est pas loin de devenir la norme et l’économie formelle l’exception, tout en étant victimes d’une fiscalité devenue confiscatoire.

 

Le pragmatisme et l’aptitude au changement sont de rigueur. Se rendre à l’évidence est une vertu cardinale qui honore plus qu’elle ne décrédibilise. Il faut traiter le mal à la racine pour briser ce cercle vicieux qui sape les fondements des entreprises publiques, ultime creuset de développement.

 

Face à ce malstrom qui balaie tout sur son passage et menace d’emporter des entreprises publiques qui donnent encore des signes de vie, il faut savoir raison garder. Plu tôt que de se résigner ou de s’abriter derrière les mots, mieux vaut s’armer de courage, d’audace, d’humilité et de réalisme. A l’ère de l’IA, l’idéologie n’a plus cours. Le pragmatisme et l’aptitude au changement sont de rigueur. Se rendre à l’évidence est une vertu cardinale qui honore plus qu’elle ne décrédibilise. Il faut traiter le mal à la racine pour briser ce cercle vicieux qui sape les fondements des entreprises publiques, ultime creuset de développement. C’est ici, en même temps qu’à l’extérieur, qu’il faut aller chercher la croissance avec les dents.

Les entreprises publiques, en raison de leur énorme potentiel de développement, doivent retrouver leur statut et leur rôle de pôle de création de richesse, d’innovation technologique et sociale, de leadership et de locomotive de l’économie nationale. Elles doivent retrouver les motivations, les ressorts et les leviers d’une croissance et d’un développement durable.

Sous quelle forme pourraient-elles refaire surface? Le tout-Etat ne garantit pas l’Etat social, pas plus que le moins d’Etat sans redistribution juste et efficace n’est une panacée. Le choix du scénario importe moins que la capacité de rebond des entreprises : restructuration, choix d’un partenaire stratégique, privatisation partielle ou totale. L’essentiel est qu’il y ait un appel d’air : assainissement et injection de capitaux, recapitalisation… Et une autonomie de décision pleine et entière, à travers un mode de gouvernance à l’abri de toute interférence poli tique, sous la houlette de dirigeants d’entreprise visionnaires et de réputation internationale, sans lésiner sur les moyens de leur rétribution.

Quand on est pauvre, la seule recette qui vaille est de pratiquer une politique de riche. Pour se faire respecter et entendre ici et ailleurs. La présence de top managers à la tête des entreprises rassure et sécurise. Ils sauront mobiliser les capitaux des SICAR qui cherchent à s’investir et à rallier les clients aux quatre coins de la planète. Ils ont obligation de résultat après avoir validé leur plan d’action et leur programme. D’un mot, si la volonté d’éviter un naufrage collectif d’entreprises publiques que rien ne condamnait au déclin y est, c’est maintenant ou jamais qu’il faut agir. C’est une question de vie ou de mort. Qui oserait dans ces conditions manifester la moindre résistance sans s’exposer aux pires des déconvenues ?

Cet édito est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n°925 du 30 juillet au 27 août 2025.

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