Le recensement général de la population 2024 et le dernier Rapport mondial sur le développement humain 2025 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) brossent un portrait contrasté de la Tunisie. Si le pays s’approche désormais des 12 millions d’habitants avec une croissance démographique modérée, il fait face à une stagnation inquiétante de son développement humain, marquée par un recul dans le classement mondial. Retour sur les principaux enseignements de ces deux grandes publications.
Selon l’Institut national de la statistique (INS), la population tunisienne s’établit à 11 972 169 habitants en 2024, soit une augmentation d’environ 989 000 personnes depuis 2014. Le taux de croissance annuel moyen de 0,87 % traduit une stabilité démographique relative comparée aux décennies passées, annonçant cependant un vieillissement progressif de la population. Cette évolution démographique entraînera des répercussions importantes sur l’économie et les politiques sociales du pays dans les années à venir.
Une répartition géographique inégale et un parc de logements en expansion
Le recensement révèle une concentration majoritaire de la population dans les zones les plus urbanisées :
- 59,1 % des Tunisiens vivent dans les régions 2 et 3, correspondant au Grand Tunis, au Sahel et au Centre-Est.
- Le reste de la population est réparti entre le Nord-Ouest (13,04 %), le Sud-Ouest (17,09%) et le Sud-Est (10,81 %).
Par ailleurs, le pays compte désormais plus de 4,26 millions de logements, signe d’un développement continu des infrastructures résidentielles.
« La Tunisie a retrouvé son niveau d’IDH d’avant la pandémie, mais elle recule dans le classement mondial. »
Le vieillissement démographique, un défi majeur
Le vieillissement de la population est particulièrement net :
- la part des enfants de 0 à 4 ans chute à 5,86 %, contre 8,9 % en 2014 ;
- la tranche des 5-15 ans diminue également à 16,77 % ;
- la proportion des plus de 60 ans atteint désormais 16,68 %, contre seulement 5,58 % en 1966.
Cette tendance s’accompagne d’une baisse relative de la population active (15-59 ans), posant de sérieux défis pour la croissance économique et les systèmes de protection sociale. L’État doit d’ores et déjà anticiper les difficultés financières des caisses sociales à très moyen, les données recueillis dans le cadre du recensement national constituant une base essentielle pour orienter les politiques publiques et le plan quinquennal 2026-2030.
« Le vieillissement de la population constitue une bombe à retardement pour les caisses sociales. »
Indice de développement humain 2025 : stagnation et recul dans le classement mondial
Le dernier rapport du PNUD souligne que la Tunisie retrouve son indice de développement humain (IDH) d’avant la pandémie, à 0,746 en 2025, un léger progrès par rapport à 0,745 en 2019. Pourtant, ce chiffre masque une réalité moins réjouissante : la Tunisie recule de 4 places dans le classement mondial, se positionnant désormais au 105ᵉ rang sur 193 pays.
Pire, elle est dépassée par ses voisins nord-africains l’Algérie (96ᵉ) et l’Égypte (100ᵉ), et affiche, avec la Libye, la croissance la plus faible de l’IDH depuis 2010, signe d’une stagnation structurelle.
Santé stable, éducation en déclin et revenus stagnants
L’amélioration de l’IDH repose principalement sur une espérance de vie stable, à 76,5 ans en 2025, proche du niveau de 2019. Cette stabilité témoigne de la résilience du système de santé face aux chocs récents.
En revanche, la situation éducative se dégrade fortement : les années moyennes de scolarité et les années de scolarité attendues ont diminué par rapport à la période 2015-2019. Cette dégradation menace le développement futur du capital humain, essentiel à une croissance durable.
«Malgré un faible taux de pauvreté multidimensionnelle, les privations restent profondes.»
Sur le plan économique, le revenu par habitant n’a pas progressé entre 2022 et 2023, reflétant un contexte marqué par des tensions budgétaires, une inflation persistante et un climat social difficile.
Pauvreté limitée, mais inégalités persistantes
Le rapport PNUD indique que 1,0 % des Tunisiens vivent dans une pauvreté multidimensionnelle, un indicateur incluant les revenus, l’accès à l’éducation, la santé et les conditions de vie. Ce taux reste inférieur à celui de l’Algérie (1,4 %) et du Maroc (6,4 %), mais le niveau de privation au sein de cette population est élevé, atteignant 35,2 %.
Sur le plan de l’égalité entre les sexes, la Tunisie occupe une position intermédiaire, mieux placée que le Maroc et l’Algérie, mais encore loin des niveaux d’équité souhaitables. Les inégalités structurelles persistantes notamment dans l’emploi, l’accès aux postes de décision et la participation économique.
L’intelligence artificielle, un levier pour l’avenir ?
Enfin, près d’un tiers des Tunisiens rassemblés s’attendent à ce que l’intelligence artificielle (IA) ait un impact significatif dans les domaines de l’éducation et de la santé. Le PNUD invite à intégrer cette technologie de manière éthique et inclusive, afin de renforcer les systèmes publics et stimuler le développement.
La Tunisie fait aujourd’hui face à un tournant démographique et socio-économique. La maîtrise des défis liés au vieillissement, à l’éducation et à l’inclusion sociale sera déterminante pour assurer un développement humain durable dans les prochaines années.
ABA
Sources : Ecoweek numéro 19-2025, INS
Chiffres clés
➤ 11 972 169 — Nombre d’habitants en Tunisie en 2024
➤ 0,746 — Indice de développement humain (IDH) de la Tunisie en 2025
➤ 16,68% — Part des Tunisiens âgés de plus de 60 ans
➤ 4 — Places perdues par la Tunisie dans le classement IDH mondial
➤ 35,2% — Taux de privation au sein de la population pauvre multidimensionnelle.
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