Deux accords majeurs visant à mettre en place un système de facturation électronique aux marchés de gros des fruits et légumes ainsi que du poisson de Sfax ont été signés. Le gouverneur de la région, Mohamed Hajri, était présent lors de cette cérémonie.
La Presse — Nous avons été interpellés par la portée de «ce programme ambitieux qui vise le renforcement de la transparence des transactions commerciales, à unifier les acteurs du marché et à réduire le rôle des intermédiaires et des spéculateurs. En fin de compte, cela devrait contribuer à la stabilisation des prix et à une plus grande efficacité des chaînes de distribution.
Ces initiatives s’inscrivent dans le cadre d’une démarche plus large de réglementation des circuits de distribution, avec pour objectif de généraliser le système de facturation électronique dans tous les marchés de gros du pays, sous la supervision de la Société tunisienne des marchés de gros».
Des mesures d’accompagnement
Rien à dire. Mais cette mesure qui révolutionne les échanges dans un secteur aussi sensible et qui, pour la première fois, s’attaque à un domaine que l’on considérait comme un véritable tabou, a besoin d’être conforté par des mesures d’accompagnement incontournables.
En effet, sans la mise en place d’une traçabilité sans faille en amont et en aval, il n’y aura pas de progrès. Intermédiaires et spéculateurs auront toujours la possibilité de tenir en main le marché et le consommateur n’aura que ses yeux pour pleurer, ces hausses de prix intempestives qui lui barrent l’accès à des produits disponibles en grandes quantités, mais écoulés au compte-gouttes, pour réduire l’offre et accentuer la demande.
Les prix, bien entendu, s’en ressentiront au grand dam de tous ceux qui ne pourront jamais comprendre les raisons que l’on invoque tant au niveau des représentants officiels qu’à celui des producteurs.
Nous avons vu des abricots affichés à près de huit dinars le kilo, le raisin à quatorze, les figues à vingt et la liste est longue ! Le poisson, n’en parlons pas, car il tend à devenir, pour certaines catégories, un produit de luxe.
Une partie du problème
La facturation électronique est incontestablement un grand pas pour assurer la traçabilité des produits, mais elle ne résout qu’une partie du problème.
En effet, si nous suivons le revendeur de n’importe quel marché municipal qui s’est approvisionné au marché de gros, nous remarquerons qu’il ira directement vers son magasin, déchargera ses achats, et avant même qu’il ne commence à vendre, un autre camion se présente et livre une énorme quantité des mêmes produits, acquis au marché de gros.
Personne ne contrôle l’entrée de ce genre de livraisons, dont la qualité est souvent en deçà de celle achetée et facturée électroniquement. C’est cette facture qui lui a été remise en effet qui servira à tout justifier en cas de contrôle et il n’y a pratiquement aucun moyen de prouver le contraire.
Intermédiaires et spéculateurs, grâce à ce tour de passe-passe, se sont fourvoyés et ont écoulé la marchandise qu’ils ont acquise sur pied, stockée dans les entrepôts ou chambres froides, aux prix de celle contrôlée et facturée électroniquement au marché de gros.
Jamais prise en considération
On ne pourra jamais prouver le contraire, à moins de revoir de fond en comble le fonctionnement des marchés municipaux. Option maintes fois suggérée, mais jamais prise en considération.
A se demander les raisons qui coupent court à toute tentative de favoriser la traçabilité de ce genre de produits sensibles. Pourtant, la qualité des services municipaux n’en sera que meilleure. La protection du consommateur n’en sera que plus rigoureuse. Les bénéfices à tirer par les propriétaires des lieux, en l’occurrence les municipalités, de cette reconversion à mettre en place, ne seront que plus importantes.
Nous avons toujours soutenu qu’un marché municipal est un lieu censé être protégé, au sein duquel qualité, prix et autres protections du consommateur sont garantis.
Sinon, quelle différence y a-t-il entre eux et ce vendeur à la sauvette, après lequel des équipes se relaient pour lui faire la chasse ? Aucune!
Dans les pays où on a décidé de réduire le champ d’action des intermédiaires et des spéculateurs, le marché municipal est assimilé à une grande surface en fruits et légumes. L’entrée des produits est contrôlée, le double de la facture électronique est retiré et le vendeur ne pourra jamais recevoir de marchandises venant en fraude, livrée par la noria de camionnettes qui s’agglutinent à longueur de journée autour des marchés.
Un lieu sûr
Sans cette traçabilité et ce contrôle strictement rigoureux, la facture électronique est inutile. Les intermédiaires et les spéculateurs pourront toujours écouler ce qu’ils ont acheté sur pied à trois sous, au grand désespoir de l’agriculteur, et le revendre avec la bénédiction de ceux qui ne veulent pas comprendre ce manège.
En conclusion, cette adoption de la facture électronique est le commencement de la sagesse. Pour que cela soit efficace, les marchés municipaux doivent devenir des grandes surfaces où qualité et traçabilité sont rigoureusement contrôlées.
Sinon, tel que l’énonce notre bon vieux dicton, la maison de Lokman demeurera telle qu’elle et rien ne changera.
C’est donc à nos municipalités de recruter ou de redéployer du personnel en renfort, pour transformer nos marchés en lieux propres, fonctionnels, sûrs et les retirer du circuit qui fait le bonheur de ces spéculateurs.
Nous ne pensons pas que cela soit difficile.