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Marché du mouton en Tunisie : Spéculation et monopole gâchent l’Aïd el-Kebir

Von: hechmi
10. Juni 2025 um 22:17

moutonLe 6 juin 2025 devait être en principe un jour de fête religieuse, celle de l’Aïd el-Kebir (grande fête). C’est le jour du sacrifice du mouton, en souvenir du geste du prophète Ibrahim. Selon le Coran, Dieu demanda au prophète de sacrifier son fils, Ismaël, pour éprouver sa foi. Alors que le père s’apprêtait à immoler son enfant avec un couteau, l’ange Jibril arrêta son geste et remplaça l’enfant par un bélier. Cet événement est commémoré, chaque année, par les musulmans sous la forme d’un sacrifice animal.

Les fidèles, ayant passé leurs plus beaux vêtements, se rassemblent tôt le matin dans des lieux de prière. À l’issue de l’office religieux, ceux qui en ont les moyens égorgent ou font abattre par un sacrificateur une bête (mouton, vache, chèvre…) dont la viande sera partagée en trois : un tiers pour la famille, un tiers pour les amis et voisins, et le dernier pour les pauvres et ceux qui n’ont pas les moyens de se procurer une bête.

Ce qu’on a constaté à l’œil nu cette année, c’est que l’animation urbaine et l’ambiance festive qui accompagnaient cette fête de sacrifice n’étaient pas les mêmes. D’habitude, dès les premières heures du matin, du moins dans le quartier où j’habite, les traditionnels cris des bouchers d’occasion « Dhabbah », voire les fameux « égorgeurs » n’étaient pas au rendez-vous. Bizarrement, les rues étaient totalement désertes et les stores des appartements étaient baissés. Tout indiquait que cette fête ne s’annonçait pas sous de bons auspices.

Prix exorbitants et boycott inédit

Pourtant, à la veille de la fête, les communiqués officiels étaient rassurants. Ils nous apprenaient que tout était en règle pour que les fidèles puissent célébrer dans de bonnes conditions leur fête : les moutons étaient disponibles en quantités suffisantes et les prix abordables.

Renseignements pris auprès d’amis avertis, auprès des réseaux sociaux et auprès de chaînes de télévision privées qui ont diffusé des reportages accablants sur le marché des moutons, il s’est avéré que les Tunisiens, réputés pour être de grands boustifailleurs, ont osé boycotter, cette année, l’achat de mouton et la viande d’agneau en raison des prix jugés trop élevés. Le prix du mouton a oscillé entre 1500 et 2000 dinars et le prix de la viande entre 60 et 80 dinars le kilogramme. C’est du jamais vu.

“Le prix du mouton a oscillé entre 1500 et 2000 dinars et le prix de la viande entre 60 et 80 dinars le kilogramme. C’est du jamais vu.”

D’après un reportage accablant fait par la chaîne de télévision Al Janoubia, des intermédiaires sans foi ni loi ont envahi les « rahbas » (points de vente des moutons) et imposé leurs prix en l’absence de tout effort de régulation des autorités officielles en charge de la filière de viande. Il s’agit particulièrement des ministères de l’Agriculture et du Commerce, de la société régulatrice Ellouhoum (étatique), des autorités régionales et locales.

Frustrés de ne pas avoir pu célébrer comme il se doit leur fête, des consommateurs interrogés par les médias de la place ont exprimé leur indignation et tiré à boulets rouges sur les autorités officielles responsables de ces dérapages.

Une ONG dénonce fermement les abus

La réaction de l’Organisation tunisienne pour l’orientation du consommateur, à ne pas confondre avec l’Organisation de défense du consommateur (ODC) qui n’a pas bougé le petit doigt, a été pertinente. Dans un communiqué ferme publié au lendemain de la fête, l’organisation a dénoncé de graves dépassements sur le marché des ovins et des viandes rouges, une flambée « sans précédent » des prix, imputable à des pratiques de monopole, à une spéculation massive et à des violations manifestes de la loi sur la concurrence.

“L’animation urbaine et l’ambiance festive qui accompagnaient cette fête de sacrifice n’étaient pas les mêmes cette année.”

Chiffres à l’appui, l’organisation a estimé que le coût de production d’un kilogramme vivant d’agneau s’élève à environ 13 dinars, alors que les consommateurs ont dû payer jusqu’à 60 dinars chez les bouchers, un écart jugé « économiquement injustifiable ».

Silence coupable du gouvernement

Du côté du gouvernement, ses membres ont préféré appliquer la politique de l’autruche. Ils se sont abstenus de communiquer sur ces dépassements. Pis, pour détourner l’attention des Tunisiens, ils ont hypermédiatisé le départ de la caravane de soutien aux Palestiniens de Gaza, exploitant ainsi la solidarité des Tunisiens avec le peuple palestinien.

Quant à nous, nous pensons que le premier responsable de ces dépassements inacceptables n’est autre que le gouvernement, qui n’a pas su bien gérer la filière des viandes rouges et la fête de l’Aïd El Kebir.

Abou SARRA

Indicateurs clés

  • Prix du mouton en 2025 : Entre 1500 et 2000 dinars tunisiens.
  • Prix du kilogramme de viande d’agneau : Entre 60 et 80 dinars tunisiens.
  • Coût de production d’un kilogramme vivant d’agneau : Environ 13 dinars tunisiens.
  • Écart de prix (production vs. vente) : Jusqu’à 47 dinars par kilogramme (60 DT chez les bouchers – 13 DT coût de production).

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Tunisie : De 250 à 1 200 dinars, vingt-cinq ans d’inflation sur le marché du mouton

07. Juni 2025 um 17:21

En Tunisie, le rituel de l’Aïd al-Idha se heurte à une dure réalité économique. Le prix du mouton, symbole du sacrifice, est devenu l’indicateur d’un pouvoir d’achat en chute libre, révélateur des défaillances structurelles.

Par-delà le rituel, le prix du mouton raconte une autre histoire : celle d’un effondrement silencieux, celui du pouvoir d’achat des Tunisiens.

Chaque année, à l’approche de l’Aïd Al-Idha, la scène se répète. Les familles arpentent les marchés à la recherche du mouton « abordable ». Elles négocient, hésitent, s’informent, comparent. Et souvent, renoncent. Car le sacrifice, cette tradition immémoriale, devient pour beaucoup un luxe. Un privilège que la réalité économique vient désormais bousculer de plein fouet.

En 2000, un mouton moyen coûtait entre 250 et 400 dinars. En 2010, ce prix avait presque doublé, passant à 500-600 dinars. En 2015, le prix moyen d’un mouton se situait entre 600 et 800 dinars. À partir de 2020, la pandémie de Covid-19 et ses effets sur les chaînes d’approvisionnement, combinés à une sécheresse prolongée, ont fait grimper les prix autour de 800-1 000 dinars. En 2024, le prix du mouton atteignait les 1 000 dinars malgré une offre excédentaire.

Aujourd’hui, il atteint allègrement les 1 200 dinars. En vingt-cinq ans, le prix a quadruplé. L’inflation, l’effondrement du dinar, la sécheresse, la spéculation et la désorganisation du circuit de distribution sont passés par là. Le mouton, autrefois étendard de prospérité familiale, est devenu le thermomètre d’un malaise économique plus large.

Une crise des valeurs autant que des prix

Le gouvernement, lui, tente de calmer le jeu. Cette année, on évoque une baisse de 300 dinars par rapport à 2024. Mais une baisse par rapport à l’inabordable reste… inabordable. Si l’année 2025 enregistre une baisse de prix, la tendance de fond reste haussière. Derrière les chiffres, c’est une réalité plus amère qui se dessine : pour une majorité de ménages, le mouton de l’Aïd n’est plus à portée.

On nous explique que cette baisse serait due à une meilleure régulation, à l’ouverture de points de vente officiels (mais ceux-ci ont toujours existé), à une meilleure production locale. Peut-être. Mais le fond du problème est ailleurs : dans la précarisation rampante des classes moyennes, dans l’incapacité de l’État à freiner l’érosion du pouvoir d’achat, dans une agriculture abandonnée aux aléas climatiques.

Ceux qui produisent ces moutons – les petits éleveurs – ne sont pas mieux lotis. Eux aussi subissent la hausse du prix des aliments, la sécheresse, le désintérêt des pouvoirs publics. Le paradoxe est cruel : le mouton est cher pour le consommateur, mais l’éleveur, lui, peine à survivre.

Les intermédiaires, comme souvent, captent la valeur ajoutée. Et personne ne remet sérieusement en question une chaîne de valeur fragmentée, où les marges se perdent dans les recoins opaques du marché informel.

Sacrifice inversé

L’Aïd, moment de foi et de solidarité, devient ainsi le miroir inversé d’un sacrifice collectif : celui d’une population qui s’appauvrit, d’un État qui tergiverse, d’un modèle agricole qui vacille. On sacrifie bien plus qu’un mouton.

Et pourtant, la tradition résiste. Certains s’endettent, d’autres s’unissent pour acheter un seul mouton à plusieurs. Car abandonner le sacrifice, ce n’est pas seulement un choix économique, c’est une rupture symbolique. C’est renoncer à un acte de transmission, à un moment d’unité, à une parenthèse sacrée.

En somme, le mouton de l’Aïd est devenu bien plus qu’un animal de sacrifice. Il est devenu l’indice vivant d’une crise tunisienne qui ne dit pas toujours son nom. Il reflète l’incapacité de l’État à organiser une filière, à protéger les plus fragiles, à penser le long terme.

Tant que le prix du mouton continuera à augmenter plus vite que les salaires, tant que le marché restera livré à lui-même, tant que les campagnes seront livrées à la sécheresse et au désespoir, l’Aïd continuera de révéler une faille béante : celle d’un pays qui n’arrive plus à faire coïncider ses traditions avec ses moyens.

Et si, cette année, le véritable sacrifice consistait à regarder la vérité en face ?

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