Tunisie | La LTDH appelle à la libération des prisonniers politiques
Au terme de sa réunion Tunis, le Conseil national de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme (LTDH) a publié le communiqué suivant, dimanche 23 novembre 2025, où il appelle, entre autres revendications, à «mettre un terme aux poursuites et libérer immédiatement toutes les prisonnières et tous les prisonniers d’opinion, ainsi que les détenu·e·s politiques et associatifs, tout en garantissant les conditions d’un procès équitable.»
Nous, membres du Conseil national de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme, réunis à Tunis les 21, 22 et 23 novembre 2025, dans une conjoncture nationale extrêmement sensible marquée par une escalade systématique visant les droits et libertés, un rétrécissement grave de l’espace civique et associatif, l’intensification des procès politiques et des procès d’opinion dépourvus des conditions minimales d’un procès équitable, ainsi qu’une dégradation générale des conditions sociales, économiques, sanitaires et environnementales ; et dans un contexte international lui aussi tendu, caractérisé par la poursuite des agressions de l’entité sioniste et de ses alliés ;
Après avoir examiné ces évolutions nationales et internationales, le Conseil national dénonce :
– l’emprise croissante du pouvoir exécutif, alors que la Présidence de la République accapare la totalité des leviers de décision, subordonne les autres pouvoirs législatif et judiciaire, et procède à une marginalisation délibérée des principales institutions de l’État, au premier rang desquelles la Cour constitutionnelle et le Conseil supérieur de la magistrature;
– l’instrumentalisation du pouvoir judiciaire, à travers l’obtention par l’exécutif de décisions judiciaires ordonnant la suspension des activités d’un nombre d’associations œuvrant pour les droits des femmes, des enfants, et pour les droits économiques et sociaux. Le Conseil national dénonce également l’intensification récente des procès politiques et des procès d’opinion dénués des garanties essentielles d’un procès équitable, affirmant que ces décisions, poursuites et jugements sont fondamentalement politiques et s’inscrivent dans une démarche globale visant à restreindre l’action civile et politique, harceler les militantes et militants, éliminer les corps intermédiaires et réduire au silence toute voix libre ou dissidente;
– les graves attaques croissantes contre la liberté d’expression, ainsi que la mise au pas du secteur de la presse et des médias à travers des violations systématiques qui portent atteinte au droit à l’expression et à l’indépendance des institutions médiatiques, alors que se poursuivent les poursuites et le harcèlement visant journalistes et professionnel·le·s des médias;
– la détérioration dramatique de la situation environnementale à Gabès, et les conséquences sanitaires graves pour les habitant·e·s malgré la clarté de la revendication principale, à savoir le démantèlement des unités polluantes. La crise écologique touche également d’autres régions menacées, comme Kélibia, Gafsa, Sfax, Mahdia ou Menzel Bourguiba, confirmant l’urgence d’une politique environnementale nationale globale et immédiate;
– la consolidation d’une centralisation excessive, avec le recul des dispositions du Code des collectivités locales et la nomination de secrétaires généraux pour diriger les municipalités en l’absence de conseils municipaux élus, ce qui constitue une atteinte au principe de libre administration et ouvre la voie au clientélisme politique et à la corruption;
– les méthodes employées pour faire face aux mobilisations sociales et aux revendications sectorielles, comme celles des habitant·e·s de Gabès, la grève des salarié·e·s du secteur privé à Sfax, ou encore les mouvements des journalistes, jeunes médecins, docteurs, chômeurs et étudiant·e·s, ainsi que le non-respect des accords conclus et la fermeture du dialogue social, couplés à des tentatives de contournement des conventions signées entre les syndicats et le ministère concerné;
– les déclarations graves et irresponsables de la ministre de la Justice, notamment celles déniant la dignité des grévistes de la faim en remettant en cause leur lutte et leur droit à la protestation pacifique, ainsi que celles affirmant que l’installation du Conseil supérieur de la magistrature serait «inutile», ce qui constitue un déni explicite du principe d’indépendance de la justice et une violation flagrante du texte constitutionnel et des lois régissant le pouvoir judiciaire;
– les crimes racistes commis à l’encontre des migrant·e·s d’Afrique subsaharienne, et l’incarcération de militantes et militants œuvrant dans le domaine des droits des personnes migrantes, justifiées par des discours complotistes et des accusations de «projet de peuplement».
Face à cette situation, le Conseil national appelle à :
– déclarer Gabès zone sinistrée et prendre des mesures urgentes pour garantir le droit à la vie des habitant·e·s;
– mettre fin à l’état d’urgence, devenu une mesure permanente permettant de restreindre droits et libertés;
– mettre un terme aux poursuites et libérer immédiatement toutes les prisonnières et tous les prisonniers d’opinion, ainsi que les détenu·e·s politiques et associatifs, tout en garantissant les conditions d’un procès équitable;
– accélérer l’installation de la Cour constitutionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature, afin de protéger les droits et libertés et garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire;
– abroger immédiatement le décret 54 et l’ensemble des textes juridiques qui portent atteinte aux droits et aux libertés;
– cesser l’usage de décisions judiciaires motivées politiquement, notamment celles suspendant les activités associatives et visant les médias indépendants ou alternatifs dans le but d’étouffer l’espace civil;
– adopter une loi criminalisant la normalisation avec l’entité sioniste, et ne pas en faire un simple slogan électoral.
Le Conseil national réaffirme :
– la détermination de la Ligue tunisienne pour la défense des droits de l’homme à poursuivre la défense des droits et libertés avec responsabilité, dans un esprit d’attachement à la dignité, à la liberté et à la justice sociale, conformément au principe : «Tous les droits pour toutes et tous, sans exclusion ni discrimination» ;
– son engagement ferme à assumer son rôle historique, quelles que soient les pressions et quel qu’en soit le prix, en défense de l’État de droit et d’une société libre et plurielle;
– la nécessité de renforcer l’action commune avec toutes les forces attachées à la civilité et à la démocratie, pour défendre les valeurs de liberté, de dignité, de justice sociale et d’égalité;
– sa solidarité totale avec le peuple soudanais, confronté à des massacres, à la violence et au déplacement forcé dans le cadre de projets soutenus par des forces colonialistes dans la région;
– son soutien renouvelé aux droits historiques du peuple palestinien, son rejet de la dernière décision du Conseil de sécurité qui constitue une étape supplémentaire dans le processus de liquidation de la cause palestinienne, et son appui à la résistance palestinienne dans sa lutte pour le droit à l’autodétermination et la libération complète de la Palestine.
Pour le Conseil national de la Ligue, le président Bassem Trifi
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