À l’approche de 2026, l’environnement économique international demeure marqué par une dissymétrie profonde entre le ralentissement de l’inflation et la persistance de vulnérabilités structurelles. Les grandes banques centrales ont amorcé un infléchissement de leur discours, mais sans opérer de rupture franche avec le régime monétaire restrictif instauré depuis 2022. Cette prudence reflète moins une confiance retrouvée qu’une gestion défensive des risques systémiques.
A l’international,
Aux États-Unis, le reflux de l’inflation s’est confirmé, mais la Réserve fédérale reste confrontée à une économie encore résiliente et à un marché du travail tendu. Dans ce contexte, toute détente monétaire trop rapide serait susceptible de raviver les pressions inflationnistes, notamment via les services et les salaires. La trajectoire des taux américains reste ainsi élevée en termes réels, maintenant une forte attractivité des actifs libellés en dollars et exerçant une pression persistante sur les devises des économies émergentes.
Dans la zone euro, la situation est plus ambivalente. Le ralentissement économique est désormais tangible, avec une croissance atone, une industrie en difficulté et une demande intérieure fragilisée par plusieurs années d’érosion du pouvoir d’achat. La Banque centrale européenne (BCE) se trouve ainsi prise en étau entre la nécessité de soutenir l’activité et l’impératif de crédibilité monétaire. Cette tension explique un assouplissement extrêmement graduel, qui limite les effets positifs à court terme pour les partenaires commerciaux de l’Europe du Sud, dont la Tunisie.
Sur le plan géopolitique, l’économie mondiale reste exposée à des foyers de tension durables. Les conflits au Moyen-Orient, la militarisation croissante des échanges commerciaux et la fragmentation des chaînes de valeur mondiales continuent d’alimenter une prime de risque élevée sur les marchés. Cette situation entretient une volatilité accrue des prix de l’énergie et des matières premières, pénalisant particulièrement les pays importateurs nets et à faible marge budgétaire.
Par ailleurs, le mouvement de reconfiguration du commerce international, souvent qualifié de friend-shoring ou de near-shoring, avance lentement et de manière asymétrique. Si certains pays émergents en tirent profit, ceux dont l’environnement institutionnel reste instable ou peu lisible peinent à capter ces flux d’investissement. La concurrence pour l’attraction des capitaux productifs s’est ainsi intensifiée, rendant les critères de gouvernance, de stabilité réglementaire et de visibilité macroéconomique déterminants.
Dans ce contexte, les conditions financières internationales demeurent restrictives malgré la détente progressive des taux directeurs. Les spreads souverains des pays à risque élevé restent sous tension, traduisant une sélectivité accrue des investisseurs. L’accès aux marchés internationaux reste coûteux, voire fermé, pour plusieurs économies en développement, renforçant la dépendance aux financements domestiques et multilatéraux.
En Tunisie,
Cet environnement international signifie que la marge de manœuvre externe reste limitée. La stabilisation récente des réserves de change et du taux de change s’inscrit davantage dans une amélioration conjoncturelle des flux qu’à la faveur d’un retournement structurel du cycle mondial. Tant que les conditions financières internationales ne se normaliseront pas pleinement, la stratégie économique nationale devra continuer à privilégier la prudence, la résilience et la consolidation interne.
La fin de l’année 2025 s’inscrit dans un contexte international marqué par une inflexion progressive mais prudente des politiques monétaires dans les économies avancées. Si la Réserve fédérale et la BCE ont amorcé un discours plus accommodant, les conditions financières mondiales demeurent restrictives, avec des taux réels encore élevés, une croissance mondiale modérée et des flux de capitaux toujours sélectifs à l’égard des économies émergentes.
Dans ce cadre, les pays importateurs nets d’énergie et fortement dépendants du financement extérieur, comme la Tunisie, restent exposés à une double contrainte : pression sur les finances publiques et arbitrages délicats en matière de politique monétaire.
Liquidité bancaire : détente relative mais fragile
Les indicateurs monétaires du 19 décembre confirment une stabilisation progressive de la liquidité bancaire, sans pour autant signaler un retour à une situation confortable.
Le volume global du refinancement s’établit à 11 034 MDT, en légère baisse par rapport à la veille et en net repli par rapport à 2024. Cette évolution traduit à la fois un meilleur ajustement des flux de liquidité et une action plus ciblée de la Banque centrale de Tunisie (BCT), notamment via la réduction des opérations d’open market, dont l’encours recule de plus de 2 000 MDT en glissement annuel.
Le maintien du taux directeur à 7,50 %, aligné sur le taux du marché monétaire, confirme une phase de pause monétaire. La BCT semble privilégier la stabilité des anticipations plutôt qu’un assouplissement prématuré, dans un contexte où l’inflation reste sous contrôle mais structurellement élevée.
Finances publiques : une tension persistante sur la trésorerie de l’État
Le solde du compte courant du Trésor, à 1 535 MDT, enregistre une contraction significative par rapport à la veille et surtout par rapport à 2024. Cette évolution illustre la persistance des tensions de trésorerie, liées à la rigidité des dépenses publiques et à une mobilisation encore insuffisante des ressources fiscales structurelles.
La structure de la dette intérieure confirme ce diagnostic. La forte progression de l’encours des Bons du Trésor Assimilables, désormais au-delà de 30 milliards de dinars, traduit un recours accru à l’endettement à moyen et long terme, au détriment des bons à court terme dont l’encours s’est fortement contracté. Ce basculement réduit le risque de refinancement immédiat, mais accroît la charge d’intérêts future.
Secteur extérieur : amélioration relative, mais vulnérabilité persistante
Les indicateurs du secteur extérieur apportent des signaux plus favorables. Les recettes touristiques cumulées atteignent 7,7 milliards de dinars, en progression sensible par rapport à 2024, confirmant le redressement structurel du secteur. Les revenus du travail des Tunisiens à l’étranger poursuivent également leur hausse, dépassant 8,2 milliards de dinars, jouant un rôle stabilisateur crucial pour la balance courante.
Cette dynamique se reflète dans les avoirs nets en devises de la BCT, qui s’établissent à 25,1 milliards de dinars, soit 106 jours d’importation. Bien que ce niveau reste inférieur à celui de 2024, il traduit une capacité de résistance appréciable dans un contexte international incertain.
Taux de change : une relative appréciation du dinar
Le dinar tunisien affiche une appréciation notable face au dollar et au yen, tandis qu’il reste globalement stable vis-à-vis de l’euro. Cette évolution est cohérente avec la détente relative sur le marché des changes et la consolidation des réserves. Elle contribue à contenir l’inflation importée, mais pose à moyen terme la question de la compétitivité-prix des exportations.
Perspectives à court et moyen terme : un équilibre précaire
À court terme, l’économie tunisienne évolue dans un équilibre fragile, reposant sur trois piliers : la stabilité monétaire, l’amélioration partielle des flux extérieurs et une gestion active de la liquidité bancaire. Toutefois, cet équilibre demeure vulnérable à tout choc externe ou dérapage budgétaire.
À moyen terme, la soutenabilité macroéconomique dépendra moins des ajustements conjoncturels que de la capacité à engager des réformes structurelles crédibles, notamment en matière de finances publiques, de gouvernance économique et de relance de l’investissement productif. Sans ces leviers, la stabilisation actuelle risque de se transformer en stagnation prolongée.
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Références :
(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (19 dec. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (19 dec. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)
(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp
(**) https://www.ins.tn/
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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