«Le tribunal de l’Histoire a rendu son verdict définitif. Il n’y aura pas de répit pour les traîtres ni de retour en arrière», a déclaré le président Saïed, droit dans ses bottes, lors de sa rencontre avec la cheffe du gouvernement Sarra Zaâfrani Zenzeri, lundi 24 novembre 2025, au Palais de Carthage.
Le président de la République s’est une nouvelle fois attaqué à ceux qui, au sein de l’administration publique «considèrent leur poste comme une fin en soi et ne cherchent que les privilèges».«Ils n’ont aucune place auprès du peuple tunisien. Le pouvoir est une responsabilité et un lourd fardeau», a-t-il dit.
Kaïs Saïed a également insisté sur le fait que «l’État ne restera pas les bras croisés face à ceux qui maltraitent les citoyens, sous quelque forme que ce soit.» Cet avertissement s’adresse à «ceux qui ont hypothéqué le pays, cherché à le diviser ou à brader ses ressources, [et qui] seront poursuivis», a-t-il menacé.
«Chaque responsable œuvre actuellement dans le cadre de la Constitution du 25 juillet 2022 et il doit toujours garder à l’esprit les attentes légitimes du peuple», a aussi affirmé le locataire du Palais de Carthage, selon le même communiqué, laissant ainsi entendre que certains hauts responsables œuvrent encore en dehors du système politique qu’il avait mis en place au lendemain de la proclamation de l’état d’exception, le 25 juillet 2021, et des réformes institutionnelles initiées dans la foulée.
Le Centre pour le respect des libertés et des droits de l’homme enTunisie (CRLDHT) organisé, dans le cadre de Liqaaet Eco, une rencontre d’analyse du Projet de loi de finances 2026 (PLF2026) sous le thème «PLF 2026 : l’exercice solitaire du pouvoir budgétaire», le 26 novembre 2026 à 19h au CICP (21ter Rue Voltaire, 75011 Paris).
La rencontre, animée par Karim Belkhiria, verra les interventions de Ali Kooli, ancien ministre de l’Économie et des Finances (2020–2021), expert des questions macroéconomiques, de la dette et du système bancaire; Mohamed Trabelsi, ancien ministre des Affaires sociales, spécialiste du dialogue social, de la protection sociale et des politiques d’emploi ; et Hédi Kammoun, représentant de l’association Alert, engagé sur les enjeux de gouvernance économique, de concurrence et de lutte contre l’économie de rente.
Cette rencontre est organisée «à un moment où la Tunisie traverse l’une des crises économiques, sociales, politiques et institutionnelles les plus graves de son histoire récente» et «à l’heure où les droits reculent et où la pauvreté s’étend, le débat sur le budget n’est pas un exercice technique : c’est un enjeu de justice, de dignité et de démocratie», écrit le CRLDHT dans sa note de présentation, dont nous reproduisons ci-dessous l’essentiel…
«Le budget 2026 est construit dans un contexte de tensions financières explosives : une dette publique qui atteint 147,4 milliards de dinars, soit 80,5 % du PIB, des besoins de financement colossaux de 27 milliards de dinars, et un déficit de près de 11 milliards que le gouvernement veut combler en puisant directement dans la Banque centrale, en émettant des sukuk et en pressurant encore davantage un système bancaire déjà exsangue. Ce choix n’est pas neutre : il engage l’avenir, il hypothèque les droits, et il place le pays dans une spirale dangereuse de dépendance et de fragilisation institutionnelle.
«Le PLF 2026 se présente comme un budget opaque, déséquilibré et construit hors des règles démocratiques. Il contourne les dispositifs de contrôle prévus par la Loi organique du budget, siphonne les ressources vitales de la santé, de l’éducation et de la protection sociale, tout en gonflant les budgets sécuritaires.
«Au lieu d’investir dans le soin, le savoir, l’emploi ou l’inclusion, l’État choisit la force, l’opacité et le repli. La disparition du débat public, la marginalisation du Parlement et le recul de la transparence financière ne sont pas des accidents : ils traduisent une volonté assumée de gouverner sans contrôle et sans comptes à rendre.
«En rupture totale avec les engagements internationaux et constitutionnels de la Tunisie, les arbitrages du PLF 2026 représentent une menace directe contre les droits économiques et sociaux. Ce projet budgétaire promet plus d’inégalités, une aggravation de l’effondrement des services publics, et une désindustrialisation qui nourrit un chômage massif, l’exclusion sociale et le désespoir — terreau fertile des dérives autoritaires et des colères collectives.
«Face à cette situation, cette rencontre ambitionne de décortiquer le PLF 2026, d’en dévoiler les implicites politiques et les conséquences humaines, et de construire, avec les participants, des alternatives crédibles. Parce qu’un budget n’est pas seulement une affaire de chiffres : c’est un choix de société. Nous défendons un budget fondé sur la justice sociale, la transparence, et la protection effective des droits fondamentaux — un budget au service du peuple, et non un instrument de consolidation autoritaire.»
La célèbre comédienne Biyouna, figure incontournable de la scène artistique algérienne, est décédée ce mardi 25 novembre 2025, à l’âge de 73 ans, après une longue bataille contre la maladie.
Hospitalisée depuis le 4 novembre à Alger, puis transférée au service de pneumologie de Béni Messous, elle souffrait de problèmes respiratoires sévères et d’une faible oxygénation cérébrale, aggravée par les complications d’un cancer dont elle était atteinte depuis 2016.
Avec sa voix, sa présence et son humour, Biyouna a incarné des générations de comédiennes et comédiens algériens. Ses rôles dans ‘‘Délice Paloma’’ et ses séries télévisées cultes, sans oublier ses performances sur scène, lui ont valu une place unique dans le patrimoine culturel national.
La mort de Biyouna est une tragédie pour le cinéma algérien.
Le 18 octobre 2025, au palais de Carthage, une réunion s’est tenue sur la crise environnementale à Gabès, dont la population souffre, depuis au moins deux décennies, des rejets toxiques du Groupe chimique tunisien (GCT). Certes cette intervention est nécessaire et on pourrait presque l’applaudir… si ce n’était pas juste la dernière étape d’un retard chronique. La Tunisie ne manque pas de réactions. Elle manque juste d’actions à un rythme interne stable; un tempo qui permettrait d’agir avant que les dégâts ne deviennent irréversibles. C’est un peu comme quelqu’un qui danse le tango… mais toujours deux secondes après la musique.
Manel Albouchi *
Le président a salué la maturité des habitants de Gabès. Leur calme, leur sens de la responsabilité.
Oui, c’est vrai. Mais soyons honnêtes : ce calme ressemble moins à la sagesse d’un peuple apaisé qu’à l’épuisement d’un peuple qui n’a plus l’énergie de s’énerver.
Le citoyen tunisien ne reste pas calme par confort. Il reste calme pour éviter l’effondrement. Et ce calme-là ne doit pas devenir un prétexte pour un État qui s’appuie sur la patience des gens comme si c’était une ressource infiniment renouvelable.
Au contraire, il faut valoriser les initiatives locales, mettre en lumière les citoyens qui créent, innovent, agissent, pour transformer cette fatigue en engagement durable, au lieu de laisser la résignation s’installer comme une habitude nationale.
Une richesse cachée, les séniors : On parle beaucoup de jeunes, mais la vérité est plus large : la Tunisie possède une génération d’experts, d’ingénieurs, de professeurs, de cadres, de chercheurs, aujourd’hui mis à la retraite ou isolés comme des joueurs d’élite laissés sur le banc alors que l’équipe perd le match.
Ce pays regorge d’intelligence encore intacte, de savoir-faire accumulé pendant 30, 40 ans, laissé en veille comme si nous pouvions nous offrir le luxe du gaspillage.
Imaginez un peu : des compétences précieuses… stockées au lieu d’être mobilisées ; des cerveaux pleins d’expérience… qui ne demandent qu’à transmettre ; des professionnels chevronnés… traités comme si leur rôle s’arrêtait le jour où leur contrat administratif se termine.
Il suffit de créer : des programmes de mentorat croisant jeunes et seniors, des cellules de réflexion intergénérationnelles, un corps de «consultants publics» parmi les retraités expérimentés, et nous aurons une capacité opérationnelle que peu de pays possèdent : l’énergie des jeunes + la stratégie des anciens.
Une nation qui n’utilise pas ses sages et ses experts se condamne à recommencer les mêmes erreurs en boucle.
Une énergie sans terrain de jeu : Appeler la jeunesse sans lui offrir un rôle réel, c’est comme donner une belle voiture sans mettre d’essence. Ça fait joli sur la photo, mais ça ne bouge pas.
Pour avancer, il faut : un conseil consultatif de jeunes avec un vrai pouvoir de décision, des ateliers participatifs, un espace où leur énergie n’est pas «symbolique», mais «opératoire».
La jeunesse tunisienne est brillante mais trop souvent invitée pour applaudir, jamais pour décider.
Une stratégie qui tourne en rond : Rappeler les erreurs de 2018, dénoncer les équipements abandonnés… pourquoi pas. Mais ça reste de l’externalisation : mettre le problème à distance pour renforcer le présent. Sur le long terme : on tourne, on dénonce, et on revient au même point.
Aujourd’hui, la Tunisie n’a pas besoin de réparer l’histoire. Elle a besoin de la dépasser. De construire le présent et l’avenir.
Belle promesse, mais parapluie percé : Dire que le peuple a droit à la vérité est noble. Mais aujourd’hui, les Tunisiens veulent cohérence structurelle, pas poésie politique. Les mots ne suffisent plus : on ne reconstruit pas une ville, un écosystème ou une confiance avec des phrases. Il faut des structures fiables, une gouvernance stable, et surtout… une logique qui tient debout.
Entre réaction et maturation : Et puis il y a ce registre guerrier, cette idée que la Tunisie vit une guerre sur tous les fronts. La guerre peut mobiliser, mais à long terme, elle épuise.
Quand une société vit trop longtemps en état d’alerte, elle perd sa capacité à imaginer autre chose que la survie. Elle se replie, elle se crispe. La vigilance constante finit par rétrécir l’horizon.
La Tunisie a besoin d’un souffle créatif, pas d’un cœur qui bat seulement pour éviter le pire.
Au fond, cette réunion nous dit une seule chose : nous sommes dans un système qui agit, mais toujours trop tard ; qui observe, mais rarement en avance ; qui mobilise, mais au risque d’épuiser ; qui parle de vérité, mais peine à créer de la lisibilité ; qui sollicite la jeunesse, mais ne lui déroule pas le terrain ; qui dénonce le passé, mais peine encore à inventer l’avenir. Ce n’est pas de la mauvaise volonté. C’est un développement institutionnel inachevé.
Gabès est un miroir : Gabès, ce n’est pas un incident isolé. C’est un symptôme collectif. Un rappel que la Tunisie possède tout ce qu’il faut comme ressources humaines, comme intelligence collective, comme créativité… mais qu’elle n’a pas encore construit le système capable de les assembler.
Il est temps d’intégrer les jeunes, d’inclure les anciens, de reconnaître les erreurs, de clarifier le chemin et d’offrir une vision qui anticipe au lieu d’attendre l’effondrement pour réagir.
Un pays grandit comme un être humain : non pas selon le nombre de crises qu’il traverse, mais selon la qualité des réponses qu’il choisit d’y apporter. Et, aujourd’hui, plus que jamais, la Tunisie a besoin de remettre tous ses joueurs sur le terrain : ses jeunes, ses experts, ses citoyens… et même cette part d’elle-même qu’elle a trop longtemps laissé au vestiaire.
À une époque marquée par de profonds clivages politiques et idéologiques et par une immense concentration des richesses entre les mains d’une infime minorité de fortunés, les milliardaires américains dépensent des sommes astronomiques en politique, témoignant ainsi de leur influence politique sur la marche du pays et du monde.
Imed Bahri
Dans une analyse conjointe de Beth Reinhard, Naftali Bendavid, Clara Ince Morse et Aaron Shaffer, le Washington Post est revenu sur cette tendance de fond qui suscite une véritable crainte de bousculer d’une démocratie vers une oligarchie des plus nantis qui a la haute main sur la politique et la chose publique en général.
Le journal américain cite l’exemple de John Catsimatidis, magnat de l’immobilier et du pétrole, qui a fait un don de 2,4 millions de dollars en 2024 pour soutenir le président Donald Trump et les Républicains, soit près du double de ses dons de 2016. M. Catsimatidis explique ressentir un besoin croissant d’influer sur le cours de la politique américaine, face au fossé grandissant entre les deux partis.
«Quand on est milliardaire, on veut le rester», ajoute M. Catsimatidis dont la fortune est estimée à 4,5 milliards de dollars. Il précise qu’il ne n’agit pas seulement par souci pour sa richesse personnelle mais aussi par souci de l’Amérique et du sauvegarde de son mode de vie.
Le journal affirme que les dons des 100 Américains les plus riches aux élections fédérales ont été multipliés par 140 depuis 2000, atteignant environ 7,5% des dépenses totales de campagne en 2024, contre seulement 0,25% en 2000.
Une minorité aux commandes
Le WP estime que cela reflète l’influence considérable des plus fortunés sur l’élaboration des politiques et le choix des candidats, un fait qui inquiète autant les politologues que le public.
L’analyse révèle aussi que les dernières décennies ont été marquées par des changements politiques, juridiques et économiques qui ont renforcé le pouvoir des plus riches. Parmi ces changements figurent les révolutions technologiques, les réformes fiscales et les décisions de justice qui ont levé les restrictions sur le financement des campagnes, autorisant ainsi des contributions quasi illimitées.
De ce fait, les politiciens américains sont devenus plus dépendants de la générosité des milliardaires, ce qui confère à une minorité d’à peine 0,5% des Américains une influence exceptionnelle sur le succès des politiques et des politiciens, à un moment où les politologues et les observateurs soulignent que les gros financements augmentent les coûts des campagnes et sapent la confiance du public dans la démocratie américaine.
Le journal américain précise que l’influence des plus fortunés ne dépend pas uniquement des dons. Certains se sont même lancés directement en politique. Une enquête du journal a révélé que 44 des 902 milliardaires américains figurant sur la liste Forbes 2025, ou leurs conjoints, ont été élus ou nommés à des postes gouvernementaux au cours de la dernière décennie, allant de postes ministériels de haut rang à des rôles consultatifs moins importants.
Le WP rapporte que la fortune cumulée de ces milliardaires dépasse 6 700 milliards de dollars, contre 2 600 milliards il y a dix ans. La plupart d’entre eux ont soutenu politiquement le Parti républicain de Trump, plus de 80 % des contributions des 100 Américains les plus riches en 2024 ayant été versées à ce parti.
Certaines grandes entreprises technologiques ont apporté leur soutien aux Républicains après des désaccords avec l’administration de l’ancien président Joe Biden, Trump ayant défendu des politiques telles que des réductions d’impôts et la déréglementation qui profitent aux plus riches.
En effet, des magnats de la tech comme Elon Musk et Peter Thiel ont trouvé chez les Républicains des partenaires plus en phase avec leurs intérêts économiques. Musk a dépensé 294 millions de dollars en 2024 pour contribuer à l’élection de Trump et d’autres Républicains, tandis que d’autres ont versé 509 millions de dollars supplémentaires aux Républicains, contre environ 186 millions aux Démocrates.
Thomas Peterffy, fondateur d’une société de courtage en ligne dont la fortune s’élève à 57,3 milliards de dollars, a déclaré : «L’aile gauche du Parti démocrate est un parti socialiste. Les plus riches sont des hommes d’affaires et ils se rallient à Trump car ils comprennent à quel point il est bénéfique pour une économie florissante». Pour sa part, M. Catsimatidis, un ancien Démocrate, a déclaré ne plus faire confiance à la capacité des Démocrates à gérer l’immigration clandestine, la criminalité et l’économie.
Le soutien ne garantit pas la victoire
Malgré sa grande influence, l’argent ne garantit pas toujours le succès aux élections, comme l’ont démontré les défaites de certains candidats financés par des milliardaires. Par exemple, l’entrepreneur milliardaire Peter Thiel a aidé son ami et ancien employé, Black Masters, lors des primaires républicaines de 2022 en Arizona avec 15 millions de dollars, et sa défaite face au démocrate Mark Kelly a montré que le soutien des milliardaires ne garantit pas toujours le succès.
Plusieurs milliardaires, dont Catsimatidis, se sont alliés pour tenter d’empêcher la candidature de Zahran Mamdani à la mairie de New York, prévenant que son élection serait un désastre économique. Mais le candidat a triomphé, considérant son opposition à leur égard comme un honneur. Dans un discours de victoire vibrant, il a déclaré: «Nous pouvons répondre à l’oligarchie et à la tyrannie par la force qu’elles craignent et non par l’apaisement qu’elles recherchent».
L’ancienne membre du Congrès, Cherry Bustos, a affirmé que l’argent, ou la capacité à en collecter, est un facteur déterminant dans le choix d’un candidat. «Lorsqu’on choisit un candidat, on regarde sa capacité à lever des fonds et qui possède des relations permettant d’obtenir d’importants dons», a-t-elle expliqué.
Cependant, le pouvoir politique des riches n’est pas absolu mais ils peuvent néanmoins faire grimper les coûts des campagnes et accroître la dépendance des politiciens à leur égard, ce qui, selon l’analyse du WP, mine la confiance du public dans la démocratie.
Alors que certains politiciens libéraux tentent de contrer l’influence grandissante des plus riches, invoquant des valeurs religieuses et la justice sociale, ils acceptent simultanément des dons de milliardaires s’ils soutiennent des causes d’intérêt public, ce qui illustre la difficulté de s’opposer à l’influence des milliardaires.
Le programme Adapt a annoncé, dans un communiqué publié le 24 novembre 2025, le lancement du troisième appel à propositions du Fonds d’appui Adapt Investissements, un dispositif de soutien financier visant à promouvoir et à accompagner les investissements privés engagés dans le développement durable des secteurs de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture en Tunisie, ainsi que dans l’ensemble des chaînes de valeur qui y sont associées.
Ce programme, financé par l’Union européenne (UE) et mis en œuvre par l’Agence italienne pour la coopération au développement (AICS) en collaboration avec le Programme alimentaire mondial (Pam), vise aussi à contribuer au renforcement des systèmes agroalimentaires plus résilients, inclusifs et respectueux des ressources naturelles.
Dans un contexte marqué par de profondes transformations économiques, climatiques et sociales, les chaînes de valeur agricoles, halieutiques et aquacoles tunisiennes font face à des défis structurels majeurs : pression accrue sur les ressources en eau, variabilité des rendements, vulnérabilité des ressources marines, fragmentation des exploitations, faibles niveaux de mécanisation, et accès limité aux financements nécessaires pour moderniser l’ensemble du processus productif, de la production à la transformation.
Ces évolutions soulignent l’importance d’investissements capables de renforcer la résilience des systèmes agroalimentaires tout en soutenant la transition vers des modèles plus performants, compétitifs et respectueux des ressources naturelles.
Aux côtés des autorités tunisiennes, l’UE et l’AICS renforcent leur soutien à l’ensemble des acteurs économiques en accompagnant les opérateurs privés dans la conception et la mise en œuvre de projets durables, adaptés aux besoins spécifiques des territoires.
Ce troisième appel s’inscrit pleinement dans cette dynamique d’appui renforcé. Avec une enveloppe de 8 millions d’euros, il offre aux entrepreneurs des possibilités élargies pour accéder à un financement durable, encourager l’innovation, améliorer la gestion des ressources, moderniser les outils de production et de transformation, et diversifier les activités au sein des chaînes de valeur agricoles, de la pêche et de l’aquaculture. L’objectif est de consolider la compétitivité des filières tout en accélérant la transition écologique du pays grâce à des investissements responsables et résilients, porteurs d’emplois locaux et d’améliorations durables des conditions de vie dans les zones rurales et côtières.
Soumission des candidatures
Les candidats peuvent soumettre leurs projets en ligne jusqu’au 19 novembre 2026. Cette nouvelle édition du dispositif de soutien financier du fonds d’appui Adapt Investissements prévoit une contribution sous forme de dons couvrant jusqu’à 14 % du montant d’un crédit bancaire ou d’un crédit leasing, pour un soutien compris entre 1 650 € et 100 000 € maximum.
Les projets portés par des jeunes, des femmes ou par des organisations professionnelles agricoles et de la pêche (Opap) peuvent bénéficier d’une contribution allant jusqu’à 20 %.
Toutes les informations, ainsi que l’accès au dépôt des candidatures, sont disponibles sur cette plateforme.
Dans un communiqué publié le 24 novembre 2025et intitulé «La paradoxale situation de Samir Taieb : sans sous, on reste dans le trou !», le Centre pour le respect des libertés et des droits de l’homme en Tunisie (CRLDHT) pose le problème de l’ancien ministre de l’Agriculture, incarcéré depuis novembre 2024 et qui est maintenu en prison, alors que le suspect principal dans la même affaire a été libéré provisoirement après avoir payé une lourde caution d’un montant de 50 000 dinars.
«La logique juridique et judiciaire exige que la détention soit l’exception, fondée sur des éléments factuels et moraux proportionnés à l’accusation et à l’infraction imputée à l’intéressé», rappelle le FTCR, qui estime que cette logique n’est pas respectée par la justice tunisienne, qui délivre à la hâte des mandats de dépôt contre des suspects qui restent longtemps incarcérés, alors que l’enquête s’éternise sans justification.
«Un mandat de dépôt a été émis contre M. Taieb en novembre 2024, avant même qu’il ne soit auditionné, et depuis il attend une expertise judiciaire plus lente que le corbeau de Noé», notre l’ONG tunisienne basée à Paris, qui explique: «Sur le fond de l’affaire, on impute à M. Taieb le fait d’avoir entériné une décision du conseil de l’Office des terres domaniales (OTD) concernant l’ajournement du recouvrement de dettes pour des agriculteurs — une procédure administrative de routine, surtout que le ministre est une autorité de tutelle et n’est pas compétent pour prendre la décision que l’Office a régulièrement prise selon les aléas des saisons.»
Le CRLDHT ajoute : «Parmi les prétendus bénéficiaires de la décision de l’OTD, l’homme d’affaires Abdelaziz Makhloufi, détenu lui aussi dans la même affaire et libéré provisoirement d’une façon soudaine et louche (…) Cette libération provisoire a été obtenue contre le paiement d’un montant astrologique à titre de dépôt (…) une somme que M. Taieb n’a ni les moyens de payer, ni la possibilité d’assumer.»
Pour ces considérations, le CRLDHT «s’indigne de la détention arbitraire infligée à M. Samir Taieb et aux autres détenus de cette affaire, incarcérés uniquement parce qu’ils n’ont pas les moyens de s’acquitter de la rançon exigée (…), condamne une justice à géométrie variable (…) et appelle à la libération immédiate de M. Samir Taieb et des autres détenus dans l’affaire, ainsi qu’au respect de leurs droits à un procès équitable.»
Est-ce inévitable que, bientôt, au-delà des aspects légaux, les drones s’imposent comme une réalité dans le ciel tunisien ? Cette interrogation soulève des défis majeurs sur les plans technologique et réglementaire. Mais pas seulement… Cette révolution de la mobilité urbaine est en cours partout dans le monde. La Tunisie ne peut pas rester à la traîne.
Lotfi Sahli
Comme les nations avancées, la Tunisie doit faire preuve de pragmatisme et intégrer la généralité des transports aériens à basse altitude. Malgré des questions juridiques encore en discussion, avec une régulation appelée à émerger bientôt, les drones révolutionneront plusieurs domaines, de la sécurité des villes à l’agriculture ou la livraison urbaine. Le pays possède déjà un savoir-faire local en enseignement du pilotage et en partage technologique, entre autres via des partenariats internationaux. Il faut harmoniser ces avancées avec les exigences éthiques, sécuritaires et sociétales pour une croissance sûre et pérenne dans le cadre tunisien.
Cette vision réaliste et anticipatrice rejoint les pratiques de nombreuses puissances industrielles en mobilité aérienne urbaine et transport à basse altitude, où les drones s’affirment comme des instruments essentiels pour satisfaire les demandes économiques et sociales dans un environnement toujours plus dense et interconnecté.
Cette dynamique tunisienne s’inscrit dans un mouvement plus large, porté par l’essor mondial de la mobilité aérienne basse altitude. Partout, l’intégration des drones conduit à repenser l’organisation du ciel urbain, ouvrant la voie à un nouvel écosystème fait de couloirs aériens, d’infrastructures dédiées et de services automatisés.
Les drones réinventent la mobilité urbaine
La mobilité aérienne basse altitude redessine progressivement le paysage urbain, et les drones y jouent un rôle central. Longtemps cantonnés à l’imaginaire ou aux usages spécialisés, ils deviennent aujourd’hui des vecteurs de transport, des outils d’inspection, des alliés des services publics et même des partenaires du monde créatif. Leur champ d’action s’élargit à mesure que l’autonomie progresse, et que les villes se préparent à accueillir un trafic aérien dense, automatisé et intégré.
Dans ce futur, le transport de passagers figure parmi les usages les plus visibles. Les eVTOL — ces taxis volants électriques proches de «gros drones» — promettent de fluidifier les déplacements urbains et d’assurer des liaisons rapides entre les centres-villes et les zones périurbaines. Ils pourraient également répondre à des besoins médicaux urgents, comme le transfert d’équipes spécialisées ou d’organes.
À côté de ce transport humain émergent les drones dédiés à la logistique : livraison du dernier kilomètre, transport de médicaments, acheminement vers des zones isolées ou, plus simplement, déplacement d’outillage industriel entre différents sites.
La dimension médicale occupe une place à part. Les drones permettent déjà la livraison express de défibrillateurs ou de poches de sang, tandis que les services de secours utilisent des appareils capables d’observer, cartographier ou repérer des foyers d’incendie et des personnes en détresse.
Ces missions coexistent avec celles des forces de sécurité, qui recourent aux drones pour surveiller des événements, documenter des scènes d’accident ou soutenir des opérations de police. L’armée, elle, les considère comme des outils de reconnaissance ou de neutralisation.
Au-delà de ces fonctions, les drones s’imposent comme des instruments précieux pour l’environnement : suivi de la faune, détection de pollutions, mesures atmosphériques ou observation des forêts. L’agriculture de précision s’appuie déjà sur eux pour analyser l’état des cultures, ajuster l’irrigation ou effectuer des pulvérisations ciblées.
Le secteur industriel n’est pas en reste : inspection des lignes électriques, des ponts, des barrages ou des installations pétrolières, modélisation 3D de chantiers, création de jumeaux numériques… Autant de tâches aujourd’hui largement automatisées. Même les arts et le divertissement bénéficient de cette révolution, de la prise de vue aérienne au pilotage sportif en passant par les livraisons commerciales.
Cette montée en puissance soulève toutefois la question majeure de l’organisation du ciel. Laisser chaque drone évoluer librement serait impossible : collisions, conflits avec les hélicoptères, risques juridiques… D’où la création de véritables «routes aériennes», inspirées de l’aviation classique. Comme les airways que suivent les avions, les drones circulent désormais dans des trajectoires préétablies, géolocalisées et surveillées. Avec l’augmentation du trafic, ces couloirs deviennent indispensables au fonctionnement de systèmes automatisés tels que l’UTM américain ou l’U-Space européen.
Dans les coulisses du futur trafic aérien urbain
Pour concevoir ces corridors, les urbanistes ont d’abord analysé les contraintes du sol : survol des fleuves ou des axes routiers, évitement des zones sensibles, prise en compte du relief urbain. Les altitudes ont ensuite été hiérarchisées pour séparer les usages, des drones légers proches du sol jusqu’aux taxis aériens évoluant plus haut. Certaines villes testent même de véritables «autoroutes aériennes» dédiées.
Enfin, l’émergence de stations de décollage — vertiports et droneports — prolonge cette logique. Ces infrastructures sécurisées, inspirées des gares ou des stations de bus, offrent des zones d’attente, de recharge, d’entretien et de gestion des flux. Elles constituent les futurs nœuds d’un réseau aérien urbain.
Un nouvel écosystème prend ainsi forme : des couloirs aériens superposés, des vertiports interconnectés, un trafic contrôlé automatiquement, et une séparation claire des missions. Le ciel des villes s’apprête à devenir un véritable réseau de mobilité.
La conception des couloirs aériens dédiés aux drones n’est pas le fruit du hasard. Elle répond à une logique urbaine très précise, élaborée à partir des contraintes du terrain. Pour limiter les nuisances et garantir la sécurité, les ingénieurs ont privilégié des trajectoires situées au-dessus des fleuves, des axes routiers ou des voies ferrées, tout en écartant les zones sensibles comme les écoles, les hôpitaux ou les bâtiments gouvernementaux.
Les survols interdits — prisons, centrales, sites militaires — ont également été strictement évités. Grâce à des cartes 3D, les villes ont identifié les espaces à proscrire, ceux à favoriser et les corridors «naturels» dans lesquels les drones peuvent circuler. Ces analyses ont ensuite permis de dessiner des tubes invisibles où les appareils doivent évoluer.
Pour éviter les collisions, les altitudes ont été réparties en fonction des usages. Les petits drones dédiés à l’inspection ou à la prise de vues opèrent près du sol, tandis que les drones logistiques occupent une couche supérieure. Au-dessus encore évoluent les taxis aériens électriques, laissant les niveaux les plus hauts à l’aviation traditionnelle. Cette stratification limite les interactions entre engins légers, appareils de transport et vols sanitaires.
Certaines métropoles expérimentent désormais de véritables «autoroutes aériennes», droites et continues, dotées de points d’entrée, de sortie et de vitesses autorisées. Tout y est automatisé : priorités, anticollision, gestion météo. Ce maillage préfigure une circulation aérienne aussi organisée que celle du réseau routier.
La création de stations de décollage s’inscrit dans la même logique. Un drone ou un eVTOL ne peut se poser n’importe où : il lui faut une zone sécurisée, stable, équipée en énergie et à l’écart du public. Les vertiports reprennent ainsi les codes des gares ou des stations de bus, avec leurs zones d’attente, leurs flux d’arrivée et de départ, leurs dispositifs de sécurité et, pour le transport de passagers, des contrôles d’identité. Pour la logistique, ces stations fonctionnent comme de véritables hubs où les colis sont regroupés, où les batteries sont remplacées et où les appareils repartent automatiquement.
Les premiers prototypes ont vu le jour dans les aéroports, notamment sous l’impulsion d’Aéroports de Paris, avant d’être adaptés à des modules urbains, modulaires et évolutifs.
L’ensemble forme aujourd’hui l’ébauche d’un écosystème complet : couloirs superposés, vertiports interconnectés, points de recharge, réseau logistique aérien et gestion automatisée du trafic. Un nouveau système de transport, littéralement suspendu au-dessus de la ville.
Sources : EASA, NASA, FAA, Groupe ADP, ITF/OECD.OACA.
Plusieurs employés du Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR) sont jugés ce 24 novembre 2025, dans un contexte de répression accrue contre les organisations de la société civile en Tunisie, a déclaré Human Rights Watch aujourd’hui. «Les autorités tunisiennes doivent abandonner les charges infondées, libérer les deux employés détenus et cesser de criminaliser l’activité légitime des organisations indépendantes», souligne l’organisation dans le communiqué ci-après.(Ph. Mustapha Djemali).
Les autorités tunisiennes ont fermé le Conseil, gelé ses comptes bancaires et poursuivent six de ses employés pour leur travail d’assistance aux demandeurs d’asile et aux réfugiés en tant que partenaire du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Parmi ces six personnes figurent le fondateur et directeur, Mustapha Djemali, et le chef de projet, Abderrazek Krimi. Ils encourent jusqu’à 23 ans de prison s’ils sont reconnus coupables des accusations infondées de facilitation de l’entrée et du séjour irréguliers de ressortissants étrangers en Tunisie. L’un des employés n’a pas encore été jugé, la procédure devant la Cour de cassation étant en cours.
«Le Conseil tunisien pour les réfugiés a mené un travail de protection essentiel en faveur des réfugiés et des demandeurs d’asile, en collaborant légalement avec des organisations internationales accréditées en Tunisie», a déclaré Bassam Khawaja, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch. Et d’ajouter : «Poursuivre une organisation par des poursuites judiciaires abusives criminalise un travail d’assistance crucial et prive les demandeurs d’asile du soutien dont ils ont désespérément besoin.»
Le procès, qui se tient devant le tribunal de première instance de Tunis, est le premier intenté contre une organisation de la société civile depuis l’arrestation de plusieurs employés d’ONG entre mai et décembre 2024. Il intervient dans un contexte de répression sans précédent de l’espace civique en Tunisie.
Travailleurs humanitaires assimilés à des malfaiteurs
Le Conseil tunisien pour les réfugiés (CTR), créé en 2016, effectuait un premier tri des demandes d’asile pour le compte du HCR. Il fournissait également un hébergement d’urgence et une assistance médicale aux réfugiés et demandeurs d’asile.
Le 2 mai 2024, le CTR a lancé un appel d’offres public auprès d’hôtels tunisiens pour ces services, provoquant une vive polémique sur les réseaux sociaux et parmi les parlementaires, dans un contexte de répression anti-migrants. Le lendemain, la police a perquisitionné le siège du CTR à Tunis, a dissous l’organisation et a arrêté Djemali. Le 4 mai, Krimi a été arrêté. Tous deux sont en détention provisoire depuis.
Le 7 mai 2024, un porte-parole du tribunal a déclaré que le parquet avait inculpé les dirigeants d’une organisation non identifiée de «constitution d’une association de malfaiteurs en vue de faciliter l’entrée illégale de personnes en Tunisie». Cette accusation est liée à un «appel d’offres adressé aux établissements hôteliers tunisiens pour l’hébergement de migrants africains», publié «sans concertation avec les autorités sécuritaires et administratives».
Le même jour, un juge d’instruction a ordonné la détention provisoire de Djemali et Krimi dans l’attente de l’enquête, en vertu des articles 38, 39 et 41 de la loi n° 40 de 1975, pour «avoir fourni des informations, planifié, facilité ou assisté… l’entrée ou la sortie illégale d’une personne du territoire tunisien», «hébergé des personnes entrant ou sortant illégalement du territoire tunisien» et «participé à une organisation ou entente» en vue de commettre ces infractions. Entre mai et juin 2024, les autorités ont également gelé les comptes bancaires du conseil et ceux de Djemali et Krimi.
Le 30 avril 2025, le juge d’instruction a formellement inculpé les six employés en vertu de la loi de 1975. Le 3 juin, la chambre d’accusation a élargi les charges pour y inclure l’article 42 de cette même loi, qui prévoit à lui seul une peine pouvant aller jusqu’à 10 ans d’emprisonnement.
Human Rights Watch a examiné l’ordonnance de clôture du juge et a conclu que les accusations étaient fondées exclusivement sur le travail légitime du conseil, qui opérait légalement en Tunisie et était financé presque exclusivement par le HCR.
Bien que les bénéficiaires du conseil soient des demandeurs d’asile et des réfugiés enregistrés auprès du HCR en Tunisie, le juge d’instruction a estimé que les activités de l’organisation constituaient un soutien aux migrants sans statut régulier «afin de faciliter leur installation dans le pays».
L’ordonnance de clôture fait référence à des activités telles que l’hébergement et l’aide financière aux réfugiés et aux demandeurs d’asile, activités courantes du HCR dans de nombreux pays et souvent menées par des partenaires opérationnels.
Djemali, un Suisse-Tunisien de 81 ans, n’a été entendu qu’une seule fois par le juge d’instruction pendant sa détention provisoire. Atteint de la maladie de Horton, une inflammation des artères, il n’a pas reçu, depuis septembre 2024, des autorités pénitentiaires malgré plusieurs demandes, un traitement adéquat, selon sa famille. Le juge a rejeté six demandes de mise en liberté provisoire pendant sa détention, ont-ils ajouté.
Les poursuites abusives et la fermeture du Conseil tunisien pour les réfugiés s’inscrivent dans une répression plus large de la société civile en Tunisie, a déclaré Human Rights Watch. Entre mai et décembre 2024, les forces de sécurité ont également arrêté au moins six autres personnes travaillant pour des organisations non gouvernementales en raison de leur action contre les discriminations ou de leur assistance aux réfugiés, demandeurs d’asile et migrants. Parmi elles figurent Saadia Mosbah, éminente défenseure des droits humains et présidente de l’association antiraciste Mnemty (Mon Rêve) ; Abdallah Saïd, président des Enfants de la Lune ; Saloua Ghrissa, présidente de l’Association pour la promotion du droit à la différence ; et trois employés actuels et anciens de l’organisation Terre d’Asile Tunisie. Tous sont en détention provisoire depuis lors.
Les autorités ont quasiment mis fin à l’assistance et à la protection des réfugiés et demandeurs d’asile en Tunisie. Outre le ciblage et la fermeture des organisations apportant un soutien, les autorités ont ordonné au HCR, en juin 2024, de suspendre le traitement des demandes d’asile sous prétexte que la Tunisie cherchait à établir un système national d’asile. Or, le pays ne dispose toujours pas de cadre juridique national en matière d’asile. De ce fait, les demandeurs d’asile se retrouvent dans un vide juridique, privés de protection internationale, et exposés aux risques d’arrestation et d’expulsion arbitraires.
Les autorités tunisiennes ont également ciblé plusieurs autres organisations de la société civile par le biais d’enquêtes financières ou pénales, d’un renforcement du contrôle administratif et financier, de restrictions bancaires arbitraires et de suspensions temporaires. Depuis juillet, au moins 15 associations enregistrées en Tunisie ont fait l’objet d’une suspension ordonnée par un tribunal, certaines sans préavis.
Les demandeurs d’asile ont droit à la protection
La Tunisie est un État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui garantissent les droits à la liberté d’association, à la protection contre l’arrestation ou la détention arbitraires et à un procès équitable.
La Charte africaine protège également le droit de demander et d’obtenir l’asile en cas de persécution, et la Constitution tunisienne de 2014 garantit le droit d’asile politique. La Tunisie est partie aux conventions de 1951 des Nations Unies et de 1969 de l’Organisation de l’unité africaine relatives au statut des réfugiés, qui protègent les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile. Ces conventions interdisent notamment de sanctionner les personnes en situation irrégulière (entrée ou séjour) qui se présentent rapidement aux autorités, et proscrivent l’interdiction absolue du refoulement, c’est-à-dire le renvoi vers un lieu où elles risquent d’être persécutées.
«Au lieu de criminaliser le travail des associations et d’emprisonner les défenseurs des droits humains sous de faux prétextes, les autorités tunisiennes devraient collaborer étroitement avec la société civile pour le bien de tous les citoyens», a déclaré Khawaja. Et d’ajouter : «La répression généralisée contre la société civile nuit non seulement aux personnes employées par les organisations visées, mais aussi à celles qui bénéficient de leur travail.»
Le secrétaire régional du mouvement Ennahdha à Béja, Mohamed Mzoughi, a été condamné à 10 ans de prison, et un médecin résident à Djerba à 12 ans de prison, dans une affaire d’offense au président de la République et d’incitation à la haine contre lui via les réseaux sociaux.
Ce verdict a été prononcé, vendredi 21 novembre 2025, par la chambre criminelle spécialisée dans les affaires de terrorisme du tribunal de première instance de Tunis, qui a décidé de classer sans suite les charges retenues contre trois autres prévenus, qui comparaissaient en liberté.
Selon Diwan FM, citant une source proche du dossier, un autre prévenu, qui a également comparu en liberté, a été condamné à 10 ans de prison.
Le tribunal avait, auparavant, rejeté les demandes de mise en liberté de Mohamed Mzoughi et du médecin résident à Djerba.
Les unités du District de sécurité de la ville de Sousse ont démantelé un réseau de trafic de drogue dans la région de Sahoul. Le coup de filet a été effectué au terme d’une opération de surveillance des membres du réseau.
Selon une source sécuritaire citée par Mosaïque FM, l’opération a permis la saisie de plus de 20 kg de résine de cannabis (zatla) et l’arrestation de deux individus clés, qui ont été placés en détention pour possession et trafic de stupéfiants.
D’autres personnes impliquées dans l’opération sont activement recherchées.
Le nouvel ambassadeur des Etats-Unis Bill Bazzi a présenté ses lettres de créance au président Kaïs Saïed au palais de Carthage le vendredi 21 novembre 2025. «Il sera le représentant du président Donald J. Trump en Tunisie et œuvrera à la promotion des intérêts américains et au renforcement des priorités communes américano-tunisiennes en matière de sécurité régionale et de prospérité économique», a noté l’ambassade américaine à Tunis sur son site web.
À l’issue de la cérémonie de présentation de ses lettres de créance, l’ambassadeur Bazzi a déclaré : «C’est un honneur pour moi de représenter les États-Unis en Tunisie et je suis impatient de me mettre au travail. Ensemble, nous pouvons écrire le prochain chapitre de notre histoire commune : une histoire de collaboration, d’opportunités et d’amitié durable.»
Ancien combattant décoré du corps des Marines des États-Unis et ancien maire de Dearborn Heights (Michigan), l’ambassadeur Bazzi apporte à ses nouvelles fonctions une riche expérience des secteurs public et privé, acquise notamment chez Boeing et Ford Motor Company, deux entreprises américaines emblématiques figurant au classement Fortune 500.
«La nomination de l’ambassadeur Bazzi témoigne de l’engagement du président Trump à travailler avec la Tunisie pour favoriser la coopération commerciale, éliminer les menaces et promouvoir la stabilité dans la région. Depuis les premiers jours de l’indépendance des États-Unis, les relations entre les États-Unis et la Tunisie ont apporté des avantages durables aux peuples des deux pays, notamment dans les domaines de la sécurité nationale et de la lutte contre le terrorisme, des liens commerciaux et d’investissement, et de l’innovation», note encore l’ambassade américaine.
Évoquant ses priorités pour ce nouveau chapitre des relations américano-tunisiennes, l’ambassadeur Bazzi a déclaré : «Sous la direction du président Trump, je m’attacherai à développer les exportations américaines, à instaurer des relations commerciales justes et équilibrées, à soutenir les entreprises américaines leaders à l’étranger, à renforcer notre coopération en matière de défense et de sécurité, et à encourager l’entrepreneuriat afin de créer des opportunités pour les Américains comme pour les Tunisiens.»
Rappelons que les Etats-Unis ont imposé récemment un droit de douane de 25 % aux exportations tunisiennes, ce qui va se traduire, pour commencer, par une baisse de nos exportations vers les Etats-Unis. Merci M. Trump !
Cela n’est pas, on s’en doute, un bon départ pour M. Bazzi dont l’origine libanaise et la connaissance de la langue arabe pourraient être d’un bon secours dans ses nouvelles fonctions.
Souhaitons-lui bonne chance dans son nouveau poste, tout en sachant que certaines positions américaines, notamment en ce qui concerne la crise au Proche-Orient, sont incomprises – c’est un euphémisme – en Tunisie et dans toute la région.
Evoquant le projet d’interconnexion électrique sous-marine entre la Tunisie et l’Italie dans le cadre de la stratégie Global Gateway Afrique-Europe, Ursula von der Leyen, a indiqué que ce plan d’investissement de l’Europe pour un monde mieux connecté, contribue à la construction d’un avenir marqué par une plus grande sécurité énergétique, durabilité et intégration des énergies renouvelables.(Ph. Ursula von der Leyen reçue par Kaïs Saïed à Carthage en juin 2023).
La présidente de la Commission européenne a ajouté, dans une déclaration à l’agence Tap, en marge du 7e Sommet Union africaine-Union européenne, qui se déroule les lundi 24 et mardi 25 novembre, à Luanda, en Angola, que l’UE soutient les projets et programmes ambitieux de la Tunisie en matière d’énergies renouvelables et ce, en contribuant à la diversification et à l’écologisation du mix énergétique national.
En développant l’énergie solaire et éolienne, la Tunisie sera en mesure de réduire le coût de l’approvisionnement énergétique local et d’accélérer une transition écologique, de créer des dizaines de milliers de nouveaux emplois, de renforcer l’économie et d’apporter des avantages à long terme à ses citoyens, a déclaré von der Leyen.
La transition énergétique est un enjeu crucial pour la Tunisie. En diversifiant ses sources d’énergie et en réduisant sa dépendance aux énergies fossiles, le pays peut améliorer sa sécurité énergétique et réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, a fait sa première apparition médiatique depuis sa libération, le 12 novembre 2025, après une année de détention pour des propos jugés critiques envers le régime algérien. Dans un entretien diffusé sur France 2, le 23 novembre, il décrit avec précision et sobriété les épreuves qu’il a traversées, la prudence qui accompagne sa parole et les enjeux humains et politiques de sa libération.
Lors de cette première prise de parole, Sansal a évoqué son état de santé : il a été diagnostiqué d’un cancer de la prostate, reçu un traitement efficace et supervisé par des médecins dévoués. L’urgence médicale, combinée à son âge avancé, a été déterminante dans l’octroi de sa grâce présidentielle. Selon plusieurs sources, l’Allemagne et la France ont également joué un rôle diplomatique dans la médiation, assurant un suivi médical approprié et garantissant sa sécurité.
L’écrivain revient sur les premières heures de son arrestation à l’aéroport d’Alger : «Je ne savais pas qui m’arrêtait ni pourquoi. Pendant six jours, je n’ai eu aucun contact avec le monde extérieur», explique-t-il.
Sansal décrit ensuite la vie quotidienne en prison : fouilles incessantes, ordres arbitraires, isolement et humiliation permanente. Il souligne que le plus difficile n’était pas la routine, mais l’obligation de taire sa douleur. «On pleure seul, la nuit, dans sa tête», confie-t-il.
Malgré sa libération, Sansal reste prudent dans ses propos. Il craint pour sa famille et pour d’autres détenus politiques encore emprisonnés. Il évoque son dialogue téléphonique avec l’ancien ministre français de l’Intérieur Bruno Retailleau, qu’il considère comme un ami et un soutien. «Avec ou sans son intervention, les autorités algériennes auraient agi de la même façon», précise-t-il.
L’écrivain plaide pour la réconciliation entre la France et l’Algérie, rappelant que cette étape aurait dû être franchie dès 1962, à l’instar du rapprochement franco-allemand après la Seconde Guerre mondiale. Selon lui, le manque de dialogue historique continue de peser sur les relations bilatérales.
Sansal souhaite également revenir en Algérie «au moins une fois» pour récupérer ses affaires personnelles — téléphone et ordinateur — qui contiennent vingt années de travail, symboles de sa mémoire intellectuelle et de sa carrière. Cette volonté traduit l’importance qu’il accorde à sa production littéraire et à son héritage culturel.
Enfin, l’écrivain rappelle la dimension universelle de l’emprisonnement : «Être prisonnier, c’est une humiliation», souligne-t-il. Son témoignage met en lumière la solitude, la violence psychologique et la résilience nécessaire pour survivre dans des conditions carcérales difficiles.
Cette apparition publique marque le retour d’une voix majeure dans le débat politique et intellectuel franco-algérien. Elle souligne à la fois la fragilité de la liberté d’expression et la nécessité d’une vigilance constante pour protéger les droits fondamentaux, tout en offrant un témoignage humain et lucide sur la vie en détention et les épreuves de la réconciliation.
En antagonisant le Maroc, la Tunisie a considérablement réduit son poids et son influence dans la région et a porté un préjudice sérieux à ses intérêts. Aussi doit-elle réévaluer certaines orientations diplomatiques et sécuritaires et avoir le courage d’y apporter les correctifs nécessaires.
Elyes Kasri *
Quelques tunisiens qui cherchent la première occasion et la première victime venue pour déverser leur haine et leur vindicte pour tout préjudice imaginaire ou inspiré par des individus ou voisins mal intentionnés afin de semer la zizanie entre la Tunisie et le Maroc, oublient les nombreuses affinités entre ces deux peuples et la proximité de nombreux choix socio-économiques entre les deux pays tout en admettant la longueur d’avance prise par le Maroc sur la Tunisie dans tous les domaines depuis une bonne quinzaine d’années.
Des affinités historiques
Certains voisins malintentionnés semblent vouloir inoculer au peuple tunisien leur complotite afin de creuser un fossé entre ces deux peuples frères et fiers de leur passé riche et glorieux et des signes réels de solidarité marocaine lors des moments difficiles traversés par la Tunisie notamment le geste inoubliable de feu le Roi Hassan II immédiatement après l’attaque de Gafsa en janvier 1980 par un groupe terroriste à l’instigation des deux voisins libyen et algérien en mettant tous les moyens du Maroc à la disposition de la Tunisie ainsi que le geste du Roi Mohamed VI qui en juin 2014, après une phase d’instabilité et de mouvements sociaux en Tunisie qui ont porté un sérieux coup au secteur touristique, en effectuant un long séjour privé en Tunisie et se promenant sans branle-bas sécuritaire dans les rues de Tunis pour montrer à l’opinion publique mondiale que la Tunisie est un pays hospitalier et sûr.
Plus que jamais, la Tunisie a intérêt à rectifier les maladresses et malentendus accumulés au détriment de ses intérêts supérieurs et à revenir aux fondamentaux de sa diplomatie de neutralité positive dans la région et de bonnes relations avec tous les pays et peuples maghrébins et surtout avec le Maroc qui, aussi paradoxalement que cela puisse paraître, a plus d’affinités avec le peuple tunisien que nos autres voisins.
Certains utilisent l’argument des relations avec Israël pour démoniser le Maroc mais devraient en leur âme et conscience se demander le choix qui a été laissé à ce pays démuni de richesses pétrolières après un demi-siècle d’intimidation et de déstabilisation à coups de milliards de pétrodollars dont une bonne partie a été extorquée aux pays voisins sous l’alibi de l’intangibilité des frontières héritées du pillage colonial et gaspillés dans une course insensée à l’armement et à la déstabilisation régionale.
Des correctifs nécessaires
Force est de reconnaître qu’en antagonisant le Maroc, la Tunisie a considérablement réduit son poids et son influence dans la région et a porté un préjudice sérieux à ses intérêts.
La résolution 2797 du conseil de sécurité ayant pratiquement mis fin à la fiction de la république sahraouie en quête d’indépendance et d’émancipation du «joug colonial marocain», il est grand temps de s’atteler à la restauration des relations tuniso-marocaines et de mettre les intérêts supérieurs de la Tunisie et rien que la Tunisie au sommet de nos préoccupations et considérations diplomatiques et géostratégiques.
La situation délicate de la Tunisie et la conjoncture géopolitique régionale et internationale dictent une réévaluation de certaines orientations diplomatiques et sécuritaires et le courage d’y apporter les correctifs nécessaires.
PS: A l’intention des porte-voix des services algériens et autres «khawakhawanomanes», je n’ai personnellement aucune relation de quelque nature que ce soit avec le Maroc mais tire mon analyse d’une expérience diplomatique de quarante ans dans de nombreux postes diplomatiques sur plusieurs continents ainsi que des postes de responsabilité à Tunis au sein du ministère des Affaires étrangères.
Certains prétendus patriotes de la vingt cinquième heure et nationalistes pro-algériens, oxymoron purement tunisien, crieront très probablement au makhzenisme faute d’arguments rationnels pour défendre une thèse fratricide et de surcroît antipatriotique frisant le suicide national.
Dans presque tous les pays démocratiques, un même paysage politique s’installe : la droite avance, se durcit, se divise en courants toujours plus identitaires ou nationalistes. L’extrême droite, longtemps confinée aux marges, devient un acteur central ; elle gouverne déjà dans plusieurs pays européens, influence les agendas politiques ailleurs, bouscule les débats nationaux partout. En parallèle, la gauche de gouvernement semble épuisée, fracturée, parfois incapable d’articuler un projet social crédible. Quant aux partis écologistes, malgré leur dynamisme, ils ne parviennent pas à incarner une alternative majoritaire. Faut-il en conclure que la gauche est entrée dans une longue phase crépusculaire ? Ou qu’une autre voie est possible, à condition de repenser ce que pourrait être, au XXIᵉ siècle, une alternative écosociale ?
Zouhaïr Ben Amor *
Ce débat, loin d’être théorique, interroge le cœur même des démocraties contemporaines. Car lorsque l’horizon politique se réduit à la confrontation entre une droite radicalisée et une gauche désorientée, l’ensemble du champ démocratique se trouve fragilisé. Cet article propose un éclairage journalistique sur les raisons de cette recomposition et esquisse les contours d’une refondation possible.
Pourquoi la droite radicale progresse ?
La première explication est socio-économique. Depuis plus de vingt ans, les rapports de l’OCDE et de nombreux politistes francophones décrivent l’enracinement d’une insécurité sociale durable. Le sociologue français Didier Eribon, dans ‘‘Retour à Reims’’ (2009), éclairait déjà ce basculement : une partie du monde ouvrier, jadis bastion électoral de la gauche, s’est sentie délaissée, ignorée, voire méprisée par les partis progressistes traditionnels. Ce sentiment n’est pas qu’une réalité française : on le retrouve en Belgique, en Italie, en Allemagne, en Autriche, en Suède, ou encore au Canada.
Dans des ouvrages comme La France périphérique (2014), Christophe Guilluy développe une thèse similaire : la mondialisation, les métropoles attractives et les transitions économiques ont laissé derrière elles des territoires «désindustrialisés», où la fermeture des gares, des écoles, des maternités, des postes et des usines alimente une colère sourde. Que ce diagnostic soit parfois contesté importe moins que sa résonance : la droite radicale y trouve un espace où capter frustrations, rancœurs et sentiment d’abandon.
Le mécanisme est connu : lorsque les services publics reculent, lorsque les protections sociales se réduisent, lorsque les salaires stagnent mais que les prix augmentent, les discours simplificateurs trouvent un écho puissant. L’extrême droite identifie des coupables — migrants, élites, étrangers, institutions supranationales — et propose des réponses rapides, émotionnelles, symboliquement fortes.
À cette insécurité matérielle s’ajoute un malaise politique. Le politologue belge Jean-Yves Camus, spécialiste des droites extrêmes, souligne dans plusieurs conférences récentes que les partis d’extrême droite prospèrent particulièrement dans les pays où la confiance envers les institutions est faible. Or les enquêtes du Cevipof en France, de l’UCLouvain en Belgique ou de Sciences Po Grenoble montrent une chute spectaculaire de cette confiance depuis les années 2000.
Les parlementaires sont perçus comme distants ; les partis traditionnels, comme des appareils ; les gouvernements, comme des gestionnaires sans vision. D’où un désir de rupture.
L’extrême droite arrive alors comme une force «anti-système», même lorsqu’elle participe depuis longtemps au système politique. Elle canalise une demande de rupture plutôt qu’une adhésion doctrinale.
La droite radicale avance aussi sur le terrain culturel. Sur les questions identitaires, religieuses, mémorielles, elle impose son récit : celui d’une nation menacée, d’une culture en péril, d’une cohésion qui se dissoudrait sous les effets de l’immigration ou du multiculturalisme.
Des essayistes comme Alain Finkielkraut, dans un autre registre que l’extrême droite, ont contribué à installer dans le débat public l’idée d’une «crise identitaire». Ces discours, combinés à une amplification médiatique parfois sensationnaliste des faits divers, nourrissent l’idée que l’insécurité serait omniprésente — même lorsque les chiffres officiels montrent une réalité plus nuancée.
Pourquoi la gauche s’essouffle ?
Une large littérature sociologique francophone, de Louis Chauvel à Bruno Amable, documente la fragmentation de la gauche. Elle ne parvient plus à rassembler salariés, fonctionnaires, enseignants, classes populaires, jeunes diplômés, ouvriers et employés — chacun de ces groupes ayant désormais des intérêts divergents, voire opposés.
Le politologue français Thomas Piketty propose une lecture particulièrement éclairante : l’émergence de la «gauche brahmane», une gauche des diplômés, plus progressiste sur les questions culturelles que sur les questions économiques (Piketty, ‘‘Capital et idéologie’’, 2019). Ce déplacement sociologique a profondément modifié le discours de la gauche, parfois perçu comme trop moral, trop urbain, trop éloigné des réalités quotidiennes des classes populaires.
La philosophe Nancy Fraser, bien qu’américaine mais largement traduite en français, a exercé une grande influence dans les milieux intellectuels francophones. Elle parle de «néolibéralisme progressiste» pour désigner ces coalitions politiques qui mêlaient : 1- modernisation économique, dérégulation, réformes du marché du travail; 2- défense des minorités et des droits individuels.
Ce mélange a donné l’impression que la gauche avait délaissé les enjeux économiques pour se réfugier dans le symbolique. Les électeurs populaires, sentant leur vie se précariser, ont cessé de croire à la gauche comme force protectrice.
Enfin, la gauche souffre d’un déficit narratif. Elle ne propose plus un horizon collectif clair. Là où la droite radicale raconte une histoire simple (la nation menacée à défendre), la gauche peine à formuler un récit qui parle au cœur autant qu’à la raison.
Les mobilisations sociales existent — retraites, climat, santé — mais elles ne s’articulent pas toujours en projet global.
L’écologie peut-elle remplacer la gauche ?
Les partis écologistes ont progressé dans les urnes, surtout dans les métropoles. Ils ont imposé la question climatique au centre du débat public. Mais ils souffrent de deux limites : 1- un ancrage sociologique restreint : beaucoup de leurs électeurs sont urbains, diplômés, issus des classes moyennes supérieures ; 2- une perception sociale défavorable dans certains territoires : l’écologie est perçue comme une contrainte, une «punition», notamment lorsque les mesures touchent au carburant, au chauffage ou au coût du logement.
Les analyses de Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion à l’Ifop, confirment ce clivage : l’écologie gagne dans les centres urbains aisés mais peine en périphérie.
La sociologue Sophie Dubuisson-Quellier, dans ‘‘La consommation engagée’’ (2020), met en garde contre une écologie réduite à des gestes individuels (tri, bio, vélo). Ce discours, moral, culpabilisant, oublie la dimension collective et structurelle des crises écologiques.
Sans une perspective sociale, l’écologie reste minoritaire.
Une partie des politiques dites «vertes» se limite à verdir l’existant : voitures électriques hors de prix, compensation carbone, finance verte. Le tout reposant sur des marchés sans régulation.
Les économistes Gaël Giraud (ancien chef économiste de l’AFD) et Alain Grandjean dénoncent cette impasse : le capitalisme vert ne suffit pas à contenir la catastrophe écologique et produit souvent de nouvelles inégalités.
L’écologie seule ne peut donc pas remplacer la gauche. Mais sans l’écologie, la gauche n’a plus d’avenir. D’où la nécessité d’une synthèse : l’écosocialisme.
L’urgence d’une alternative écosociale
Le point de départ d’une refondation est simple : on ne convaincra pas les classes populaires de la nécessité d’une transition écologique si celle-ci augmente leurs factures, leur fatigue ou leur isolement. Comme l’écrit le politologue Paul Magnette dans ‘‘Écosocialisme’’ (2020), «il n’y aura pas de transition écologique si elle n’est pas socialement juste».
Une alternative crédible devrait proposer : un État social renforcé, garantissant santé, éducation, mobilité, logement ; des investissements massifs publics dans les transports propres, la rénovation thermique, l’énergie ; une fiscalité progressiste, où les plus pollueurs payent davantage ; une transformation du modèle agricole, vers des cultures moins dépendantes des pesticides et de l’eau.
L’écosocialisme n’est pas une utopie : c’est une politique réaliste si l’on prend au sérieux le réchauffement climatique, la biodiversité et les fractures sociales.
L’extrême droite prospère sur l’impuissance ressentie. Une alternative doit donc redonner la maîtrise : budgets participatifs ; assemblées citoyennes ; coopératives énergétiques locales ; démocratie au travail.
C’est la leçon du philosophe Pierre Rosanvallon, pour qui la démocratie ne survit que si elle implique réellement les citoyens.
La gauche ne renaîtra pas sans renouer avec le monde du travail : ouvriers, infirmières, enseignants, agriculteurs, employés de la logistique, aides-soignants…
Ces métiers essentiels doivent être placés au cœur du projet politique, non dans les notes de bas de page des programmes.
L’écologie ne doit pas dire : «il faut consommer moins» mais «il faut produire autrement, financer mieux, protéger plus».
Un nouveau récit pour un nouveau siècle
L’écosocialisme a un avantage stratégique : il propose un récit mobilisateur. Ce récit pourrait tenir en trois phrases : 1- protéger les gens : salaires dignes, droits sociaux solides, accès universel aux services publics ; 2- protéger la vie : air respirable, eau saine, climat vivable, villes verdies ; 3- protéger la démocratie : participation citoyenne réelle, égalité des droits, lutte contre les oligarchies économiques.
Comme le rappelait Cornelius Castoriadis, une société existe tant qu’elle peut «s’instituer elle-même». La gauche a perdu cette capacité. L’écosocialisme peut la lui rendre.
La montée de la droite radicale n’est pas un accident historique. Elle est le produit d’un double abandon : social et politique. En laissant se déliter les protections sociales, les services publics et la confiance démocratique, nos sociétés ont créé le terreau idéal pour les forces de colère.
L’écologie, prise isolément, est trop étroite pour être une réponse. La gauche, sans l’écologie, est trop nostalgique pour faire face au siècle qui vient. Seule une refondation écosociale peut offrir une alternative crédible : populaire, protectrice, démocratique et consciente de la finitude du monde.
La question n’est donc plus :«La droite monte, que faire ? » Mais :«Qui, dans nos sociétés, aura le courage d’articuler justice sociale et survie écologique pour proposer un avenir commun ?»
* Universitaire.
Bibliographie francophone :
Bruno Amable, L’illusion du bloc bourgeois, Paris, Raisons d’agir, 2021.
Castoriadis, Cornelius, La montée de l’insignifiance, Paris, Seuil, 1996.
Dubuisson-Quellier, Sophie, La consommation engagée, Paris, Seuil, 2020.
Eribon, Didier, Retour à Reims, Paris, Fayard, 2009.
Lors des Nouvelles Rencontres d’Averroès, vendredi 21 novembre 2025, au théâtre de La Criée, à Marseille, Monia Ben Jemia, juriste et militante tunisienne emblématique, a livré un témoignage sans concession sur la situation politique et sociale de son pays.
Djamal Guettala
Ancienne présidente de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD, 2016‑2018), dont les activités viennent d’être suspendues pour un mois par les autorités, et présidente de EuroMed Droits, l’activiste a souligné le rôle vital des réseaux de défenseurs des droits humains en Méditerranée pour contrer les dérives autoritaires et protéger les populations vulnérables.
Revenant sur l’histoire du féminisme en Tunisie, elle a rappelé que les avancées des femmes ont été le fruit de luttes acharnées et non d’un cadeau de l’État. Le mouvement, né dans les années 1970, s’est structuré autour d’associations autonomes et a trouvé un nouvel élan après la révolution de 2011, lorsque la société civile a pu peser sur le débat public et promouvoir des réformes législatives et sociales majeures. «Ces acquis sont le résultat de décennies de mobilisation et de courage, mais ils restent fragiles», a-t-elle souligné.
Fermeture totale de l’espace politique
Aujourd’hui, selon Monia Ben Jemia, le tableau est préoccupant. «Sous Ben Ali, il existait encore des moyens d’approcher certains ministres, de dialoguer et de trouver des solutions à des problèmes majeurs. Aujourd’hui, aucun dialogue n’est possible.»
Le pouvoir centralisé autour de Kaïs Saïed impose une fermeture totale de l’espace politique et institutionnel, plus sévère encore que sous le régime précédent. Pour elle, la rue reste désormais le seul espace de dialogue : manifester et se mobiliser collectivement sont les seules façons pour les citoyen·ne·s de se faire entendre.
Elle a également confié qu’elle ne peut plus retourner en Tunisie, risquant «le même sort» que d’autres militants, juristes ou défenseurs des droits humains ciblés par le régime.
À Marseille, Monia Ben Jemia a conclu sa masterclasse en dédicaçant son dernier ouvrage, ‘‘Dominer et humilier. Les violences sexistes et sexuelles en Tunisie’’ (Éditions Cérès). Un geste simple mais symbolique, qui illustre sa conviction : la lutte pour les droits et la démocratie est avant tout une question de parole, de visibilité et de courage.
La démocratie reste un combat quotidien
Son intervention rappelle, dans un contexte méditerranéen fragilisé, que défendre la démocratie reste un combat quotidien. Les mots, lorsqu’ils sont portés par l’expérience et l’engagement, deviennent une arme contre les injustices et les dérives autoritaires, et un appel à la mobilisation collective.
«La décennie que Kaïs Saïed qualifie aujourd’hui de décennie noire a été la plus belle de ma vie. Nous avons obtenu de nombreuses avancées pour les droits des femmes et la lutte contre les violences, qui ont soulevé beaucoup d’espoirs pour les femmes du monde arabe.Aujourd’hui la plupart des associations de défense des droits humains en Tunisie sont suspendues ou menacées de dissolution. Les femmes victimes de violence n’ont plus de recours, plus de secours. C’est grave !», explique l’activiste.
Trois livres, une même alerte. En l’espace de quelques semaines, trois figures politiques classées très à droite — Éric Zemmour, Jordan Bardella et Philippe de Villiers — se retrouvent simultanément au cœur du débat public en France avec la parution de trois ouvrages au ton alarmiste : ‘‘La messe n’est pas dite : Pour un sursaut judéo-chrétien’’, ‘‘Ce que veulent les Français’’ et ‘‘Populicide’’.
Lassaâd Bouazzi *
Trois livres, trois auteurs, trois chaînes de télévision dites «souverainistes» qui se disputent leur présence sur les plateaux… et un même éditeur : Fayard. Coïncidence ou stratégie éditoriale soigneusement orchestrée ? Une offensive éditoriale coordonnée ?
La simultanéité de ces publications — toutes sorties en octobre 2025 — interroge. Leur message converge autour d’un même récit : déclin de l’Europe, menaces identitaires, immigration perçue comme danger, faillite du multiculturalisme, affaiblissement de la nation.
Si les thèses de Zemmour et Bardella, familières du registre identitaire et de la surenchère politique, ne surprennent plus vraiment, c’est le discours de Philippe de Villiers qui frappe par sa radicalité nouvelle au point de susciter malaise et inquiétude jusque dans certains cercles conservateurs.
‘‘Populicide’’ : un testament politique radicalisé
Philippe de Villiers présente ‘‘Populicide’’ comme un «livre-testament» dans lequel il dit n’avoir «jamais bridé sa plume». Il affirme livrer sa pensée la plus «profonde», sans se soucier des «âmes sensibles».
Il y décrit une France au bord de l’effondrement, minée selon lui par une «mutation démographique, culturelle et identitaire» qui aurait donné naissance à «deux peuples» : les Français «de souche» et les autres, principalement issus de l’immigration musulmane.
Pour l’ancien député européen, le salut de la nation passerait par deux voies : l’assimilation totale du «peuple intrus» ou sa déportation vers les pays d’origine. Une alternative qui rappelle les thèses les plus extrêmes du mouvement identitaire européen.
Une assimilation aux exigences identitaires
De Villiers détaille sa vision d’une assimilation «totale et systématique», fondée sur quatre critères : 1. l’amour de la France ; 2. la maîtrise de la langue ; 3. la rupture définitive avec le pays d’origine ; 4. l’adoption de «l’art de vivre» français.
Les deux premiers critères semblent consensuels. Mais les deux derniers basculent dans une logique d’effacement culturel : couper le «cordon ombilical» avec le pays natal, abandonner le halal, et même, selon l’auteur, «apprendre à apprécier le goût du cochon».
Ainsi, l’intégration serait conditionnée non plus au respect de la loi, à la loyauté envers la République ou à l’adhésion aux valeurs communes, mais à l’abandon des traditions et de la confession religieuse.
Ces prises de position, explicitement dirigées contre les musulmans, ont suscité un vif débat et de nombreuses interrogations.
La France favorise-t-elle réellement l’assimilation ?
Derrière la radicalité de de Villiers se cache une question que l’auteur évacue complètement : la France a-t-elle mis en place les conditions nécessaires à une assimilation réussie ?
Qu’en est-il : 1- de l’égalité des chances, particulièrement pour les jeunes issus de l’immigration vivant dans les banlieues ?; 2– de la lutte contre l’exclusion, contre les trafics, contre le décrochage scolaire ?; 3- des politiques culturelles pour renforcer la cohésion nationale ?; 4- des formations civiques capables d’expliquer que la France s’est aussi construite grâce aux tirailleurs algériens, tunisiens, marocains ou sénégalais, ou grâce aux travailleurs immigrés ayant aidé à la reconstruire après la guerre ?; 5- d’un enseignement qui valorise la pluralité religieuse du pays, et explique que Cathédrale Notre-Dame, Grande Mosquée de Paris et Synagogue de la Victoire appartiennent toutes au patrimoine français ?
Depuis des années, l’État peine à répondre à ces défis. Beaucoup de jeunes Français binationaux ne se sentent ni reconnus, ni protégés, ni représentés.
Une vision sélective de l’histoire et du vivre-ensemble
L’un des reproches majeurs adressés à de Villiers est son sélectif état des lieux. Pourquoi le mélange des populations, présenté comme une menace en France, serait-il une richesse lorsqu’il s’agit des États-Unis, puissance mondiale issue d’un brassage massif ? Pourquoi l’apport économique, culturel et démographique de l’immigration serait-il passé sous silence, alors qu’il a contribué à faire de la France la cinquième puissance mondiale ? Pourquoi enfin cibler exclusivement la population musulmane, alors que la présence juive — tout aussi visible — ne suscite aucune alerte dans son discours ? Certains y voient du mépris, d’autres une crainte d’être taxé d’antisémitisme.
Un tournant politique ?
Au-delà des polémiques, une chose est certaine : la sortie simultanée de ces trois livres marque une nouvelle étape dans la bataille culturelle menée par la droite radicale.
L’éditeur Fayard a, volontairement ou non, offert une caisse de résonance commune à un récit de plus en plus structuré, de plus en plus frontal, de plus en plus assumé.
Reste à savoir si cette offensive éditoriale produira un simple écho médiatique… ou si elle préfigure une recomposition idéologique plus profonde de l’espace politique français.
Après le match nul face au Stade Malien (0-0), lors de la rencontre aller du 1er tour de la phase de poule de la Ligue des champions africaine, samedi 22 novembre 2025, au Stade Hamadi Agrebi de Radès, l’entraîneur de l’Espérance de Tunis a fait une déclaration qui a choqué les supporters «Sang et Or».
Lors de la conférence de presse d’après-match, Maher Kanzari, a déclaré : «On va essayer d’aller le plus loin possible dans cette compétition (…) Le football n’est pas une science exacte. Avec l’effectif actuel et les blessures, on n’est pas favoris sur le papier mais l’Espérance sera toujours là».
Le coach espérantiste a-t-il cherché à desserrer la pression exercée sur lui et ses joueurs par les supporters de l’Espérance, qui espèrent voir leur club renouer avec la plus haute marche du podium de cette compétition qui leur tourne le dos depuis 2021, et ce, en tenant un discours franc, réaliste et direct ?
Peut-être, et cela se défend, car l’Espérance a montré que, sans deux de ses créateurs en attaque et principaux buteurs Youcef Belaili et Yann Sasse, elle n’a plus de griffes et ne parvient plus à marquer des buts.
Les occasions toutes faites gâchées par la plupart des joueurs lors du match contre le Stade Malien apportent la preuve, s’il en est besoin, de l’indigence offensive de l’équipe aujourd’hui à la disposition de Kanzari. Mais le franc-parler de ce dernier n’a pas plu et a même choqué beaucoup de supporters espérantistes qui ont exigé son départ avant qu’il ne soit trop tard.
Il serait peut-être plus sage de laisser encore une chance à Kanzari pour relancer l’équipe au cours du prochain match contre Petro Luanda, vendredi 28 novembre. En espérant une victoire en déplacement qui servirait de déclic pour toute l’équipe.