Il est temps de reconnaître le droit des Palestiniens à la résistance
L’humanité libre, celle du bon côté de l’histoire, se doit de sauter le pas et de se dire que des Guy Moquet, des Ho Chi Minh, des Jean Moulin, des Mandela, des Sophie Sholl, des Geronimo ou encore des Malcom X auraient pu être des Palestiniens nés à Rafah, Jénine, ou Khan Younes.
Olfa Rhymy Abdelwahed *

Je regarde ces océans d’âmes qui manifestent pour la Palestine et je me rends compte que l’humanité fait volte-face. Ce n’était pas tôt. C’est peut-être même tard, mais c’est au cœur même de la tragédie. Le soubresaut tardif sans grand recours.
Les enfants brûlés vifs dans les camps de réfugiés ne seront jamais repêchés. Ils partiront en murmuration de fumée sans avoir compris leur méfait.
L’humanité, en tout cas une grande partie, a l’air de chercher à se rattraper, sauf que le rattrapage réel doit passer pour une redéfinition et une approche nouvelle de la résistance. On ne peut pas marcher pour la paix, contre l’extermination d’un peuple et la solution finale proposée tout en restant dubitatif par rapport à sa résistance.
La résistance à l’occupation étrangère est un droit inaliénable
On ne peut pas continuer dans l’hypocrisie à soutenir le droit à la vie, à la survie, en taxant de terroristes les résistants touchés dans leur peuple, leur vie et leur sang.
On ne peut pas continuer dans la duplicité fourbe de nier à ce peuple meurtri le droit de se défendre avec les moyens de bord.
On ne peut pas continuer à clamer le droit à la vie en contournant le droit à s’y agripper.
Une intelligence supérieure pourrait peut-être nous dire comment un peuple peut aspirer à la liberté sans déployer des moyens. Des moyens de bord. Primitifs, dérisoires et désespérés.
Pourquoi nier aux Palestiniens ce qu’on a reconnu aux autres et revendiqué pour soi?
Tous les mouvements de résistances à travers l’histoire ont eu leur part de glorification et de gloire. Les maquisards français, les partisans italiens, l’Armia Krajoa polonaise, l’Elas grecque, La Rose blanche allemande, les Moudjahidines algériens, les Fellagas tunisiens et toutes les résistances à travers le monde et l’histoire ont eu leur part de reconnaissance et de réhabilitation.
La résistance palestinienne, elle, «jouit» d’un autre statut. Un statut imposé par ce désir enfoui de se débarrasser du fardeau de culpabilité vis-à-vis du peuple juif. Tout ce qui touche à leur «droit» d’y être et d’y rester est du terrorisme pur jus. Tout ce qui touche à leur narrative est antisémite, révisionniste, négationniste, terroriste…
L’anathématisation de la résistance palestinienne
Toutes les résistances palestiniennes depuis la Déclaration de Balfour, s’opposant au projet sioniste pendant le mandat britannique et sa figure emblématique Ezzedine Al Qassam, en passant par la résistance d’après la Nakba et la formation de groupes de Fedayines, la création de l’OLP, la bataille Al-Karamah, le Septembre noir, la Guerre du Liban, les Intifada, la naissance du Hamas, la résistance politique et diplomatique après les accords d’Oslo, et la résistance culturelle jusqu’à l’époque actuelle sont toutes marquées au fer rouge du terrorisme – mot magique qui fera de vous instantanément un ennemi de la liberté, de la démocratie, de la justice et de la vie. Il a fallu un 11-Septembre pour enfoncer le clou au cœur de la résistance surtout si elle puise sa force et son engagement dans le background religieux, parmi les rares à pouvoir fédérer, souffler la force et le courage de résister inspirés des références religieuses.
Les mouvements de résistance de gauche ont aussi eu leur part d’anathématisation. Que tu sois marxiste, socialiste, progressiste, islamiste. Que tu sois Fatah, Hamas, FPLP, FLDP, PPP… Que tu sois Hadj Amine Al-Husseini, Yasser Arafat, soit Georges Habache, Nayef Hawatma, Ahmad Saadate, Marouane Barghouthi, Cheikh Ahmad Yassine, Khaled Mechaal, Ismail Haniyeh, Yahya Sinwar… Que tu sois militant non violent, Hanane Ashrawi ou Mustapha Barghouthi. Que tu sois un résistant à l’occupation, Libanais ou Yéménite. Tu es avant tout un terroriste. Tu peux bien être un enfant né au mauvais endroit à la mauvaise heure. Tu es terroriste. Tu peux être une écolière, cartable au dos, tu es terroriste. On t’achèvera d’une balle à la tête. Tu peux être un papa sorti chercher du pain pour ses enfants, sous les bombes à Gaza. Tu es terroriste. Ton sang coulera sur les galettes. Que tu sois pacifiste, bras armé, suicidaire, chanteur, poète, vieillard, enfant, maman, médecin, journaliste, humanitaire caressant le rêve interdit de liberté, d’indépendance, de retour, de justice. Tu es terroriste. Un mot alibi qui a un million d’adhérents; tous âges, genres, références, moyens et rêves confondus.
Vous pouvez très bien faire votre Jean-Luc Mélenchon, très à cheval sur les valeurs universelles de droit, de justice et de liberté. Vous pouvez très bien être un De Villepin, droit dans ses bottes de prêcheur de droit international, ou encore d’un Lula, ému aux larmes en évoquant l’épuration ethnique en Palestine. Vous pouvez être un Gustavo Petro, un Nicolas Maduro, un Obrador, un Cyril Ramaphosa, comparant la situation en Palestine à l’apartheid, portant plainte contre Israël devant la Cour internationale de justice (CIJ). Vous pouvez jouer votre Jeremy Corbyn, défenseur de longue date de la cause palestinienne. Vous pouvez tout aussi bien être le SinnFein, l’Onu, Amnesty , Human Rights Watch, Dustin Hoffman, Richard Gere, Zayn Malik, Lauryn Hill, Brian Eno, Roger Waters, ou encore Natalie Portman, une plateforme ou un groupe collectif… vous n’êtes rien si vous rejetez le droit à résister.
Un grand pas reste à franchir. Sortir du déni pathologique et de l’hypocrisie latente et clamer haut et fort que toutes les «organisations terroristes» qu’on pointe du doigt ou, dans le meilleur des cas, ignore, n’auraient jamais, au grand jamais, existé si cette colonisation barbare construite autour d’un mensonge et d’une manipulation historique n’a eu lieu.
Ne pas avoir peur des mots, mais craindre le silence.
Tous les meurtres de civils sont à condamner et à dénoncer, mais beaucoup de rage, de frustration et de démence trouvent leur origine dans l’injustice qui frappe le peuple palestinien depuis 76 longues années. Il ne faut pas avoir peur des mots. Il faut craindre le silence.
Voler des vies, des rêves, des racines, la terre, le ciel, l’horizon, un passé, un présent et un avenir, tuer un enfant et négocier la restitution d’une de ses chaussettes avec la maman ne peut que semer les graines de la résistance pour les opprimés, du «terrorisme» pour l’oppresseur.
Marcher pour la liberté ne peut être crédible qu’en passant par la reconnaissance du droit à la résistance et du droit à choisir sa forme de résistance.
L’entité sioniste dans sa folie expansionniste, impulsive et meurtrière aurait même financé une certaine formation résistante pour mieux la neutraliser. Ceci reste à prouver, mais quand bien même, qu’est-ce qu’on s’en fout. Toute résistance a le droit de piocher ses moyens même dans le ventre du Léviathan.
On a beau tuer et massacrer les résistants et leurs chefs, une autre génération de résistants naîtra des cendres des décombres.
La capitulation n’aura jamais lieu et c’est loin d’être fini.
Il reste que l’humanité libre, celle du bon côté de l’histoire, se doit de sauter le pas et de se dire que des Guy Moquet, des Ho Chi Minh, des Jean Moulin, des Mandela, des Sophie Sholl, des Geronimo ou encore des Malcom X auraient pu être des Palestiniens nés à Rafah, Jénine, ou Khan Younes.
Messieurs Mélenchon, De Villepin, camarade Lula, gouvernements courageux, instances mondiales, artistes farouches, osez dire que la résistance palestinienne est légitime et valide, ou taisez-vous à jamais !
* Enseignante.
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