Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche symbolise l’avènement d’un monde imprévisible, violent, éclaté, déséquilibré ou inégal, marqué par l’effacement de tout récit universel et par la dévalorisation de l’idée même de « monde commun ».
Le désordre du monde
Les jeux du pouvoir et de la puissance se sont considérablement complexifiés sans qu’émerge en parallèle une véritable gouvernance mondiale. Face à une série de crises systémiques, à la multiplication et à l’acuité d’enjeux globaux souvent interdépendants, les Etats demeurent par trop arc-boutés sur leurs agendas et intérêts propres. Le droit international en pâtit. Les alliances ou partenariats connaissent un phénomène d’instabilité animé par le pragmatisme qui guide les puissances. Les diplomaties (en particulier du « Sud global », y compris la Chine) n’hésitent pas à développer des stratégies « contextualisées », transactionnelles, adaptées au but poursuivi. Une diplomatie fluide, passant des accords ponctuels en fonction d’objectifs très précis. Les notions ou catégories d’allié et d’ennemi s’en trouvent relativisées.
Les approches individuelles, différenciées, sectorielles et transactionnelles prévalent sur les visions systémiques. Comme si la conscience d’appartenir à un même monde déclinait. Ce au moment même où l’existence d’un intérêt commun est particulièrement manifeste et concret pour faire face aux enjeux globaux, comme le réchauffement climatique et les inégalités socio-économiques.
Lors de son premier mandat (2017-2021), la politique étrangère de D. Trump a consisté à critiquer le principe même du multilatéralisme. Le système de coopération multilatérale issu du « consensus de Washington » n’était perçu qu’à travers le prisme des intérêts des Etats-Unis.
Partant, les organisations internationales concernées sont le plus souvent considérées comme obsolètes, par trop contraignantes et avantageuses pour les concurrents des Etats-Unis.
Concrètement, l’administration Trump avait décidé du retrait des Etats-Unis de l’Accord de Paris sur le climat (2017) et de l’Accord sur le nucléaire iranien (2018), rares succès récents du multilatéralisme universel. Un retrait unilatéral exercé aussi à l’égard du traité de désarmement sur les forces nucléaires à portée intermédiaire.
Donald Trump avait également décidé de suspendre la participation des Etats-Unis à l’UNESCO, à l’OMS et au Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, ou encore à l’Agence des Nations unies chargée de l’aide aux réfugiés palestiniens (UNRWA).
Au sein de l’ONU, les Etats-Unis (qui sont à la fois les plus importants contributeurs au budget de l’organisation et ceux qui accusent les dettes les plus lourdes) usent traditionnellement de ce levier financier pour mieux peser sur l’organisation elle-même.
Vers une guerre commerciale mondiale ?
Donald Trump est de retour à la Maison Blanche. Si le personnage se caractérise par son imprévisibilité, son premier mandat (déjà rythmé par le slogan « America first ») et son amour pour le mot « tariffs » (« droits de douane », le « plus beau mot du dictionnaire », a-t-il déclaré) annoncent un accroissement des tensions commerciales, dans un contexte géopolitique mondial passablement chaotique.
Le libre-échange fait partie des fondements de l’ordre international moderne. Il est à la base du droit du commerce international, historiquement mû, non pas par la volonté de supprimer toute barrière, mais de les encadrer et de les réduire. Or, l’ouverture commerciale connaît un tassement, voire un recul. Une série de crises de nature financière (celle de 2008), sanitaire (pandémie de Covid-19) et géopolitique (guerre en Ukraine et rivalité systémique sino-américaine) ont sapé la dynamique de la mondialisation libérale.
Le modèle du libre-échange, de la dérégulation et des chaînes mondiales de production et d’approvisionnement a perdu de son attractivité auprès des opinions publiques et des responsables politiques occidentaux.
Plus protectionniste que jamais, D. Trump est mû par la remise en cause du système commercial multilatéral (incarné sur le plan institutionnel par l’OMC) : fort du poids économique des États-Unis, son but demeure l’obtention d’accords plus avantageux avec ses partenaires commerciaux. Ces derniers sont confrontés à la perspective d’accords asymétriques et discriminatoires (hypothèse d’achats forcés), ainsi que de droits de douane imposés unilatéralement. Les droits de douane seront un axe du programme de politique commerciale de D. Trump, qui a évoqué un tarif de base universel de 10 % sur toutes les importations américaines.
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