Dans une interview exclusive accordée à L’Économiste Maghrébin, Mustapha Mezghani, directeur général de la Société de gestion de la technopole de Sfax et vice-président de l’Association tunisienne des technopoles, plaide pour une exonération fiscale en faveur des investisseurs privés dans le capital des technopoles tunisiennes.
Mustapha Mezghani a accordé cette interview après avoir participé avec les membres de l’Association des technopoles de Tunisie, jeudi 13 novembre 2025, devant la commission des finances, à une proposition d’article de loi visant à exonérer fiscalement la participation du secteur privé dans le capital des technopoles.
Cette initiative a pour objectif principal d’encourager le secteur privé à investir dans le capital des structures des sociétés de gestion des technopoles.
Cet encouragement est justifié, explique M. Mezghani, par deux raisons fondamentales. La première est dictée par le désengagement progressif de l’État de l’investissement dans les technopoles depuis 2011, son rôle ayant été repris par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Cependant, la CDC est soumise à des plafonds de risque qui limitent sa participation au capital des entreprises à un taux ne dépassant pas 20 %, en général, ou 40 % dans des cas spécifiques.
« La seconde raison est liée à la nature de la rentabilité des technopoles. Leur rentabilité est principalement socioéconomique. La rentabilité financière est sur le long terme, de 20 à 25 ans, tandis que la rentabilité financière des projets conventionnels est d’environ 3-5 ans ».
La seconde raison est liée à la nature de la rentabilité des technopoles. Leur rentabilité est principalement socioéconomique. La rentabilité financière est sur le long terme, de 20 à 25 ans, tandis que la rentabilité financière des projets conventionnels est d’environ 3-5 ans.
Face à ce choix, l’investisseur privé se tourne naturellement vers les opportunités à rentabilité rapide, d’où la difficulté à les attirer, et, par conséquent, la nécessité de la mesure fiscale proposée par les technopoles pour améliorer la rentabilité d’un tel investissement. Cependant, cette exonération fiscale a une rentabilité certaine pour l’Etat grâce aux emplois créés et aux impôts et taxes générés. Elle se fera sur 3 à 5 ans avec des revenus qui se poursuivront dans le temps.
Un rôle de service public ancré dans la loi
Le cadre légal des technopoles, défini par la loi n°50 de 2001, stipule qu’elles sont des espaces intégrant trois composantes : la formation et l’enseignement, la recherche scientifique et technologique, et l’industrie – ce dernier terme étant entendu au sens large pour inclure les activités de service comme le développement logiciel ou autres activités industrielles.
L’objectif premier de ces pôles technologiques est de promouvoir la capacité concurrentielle de l’économie tunisienne et de développer ses composantes technologiques. Cet objectif est atteint en encourageant l’innovation technologique et en soutenant la complémentarité et l’intégration entre l’enseignement, la formation, la recherche et l’industrie, dans le cadre des priorités nationales.
De ce fait, les technopoles, qu’elles soient publiques ou privées, ont un rôle de service public, qui est de contribuer au renforcement de la part des services à haute valeur ajoutée dans le PIB à travers l’innovation technologique. C’est pour lui permettre de remplir cette mission que l’Association des technopoles demande cet encouragement fiscal au secteur privé.
L’objectif premier de ces pôles technologiques est de promouvoir la capacité concurrentielle de l’économie tunisienne et de développer ses composantes technologiques. Cet objectif est atteint en encourageant l’innovation technologique et en soutenant la complémentarité et l’intégration entre l’enseignement, la formation, la recherche et l’industrie, dans le cadre des priorités nationales.
Un bilan économique probant qui justifie le soutien
Un bilan réalisé en 2021 à la demande du ministère de l’Industrie et portant sur les dix premières années d’activité de neuf parcs technologiques, incluant leur phase de démarrage, a mis en valeur l’efficacité du système. Ce bilan démontre un impact important avec la création d’environ 46 000 emplois, dont 9 800 pour les diplômés du supérieur, ce qui représente un taux d’encadrement de 38 %, souligne M. Mezghani.
L’indicateur le plus marquant est l’effet de levier sur l’investissement privé. En effet, pour chaque dinar public investi, 23 dinars ont été investis par le secteur privé. Ce ratio de 1 à 23 représente un investissement global du secteur privé d’environ 3 milliards de dinars, soit environ 1 milliard de dinars d’investissement privé pour 130 millions de dinars investis par l’État, ajoute le DG de la de la Technopole de Sfax.
Durant cette période, 14 clusters et réseaux ont été créés, et près de 900 hectares ont été aménagés entre zones industrielles et technologiques.
L’indicateur le plus marquant est l’effet de levier sur l’investissement privé. En effet, pour chaque dinar public investi, 23 dinars ont été investis par le secteur privé. Ce ratio de 1 à 23 représente un investissement global du secteur privé d’environ 3 milliards de dinars, soit environ 1 milliard de dinars d’investissement privé pour 130 millions de dinars investis par l’État, ajoute le DG de la de la Technopole de Sfax.
Mais ce n’est pas tout, précise M. Mezghani, puisque les technopoles ont également construit 220 000 m² de bâtiments industriels et professionnels, ayant facilité l’attrait d’investissements directs étrangers et le démarrage rapide d’activités grâce à la mise à disposition de bâtiments prêts à l’emploi (plug & play) qui répondent aux besoins des investisseurs.
En termes de dynamique entrepreneuriale, 666 entreprises se sont installées dans les technopoles, dont 82 entreprises étrangères, représentant 12 % du total.
Le réseau a aussi encadré 580 start-up, dont 95 ont été labellisées, et a permis la levée de fonds de 14 millions de dinars à travers 686 programmes d’encadrement.
Par ailleurs, 81 brevets ont été créés à travers les technopoles. Et pour soutenir cette dynamique, l’Association tunisienne des technopoles a mis en place un programme visant à former une génération de compétences des technopoles pour accompagner les entreprises dans tout le processus inhérent au dépôt de brevets.
La présentation de ce bilan et celle de la proposition législative ont donc été très bien reçues par les députés de la Commission des finances, affirme Mustapha Mezghani. Ces derniers ont apprécié le bilan, ont été agréablement surpris et ont partagé les préoccupations concernant la difficulté à attirer le secteur privé. Ils ont exprimé leur volonté d’appuyer la proposition dans le bon sens.
Il faut également noter que 81 brevets ont été créés à travers les technopoles tunisiennes. Et pour soutenir cette dynamique, l’Association tunisienne des technopoles a mis en place un programme visant à former une génération de compétences des technopoles pour accompagner les entreprises dans tout le processus inhérent au dépôt de brevets.
Quid de la Technopole de Sfax ?
Mustapha Mezghani a précisé que Technopole de Sfax – qu’il dirige depuis peu – est spécialisée dans les technologies de l’information, la communication et le multimédia.
Créée officiellement en 2008, elle a démarré ses activités effectives vers 2011. S’étendant sur 60 hectares, elle dispose de 20 hectares dédiés au ministère de l’Enseignement supérieur pour la formation et la recherche, le reste étant destiné à l’industrie.
Actuellement, un espace limité de 3 700 m² héberge six entreprises, avec une spécialisation marquée dans le numérique pour l’automobile et l’intelligence artificielle.
A cet égard, M. Mezghani relève qu’à l’horizon 2030, 50 % du coût d’une voiture sera lié au numérique, une tendance qui ouvre des perspectives importantes pour ce secteur. En termes d’emploi, la technopole compte actuellement entre 300 et 350 emplois, un chiffre limité par la surface disponible, ce qui a contraint plusieurs entreprises et multinationales à quitter le site après y avoir été incubées et/ou après être entrées à Sfax via la technopole.
M. Mezghani est convaincu qu’à l’horizon 2030, 50 % du coût d’une voiture sera lié au numérique, une tendance qui ouvre des perspectives importantes pour ce secteur. En termes d’emploi, la technopole compte actuellement entre 300 et 350 emplois, un chiffre limité par la surface disponible, ce qui a contraint plusieurs entreprises et multinationales à quitter le site après y avoir été incubées et/ou après être entrées à Sfax via la technopole.
Pour y remédier, un projet de développement de 15 000 m² est planifié, avec un démarrage prévu en 2026 pour une mise en service en 2028, afin d’augmenter significativement la capacité d’accueil et la création d’emplois.
L’article Mustapha Mezghani : « L’État se désengage, le secteur privé doit prendre le relais grâce à une exonération fiscale » est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.