Accord d’association Tunisie – UE : Trente ans après sa signature, le bilan serait « globalement positif »

En prévision de la célébration du 30ème anniversaire de l’Accord d’association conclu le 17 juillet 1995 avec la Tunisie, l’ambassade de l’Union européenne à Tunis, s’emploie, depuis la célébration le 8 mai dernier de la Journée de l’Europe, à sponsoriser, directement ou indirectement, diverses manifestations consacrées à l’examen du bilan de cet accord et au balisage de nouvelles pistes pour le relancer.
D’après des observateurs de la chose tunisienne, l’objectif non-dit de ces manifestations organisées en partenariat avec des médias de la place, serait, semble-t-il, de tâter le pool et de prendre connaissance de la lecture que se font les cadres tunisiens de cet accord et des moyens de le réviser.
Car normalement, la célébration d’un évènement géostratégique d’une telle importance aurait du être précédé par une évaluation objective des résultats de cet accord, surtout, après une si longue période de sa conclusion.
Mention spéciale pour les centaines de participants invités à ces manifestations. Ils sont triés au volet. Il s’agit pour la plupart des personnalités pro-européennes : universitaires, anciens ministres qui ont accompagné l’Accord, banquiers, diplomates, investisseurs, industriels, hauts cadres, journalistes…
Conséquence : le ton était à l’autosatisfaction, à la satisfaction et au triomphalisme. Pour relativiser, les participants ont estimé que l’accord a été globalement positif avec quelques nuances.
Pour l’Union européenne, l’Accord d’association a été un succès
Au rayon des résultats positifs, ils ont cité la contribution de l’accord au développement du secteur industriel, au renforcement de l’ouverture de l’économie tunisienne à la concurrence internationale et à son intégration dans la chaîne des valeurs européennes.
Selon Giuseppe Perrone, ambassadeur de l’Union européenne en Tunisie, l’Accord d’association est « une success story». Il a indiqué que grâce à cet accord, le marché européen est un marché prioritaire pour l’industrie tunisienne, voire un marché qui garantit les exportations tunisiennes Il a jouté que « l’accroissement des échanges entre les deux partenaires a été une ressource pour investir et créer des emplois en Tunisie. Il n’est pas inutile de rappeler que les 3400 entreprises off shore européennes implantées en Tunisie ont créé 400 mille emplois ».
Au chapitre des insuffisances, les participants à ces manifestations financées par l’UE ont estimé que l’accord d’association a été dissymétrique en ce sens où il n’a pas favorisé ni une grande mobilité de la main d’œuvre tunisienne vers l’Europe, ni un transfert technologique significatif dans les secteurs porteurs (technologies de pointe), ni un flux d’investissements directs étrangers conséquents.
A la lumière de ce diagnostic divergent, les participants ont appelé à réviser l’Accord d’association sur de nouvelles bases et critères.
Bien négocier tout nouveau accord de partenariat avec l’UE
Du côté officiel, intervenant lors de la célébration de la Journée de l’Euripe, le 8 mai 2025, le ministre des Affaires étrangères, Mohamed Ali Nafti, a plaidé, mollement, « pour un soutien accru à la migration régulière et à la mobilité, réitérant l’appel de la Tunisie à adopter une approche humaine et globale face au phénomène de la migration irrégulière, en s’attaquant à ses causes profondes».
Pour d’autres intervenants, il s’agit, en premier lieu, d’affirmer clairement une volonté commune pour l’instauration d’un partenariat pérenne entre la Tunisie et l’UE. Cette dernière est invitée à accompagner cette volonté et à fournir à la Tunisie des fonds structurants comme elle l’avait fait avec le Portugal, l’Espagne et la Grèce.
Toujours au rayon du financement, les participants ont suggéré de créer, à la charge de l’UE, des fonds d’investissement pour accompagner les entreprises exportatrices tunisiennes et à les aider à contourner les barrières érigées aux frontières de l’Union à l’instar de la taxe carbone (taxe environnementale sur les émissions de dioxyde de carbone). L’idée serait de prendre en charge le risque climatique.
Dans un second temps, ils ont recommandé d’oublier l’amateurisme avec lequel le premier accord d’association a été finalisé et d’engager de véritables professionnels pour bien négocier toute révision de cet accord et de se faire aider s’il le faut par des cabinets internationaux indépendants.
Un partenariat en matière d’IA serait la bonne piste à explorer
Par delà ces propositions pratiques, les participants tunisiens ont eu le mérite de suggérer aux européens de mettre à contribution, la nouvelle technologie de rupture, en l’occurrence, l’Intelligence artificielle (IA) pour instaurer un partenariat new look.
L’enjeu serait pour Mehdi Haouas ancien ministre du tourisme et de l’artisanat et président fondateur du groupe Talan spécialisé dans le conseil et l’expertise technologique que « face au tandem Etats Unis et Chine qui vont concevoir, à la faveur de leur technologies avancées (IA et autres) des modèles de croissance selon leurs propre visions, il y a, peut être une troisième voie, Celle là même qui consisterait d’après lui à créer un partenariat entre l’Afrique et l’UE qui n’est pas compétitive en matière de technologie, un modèle de développement inclusif fondé sur l’accès à l’éducation, la transition énergétique, l’économie circulaire et la maîtrise des nouvelles technologies (IA..) ».
Tout futur partenariat avec l’UE ne sera pas une œuvre facile
Abstraction faite des points de vue des uns et des autres, il faut admettre, dans l’absolu, que tout projet de révision et de rénovation de l’Accord d’Association avec l’UE ne sera pas une œuvre facile, et ce, pour deux raisons.
La première réside dans le fait que l’UE d’aujourd’hui, n’est plus celle de 1995. Ce groupement économique a mal évolué depuis. Sur le plan économique, il est en déclin avancé et sur le plan géopolitique, il n’est plus crédible. Son image a été ternie par le soutien que les européens ont apporté, de manière inconditionnelle, le génocide à ciel ouvert accompli par les sionistes dans la bande de Gaza. Les tunisiens n’ont plus confiance dans un groupement qui ne respecte pas le droit humain et le droit international. Il y a un sérieux problème de confiance.
La deuxième raison consiste en le fait que la Tunisie de 2025 n’est plus celle de 1995. La démocrature (mix d’autocratie et de liberté d’expression) qui prévaut actuellement dans le pays est de loin moins contraignante que la dictature absolue qui régnait du temps de Ben ALI. Mieux, à la faveur de la configuration géopolitique mondiale qui se profile à l’horizon, la Tunisie, plus que jamais souveraine, a, aujourd’hui, la grande possibilité de diversifier ses partenaires.
Cela pour dire in fine que les conditions de négociation ont beaucoup changé en faveur de la Tunisie.
Abou SARRA
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Chiffres clés
- 3400 — Entreprises européennes installées en Tunisie
- 400 000 — Emplois créés grâce aux investissements européens
- 1995 — Date de signature de l’Accord d’association
- 30 ans — Durée de l’accord sans révision structurelle majeure
- ZERO — Transfert technologique significatif vers la Tunisie, selon les critiques
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