Tunisie | AI appelle à la «libération immédiate et sans condition» de Ahmed Souab
Les autoritĂ©s tunisiennes doivent libĂ©rer immĂ©diatement et sans condition de lâavocat Ahmed Souab et abandonner toutes les charges retenues contre lui, car elles dĂ©coulent uniquement de lâexercice de son droit Ă la libertĂ© dâexpression et de ses obligations professionnelles dâavocat, a dĂ©clarĂ© Amnesty International dans le communiquĂ© traduit ci-dessous publiĂ©e vendredi 25 avril 2025.
Avocat et ancien juge, Ahmed Souab a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© le 21 avril 2025 par la brigade antiterroriste suite Ă des propos critiquant le procĂšs pour «complot» lors dâune confĂ©rence de presse donnĂ©e par des avocats devant le tribunal.
Le 19 avril, un tribunal tunisien a condamnĂ© 37 personnes, dont dâĂ©minentes figures de lâopposition, des avocats et des dĂ©fenseurs des droits humains, Ă des peines de prison allant de quatre Ă 74 ans Ă lâissue dâun procĂšs truquĂ©. Amnesty International demande lâannulation du verdict et lâabandon des charges retenues contre les 40 accusĂ©s.
«La dĂ©tention arbitraire dâAhmed Souab constitue un acte flagrant de reprĂ©sailles pour sa condamnation des failles du procĂšs pour âconspirationâ. Elle marque Ă©galement une nouvelle escalade effrayante dans lâoffensive des autoritĂ©s tunisiennes contre la justice et tĂ©moigne de leur dĂ©termination Ă rĂ©duire au silence ceux qui osent dĂ©noncer les politiques rĂ©pressives des autoritĂ©s», a dĂ©clarĂ© Sara Hashash, directrice rĂ©gionale adjointe pour le Moyen-Orient et lâAfrique du Nord Ă Amnesty International. Et dâajouter : «Comme dâautres avocats, il est pris pour cible uniquement parce quâil exerce son droit Ă la libertĂ© dâexpression et reprĂ©sente ses clients. Il doit ĂȘtre libĂ©rĂ© immĂ©diatement et sans condition.»
De nombreuses violations de procédure
Souab, qui reprĂ©sente deux des accusĂ©s dans lâaffaire de complot, Ghazi Chaouachi et Ridha Belhadj, avait dĂ©noncĂ© le procĂšs comme une «farce» et soulignĂ© de nombreuses violations de procĂ©dure et accusations infondĂ©es. Ses propos, au cours desquels il a utilisĂ© une figure de style concernant les pressions exercĂ©es sur le juge prĂ©sident, ont Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment sortis de leur contexte sur les rĂ©seaux sociaux pro-gouvernementaux, ce qui a suscitĂ© des appels Ă son arrestation sur la base de fausses accusations de menaces Ă lâencontre du juge.
Quelques heures aprĂšs son arrestation, le parquet a annoncĂ© que Souab Ă©tait inculpĂ© en vertu de la lĂ©gislation antiterroriste, notamment dâaccusations absurdes de «crĂ©ation dâune organisation terroriste», de «soutien Ă des crimes terroristes» et de «menace de commettre des crimes terroristes», ainsi que de «diffusion de fausses nouvelles», conformĂ©ment au dĂ©cret-loi n° 54. AprĂšs son arrestation, il a Ă©tĂ© placĂ© en garde Ă vue et sâest vu refuser lâaccĂšs Ă sa famille et Ă ses avocats pendant 48 heures.
Le 23 avril, le juge dâinstruction de la chambre judiciaire antiterroriste a convoquĂ© Souab Ă une audience, mais a imposĂ© des restrictions arbitraires Ă sa reprĂ©sentation lĂ©gale, limitant la prĂ©sence de son Ă©quipe de dĂ©fense Ă quatre avocats, malgrĂ© la prĂ©sence de dizaines dâentre eux. LâĂ©quipe juridique de Souab a boycottĂ© lâenquĂȘte en signe de protestation, mais le juge a ordonnĂ© sa dĂ©tention provisoire pour six mois et Souab a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© Ă la prison de Mornaguia Ă Tunis. Une nouvelle audience avec le juge Ă©tait prĂ©vue le lundi 28 avril.
Le procĂšs pour «conspiration» a Ă©tĂ© entachĂ© de violations flagrantes du droit Ă un procĂšs Ă©quitable. Les avocats ont soulignĂ© que certains accusĂ©s nâavaient mĂȘme jamais Ă©tĂ© officiellement informĂ©s de lâacte dâaccusation les visant.
La premiĂšre audience, le 4 mars, sâest dĂ©roulĂ©e sans la prĂ©sence des accusĂ©s, le tribunal ayant vaguement Ă©voquĂ© un «danger rĂ©el» et insistĂ© pour une participation en ligne depuis la prison, une dĂ©cision vivement contestĂ©e par les dĂ©tenus et leurs avocats. Lors de la deuxiĂšme audience, le 18 avril, les observateurs de la sociĂ©tĂ© civile, des ambassades, des ONG internationales et des mĂ©dias indĂ©pendants ont Ă©tĂ© exclus de lâaudience, un seul membre de la famille de chaque accusĂ© ayant Ă©tĂ© autorisĂ© Ă y assister.
La troisiĂšme et derniĂšre audience, le 18 avril, a durĂ© moins dâune minute, sans possibilitĂ© dâaudition des accusĂ©s, sans dĂ©clarations des avocats de la dĂ©fense ni contre-interrogatoire. Fait inĂ©dit, le juge a radiĂ© trois accusĂ©s de la liste des accusĂ©s dans cette affaire et a reportĂ© leurs procĂšs.
Parmi les personnes condamnĂ©es Ă des peines exorbitantes figurent lâhomme dâaffaires Kamel Letaief (74 ans), les opposants Noureddine Bhiri (43 ans), Khayam Turki (38 ans), Jawher Ben Mbarek, Issam Chebbi, Ghazi Chaouachi et Chaima Issa (tous 18 ans), Abdelhamid Jelassi, Sahbi Atig, Said Ferjani (tous 13 ans), ainsi que des dĂ©fenseurs des droits humains tels que Bochra Bel Haj Hmida (43 ans) et Ayachi Hammami (8 ans).
«Le caractĂšre grotesque de ce procĂšs, illustrĂ© par le non-respect de la prĂ©somption dâinnocence, lâabsence de lâaccusĂ©, lâexclusion des observateurs et le dĂ©ni de toute possibilitĂ© rĂ©elle de dĂ©fense, illustre un mĂ©pris flagrant des droits humains, notamment du droit Ă un procĂšs Ă©quitable que la Tunisie est tenue de respecter», a dĂ©clarĂ© Sara Hashash.
Amnesty International a recensĂ© une tendance inquiĂ©tante Ă cibler les avocats reprĂ©sentant des membres de groupes dâopposition politique, des militants et des dĂ©fenseurs des droits humains en Tunisie, notamment ceux impliquĂ©s dans la dĂ©fense des dĂ©tenus accusĂ©s de complot.
Atteinte Ă lâindĂ©pendance de la profession juridique
Fait inquiĂ©tant, le prĂ©sident KaĂŻs Saied lui-mĂȘme a semblĂ© interfĂ©rer dans le processus judiciaire, dĂ©clarant publiquement en fĂ©vrier 2023 que lâhistoire avait prouvĂ© la culpabilitĂ© des dĂ©tenus devant les tribunaux et mettant en garde contre toute tentative de les disculper. De telles dĂ©clarations portent atteinte Ă lâindĂ©pendance de la justice et ont un impact direct sur le travail des avocats de la dĂ©fense.
«Lâatteinte Ă lâindĂ©pendance de la profession juridique et le ciblage des avocats qui reprĂ©sentent des victimes de violations des droits humains constituent une nouvelle atteinte grave au droit Ă la dĂ©fense et aux autres garanties dâun procĂšs Ă©quitable en Tunisie», a dĂ©clarĂ© Sara Hashash. Qui ajoute : «Les professionnels du droit devraient pouvoir exercer leurs fonctions et sâexprimer librement, sans intimidation, harcĂšlement ni crainte de reprĂ©sailles.»
Les autoritĂ©s tunisiennes doivent mettre fin au harcĂšlement et Ă lâintimidation des avocats et veiller Ă ce quâils puissent exercer leurs fonctions professionnelles sans crainte de reprĂ©sailles, conformĂ©ment aux normes internationales, notamment aux Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs au rĂŽle du barreau.
Les autoritĂ©s tunisiennes doivent mettre fin au harcĂšlement et Ă lâintimidation des avocats et veiller Ă ce quâils puissent exercer leur profession sans crainte de reprĂ©sailles, conformĂ©ment aux normes internationales, notamment aux Principes fondamentaux des Nations Unies relatifs au rĂŽle du barreau.
Les autoritĂ©s doivent Ă©galement annuler les condamnations et peines injustes prononcĂ©es dans lâaffaire de «complot» et cesser les poursuites Ă motivation politique contre les critiques, les opposants politiques et les dĂ©fenseurs des droits humains.
Communiqué.
* Le titre et les intertitres sont de la rédaction.
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