Gabès : cherchons le savoir même en Chine
« Cherchons le savoir même en Chine », est un dicton attribué au prophète de l’Islam, Mohammed Ibn Abdellah, il y a plus de quatorze siècles. Plus que jamais, cette sagesse ancestrale est d’actualité chez nous. Et plus précisément pour traiter efficacement la question du Complexe chimique de Gabès, qui est une véritable bombe écologique, sociale et politique. Sans parler du risque, qu’elle fait encourir à l’économie nationale, si jamais, elle explose !
Le gouvernement s’est adressé à « l’ami chinois » via son ambassadeur pour l’inciter à voler au secours de notre pays. Il y a fort à parier que ce pays avec lequel nous sommes liés par un accord de « partenariat stratégique » signé lors de la célébration du 60ème anniversaire de nos relations diplomatiques, après une réunion bilatérale entre les deux chefs d’Etat, honorera ses engagements, non par charité musulmane, mais parce que cela correspond à sa propre stratégie de pénétration économique dans le Maghreb, et particulièrement à son projet de « La route de la soie ». La Chine est déjà, d’ailleurs bien implantée au Maroc et en Algérie, sans parler du reste de l’Afrique.
Propagande, quand tu nous tiens !
L’annonce de la rencontre entre notre ministre et l’ambassadeur de Chine a provoqué une levée de bouclier médiatique, sans précédent. Du jamais vu auparavant, quand il s’agit de la Chine. Les réseaux sociaux se sont emballés pour mettre en doute l’efficacité de « la solution chinoise », et les mouvances d’opposition, qui comptent exploiter la crise de Gabès pour attaquer le gouvernement Kaïs Saïed, et souffler sur le feu de ce qu’ils considèrent comme le début d’une « seconde révolution », ont vite fait de mettre en doute l’efficacité de se tourner vers la Chine. Comme si d’autres partenaires, comme l’UE, nos amis français, italiens ou allemands, nos trois premiers partenaires économiques, avant la Chine qui en est le quatrième, ont montré leur volonté de venir au secours de cette Tunisie, vers laquelle ils ont exporté leur « printemps arabe » !
En réalité, ce n’est pas précisément, la Chine qui est visée, mais le pouvoir en place, transformant cette urgence nationale en simple guérilla politique; nonobstant l’intérêt national, et particulièrement la ville de Gabès. On crie déjà à l’échec de cette démarche, alors que l’on connait peu de chose de la réponse chinoise. On résume tout à une propagande et une contre propagande stériles, dont beaucoup d’agitateur sont parmi les soutiens du Président de la République lui-même, ou du moins ceux qui prétendent l’être. Comme d’habitude ! C’est presque devenu un réflexe pavlovien, on aboie de toutes parts sans savoir pourquoi et sur qui on aboie ! Triste situation qui n’annonce rien de bon pour la Tunisie.
L’on sait que d’autre part des puissances militaires et économiques sont hostiles à la présence chinoise économique en Tunisie, comme en Afrique en général. Ce qui est normal, car la tentation de la Tunisie de multiplier ses partenaires économiques est de plus en plus nette. Et notamment avec la Chine, qui est la seconde puissance économique mondiale, car c’est l’intérêt de notre pays qui l’exige.
Mais il y a un prix à la souveraineté. Et il revient à notre diplomatie de rassurer nos partenaires traditionnels dont les pays européens, notamment, la France, l’Italie et l’Allemagne qui continuent à être nos trois premiers partenaires économiques, la Chine n’arrivant qu’au quatrième rang.
Il est aussi certain que notre balance commerciale avec ce pays connait un grand déficit, qu’il convient de combler en exportant plus vers ce grand marché. Plusieurs facteurs, expliquent ce déficit, dont l’absence de ligne aérienne directe et le coup du transport aérien ou maritime. Nous pensons que les autorités tunisiennes en sont conscientes et tentent de rééquilibrer les échanges. Les produits agricoles et notamment l’huile d’olive ainsi que le tourisme peuvent constituer des atouts. Et pourquoi pas le phosphates et ses dérivées, comme les engrais qui sont produits par le complexe chimique de Gabès ?
Tunisie – Chine, un partenariat gagnant-gagnant
L’élévation du partenariat avec la Chine, au rang de « stratégique », est en réalité le fruit d’une coopération de longue date entre nos deux pays. La Tunisie a reconnu la République populaire de Chine en 1964, bien avant que celle-ci soit reconnue par l’ONU (25 octobre 1971). Le grand Bourguiba, qui était très méfiant à l’égard du communisme, et particulièrement le communisme maoïste, a compris que la Chine allait finir par devenir une grande puissance, et surtout qu’elle soutenait inconditionnellement tous les mouvements de libération nationale. Les dirigeants chinois voyaient en Bourguiba un grand leader nationaliste et un grand chef des mouvements des non-alignés, en dépit de son alliance avec les USA. Le but de Bourguiba, était de développer son pays, et de garder une neutralité totale dans les conflits entre les grandes puissances.
Dans les années soixante-dix la Chine aida la Tunisie à construire le fameux canal du Cap Bon, long de 120 km et reliant le fleuve de la Medjerda aux terres fertiles du Cap Bon. Permettant ainsi l’alimentation en eau douce d’une grande partie du pays. Il fût mis en service en 1982, donc sous Bourguiba. Sous Ben Ali, plusieurs projets réalisés par la Chine, ont vu le jour dont le Complexe sportif d’El-Menzah et 15 projets de développement financés par la Chine ont vu le jour entre 2000 et 2011, en plus d’aides au développement. Lesquelles ont continué après le tournant de 2011 sous plusieurs formes. Car la Chine a pour devise de ne jamais s’ingérer dans les affaires intérieures des pays qu’elle soutient. Et ce, contrairement aux pays occidentaux et notamment l’UE, qui de plus en plus conditionnent leurs aides à des clauses leur permettant de s’ingérer dans les affaires politiques des pays; souvent sous couvert de défense des droits de l’Homme et de la démocratie.
Ces dernières années, on a vu la Chine financer : la construction de l’Académie internationale de la diplomatie de Tunis avec un cout de 72 millions de dinars; le centre hospitalier de Sfax; le centre sportif et culturel de Ben Arous; le bâtiment des archives nationales. De même qu’elle s’est engagée via ses entreprises mieux disantes dans des projets pour reconstruire le stade de la Cité olympique, le Complexe hospitalier de Kairouan. Et surtout réaliser la construction du pont de Bizerte, qui va désenclaver cette ville portuaire, au centre de la Méditerranée et peut être agrandir et moderniser le port. Ce qui semble être le souhait de la Chine, conformément à sa stratégie de la « Route de la soie ».
A cet égard, notons que l’Italie de Melloni a adhéré à cette « route »; malgré les réticences des Occidentaux. La position de la Tunisie est donc stratégique, comme carrefour du commerce international entre l’Europe et l’Afrique, où les chinois sont très bien implantés. En avril 2025, une entreprise chinoise a racheté pour 100 millions de dollars (plus que 300 millions de dinars) une cimenterie. Les Chinois projettent aussi de fabriquer une partie des pièces de rechanges de leurs voitures électriques, en Tunisie. Sachant qu’ils sont désormais le numéro un mondial dans ce genre de véhicules.
En outre, relevons que le souhait de faire de la Tunisie un partenaire stratégique a été formulé par le Président chinois lui-même, lors de sa rencontre bilatérale avec le Président Kaïs Saïed.
La Chine un grand pollueur ! Justement !
Il est un fait que la Chine reste le pays qui pollue le plus la planète avec 32,9 % d’émission du gaz carbonique CO2; devant les USA, 12,6 % et l’Inde 7 %. Car c’est un des plus grands pays industriels, et qui comme les USA, sont réticents à la signature du Protocole de Kyoto. Mais justement c’est parce qu’ils sont des grands pollueurs qu’ils doivent maitriser les plus performantes techniques pour lutter contre la pollution.
Il n’y a aucun doute donc quant à leur savoir-faire technologique en la matière. La Tunisie ne leur demandera pas d’installer des machines qui vont polluer plus à Gabès. Mais plutôt de faire en sorte que le traitement du phosphogypse et de l’acide sulfurique soient conformes aux nouvelles normes internationales. Et surtout de financer cette opération lourde et de sauver ainsi la principale industrie du pays. A savoir celle de la transformation du phosphate en engrais pour sauver ainsi des centaines de milliers d’emplois et augmenter la richesse du pays.
La politisation de l’affaire du groupe chimique, aussi bien de la part des autorités que d’une certaine opposition, ne peut aider à sauver nos citoyens de Gabès ni de la pollution, ni surtout du chômage qui guette des milliers parmi eux et surtout les jeunes. Mais, ceci étant dit, leur colère est légitime et leur impatience est aussi compréhensible. Il revient aux autorités qui gèrent la question de trouver le juste équilibre entre les mesures douloureuses, devenues plus qu’impératives, et l’apaisement d’une situation qui risque de dégénérer à tout moment.
L’article Gabès : cherchons le savoir même en Chine est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.