Les personnes qui accordent leur pardon Ă leurs tortionnaires aprĂšs avoir Ă©tĂ© soumises Ă de graves sĂ©vices physiques et psychologiques et qui refusent de les accabler appartiennent certainement Ă une catĂ©gorie rare de lâhumanitĂ©. Le Grec Aleko Panagoulis en fait certainement partieâŠ
Dr Mounir Hanablia *
EmprisonnĂ© aprĂšs lâĂ©chec dâune tentative dâassassinat contre le Premier ministre du rĂ©gime des colonels. Il avait cachĂ© sous un pont les explosifs qui auraient dĂ» faire sauter la voiture de sa cible alors quâelle circulait sur la route quâelle emprunte normalement et lâexplosion ne sâĂ©tait pas produite au moment opportun.
CapturĂ© rapidement, Panagoulis avait Ă©tĂ© torturĂ© mais nâavait avouĂ© ni son identitĂ© ni les noms de ses complices. Ses vieux parents furent dĂ©tenus pendant plus de trois mois et son frĂšre, officier de lâarmĂ©e qui avait quittĂ© le pays, fut livrĂ© par les IsraĂ©liens avant de mourir en dĂ©tention, probablement sous la torture.
Finalement condamnĂ© Ă mort, sa peine avait Ă©tĂ© commuĂ©e en emprisonnement Ă vie aprĂšs la campagne internationale en sa faveur qui avait fait de lui une icĂŽne de la libertĂ© contre la dictature. Mais Alekos sâĂ©tait rĂ©vĂ©lĂ© durant sa dĂ©tention particuliĂšrement combatif. Il nâavait pas hĂ©sitĂ© Ă agresser ses tortionnaires quand il en avait lâoccasion et Ă les humilier. Il sâĂ©tait montrĂ© insolent et irrespectueux de la Cour lors de son procĂšs. Naturellement il en avait payĂ© le prix. Ses cĂŽtes avaient Ă©tĂ© toutes brisĂ©es lors des passages Ă tabac que ses gardiens nâhĂ©sitaient pas Ă lui infliger pour se venger, ce qui lâavait poussĂ© Ă entreprendre dâinnombrables grĂšves de la faim pour obtenir le droit de lire, Ă©crire, ĂȘtre visitĂ© par sa famille. Il avait Ă©tĂ© piĂ©gĂ© lorsquâon lâavait photographiĂ© Ă son insu tenant un ballon de football dans une cour dĂ©serte de la prison afin de prouver au monde quâil Ă©tait en bonne santĂ©.
Panagoulis sâĂ©tait enfui une premiĂšre fois avec lâaide dâun de ses gardiens, un jeune soldat, mais il avait Ă©tĂ© trahi par ceux chez qui il sâĂ©tait rĂ©fugiĂ© en pensant quâil pouvait leur faire confiance. La seconde, le directeur de la prison prĂ©venu de ses projets avait attendu de le prendre en flagrant dĂ©lit. La troisiĂšme, il avait Ă©tĂ© repris Ă la pĂ©riphĂ©rie du camp de dĂ©tention. Il fut mĂȘme victime dâune tentative de meurtre lorsquâon mit le feu Ă son cachot. Tout ceci ne lâempĂȘcha pas de composer des poĂšmes.
Au bout de cinq annĂ©es de cachot, Panagoulis fut graciĂ© avec tous les prisonniers politiques mais il refusa sa grĂące, et se montra, comme il en a lâhabitude, peu respectueux lors de la cĂ©rĂ©monie tenue pour marquer sa libĂ©ration de prison. Soumis Ă une surveillance constante de la police, il fut victime de nouvelles tentatives de meurtre lorsquâune voiture banalisĂ©e sâefforça sans succĂšs de pousser la sienne dans un ravin en CrĂšte, puis en Italie lorsque son taxi fut pris en chasse par une autre automobile qui tenta de le percuter.
Les généraux tenaient le haut du pavé
AprĂšs de multiples tracasseries administratives, Panagoulis sâexila en Italie avec sa compagne, la journaliste Oriana Fallaci, dont il fit la connaissance Ă sa sortie de prison, lâauteur du livre, et sâefforça dâorganiser un rĂ©seau de rĂ©sistance clandestin, dans son pays, dont lâune des bombes tua trois artificiers. Cet Ă©vĂ©nement fut le signal de son engagement politique contre la dictature et le convainquit dâabandonner la lutte violente.
Cependant, en 1974, Ă lâinstigation de la GrĂšce, un coup dâEtat militaire mit fin au rĂ©gime civil Ă Chypre, ce qui entraĂźna en rĂ©action une invasion du nord de lâĂźle par lâarmĂ©e turque. Les militaires grecs, responsables de cette situation, dĂ©cidĂšrent dâabandonner le pouvoir et de le confier aux civils. Câest ainsi que la dĂ©mocratie fut rĂ©tablie et Alekos Panagoulis, rentrĂ© dans son pays quelques semaines plus tard, fut Ă©lu dĂ©putĂ© sur une liste dâun parti centriste quâil ne connaissait pas mais quâil avait choisi parce quâil ne croyait pas aux leaders des grands partis de droite ou de gauche, Constantin Caramanlis et Georges PapandrĂ©ou.
NĂ©anmoins, pour Panagoulis, le rĂ©tablissement de la dĂ©mocratie nâavait Ă©tĂ© quâun processus purement formel alors que les vĂ©ritables dĂ©tenteurs du pouvoir continuaient dâĂȘtre les gĂ©nĂ©raux qui avaient tenu le haut du pavĂ© pendant la dictature, entre 1967 et 1974.
DĂšs lors le nouveau dĂ©putĂ© nâeut de cesse de dĂ©couvrir les preuves de la collusion du nouvel homme fort, le ministre de la DĂ©fense Evangelos AvĂ©roff, avec le fascisme italien pendant la guerre, puis avec le rĂ©gime militaire, celui des colonels supplantĂ©s par des gĂ©nĂ©raux. Les documents quâil rĂ©unit grĂące Ă la complicitĂ© de lâĂ©pouse de lâun des membres des services secrets, Fani Hazizikis, quâil rĂ©ussit Ă sĂ©duire, furent interdits de publication.
Finalement, Panagoulis fut tuĂ© une nuit du premier mai 1976 lorsque sa voiture fut prise en chasse par deux autres avant dâĂȘtre percutĂ©e pour sâĂ©craser contre un mur.
Quelques jours plus tard, un ancien coureur automobile Ă©tabli au Canada, Michel Stefas, un adhĂ©rent du parti socialiste grec de PapandrĂ©ou, se livra Ă la police et prĂ©tendit ĂȘtre le responsable de ce qui nâĂ©tait quâun accident malheureux. Il dĂ©mentit la prĂ©sence dâune seconde voiture malgrĂ© les tĂ©moignages de personnes prĂ©sentes sur les lieux, et naturellement rares furent ceux qui le crurent. La Justice cependant en fit sa thĂšse en refusant de tenir compte des conclusions de lâenquĂȘte scientifique en faveur des deux poursuivants et le condamna Ă 5 annĂ©es de prison avec sursis.
Héros, démagogue ou charlatan ?
Lâenterrement de Panagoulis fut grandiose tant la foule qui accompagna son cercueil vers le cimetiĂšre fut nombreuse, des centaines de milliers de personnes se pressĂšrent devant le cortĂšge funĂšbre qui ne rĂ©ussit Ă joindre le cimetiĂšre normalement situĂ© Ă dix minutes, quâaprĂšs plus de quatre heures. Les reprĂ©sentants de tous les partis politiques ne manquĂšrent pas dâĂȘtre prĂ©sents, particuliĂšrement le futur premier ministre, le socialiste PapandrĂ©ou qui prononça lâĂ©loge politique du dĂ©funt alors que Panagoulis le considĂ©rait comme un dĂ©magogue et un charlatan.
Mort, Panagoulis connut enfin la reconnaissance et la popularitĂ© alors que toute sa vie il demeura un marginal et un solitaire qui affrontait le systĂšme en ne comptant que sur ses seules forces. Il est vrai que quelques-uns de ses poĂšmes avaient Ă©tĂ© chantĂ©s, en particulier par le grand musicien Mikis Theodorakis, depuis lâĂ©poque de sa dĂ©tention.
Naturellement ce livre Ă©crit par sa compagne italienne dĂ©voile les vĂ©ritables ressorts de sa personnalitĂ©. Homme sensible et passionnĂ©, Panagoulis se rĂ©vĂ©lait capable de graves actes de violence, et se rĂ©fugiait parfois dans de monumentales beuveries pour dissiper son dĂ©sespoir. Disciple de Dionysos, le dieu de la jouissance, et de Mars celui de la guerre, il devint obsĂ©dĂ© par HadĂšs, le maĂźtre de la Mort, qui finit par avoir raison de lui. Si on sâen rĂ©fĂšre Ă ses traits de caractĂšre pathologiques, ceux dâun maniacodĂ©pressif, on peut se demander comment, en Ă©tant un odieux manipulateur, il parvint Ă entretenir lâamour que lui portait sa compagne, malgrĂ© tous les prĂ©judices subis par elle dont il fut bel et bien le responsable (avortement), ou dont elle lâaccusa peut ĂȘtre abusivement aprĂšs sa mort de lâĂȘtre (cancer).
Face Ă une dictature militaire rabaissĂ©e par ses excĂšs, Panagoulis le hĂ©ros formidable et solitaire qui se dressait face Ă elle, apparut ne le lui cĂ©der en rien, en sacrifiant tous ceux qui lâadmiraient ou toutes celles quâil sĂ©duisait, au nom dâune chimĂšre, la libertĂ©, afin dâabattre la tĂȘte du systĂšme, le rocher sur la montagne qui sitĂŽt prĂ©cipitĂ© des hauteurs reprenait sa place.
Parti pour terrasser le dragon AvĂ©roff, ministre de la DĂ©fense et selon lui vĂ©ritable maĂźtre du pays, le HĂ©ros formidable se retrouva face une hydre Ă trois tĂȘtes, associant au prĂ©cĂ©dent, Caramanlis, et de PapandrĂ©ou, qui lui fut fatale.
Il reste Ă savoir si cet acharnement contre le ministre de la DĂ©fense ne constituait pas le prolongement de son caractĂšre portĂ© Ă tous les excĂšs, Ă la recherche dâun adversaire quâil estimait digne de lui. En effet, dans la GrĂšce des annĂ©es 70, les collaborateurs des occupants fascistes et nazis ne manquaient certainement pas, et ce sont ceux-lĂ mĂȘme que les Anglais ont utilisĂ©s Ă la fin de la guerre pour lutter contre le parti communiste grec, et lâempĂȘcher de prendre le pouvoir. Et Panagoulis confirma son mĂ©pris pour le menu fretin en sâabstenant de charger ses tortionnaires lorsquâils passĂšrent en justice, tout comme lors du procĂšs des grandes tĂȘtes de la dictature rendu nĂ©cessaire pour crĂ©dibiliser le retour Ă la dĂ©mocratie il jugea leur condamnation aussi superflue et inutile quâune comĂ©die, y compris celle de Papadopoulos quâil avait tentĂ© dâassassiner et qui lâavait graciĂ©, parce quâils nâĂ©taient plus les dĂ©tenteurs du pouvoir. Mais Ă cĂŽtĂ© de cela, il accordait beaucoup dâimportance aux signes et aux rĂȘves prĂ©monitoires qui devenaient prophĂ©tiques une fois accomplis.
une tragédie grecque
Les commentaires sur la fatalitĂ©, le caractĂšre fatal des couleurs (vertes) et des voitures annonçant le drame qui se prĂ©parait servait de justificatif Ă lâangoisse de la mort qui avait pris le hĂ©ros aux tripes avant que ne sâaccomplisse son destin. Mais peut ĂȘtre nâest-ce lĂ que la touche latine de lâauteur, de culture chrĂ©tienne catholique, encensant le sacrifice et le don de soi, qui sâĂ©tait sans aucun doute culpabilisĂ©e dâavoir Ă©tĂ© absente au moment de sa mort alors quâelle venait dâembarquer Ă lâaĂ©roport de New York pour venir le rejoindre Ă AthĂšnes, et qui sâefforçait de transformer ce fait divers politique comme il y en a tant dans le monde, dont plusieurs avaient Ă©tĂ© les sujets de ces propres articles au Vietnam, au BrĂ©sil, ou ailleurs, en un drame unique, en une tragĂ©die grecque, en une nouvelle crucifixion lâabsolvant de ses pĂ©chĂ©s.
Il nâen demeure pas moins que si la mort du hĂ©ros fut limpide, et que les coupables ne souffrent aucune discussion, sa vie apparaĂźt lâavoir Ă©tĂ© beaucoup moins. Ce retour prĂ©cipitĂ© dâUnion SoviĂ©tique au cours dâun voyage oĂč il Ă©tait lâinvitĂ© dâune organisation de jeunesse prĂ©sidĂ©e par des vieillards, parce quâil avait reconnu sa propre souffrance dans le passage Ă tabac par la police dâun indĂ©sirable dans lâhĂŽtel oĂč il rĂ©sidait, suscite la perplexitĂ©. Tout comme la suscitent les voyages clandestins en GrĂšce Ă lâĂ©poque de la dictature et la pose de bombes dans de multiples endroits dâAthĂšnes.
Enfin on ne comprendra pas comment le ministre de la dĂ©fense de lâĂźle de Chypre, membre dâun gouvernement dĂ©mocratiquement Ă©lu dans un Etat indĂ©pendant dont la majoritĂ© de la population est hellĂ©nophone, de langue grecque, oĂč les Britanniques disposent dâune importante base militaire, aura fait confiance Ă un obscur jeune idĂ©aliste mathĂ©maticien et poĂšte venu de GrĂšce opposĂ© au rĂ©gime des colonels, au point de bĂ©nĂ©ficier dâun stage de sabotage, et de disposer des explosifs nĂ©cessaires Ă un futur attentat contre le chef dâun gouvernement grec installĂ© par la CIA.
Quand de la folie commence Ă Ă©merger une mĂ©thode, il convient de se poser beaucoup de questions, particuliĂšrement sur le cheminement politique qui mĂšne la GrĂšce, membre de lâOtan, de la monarchie constitutionnelle, appelĂ©e Ă voir lâalliance socialiste-communiste remporter les Ă©lections lĂ©gislatives et la majoritĂ© parlementaire, Ă la dictature dite des colonels mettant fin au processus Ă©lectoral, puis Ă celle des gĂ©nĂ©raux aprĂšs le soulĂšvement de la marine et ce quâon a cru ĂȘtre le soulĂšvement populaire suivi du massacre de lâĂ©cole polytechnique dâAthĂšnes, enfin Ă la dĂ©crispation avec la libĂ©ration des prisonniers politiques, la politique des ponts envers lâopposition avant le retour de la dĂ©mocratie imposĂ© par la dĂ©bĂącle de Chypre, et lâinstauration dâun rĂ©gime militaire soft avec une façade civile institutionnelle qui fera de lâamnistie son leitmotiv, plus pour Ă©pargner les bourreaux que rĂ©habiliter les condamnĂ©s.
Etonnants remakes en Algérie et en Tunisie
Les gĂ©nĂ©raux algĂ©riens des annĂ©es 80-90 dans un Ă©tonnant remake nâagiront pas diffĂ©remment en Ă©crasant le mouvement populaire escamotant les luttes pour le pouvoir au plus haut sommet de lâEtat, en interrompant le processus Ă©lectoral, et en confĂ©rant une apparence de lĂ©galitĂ© Ă leur autoritĂ© derriĂšre des personnalitĂ©s civiles reconnues dĂ©tenant lâapparence du pouvoir, et non sa rĂ©alitĂ©, et qui se compromettront avec lâamnistie en faveur des auteurs des massacres. Le gĂ©nĂ©ral tunisien Rachid Ammar, en obtenant le dĂ©part de Ben Ali, en 2011, et en installant une autoritĂ© civile rĂ©vocable (!!!), apportera la preuve que, sâagissant de partager le pouvoir, ou son apparence, les diffĂ©rends opposant tortionnaires et prisonniers dâhier sâestompent aisĂ©ment dans la grande RĂ©conciliation. Un homme comme BĂ©ji CaĂŻd Essebsi, directement impliquĂ© dans la dĂ©tention des prisonniers politiques en 1963, nâaura mĂȘme pas besoin, de dissimuler son passĂ© de tortionnaire, pour devenir, en 2014, le premier prĂ©sident de la rĂ©publique issu du rĂ©gime dĂ©mocratique. Pas plus que les accointances sionistes rĂ©vĂ©lĂ©es au grand jour de Nabil Karoui nâauront empĂȘchĂ© son parti de devenir, en 2019, un membre de la nouvelle troĂŻka au pouvoir et de permettre lâaccession catastrophique de Rached Ghannouchi Ă la prĂ©sidence du parlement.
Les Grecs seraient-ils donc plus vertueux que les Tunisiens? Pourquoi donc dans le contexte politique grec, le ministre AvĂ©roff aura-t-il eu besoin de tenter de dissimuler un passĂ© de traĂźtre que nul nâignore, pour se rĂ©fugier derriĂšre les visages rassurants de Caramanlis et PapandrĂ©ou, les opposants rĂ©fugiĂ©s Ă lâĂ©tranger durant la dictature et de retour dans le pays pour prendre les rĂȘnes du gouvernement? Et plus que tout, pourquoi aura-t-il eu besoin de prendre au sĂ©rieux ce quâil convient bien de nommer la nĂ©vrose obsessionnelle dâun dĂ©putĂ© paumĂ© en rupture de ban nommĂ© Panagoulis, au point de le faire assassiner, pour dâobscurs documents dĂ©robĂ©s aux services secrets dont rien ne dit quâils nâeussent pas Ă©tĂ© des faux fabriquĂ©s pour la circonstance? Est-ce lĂ lâĆuvre de lâAraignĂ©e (ArachnoĂŻdes), cette organisation paneuropĂ©enne parafasciste semblable au Gladio italien et noyautĂ©e par les services secrets de lâOtan durant la guerre froide? Beaucoup de choses le suggĂšrent en tout cas.
Panagoulis nâĂ©tait pas tenu en odeur de saintetĂ© par les AmĂ©ricains qui lui avaient refusĂ© le visa dâentrĂ©e dans des conditions assez conflictuelles, au point de voir la dĂ©cision du consul amĂ©ricain Ă AthĂšnes paraphĂ©e par Henry Kissinger lui-mĂȘme. LĂ©onardo Sciascia le Sicilien aurait pu comparer cette signature du secrĂ©taire amĂ©ricain Ă une sentence de mort. Mais si on considĂšre quâil pouvait reprĂ©senter une menace pour les intĂ©rĂȘts amĂ©ricains, elle nâaurait pu provenir que des preuves recueillies auprĂšs des services secrets sur la collusion de la CIA avec le putsch de Chypre qui avait entraĂźnĂ© lâoccupation turque du nord de lâĂźle. Et lâenquĂȘte sur AvĂ©roff et les documents en sa possession prouvaient effectivement les contacts entretenus par Panagoulis avec les services secrets grecs. Quelques officiers traduits en justice avaient dâailleurs Ă©voquĂ© la thĂšse de la provocation amĂ©ricaine dans lâaffaire de Chypre. Or de telles rĂ©vĂ©lations Ă©taient susceptibles dâentraĂźner un revirement politique de la GrĂšce limitrophe des Dardanelles, de la Bulgarie, de la Yougoslavie, et de lâAlbanie, que lâOtan nâĂ©tait nullement prĂȘte Ă accepter.
Pour conclure, par quel mĂ©canisme, en dehors dâune foi chrĂ©tienne, un homme politique ostracisĂ© durant sa vie devient-il du fait de sa seule mort, le hĂ©ros de tout un peuple, si les mĂ©dias eux mĂȘmes tributaires de leurs propriĂ©taires ne le suggĂšrent pas? On comprend que la journaliste Oriana Fallaci, impliquĂ©e par la force des choses au-delĂ de toute mesure dans le rĂ©cit, ait tentĂ© de se mettre en rĂšgle avec sa conscience grĂące Ă son tĂ©moignage. Son livre soulĂšve malheureusement plus de questions quâil nâapporte de rĂ©ponses.
ââUn hommeââ de Oriana Fallaci, Ă©ditions Grasset, Paris, 17 mars 2004. 658 pages.
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