Gabès : entre diplomatie lente et urgence écologique
Alors que Slah Zouari, ministre de l’Équipement rencontre l’ambassadeur chinois Wan Li pour discuter de la réhabilitation du complexe chimique de Gabès, Sami Jallouli, observateur avisé, juriste et politologue publie un commentaire virulent sur les lenteurs bureaucratiques et les méthodes diplomatiques jugées obsolètes.
Son texte, à la fois lucide et provocateur, interroge les pratiques tunisiennes face à une crise environnementale majeure. Une critique des circuits diplomatiques traditionnels Sami Jallouli dénonce une gestion trop protocolaire du dossier de Gabès, qu’il juge incompatible avec l’urgence de la situation. Selon lui, les rencontres entre ministres et ambassadeurs relèvent d’une diplomatie dépassée, inefficace pour traiter des enjeux économiques et sécuritaires contemporains. Il plaide pour des contacts directs, des démarches rapides, et l’activation de réseaux d’influence capables de débloquer des coopérations en quelques jours.
Coopération internationale ou effritement national ?
La rencontre “Zouari Wan Li” a lieu alors que les députés dénoncent le refus des membres du Gouvernement de se présenter devant l’assemblée pour débattre du drame Gabès devant les représentants du peuple à l’assemblée.
Chercher des solutions avec l’ambassadeur de la République de Chine avant d’en parler devant l’assemblée n’est ni sain ni légitime. La souveraineté ne se mesure pas à la capacité de négocier à l’international, mais à celle d’écouter, consulter et intégrer les attentes de sa population.
Lorsque les décisions se prennent en dehors du cadre national, sans dialogue transparent avec les forces vives du pays, c’est le contrat démocratique lui-même qui s’effrite. Toute coopération extérieure devrait être précédée — et non remplacée — par une concertation nationale digne, inclusive et respectueuse des réalités locales.
«Le monde a changé, et nous non. Nous sommes dans une régression continue…» déplore Sami Jallouli, soulignant le décalage entre les pratiques tunisiennes et les standards internationaux.
La Chine partenaire stratégique ou piège économique ?
Alors que la balance commerciale de la Tunisie accuse un déficit colossal au profit de la Chine, nos décideurs politiques ne cessent de la solliciter en matière d’investissement croyant qu’elle pourra remplacer les partenariats économiques classiques avec les pays occidentaux !
Or non seulement, la Chine refuse tout partenariat économique dans le cadre d’appels d’offres internationaux privilégiant le gré à gré mais elle ne veut s’engager que dans des
Investissements massifs dans les infrastructures mettant au bout d’un certain temps le pays bénéficiaire sous la coupe d’un endettement aussi massif où l’incapacité à rembourser mène à des concessions stratégiques.
L’exemple du port de Hambantota au Sri Lanka est très édifiant en la matière. En 2016, le port a rencontré des difficultés pour rembourser ses dettes et il a finalement été loué à China Merchants Port pour une période de 99 ans et une participation de 70% dans son exploitation.
La Tunisie obsédée par sa souveraineté est-elle prête à courir pareils risques ? Ceci sans oublier l’absence de transfert de compétences chinoises et l’impact nul sur l’emploi local et le développement des compétences nationales, les projets chinois étant souvent réalisés par des entreprises chinoises, avec des ouvriers chinois.
Une vision stratégique abandonnée ?
Jallouli regrette l’abandon, depuis 2011, des stratégies d’influence via des personnalités étrangères ou des cabinets spécialisés en relations publiques, capables selon lui d’obtenir des résultats concrets en un temps record. Il évoque même la possibilité de faire venir un chef d’État en 72 heures, pour illustrer la puissance de ces réseaux.
Ce plaidoyer pour une diplomatie agile soulève une question centrale : la Tunisie est-elle prête à repenser ses modes d’action pour répondre aux défis du XXIe siècle ?
Enjeux et limites de la critique
Si le commentaire de Jallouli frappe par sa clarté et sa colère, il soulève aussi des interrogations :
- peut-on réellement court-circuiter les circuits diplomatiques sans risquer des tensions protocolaires ?
- les solutions rapides sont-elles toujours les plus durables ?
- la critique de la bureaucratie ne masque-t-elle pas un besoin plus profond de réforme institutionnelle ?
Le dossier de Gabès cristallise bien plus qu’un enjeu environnemental : il révèle les fractures entre diplomatie classique et diplomatie d’influence, entre urgence écologique et inertie administrative, entre volonté politique et capacité d’action. Le commentaire de Sami Jallouli, s’il dérange, invite à repenser les méthodes pratiquées aujourd’hui pour sortir de l’impasse.
A.B.A
EN BREF
- Rencontre entre Slah Zouari et l’ambassadeur chinois sur la réhabilitation du complexe de Gabès.
- Sami Jallouli dénonce une diplomatie lente et protocolaire, inadaptée à l’urgence écologique.
- Il appelle à des réseaux d’influence agiles et une concertation nationale préalable à toute coopération.
- La dépendance envers la Chine suscite des inquiétudes économiques et souverainistes.
- Le dossier Gabès révèle les limites de la gouvernance tunisienne face à la crise.
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