Quels défis attendent les banques tunisiennes avec les nouvelles normes prudentielles ?
Au commencement ce constat : en lâabsence de la disponibilitĂ© en Tunisie dâun cadre prudentiel moderne adossĂ© aux nouvelles normes comptables internationales, les banques tunisiennes, en dĂ©pit des efforts dĂ©ployĂ©s pour sâadapter, ne pouvaient pas accĂ©der aux financements des bailleurs de fonds internationaux, et ce, conformĂ©ment aux recommandations de lâaccord de BĂąle III qui prĂ©voit des normes Ă ce sujet. Il sâagit, entre autres, du renforcement du niveau et de la qualitĂ© des fonds propres et une gestion accrue des risques, particuliĂšrement du risque liquiditĂ©.
Consciente de ce problĂšme, la Banque centrale de Tunisie (BCT) a dĂ©cidĂ©, rĂ©cemment, de remĂ©dier Ă la situation et dâaccĂ©lĂ©rer la modernisation du cadre prudentiel.
Elle a publiĂ©, le 16 mai 2025, une circulaire dans laquelle elle appelle les banques Ă se prĂ©parer Ă lâadoption progressive de plusieurs normes prudentielles alignĂ©es sur les standards internationaux.
Globalement, la circulaire somme les banques de la place Ă entreprendre de profondes rĂ©formes structurelles, financiĂšres et technologiques, dans lâobjectif de renforcer leur rĂ©silience et leur transparence, deux conditions sine qua non pour mobiliser des ressources Ă lâĂ©tranger.
Les exigences de la circulaire
Cette circulaire comporte quatre exigences majeures :
- les exigences en matiĂšre dâadĂ©quation des fonds propres. Il sâagit pour chaque banque dâaugmenter son capital propre afin de couvrir les risques financiers, de restructurer ses critĂšres dâoctroi de crĂ©dit et de garantir une cohĂ©rence entre les fonds propres et les prĂȘts accordĂ©s. Lâultime objectif est de renforcer la capacitĂ© des banques Ă faire face aux risques Ă©ventuels liĂ©s Ă leurs activitĂ©s (non remboursement de crĂ©dits distribuĂ©s ou autres pertes de valeur de ses actifs). A travers cette norme, les banques doivent ĂȘtre en permanence solvables, câest-Ă -dire pouvoir faire face Ă leurs engagements Ă tout moment. En effet, si les clients de la banque qui ont dĂ©posĂ© chez elle leur argent (dĂ©pĂŽts Ă vue) doutent de sa soliditĂ© financiĂšre, ils risquent de perdre confiance et de retirer leurs dĂ©pĂŽts, prĂ©cipitant la banque (et tout le systĂšme sâil sâagit dâune banque importante) dans des difficultĂ©s majeures.
- Lâadoption des nouvelles rĂšgles de classification et de provisionnement des expositions (crĂ©ances douteuses).
- Gouvernance des donnĂ©es et cybersĂ©curitĂ© obligatoires. La circulaire de la BCT met un accent particulier sur la gouvernance des donnĂ©es. Les banques devront se doter dâune politique interne claire, dĂ©signer un responsable des donnĂ©es, garantir leur qualitĂ© et leur sĂ©curitĂ©, et mettre en place des mĂ©canismes de cybersĂ©curitĂ© robustes. Le recours Ă lâintelligence artificielle est encouragĂ© pour amĂ©liorer la dĂ©tection dâanomalies et rĂ©duire les erreurs de traitement manuel.
- Lâapplication de la norme « IFRS 9â Instruments Financiersâ. Cette norme, entrĂ©e en vigueur depuis le 1er janvier 2018, modifie les rĂšgles de classement et dâĂ©valuation des actifs financiers, ainsi que leur modĂšle de dĂ©prĂ©ciation. Objectif recherchĂ© : amĂ©liorer lâinformation financiĂšre, notamment via une approche davantage prospective en ce qui concerne la comptabilisation des pertes attendues sur les actifs financiers.
La démarche à suivre pour se conformer aux standards internationaux
Par delĂ ces exigences, les Ă©tablissements bancaires sont tenus dâĂ©laborer, dâaprĂšs la circulaire, un plan stratĂ©gique et opĂ©rationnel dĂ©taillant les modalitĂ©s de mise en Ćuvre de ces rĂ©formes et de le transmettre Ă la Banque centrale dans un dĂ©lai de trois mois Ă partir de la date de publication de la circulaire. Plus exactement, les banques de la place ont jusquâau 13 aoĂ»t 2025 pour se conformer aux exigences de la circulaire de la BCT.
Signe de la dĂ©termination de la BCT Ă moderniser le cadre prudentiel, des sanctions sont prĂ©vues en cas de non-conformitĂ©. Ainsi le dĂ©lai fixĂ© au 13 aoĂ»t est ferme : en cas de retard ou dâinexĂ©cution, des sanctions financiĂšres seront appliquĂ©es. « Celles-ci peuvent aller jusquâĂ la restriction de certaines activitĂ©s bancaires, voire Ă une mise sous surveillance accrue par la Banque centrale », dâaprĂšs lâuniversitaire et expert en droit bancaire, Mohamed Nekhili.
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