Dabaiba sâoppose au renforcement de la prĂ©sence russe en Libye
Abdulhamid Dabaiba sâoppose Ă la dĂ©cision de la Russie de renforcer ses bases militaires en Libye et affirme que son pays ne doit pas ĂȘtre une plate-forme pour rĂ©gler des comptes internationaux aprĂšs la chute dâAssad en Syrie.
Patrick Wintour
La dĂ©cision de la Russie de renforcer sa base militaire dans lâest de la Libye aprĂšs le renversement du rĂ©gime dâAssad en Syrie se heurte Ă la rĂ©sistance du gouvernement du pays soutenu par lâOnu.
Le Premier ministre du gouvernement basĂ© Ă Tripoli, Abdul Hamid Dabaiba, a dĂ©clarĂ© quâil sâopposait Ă toute tentative de faire de la Libye un centre de conflits entre grandes puissances, soulignant que son pays ne serait pas une plate-forme pour rĂ©gler des comptes internationaux. «Nous sommes prĂ©occupĂ©s par le dĂ©placement des conflits internationaux en Libye, et par le fait que ce pays deviendra un champ de bataille entre les puissances», a dĂ©clarĂ© Dabaiba.
La présence militaire russe pose problÚme
La Libye a endurĂ© des annĂ©es de conflit depuis le soulĂšvement soutenu par lâOtan en 2011 qui a mis fin au rĂšgne de 40 ans du dictateur Mouammar Kadhafi. Il reste divisĂ© entre le gouvernement reconnu par lâOnu Ă Tripoli et une administration rivale Ă lâest, soutenue par le chef militaire Khalifa Haftar.
Des rapports ont indiquĂ© ces derniers jours que les forces russes transfĂ©raient du matĂ©riel militaire de la base navale syrienne de Tartous et de la base aĂ©rienne de Hmeimim vers lâest de la Libye, oĂč lâadministration rivale reçoit le soutien russe depuis des annĂ©es.
Dabaiba a dĂ©clarĂ© que son gouvernement nâautoriserait pas le transfert dâarmes russes en Libye, avertissant que cela ne ferait que compliquer davantage la crise interne libyenne. Il a ajoutĂ© que «personne dotĂ© dâune once de patriotisme ne souhaite quâune puissance Ă©trangĂšre impose son hĂ©gĂ©monie et son autoritĂ© sur le pays et le peuple».
Dabaiba a dĂ©clarĂ© avoir Ă©tĂ© en contact avec lâambassadeur russe en Libye pour exiger une explication. Les bases russes dans lâouest de la Syrie ont Ă©tĂ© cruciales pour sa capacitĂ© Ă projeter sa puissance en MĂ©diterranĂ©e et en Afrique du Nord. Moscou a nĂ©gociĂ© avec les nouveaux dirigeants syriens pour les conserver, mais aucun accord nâa encore Ă©tĂ© conclu Ă ce sujet.
Jalel Harchaoui, chercheur associĂ© au think tank de dĂ©fense Rusi, a qualifiĂ© les propos de Dabaiba comme un «moment dĂ©cisif», ajoutant : «Le simple fait quâil prononce ces mots est profondĂ©ment problĂ©matique pour la Russie, car une partie de la doctrine russe au Moyen-Orient consiste Ă ne jamais ĂȘtre perçu comme Ă©tant Ă 100% dâun cĂŽtĂ© contre lâautre.» «La Russie Ă©tait donc censĂ©e ĂȘtre cet acteur magique qui suscitait essentiellement lâapprobation active des deux cĂŽtĂ©s de la crise libyenne. Et tout cela est fini», ajoutĂ© le chercheur.
Les pressions américaines sur Tripoli
Lâintervention de Dabaiba, a-t-il encore dĂ©clarĂ©, peut signifier quâil «estime que câest le moment de passer pour un bon gars aux yeux des AmĂ©ricains, car il est sous pression sur de nombreux fronts». Les Ătats-Unis ont en effet commencĂ© Ă exercer une pression Ă©conomique sans prĂ©cĂ©dent sur les principaux acteurs libyens en raison de la corruption.
Le nouveau directeur de la Banque centrale libyenne, Naji Issa, a rĂ©vĂ©lĂ© dans une lettre adressĂ©e cette semaine au Libyan national audit bureau que la Federal Reserve Bank de New York, avec le soutien du TrĂ©sor amĂ©ricain, avait dĂ©clarĂ© quâelle suspendrait toutes les transactions de change en dollars avec la banque jusquâĂ ce quâun auditeur indĂ©pendant, spĂ©cialisĂ© dans la lutte contre le blanchiment dâargent et le financement du terrorisme, soit nommĂ© pour superviser toutes les transactions.
La RĂ©serve fĂ©dĂ©rale a fait pression sur la Banque centrale en partie aprĂšs que la Libyan National Oil Corporation a admis que la Libye avait terminĂ© lâannĂ©e 2023 avec seulement 14 milliards de dollars (11 milliards de livres sterling) de revenus provenant de la vente de 1,2 million de barils de pĂ©trole brut par jour, laissant environ 9 milliards de dollars manquants ou dĂ©pensĂ©s en carburant pour les Ă©changes de pĂ©trole brut.
Harchaoui a dĂ©clarĂ© : «La lettre montre que les AmĂ©ricains sâinquiĂštent de ce qui se passe. Ils ont donc besoin dâun audit, et ils ont besoin que les Libyens paient pour cet audit.»
Les responsables libyens ont dĂ©clarĂ© que lâaudit devrait probablement rĂ©vĂ©ler des preuves de contrebande de pĂ©trole dans lâest du pays et de liens financiers Ă©troits avec la Russie, ouvrant ainsi la voie Ă lâimposition de sanctions aux principaux personnages impliquĂ©s.
Harchaoui a dĂ©clarĂ© quâil Ă©tait incontestable que, depuis la chute dâAssad au dĂ©but du mois, des avions cargo russes ont effectuĂ© plusieurs vols vers la base libyenne dâAl-Khadim Ă lâest de Benghazi, dont deux depuis la BiĂ©lorussie. Il y a Ă©galement eu des vols de Moscou vers la Libye qui ont survolĂ© lâespace aĂ©rien turc.
Harchaoui a dĂ©clarĂ© que, peu importe si le nouveau gouvernement de Damas chasse complĂštement la Russie de Syrie, la valeur des bases pour la Russie changerait. «Lâenvironnement en Syrie, pour la Russie, est devenu plus hostile, plus incertain, plus prĂ©caire et plus coĂ»teux», a-t-il dĂ©clarĂ©.
La Russie déploie ses forces en Afrique
«Le niveau de partage de renseignements qui existait entre le rĂ©gime dâAssad et la Russie, nĂ©cessaire Ă la Russie pour maintenir sa propre prĂ©sence militaire, a disparu. Peut-ĂȘtre que le nouveau gouvernement promettra quelque chose dâĂ©quivalent, mais il ne pourra jamais ĂȘtre au mĂȘme niveau de confort quâavant», a ajoutĂ© le chercheur.
Haftar Ă©tait obsĂ©dĂ© par la nĂ©cessitĂ© de la dĂ©fense aĂ©rienne russe pour Ă©viter une rĂ©pĂ©tition des attaques contre ses forces en 2020, lorsquâelles ont Ă©tĂ© dĂ©cimĂ©es par des drones fournis par la Turquie, estime encore Harchaoui.
Le Wall Street Journal a rapporté que les avions cargo russes qui se sont rendus en Libye transportaient des équipements de défense aérienne avancés, notamment des radars pour les systÚmes de défense aérienne S-400 et S-300.
La Russie avait dĂ©jĂ augmentĂ© cette annĂ©e sa prĂ©sence en Libye, en apportant davantage de vĂ©hicules blindĂ©s, de camions militaires, dâĂ©quipements en gĂ©nĂ©ral et de personnel. Le nombre de soldats est passĂ© dâenviron 900 lâannĂ©e derniĂšre Ă environ 1 200-1 500.
Traduit de lâanglais.
DâaprĂšs The Guardian.
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