Israël allait bombarder les sites nucléaires iraniens en mai
Le second round des négociations entre les Américains et les Iraniens démarrera demain, samedi 19 avril 2025, à Oman. Nul ne sait si ces négociations pourront aboutir à un accord sur le nucléaire iranien et nul ne peut définitivement écarter l’option militaire préconisée par Netanyahu mais que Trump laisse suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des responsables iraniens.
Imed Bahri
Selon une enquête du New York Times, Israël prévoyait une frappe militaire contre des sites nucléaires iraniens dès le mois de mai prochain. Cependant, le président américain Donald Trump a renoncé ces dernières semaines à soutenir ce plan préférant négocier pour le moment avec les Iraniens mais sans écarter définitivement l’option militaire.
L’enquête menée par Julian Barnes, Eric Schmitt, Maggie Haberman et Ronen Bergman précise que la décision de Trump est intervenue après des mois de débats internes à la Maison Blanche sur la question de savoir s’il était préférable de poursuivre la diplomatie ou de soutenir les plans israéliens visant à empêcher Téhéran de développer une arme nucléaire, eu égard l’affaiblissement militaire et économique croissant de l’Iran.
Ces discussions ont mis en lumière les divisions au sein de l’administration américaine, entre un groupe traditionnellement dur et une autre plus sceptique quant à la faisabilité d’une frappe militaire qui pourrait conduire à une guerre plus large sans garantir la fin des ambitions nucléaires de l’Iran.
Selon l’enquête du NYT, les responsables israéliens ont récemment préparé des plans détaillés pour attaquer les installations nucléaires iraniennes avec un soutien potentiel des États-Unis et étaient prêts à les mettre en œuvre en mai. Ils ont exprimé leur optimisme quant à la possibilité d’avoir le feu vert de Washington pour ralentir ainsi la progression de l’Iran vers l’arme nucléaire pendant un an ou plus.
L’option militaire temporairement suspendue
Trump a décidé de suspendre temporairement l’option militaire et d’ouvrir la porte à des négociations avec Téhéran. Selon le NYT, il n’a donné aux Iraniens que quelques mois pour parvenir à un accord.
Plus tôt ce mois-ci, le président américain a informé le gouvernement israélien de sa décision de ne soutenir aucune attaque militaire contre l’Iran pour le moment. Il a discuté de cette décision avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu lors de la récente visite de ce dernier à Washington, avant d’annoncer le début des négociations américaines avec l’Iran.
Dans une déclaration faite en hébreu après une réunion au bureau ovale, Netanyahu a déclaré que tout accord avec l’Iran serait dénué de sens et préconisé de faire exploser les installations et démanteler tout l’équipement nucléaire iranien sous la supervision et la mise en œuvre américaines et non de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA).
Israël prévoit depuis longtemps de frapper les installations nucléaires iraniennes et a pratiqué des missions de bombardement pour évaluer l’étendue des dégâts que ces frappes pourraient causer et ce, avec ou sans le soutien des États-Unis. D’ailleurs, l’élan au sein du gouvernement israélien en faveur d’une attaque militaire s’est accru après une série de revers subis par l’Iran l’année dernière.
À la demande de Netanyahu, de hauts responsables israéliens ont présenté à leurs homologues américains un plan préliminaire, combinant un raid commando sur des installations nucléaires souterraines et une campagne de frappes aériennes. Les Israéliens espéraient que des avions américains participeraient à l’opération mais l’armée israélienne a indiqué que les commandos ne seraient pas prêts avant octobre.
Cependant, Netanyahu souhaitait mener l’opération plus tôt, ce qui a incité à se concentrer sur une option alternative: une campagne de bombardements élargie qui nécessiterait également le soutien américain.
Au début, certains responsables américains se sont montrés ouverts à l’étude du plan. Le général Michael Kurilla, chef du commandement central américain, a discuté avec le conseiller à la sécurité nationale israélien Michael Waltz des moyens par lesquels Washington pourrait soutenir toute attaque israélienne potentielle si Trump décidait de mettre ce plan à exécution.
Alors que les États-Unis intensifiaient leurs opérations militaires contre les Houthis soutenus par l’Iran au Yémen, le général Kurilla, avec le soutien de la Maison Blanche, a commencé à déplacer du matériel militaire supplémentaire vers le Moyen-Orient. Washington a envoyé le porte-avions Carl Vinson en mer d’Arabie pour rejoindre le Harry S. Truman en mer Rouge, en plus de déployer deux batteries de missiles Thaad dans la région. Six bombardiers B-2, capables de transporter des bombes de 30 000 livres, ont également été envoyés à Diego Garcia, dans l’océan Indien.
Israël n’a pas les moyens d’y aller seul
Malgré cette préparation militaire, des doutes ont commencé à émerger au sein de l’administration Trump sur le plan. Lors d’une réunion ce mois-ci, Tulsi Gabbard, directrice du renseignement national, a présenté une évaluation selon laquelle une présence militaire américaine plus forte pourrait déclencher un conflit plus large avec l’Iran, ce que l’administration ne souhaite pas. Plusieurs responsables ont partagé ses inquiétudes, notamment Michael Waltz, connu pour sa position intransigeante sur l’Iran, qui a exprimé son inquiétude quant au fait que le plan israélien ne réussirait pas sans un large soutien américain.
Entre-temps, des signes d’ouverture iranienne aux négociations ont commencé à apparaître. En mars, Trump a envoyé une lettre proposant des négociations directes avec Téhéran. Bien que le guide suprême iranien, l’ayatollah Ali Khamenei, ait semblé rejeter la proposition, un haut responsable iranien a ensuite répondu par un message indiquant une acceptation tacite de pourparlers indirects.
Aujourd’hui encore, le débat continue de faire rage au sein de l’équipe Trump sur la forme d’un accord acceptable avec l’Iran. Lors d’une visite en Israël, le général Kurilla a informé les responsables locaux que la Maison Blanche avait décidé de suspendre le projet d’attaque contre des installations nucléaires. Netanyahu a ensuite appelé Trump le 3 avril mais ce dernier a préféré ne pas discuter de la question par téléphone et l’a invité à se rendre à Washington. Netanyahu est arrivé le 7 avril et, le lendemain, Trump a officiellement annoncé le début des négociations avec l’Iran sans exclure une option militaire, déclarant: «Si une intervention militaire est nécessaire, nous interviendrons. Israël dirigera, bien sûr, le processus».
Après la réunion, Trump a chargé John Ratcliffe de se rendre en Israël. Le directeur de la CIA a rencontré Netanyahu et le chef du Mossad David Barnea pour discuter de divers scénarios notamment des frappes militaires, des opérations secrètes ou un renforcement des sanctions contre l’Iran.
Ces rencontres s’inscrivaient dans le prolongement d’un débat de longue date que Netanyahu avait eu avec les présidents américains pendant près de deux décennies dans le but de pousser Washington à soutenir une frappe militaire contre l’Iran. Face à la diminution du soutien, Netanyahu s’est concentré sur la conduite d’opérations secrètes notamment l’assassinat de scientifiques nucléaires iraniens et le sabotage d’installations sensibles. Toutefois, même si ces efforts ont pu retarder le programme nucléaire iranien, celui-ci est désormais plus proche que jamais de produire au moins six bombes nucléaires en un an.
Les responsables américains affirment qu’Israël, à lui seul, ne peut pas lancer une frappe dévastatrice sur les installations nucléaires iraniennes en utilisant uniquement une campagne de bombardements. L’Etat hébreu a demandé à plusieurs reprises la bombe bunker buster de 30 000 livres fabriquée aux États-Unis mais ne l’a pas encore reçue.
Israël a discuté avec les États-Unis de plusieurs options pour une frappe, y compris une opération conjointe impliquant des frappes aériennes appuyées par des raids de commandos, une version élargie d’une opération menée par Israël en Syrie l’année dernière pour détruire une installation du Hezbollah.
Lors de cette opération, Israël a utilisé des frappes aériennes pour détruire les défenses puis a envoyé des commandos par hélicoptère vers un site souterrain où ils ont placé des explosifs pour démanteler l’équipement de fabrication de missiles.
En attendant la fin des négociations
Cependant, les responsables américains ont averti que les commandos ne pourront pas atteindre tous les sites iraniens, d’autant plus que de l’uranium hautement enrichi est stocké à plusieurs endroits dans le pays. Pour assurer le succès de la mission, Israël a demandé un soutien aérien direct des États-Unis.
Malgré cela, les dirigeants militaires israéliens ont indiqué que la planification d’une opération de cette ampleur nécessiterait des mois de préparation tandis que Netanyahu faisait pression pour qu’elle soit menée le plus rapidement possible.
L’option commando étant écartée, les discussions ont commencé à se concentrer sur un plan B: une campagne de bombardements intensifs commençant début mai et durant plus d’une semaine avec la participation possible d’avions américains.
Pour le moment, tous les plans de Netanyahu sont suspendus et samedi 19 avril, le second round des négociations entre les Américains et les Iraniens aura lieu. Nul ne sait si ces négociations pourront aboutir et nul ne peut définitivement écarter l’option militaire que Trump laisse suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des responsables iraniens.
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