Dans un ouvrage best-seller aux États-Unis, Raj Choudhury, professeur associé à Harvard Business School, se livre à un plaidoyer solidement argumenté et ouvert sur un monde du travail plus libre, plus inclusif et plus humain.
C’est un livre à contre-courant des tendances en vogue dans le monde du travail. En effet, dans un remarquable et remarqué ouvrage intitulé The World is Your Office (Votre bureau, c’est le monde), Raj Choudhury, professeur associé à la prestigieuse Harvard Business School et pionnier de la recherche sur le télétravail, explore les profondes mutations du travail à l’ère post-pandémie.
Ainsi, dans cet essai déjà best-seller aux États-Unis, cet éminent professeur défend bec et ongles les bénéfices du « travail depuis n’importe où » en affirmant que la liberté géographique pourra devenir un atout, aussi bien pour l’Entreprise que pour les employés. Plutôt des collaborateurs, corrige-t-il, la nuance est de taille.
Liberté géographique
Partant d’une base de données fruit de dix ans de travaux menés dans une multitude d’entreprises de toutes tailles (micro-entreprises, PME, grandes entreprises, multinationales), sur plusieurs pays au Nord et au Sud, il constate que même si le modèle hybride (présence au bureau/travail à distance) dominait aujourd’hui, le présentiel (en anglais face-to-face ) n’aurait plus raison d’être puisque l’avenir consiste à travailler depuis n’importe où (Work From Anywhere, ou WFA). Concrètement, il s’agit d’offrir aux salariés la liberté géographique de travailler depuis le pays de leur choix.
Utopie ?
Car le fait de travailler depuis n’importe quel lieu (WFA), argumente Raj Choudhury, « permet aux salariés de vivre et d’exercer leur activité où bon leur semble, dans un pays donné en général, mais dans certains cas, n’importe où dans le monde, pourvu qu’ils disposent d’une connexion internet fiable ».
Un monde « où votre bureau n’a pas d’adresse fixe ; où vous avez la possibilité de travailler depuis une plage, depuis votre maison en montagne ou votre salon à Sydney ou à Conakry ». S’agit-il d’une utopie née d’une position idéologique post-soixante-huitarde ? Loin de là, car ce que prédit l’austère professeur associé à la Harvard Business School repose sur de solides arguments.
Vibrante plaidoirie
D’abord, le WFA permet aux entreprises de recruter les meilleurs talents, peu importe où ils vivent. Ainsi, à titre d’exemple, une startup basée à Londres peut embaucher un développeur brillant vivant à Buenos Aires.
Ensuite, la productivité augmente. Dans une étude menée auprès de l’Office américain des brevets, le professeur d’origine indienne démontre par des exemples précis que les employés qui travaillent à distance sont en moyenne 4,4% plus productifs. Et comme ils travaillent dans un environnement de leur choix, la motivation et l’engagement sont plus prononcés.
Enfin, le WFA engrange une baisse très concrète des coûts : moins de bureaux, moins de charges, moins de dépenses en infrastructures.
D’autre part, le modèle proposé par l’auteur de « Votre bureau, c’est le monde » permet aux employés « de vivre dans un endroit moins cher, plus calme, ou proche de leur famille. Ils gagnent ainsi du temps, réduisent le stress lié aux transports et, souvent, retrouvent un meilleur équilibre entre activités professionnelle et épanouissement personnel ».
Et de poursuivre : « Le collaborateur moyen est ainsi prêt à accepter un salaire inférieur de 8% pour avoir cette opportunité. Les salariés accorderaient donc une valeur monétaire à la flexibilité apportée par une politique de télétravail. La flexibilité géographique qu’implique en plus un programme WFA ajouterait encore de la valeur. La différence est en effet de taille : si le salarié en simple télétravail peut choisir d’aller chercher ses enfants à l’école ou de promener son chien à l’heure du déjeuner, celui en WFA pourra en plus se rapprocher de ses parents âgés ou déménager dans une région où le coût de la vie est moins élevé ».
De plus, « cette nouvelle approche du monde du travail offre une chance à ceux qui y sont souvent écartés, notamment les personnes vivant dans des zones rurales, les mères de famille, ou les personnes en situation de handicap ».
Autres avantages du travail à distance cités par l’auteur, « le WFA pourrait contribuer à booster les économies locales et alléger la pression sur les grandes métropoles, avec pour résultats immédiats : moins de trafic, moins de pollution, des villes plus vivables et des cités plus humaines ».
Mais que faire pour garder les équipes connectées, même à des milliers de kilomètres et comment pallier le manque de communication d’une part entre la direction et les employés et d’autre part l’absence de contact physique entre les collègues à cause de la distance ? L’auteur préconise de développer des moyens de communication clairs et efficaces via des outils numériques, à l’instar des plateformes pour gérer les projets, discuter, collaborer, stocker les informations et même avoir recours à l’intelligence artificielle pour aider à automatiser certaines tâches.
Et que répondre aux managers qui craignent souvent que leurs collaborateurs à distance travaillent moins, se dispersent et mêlent responsabilités personnelles et professionnelles ?
« Une étude menée dans une agence de voyages chinoise a relevé qu’une fois transférés à domicile, les salariés d’un centre d’appels voyaient leur productivité augmenter de 13% en moyenne en raison, semble-t-il, d’une diminution des temps de pause et des congés maladie, associée à un environnement de travail plus confortable », a-t-il rétorqué.
Une analyse lumineuse, de la rigueur scientifique dans la démarche ; mais surtout, une approche originale et humaine des enjeux majeurs du monde du travail au XXIe siècle.
À lire absolument.
L’article Pr. Raj Choudhury : « Désormais, votre bureau n’aura plus d’adresse fixe » est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.