Tunisie | Le dossier des biens spoliés fait du surplace
Nous autres Tunisiens sommes capables de nous noyer dans un verre d’eau. Nous sommes très forts quand il s’agit de soulever les problèmes, mais incapables de les solutionner. Forts en théorie, nuls en pratique. Grognards à souhait, mais si peu productifs. Les réalisations, les progrès et les conquêtes ce n’est pas pour nous. Et ce n’est surtout pas pour demain la veille.
Imed Bahri
C’est ainsi que nous ne cessons depuis la chute du régime de Ben Ali en 2011 de crier aux voleurs, aux corrompus et aux corrupteurs, et de compter l’argent supposé avoir été dérobé à l’Etat dans des opérations illégales, sans avancer d’un iota dans le processus de restitution des avoirs ainsi spoliés.
Trois présidents, douze gouvernements et plusieurs dizaines de réunions consacrées au sujet plus tard, nous en sommes encore presque au point de départ. Chaque nouveau chef de gouvernement tient un conseil ministériel ou deux ou trois consacrés à «l’examen des mesures relatives à la confiscation, à la récupération et à la gestion des biens mal acquis et issus de la corruption», des mesures sont annoncées et des promesses faites pour accélérer le processus. Et vous allez voir ce que vous allez entendre ! Puis, quelques années plus tard, on se retrouve de nouveau au point mort… à répéter les mêmes wishful thinking.
L’art de faire du surplace
C’est ainsi donc que ce sujet a été au centre de l’un des premiers conseils des ministres présidés par la nouvelle cheffe du gouvernement, Sarra Zaafrani Zenzeri, mercredi 26 mars 2025.
Selon un communiqué, la nouvelle locataire du palais de la Kasbah, «a insisté sur l’urgence d’accélérer les travaux des commissions chargées de ce dossier, soulignant l’impératif de garantir le droit de l’État à récupérer ses biens.»
«Elle a également appelé à mettre en œuvre les recommandations du président Kaïs Saïed en vue d’une solution définitive et efficace concernant les fonds confisqués», a-t-elle ajouté.
Étaient présents à cette réunion, le ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, Mohamed Ali Nafti, la ministre des Finances, Michket Slama Khaldi, le ministre des Domaines de l’État et des Affaires foncières, Wajdi Hedhili, ainsi que le secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, Mohamed Ben Ayed, indique le même communiqué. Qui ajoute : «La cheffe du gouvernement a plaidé pour une mobilisation totale afin de restituer les fonds détournés, gérer de manière optimale les biens confisqués et en maximiser l’exploitation.»
Un pays bloqué
«Ces biens appartiennent à la collectivité nationale et au peuple tunisien», a-t-elle rappelé, au cas où nous l’aurions oublié, réaffirmant que la présidence du gouvernement et toutes les structures concernées suivent rigoureusement ce dossier.
Dire que ces propos sonnent à nos oreilles comme des redites est un pléonasme. On remarquera aussi qu’à l’instar de ses prédécesseurs, Mme Zaafrani Zenzeri n’a rien apporté de nouveau, a répété des propos déjà entendus maintes fois, ne s’est engagée en rien, ni annoncé la moindre mesure ou le moindre agenda.
Dire aussi que dans un an ou deux ou trois, le prochain chef de gouvernement reprendra la même rengaine ne choquera personne. On ne demande d’ailleurs qu’à être démenti : c’est notre plus ardent souhait. Car dans un pays bloqué comme le nôtre, le moindre dossier qui bouge et qui connaît un début de résolution fera notre bonheur.
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