Tunisie | Nouvelle marche pacifique contre la pollution à Gabès
Même si les médias en parlent moins, la mobilisation populaire à Gabès contre la pollution chimique se poursuit, alors que, sur le plan institutionnel, la crise fait du surplace. Une nouvelle marche pacifique a en effet été organisée hier, vendredi 31 octobre 2025, dans cette ville du sud-est de la Tunisie, la troisième en trois semaines, après celles du 15 et du 21 octobre, marquées par des marches et une grève générale, organisées par le collectif citoyen Stop Pollution, sous le slogan unifié «Le peuple veut le démantèlement des unités» (du Groupe chimique tunisien, GCT). (Photo: Gabes.com).
Latif Belhedi
Les manifestants continuent d’exiger la fermeture des usines chimiques les plus polluantes du GCT, au cœur des accusations de dommages sanitaires et environnementaux dans cette région célèbre pour la beauté de son oasis maritime, unique en son genre au monde.
Le collectif Stop Pollution ne cesse de réitérer ses revendications : la mise hors service des unités les plus polluantes de la centrale de GCT et l’abandon des projets de nouvelles unités d’ammoniac et d’hydrogène vert, convenues dans le cadre d’un partenariat stratégique avec l’Union européenne, mais qui sont jugées néfastes pour la qualité de l’air.
Le collectif rappelle également la décision gouvernementale du 29 juin 2017, jamais appliquée, qui prévoyait l’arrêt des rejets de phosphogypse en mer et le déplacement des unités vers les zones côtières.
Sur le plan institutionnel, le président Kaïs Saïed a qualifié la situation à Gabès de «sabotage environnemental», pointé du doigt les décisions passées, soutenu le droit des Gabésiens à un air pur et appelé à une action urgente pour remédier aux problèmes de la pollution.
Le gouvernement a annoncé une série de mesures techniques et un soutien extérieur : le ministre de l’Equipement a annoncé l’arrivée d’une équipe d’experts chinois chargée de superviser et d’accélérer les projets de réduction des rejets toxiques. L’un de ces projets vise à réduire les oxydes d’azote à l’unité d’acide nitrique, qui devrait être opérationnel d’ici la fin de l’année. Des travaux d’épuration des gaz contenant du dioxyde de soufre et de l’ammoniac sont également en cours.
Dans le domaine de la santé, on envisage la construction d’un hôpital d’oncologie à Gabès, une proposition rejetée par certains manifestants qui appellent à remédier, en amont, aux causes des maladies et non soigner, en aval, les maladies après qu’elles se soient déclarées. Ils appellent d’ailleurs à une refonte totale du modèle de développement économique mis en place dans la région depuis les années 1970 et dont les conséquences désastreuses pour l’environnement sont aujourd’hui criardes.
Sur le plan industriel, un audit environnemental et social réalisé en 2025 a mis en évidence d’importantes non-conformités dans les installations du groupe chimique, notamment en ce qui concerne les émissions d’ammoniac et de dioxyde de soufre. L’entreprise et les ministères concernés ont lancé des inspections conjointes et des actions correctives.
Parallèlement, le tribunal de Gabès a ajourné au 13 novembre l’audience d’urgence relative à la demande de suspension immédiate de la production des unités jugées polluantes, afin de permettre aux parties de finaliser leurs arguments. Cette affaire porte précisément sur la mise en œuvre des décisions de démantèlement et de relocalisation des installations, solutions radicales que les autorités écartent, pour le moment, car elles ne peuvent se priver des recettes d’exportation des engrais chimiques, alors que les finances publiques traversent une grave crise.
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