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‘‘Inquilab 2020’’ │ Contre un dĂ©magogue populiste et cynique, les forces vives d’une nation

18. Mai 2025 um 08:06

En 2020, en Inde, un pays essentiellement campagnard et sous-dĂ©veloppĂ©, les paysans, pourtant politiquement rouĂ©s et encadrĂ©s par des intellectuels souvent brillants, n’ont pas saisi l’opportunitĂ© d’un vĂ©ritable changement en profondeur qu’ils auraient pu imposer d’une maniĂšre irrĂ©mĂ©diable, avec la majoritĂ© nĂ©cessaire pour le faire.

Dr. Mounir Hanablia *

Les paysans en Chine avaient constituĂ© la base sur laquelle s’était appuyĂ© le Parti communiste chinois pour lutter contre l’occupation japonaise durant la seconde guerre mondiale, puis pour arracher le pouvoir au parti Kuomintang dont les dĂ©bris sont toujours rĂ©fugiĂ©s aujourd’hui sur l’üle de Taiwan.

En Russie en 1917, ou plutĂŽt dans l’empire tsariste, les paysans, malgrĂ© les prĂ©tentions du parti bolchevik Ă  reprĂ©senter la classe ouvriĂšre dans un pays sous industrialisĂ© et largement agricole, avaient formĂ© l’ossature de l’armĂ©e rouge des ouvriers et paysans, ainsi qu’on l’avait nommĂ©e, qui allait permettre aux communistes de s’installer Ă  la tĂȘte du pays durant plus de 70 ans.

Curieusement, l’Inde, un pays majoritairement constituĂ© de campagnards dont l’agriculture reprĂ©sente la principale source de revenus, n’a pas basculĂ© dans la RĂ©volution, malgrĂ© des famines cycliques, et les conflits intercommunautaires, ou bien issus de la tyrannie sociale nĂ©e du systĂšme des castes prĂ©dominant dans le pays. Les partis communistes, lĂ©galisĂ©s dans le pays, n’ont jamais eu d’influence qu’au niveau rĂ©gional dans quelques États pĂ©riphĂ©riques dont ils ont remportĂ© les Ă©lections comme le KĂ©rala et le Bengal Occidental. Il y a bien eu un maquis communiste dirigĂ© par Charu Majumdar, qu’on a qualifiĂ© de Naxalite, dans les forĂȘts du Jharkhand, qui a fait parler de lui un certain temps en menant des attaques contre les forces de l’ordre ou leurs informateurs, mais ce maquis n’a pas bĂ©nĂ©ficiĂ© du soutien populaire qui lui aurait permis de constituer un fief, un territoire sĂ©curisĂ©, une rĂ©publique populaire, pour se lancer ensuite Ă  la conquĂȘte du pays, comme cela s’était fait en Chine ou au Vietnam.

Le morcellement issu du communalisme et des castes n’a ainsi pas pu ĂȘtre surmontĂ© par l’analyse ou la rhĂ©torique marxiste alors que tout prĂ©disposait le pays Ă  un conflit social de grande ampleur dont aurait pu naĂźtre une situation rĂ©volutionnaire.

Le mouvement paysan de 2020

C’est pourquoi le mouvement paysan de 2020 dans le pays le plus peuplĂ© au monde ne doit pas ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un Ă©vĂ©nement marginal, le nĂ©olibĂ©ralisme et le marchĂ© global ayant le vent en poupe dans le monde entier. C’est justement pour exiger le retrait des lois instituĂ©es par dĂ©crets par le gouvernement communaliste hindou du dĂ©magogue autoritaire Modi, dans le but de soumettre l’agriculture indienne aux intĂ©rĂȘts des grands groupes commerciaux et financiers nationaux et internationaux, que le soulĂšvement paysan est nĂ© afin d’épargner Ă  des centaines de millions de paysans les expropriations de leurs terres en faveur de l’agrobusiness, que les trois nouvelles lois auraient imposĂ©es.

Ces lois supprimaient les prix minimums garantis des produits agricoles, restreignant les droits des fermiers Ă  se pourvoir en justice en cas de litige avec des intermĂ©diaires, qui ne seraient dĂ©sormais plus agréés par l’Etat. Les fermiers devraient traiter avec un marchĂ© sur lequel ils n’avaient aucune prise, pas mĂȘme celle de fixer les prix. Bref, ils ne seraient que de simples producteurs face Ă  de puissantes corporations qui en seraient les principaux acteurs.

En lĂ©gifĂ©rant par dĂ©crets, le gouvernement Indien avait court-circuitĂ© le Parlement sans lui soumettre les projets de lois contestĂ©s pour approbation, remettant en question l’équilibre des pouvoirs dans un pays qui se qualifie de plus grande dĂ©mocratie du monde. Il Ă©tait d’autant moins fondĂ© Ă  le faire que la Constitution indienne prĂ©cisait que les questions liĂ©es Ă  l’agriculture relevaient des parlements rĂ©gionaux, et non  du pouvoir central. Et il avait choisi de le faire en pleine pandĂ©mie de Covid pendant qu’il restreignait les libertĂ©s de travailler, de circuler et de se rĂ©unir dans tout le pays.

La capacitĂ© de mobilisation des fermiers

Le fait dĂ©montre suffisamment la capacitĂ© de mobilisation de plusieurs centaines d’associations de fermiers et leur dĂ©termination dans des conditions aussi dĂ©favorables. Le noyau de la contestation s’est situĂ© au Punjab, un des États les plus prospĂšres de la FĂ©dĂ©ration Indienne, considĂ©rĂ© dans les annĂ©es 70 comme le grenier Ă  blĂ© de l’Inde aprĂšs ce qu’on a appelĂ© la RĂ©volution Verte. Le cƓur en a Ă©tĂ© la communautĂ© Sikhe dont, outre les rĂ©seaux de solidaritĂ© autour d’une croyance monothĂ©iste commune, l’Histoire est celle d’une lutte ininterrompue contre l’oppression et l’injustice du pouvoir, et dont l’idĂ©al est le service de la communautĂ©.

Ainsi les temples sikhs disposent tous de cuisines animĂ©es par des fidĂšles volontaires, afin de distribuer des repas gratuits Ă  tous ceux qui se prĂ©senteraient, indĂ©pendamment de leurs race, sexe, ou conviction religieuse. Ce haut idĂ©al humaniste a facilitĂ© la mobilisation des milliers de paysans du Punjab dont la capacitĂ© d’organisation et l’idĂ©al communautaire Ă©taient si on peut dire rodĂ©s depuis des siĂšcles. Des milliers d’hommes, de femmes, de vieillards venus dans leurs tracteurs, camions, et camionnettes, ont ainsi Ă©tabli des camps mobiles le long des routes convergeant vers la capitale, dont tous les jours ils se rapprochaient encore plus.

Le gouvernement indien, tout comme ceux qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©, n’étant nullement dĂ©sireux de voir sa capitale envahie par une contestation jugĂ©e menaçante, envoya les unitĂ©s centrales de la police Ă©pauler les unitĂ©s rĂ©gionales afin d’empĂȘcher les contestataires de passer, si possible de les disperser. Les manifestants furent donc confrontĂ©s Ă  la brutalitĂ© policiĂšre, mais ils persistĂšrent.

Il vint donc un moment, dĂ©but dĂ©cembre, alors que le froid de l’hiver se faisait sentir, oĂč les paysans se trouvĂšrent bloquĂ©s en rase campagne par les forces de l’ordre avec les routes vers la capitale coupĂ©e. Des camps permanents furent ainsi montĂ©s avec entre autres bibliothĂšques, gymnase, cinĂ©mas, ravitaillement quotidien en provenance des campagnes, cuisine, voirie, et mĂȘme des dispensaires, animĂ©s par les centaines de volontaires venus apporter leur aide. Et le mouvement a fait tache d’huile dans les autres Etats de la fĂ©dĂ©ration dont les fermiers Ă©taient aussi intĂ©ressĂ©s par le retrait des lois contestĂ©es.

Toujours est-il, au moment oĂč les paysans entamaient des nĂ©gociations avec le gouvernement, qu’ils dĂ©cidaient de mettre la pression en bloquant le chemin de fer au niveau rĂ©gional, entraĂźnant l’épuisement rapide des stocks de charbon, et la fermeture de plusieurs centrales Ă©lectriques nĂ©cessaires au fonctionnement de l’industrie.

Le louvoiement du gouvernement

En un peu plus d’un mois, il y eut environ six rĂ©unions entre les reprĂ©sentants des fermiers et du gouvernement, qui n’aboutirent pas, les premiers exigeant les retraits des lois, et les seconds s’obstinant Ă  ne discuter que d’amendements. Naturellement le gouvernement entama une campagne de propagande de grande ampleur, relayĂ©e par des mĂ©dias aux ordres appartenant aux grands groupes commerciaux dĂ©sireux de voir les lois appliquĂ©es Ă  leur bĂ©nĂ©fice. Ils prĂ©sentaient les fermiers comme des naxalites, guĂ©rilleros communistes, ou bien Punjab oblige, des khalistanis.

En effet, dans les annĂ©es 80, l’armĂ©e indienne avait dĂ©truit le Temple d’Or d’Amritsar, le lieu le plus saint du sikhisme, parce que s’y Ă©taient rĂ©fugiĂ©s des sĂ©paratistes exigeant la crĂ©ation d’un Etat sikh indĂ©pendant, le Khalistan. Une actrice  de Bollywood devenue dĂ©putĂ©e appuyait les thĂšses du premier ministre Modi.

Face Ă  cette campagne de dĂ©sinformation, les contestataires rĂ©pliquaient par un usage intensif de l’Internet afin d’informer rĂ©guliĂšrement leurs propres partisans tout en acquĂ©rant la sympathie de leurs compatriotes, Ă©mus par la mort d’une cinquantaine de manifestants, souvent ĂągĂ©es, de froid, ou de maladie. Il y eut mĂȘme un suicide de protestation, afin de rappeler que les suicides de fermiers, endettĂ©s irrĂ©mĂ©diablement, reprĂ©sentaient plus de 11% du total dans le pays, sur 25 ans.

MalgrĂ© cela, le gouvernement s’obstinait, arguait du bien-fondĂ© de sa politique, rĂ©cusĂ©e par les fermiers, les partis d’opposition, et de plus en plus les diffĂ©rents segments de la sociĂ©tĂ© civile que rebutaient sa dĂ©rive autoritaire remettant en cause le fonctionnement des institutions dĂ©mocratiques, tout comme les mĂ©thodes policiĂšres utilisĂ©es pour rĂ©primer les manifestants, de plus en plus soutenus par une opinion publique internationale influencĂ©e par les communautĂ©s indiennes Ă©tablies aux Etats-Unis et au Canada.

Le Canada s’invite dans la crise

Le Premier ministre Justin Trudeau du Canada n’hĂ©sitait pas Ă  monter au crĂ©neau pour exprimer sa solidaritĂ© avec ses compatriotes originaires d’Inde inquiets du sort de leurs proches demeurĂ©s dans ce pays, luttant pacifiquement pour prĂ©server leurs droits. Trudeau dĂ©noncerait quelques annĂ©es plus tard l’assassinat de militants sikhs au Canada en l’attribuant aux services secrets indiens, dĂ©clenchant une crise diplomatique entre les deux pays. 

Le fait le plus marquant est que le mouvement paysan, en utilisant des moyens pacifiques, Ă©tait ainsi devenu une menace pour le pouvoir parce qu’il avait rĂ©ussi Ă  surmonter les diffĂ©rences de castes et de religions entre Hindous et Musulmans, dont le parti suprĂ©maciste Hindou au pouvoir, le BJP, avait fait son cheval de bataille, en instaurant le fameux registre national et la rĂ©forme sur la nationalitĂ© faisant des musulmans des citoyens sans droits dans leur propre pays.

Le mouvement paysan avait fĂ©dĂ©rĂ© les diffĂ©rents mĂ©contentements contre la politique cynique d’un gouvernement qui n’hĂ©sitait pas Ă  importer de l’étranger Ă  des prix supĂ©rieurs les produits disponibles sur le marchĂ© intĂ©rieur, afin de casser la production locale et punir les fermiers, quand il ne les soumettait pas Ă  des reprĂ©sailles fiscales.

Des personnalitĂ©s Ă©minentes et des sportifs avaient mĂȘme rendu les dĂ©corations dont l’État Indien les avait honorĂ©s, en signe de protestation, un symbole fort remettant ainsi en question implicitement l’unitĂ© du pays.

L’impossible rĂ©volution

Le livre, Ă©crit comme un journal par une adolescente punjabi sikhe de 16 ans suffisamment cultivĂ©e pour citer des passages de piĂšces de Shakespeare, s’interrompt en janvier 2021 alors que les deux parties n’ont pas encore trouvĂ© d’accord.

En fait, il faudra une annĂ©e au gouvernement pour cĂ©der et se rĂ©soudre Ă  l’annulation des lois en question. Ce n’est pas la menace de dĂ©sintĂ©gration du pays qui l’a fait reculer, mais plutĂŽt la perspective d’une dĂ©faite Ă©lectorale sans prĂ©cĂ©dent. Et les Ă©lections de 2024 viendront confirmer le recul Ă©lectoral de M. Modi qui ne disposera plus de la majoritĂ© absolue au parlement.

Évidemment nul ne contestera que les fermiers indiens ont remportĂ© une grande victoire en rĂ©alisant leurs objectifs contre un pouvoir sans scrupules soutenu par le marchĂ© global et les forces de la mondialisation. NĂ©anmoins, aprĂšs cela, leur mouvement s’est immĂ©diatement auto-dissous. Et les perspectives entrevues d’une sociĂ©tĂ© libĂ©rĂ©e de la tyrannie des castes et du communalisme ne se sont pas rĂ©alisĂ©es, parce qu’aucun parti politique nouveau n’a Ă©mergĂ© pour en faire programme rĂ©alisable, les partis traditionnels en Ă©tant incapables.

Ainsi dans un pays qui demeure essentiellement campagnard et sous-dĂ©veloppĂ©, avec quelques poches d’opulence autour de mĂ©galopoles surpeuplĂ©es, les paysans, pourtant politiquement rouĂ©s et encadrĂ©s par des intellectuels souvent brillants, n’ont pas saisi l’opportunitĂ© d’un vĂ©ritable changement en profondeur qu’ils auraient pu imposer d’une maniĂšre irrĂ©mĂ©diable, avec la majoritĂ© nĂ©cessaire pour le faire. Leur victoire, obtenue par leur sens de l’organisation, leur combativitĂ©, leur sacrifice, leur persĂ©vĂ©rance, et leur solidaritĂ©, n’est donc pas dĂ©finitive, et demeure tributaire d’une volontĂ© politique qui n’aura de cesse de la remettre en question dĂšs lors que l’opportunitĂ© pour le faire se prĂ©sentera.   

* MĂ©decin de libre pratique. ‘

‘Inquilab-2020 : The United Indian Peasant Movement’’, de Amarveer Kaur, Ă©d. Notion Press, 14 fĂ©vrier 2021, 270 pages.

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Trump demande Ă  Apple de ne pas construire en Inde

Le prĂ©sident amĂ©ricain a conseillĂ© Ă  Tim Cook d’éviter d’étendre les opĂ©rations de fabrication de l’Apple en Inde.

Le prĂ©sident amĂ©ricain Donald Trump a conseillĂ©, le 15 mai, au PDG d’Apple, Tim Cook, d’éviter d’étendre les opĂ©rations de fabrication de l’entreprise en Inde, selon plusieurs sources.

« J’ai eu un petit problĂšme avec Tim Cook hier », aurait dĂ©clarĂ© Trump Ă  Doha jeudi, selon CNBC« Je lui ai dit : « Mon ami, je t’ai trĂšs bien traitĂ©. Tu arrives ici avec 500 milliards de dollars, mais j’entends maintenant que tu construis partout en Inde Â». Je ne veux pas que tu construises en Inde ».

Trump a affirmĂ© qu’à la suite de sa conversation avec Cook, Apple augmenterait sa production aux États-Unis, toujours selon la mĂȘme source.

Apple a Ă©tendu ses opĂ©rations en Inde, oĂč elle renforce sa production locale

De son cĂŽtĂ©, Reuters a rapportĂ© en avril qu’Apple prĂ©voyait de fabriquer la majoritĂ© des iPhones vendus aux États-Unis en Inde d’ici la fin de 2026. Les mĂ©dias locaux ont derniĂšrement rapportĂ© qu’Apple avait dĂ©clarĂ© au ministĂšre indien des Communications qu’il prĂ©voyait de dĂ©placer l’assemblage de tous les iPhones vers le pays depuis la Chine.

Les observateurs du secteur estiment que la derniĂšre directive de Trump Ă  Apple de cesser la production en Inde simplifie Ă  outrance les complexitĂ©s des chaĂźnes d’approvisionnement mondiales et risque d’avoir des consĂ©quences Ă©conomiques imprĂ©vues.

Par ailleurs, implanter la production d’iPhone aux États-Unis, oĂč Apple ne dispose pas d’installations existantes, nĂ©cessiterait beaucoup de temps et d’investissements, a dĂ©clarĂ© Ă  RT Sonam Chandwani, associĂ© directeur de KS Legal & Associates.

Mardi, l’Inde a contactĂ© l’Organisation mondiale du commerce (OMC) avec une proposition visant Ă  imposer des droits de rĂ©torsion contre les États-Unis en raison des tarifs amĂ©ricains sur l’acier et l’aluminium.

Toutefois, New Delhi met actuellement la derniĂšre main Ă  un accord commercial bilatĂ©ral avec Washington. Le vice-prĂ©sident amĂ©ricain J.D. Vance a annoncĂ© le mois dernier, alors en visite en Inde, que les deux pays s’étaient mis d’accord sur les termes de nĂ©gociations commerciales bilatĂ©rales. Tout en qualifiant cela de feuille de route vers un accord final.

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Inde-Pakistan │ Un conflit toujours recommencĂ©

15. Mai 2025 um 08:33

Un accord de cessez-le-feu a Ă©tĂ© Ă©tĂ© conclu le 10 mai entre l’Inde et le Pakistan, mettant fin au conflit armĂ© ayant Ă©clatĂ© le 7 mai entre les deux pays, lorsque l’Inde a bombardĂ© neuf cibles Ă  l’intĂ©rieur du Pakistan et du Cachemire pakistanais, en reprĂ©sailles au massacre, le 22 avril, de 25 touristes indiens dans la station touristique de Pahalgam dans la vallĂ©e de Baisaram. Mais la situation reste particuliĂšrement tendue entre ces deux puissances nuclĂ©aires voisines.

Isidoros Karderinis *

L’Inde et le Pakistan ont Ă©tĂ© impliquĂ©s dans quatre guerres majeures depuis leur indĂ©pendance de la Grande-Bretagne en aoĂ»t 1947. Ils ont Ă©galement Ă©tĂ© impliquĂ©s dans des dizaines d’escarmouches et de conflits de moindre intensitĂ©.

En 1947, deux États distincts furent créés, constituant le «divorce» le plus violent de l’histoire: l’Inde, oĂč les hindous prĂ©dominent, et le Pakistan, oĂč les musulmans prĂ©dominent.

Un territoire, deux Etats

La coexistence des deux pays a été entachée par des violences de masse et des mouvements de population, causant des blessures irréparables et une profonde suspicion mutuelle.

La guerre indo-pakistanaise de 1947-1948, Ă©galement connue sous le nom de premiĂšre guerre du Cachemire, opposa l’Inde et le Pakistan au sujet de l’État princier du Jammu-et-Cachemire, une rĂ©gion stratĂ©giquement importante de l’Himalaya occidental, au nord de l’Inde et du Pakistan. L’Inde occupait alors environ les deux-tiers de la rĂ©gion et le Pakistan l’autre tiers.

Il convient Ă©galement de noter que la Chine contrĂŽle une partie du Cachemire, l’Aksai Chin Ă  l’est, depuis les annĂ©es 1960.

Le Cachemire couvre une superficie de 222 200 kilomÚtres carrés. Environ 4 millions de personnes vivent au Cachemire sous administration pakistanaise et 13 millions au Jammu-et-Cachemire sous administration indienne.

La population de la rĂ©gion est majoritairement musulmane. Le Pakistan contrĂŽle les parties nord et ouest, Ă  savoir l’Azad Cachemire, le Gilgit et le Baltistan, tandis que l’Inde contrĂŽle les parties sud et sud-est, dont la vallĂ©e du Cachemire et sa plus grande ville, Srinagar, ainsi que le Jammu et le Ladakh.

Le Cachemire revĂȘt non seulement une importance stratĂ©gique, mais aussi une profonde valeur symbolique pour l’Inde et le Pakistan, que les deux pays revendiquent dans leur intĂ©gralitĂ©.

Le Pakistan souligne que la majoritĂ© de la population du Cachemire est musulmane et le considĂšre donc comme une extension naturelle de son territoire, tandis que l’Inde met en avant son caractĂšre multiconfessionnel et le considĂšre donc lui aussi comme partie intĂ©grante de son territoire.

L’eau, un enjeu gĂ©opolitique

Le Cachemire est Ă©galement devenu un Ă©lĂ©ment essentiel du rĂ©cit national des deux pays, rendant tout retrait politiquement difficile. L’expression «Cachemire occupĂ© par l’Inde» domine le discours mĂ©diatique pakistanais, tandis que les manuels scolaires pakistanais prĂ©sentent l’Inde sous un jour nĂ©gatif.

ParallĂšlement, la rĂ©gion est riche en ressources hydriques, vitales pour l’agriculture du nord de l’Inde et du Pakistan. Les plus grands fleuves de la rĂ©gion, entre autres, prennent leur source ou traversent le Cachemire. En particulier, le fleuve Indus prend sa source au Tibet, traverse l’Inde depuis le Cachemire indien et se jette au Pakistan, constituant ainsi l’artĂšre principale du systĂšme hydrologique pakistanais. Plus de 90% de l’agriculture pakistanaise dĂ©pend directement ou indirectement de ses eaux. Les eaux de l’Indus ne sont pas seulement une ressource naturelle, mais aussi un enjeu gĂ©opolitique.

D’interminables conflits

En 1965, la guerre Ă©clata Ă  nouveau entre l’Inde et le Pakistan, connue sous le nom de deuxiĂšme guerre du Cachemire, et fut une sĂ©rie d’escarmouches entre les forces militaires des deux pays, d’aoĂ»t Ă  septembre. Les combats ont eu lieu dans cette zone territoriale revendiquĂ©e par les deux pays et s’inscrivaient dans la continuitĂ© des batailles qui y avaient eu lieu en 1947. Bien que la guerre n’ait durĂ© que trois semaines, elle a Ă©tĂ© particuliĂšrement sanglante.

La guerre indo-pakistanaise de 1971 dĂ©buta avec la guerre d’indĂ©pendance du Bangladesh, alors connu sous le nom de Pakistan oriental. Le soutien indien au mouvement d’indĂ©pendance du Bangladesh fut Ă  l’origine de ce conflit, qui s’inscrivait dans la continuitĂ© de la guerre prĂ©cĂ©dente de 1965 entre l’Inde et le Pakistan.

Le 3 dĂ©cembre 1971, l’armĂ©e de l’air pakistanaise lança une frappe prĂ©ventive spectaculaire contre des bases aĂ©riennes du nord de l’Inde, dans le but de dĂ©truire l’armĂ©e de l’air indienne au sol. Cette frappe entraĂźna l’Inde dans la guerre entre le Pakistan et le Bangladesh, qui avait dĂ©jĂ  Ă©clatĂ© le 26 mars 1971 et se termina par la dĂ©faite de l’armĂ©e pakistanaise, le 16 dĂ©cembre de la mĂȘme annĂ©e et l’indĂ©pendance du Bangladesh.

La guerre de Kargil a opposĂ© le Pakistan et l’Inde dans la rĂ©gion de Kargil entre mai et juillet 1999. Ce conflit d’une ampleur considĂ©rable et meurtrier s’est dĂ©roulĂ© Ă  une altitude d’environ 5 000 mĂštres et dans des conditions extrĂȘmes. Il a fait d’importantes victimes des deux cĂŽtĂ©s: on estime Ă  environ 527 le nombre de morts parmi les soldats indiens et entre 400 et 4 000 les pertes humaines pakistanaises.

L’Inde et le Pakistan, qui sont estimĂ©s possĂ©der un nombre Ă©gal d’ogives nuclĂ©aires – l’Inde possĂšde 172 ogives et le Pakistan 170 – ont rĂ©cemment Ă©tĂ© impliquĂ©s dans un nouveau conflit militaire, le conflit le plus grave entre les deux puissances nuclĂ©aires depuis deux dĂ©cennies.

Le nouveau «chapitre» de tension s’est ouvert aux premiĂšres heures du mercredi 7 mai 2025, lorsque l’Inde a bombardĂ© neuf cibles Ă  l’intĂ©rieur du Pakistan et du Cachemire pakistanais, en reprĂ©sailles au massacre du 22 avril, lorsque 25 touristes indiens et un ressortissant nĂ©palais ont Ă©tĂ© assassinĂ©s par des hommes armĂ©s dans la station touristique de Pahalgam dans la vallĂ©e de Baisaram, provoquant une colĂšre gĂ©nĂ©ralisĂ©e en Inde.

DÚs les premiÚres heures suivant le massacre, New Delhi a accusé Islamabad de soutenir le groupe extrémiste responsable de cette attaque meurtriÚre, ce que le gouvernement pakistanais a catégoriquement nié.

AprĂšs quatre jours d’affrontements acharnĂ©s Ă  la frontiĂšre entre les deux puissances nuclĂ©aires, un accord de cessez-le-feu a Ă©tĂ© conclu le 10 mai, suite Ă  une intense pression diplomatique amĂ©ricaine. Ce qui sera gratifiant s’il est consolidĂ© et ne se rĂ©vĂšle pas fragile.

Les forces en présence

L’Inde est cependant plus importante que le Pakistan en termes de population, de forcĂ© Ă©conomique et de puissance militaire. Sa population s’élĂšve Ă  1,438 milliard d’habitants, contre 247,5 millions pour le Pakistan. Elle est Ă©galement classĂ©e quatriĂšme puissance militaire mondiale, tandis que le Pakistan est douziĂšme. L’Inde se classe Ă©galement cinquiĂšme parmi les Ă©conomies les plus puissantes du monde.

Suite au tragique incident de Pahalgam, l’Inde a suspendu le traitĂ© de 1960 sur les eaux de l’Indus, qui divisait les six fleuves du bassin de l’Indus entre les deux pays. La suspension du traitĂ© par l’Inde, en guise de reprĂ©sailles aprĂšs la violente attaque, n’est pas seulement symbolique, elle a Ă©galement des consĂ©quences matĂ©rielles.

En conclusion, on soulignera avec insistance que les deux pays devraient enfin trouver une solution Ă  leurs diffĂ©rends – ce qui n’est certainement pas facile – et s’engager sur la voie d’une paix durable, Ă©tant donnĂ© qu’ils sont des puissances nuclĂ©aires, et qu’une confrontation nuclĂ©aire entre eux, qui pourrait rĂ©sulter d’une erreur fatale, serait absolument dĂ©vastatrice.

* Journaliste et écrivain grec.

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