Le président américain Donald Trump a pris une décision sans précédent en suspendant toute conditionnalité de normalisation avec Israël dans les relations américano-arabes, marquant ainsi une rupture majeure dans la politique américaine au Moyen-Orient. Cette nouvelle orientation pourrait ouvrir une fenêtre d’espoir pour Gaza et le peuple palestinien, tout en exposant Trump à des risques politiques importants, rappelant à certains égards le destin tragique de John F. Kennedy face au lobby pro-israélien. C’est ce qu’a révélé Elyes Kasri, analyste politique et ancien ambassadeur, via son post fb.
Il estime qu' »en faisant savoir qu’il a décidé de couper tout contact avec le premier ministre israélien Netanyahu et la suspension de toute conditionnalité de normalisation avec Israël dans les relations américano-arabes, le président Donald Trump a fait ce qu’aucun autre président américain n’a eu l’audace de faire. Peut-être à la seule exception du président John F. Kennedy qui a fini par le payer au prix de sa vie.
La prochaine tournée du président Trump dans les pays du Golfe (à partir du 13 mai) et les pourparlers directs avec les autorités iraniennes et yéménites semblent révéler une plus grande autonomie diplomatique et stratégique des États-Unis d’Amérique vis-à-vis d’Israël que dans le passé et un début de marginalisation d’Israël dans le processus de décision américain. Cette démarche plus indépendante de l’administration Trump du lobby pro-israélien semble de bon augure pour Gaza et l’ensemble du peuple palestinien.
Ceux qui n’ont eu de cesse de diaboliser le président Trump devraient en prendre note et apprécier les risques encourus par tout politicien et surtout président américain à défier la mainmise tentaculaire du lobby pro-israélien sur tous les secteurs d’influence et de pouvoir aux États-Unis d’Amérique ».
«Le cercle de charité vient de s’élargir récemment au gouvernement irakien avec les échos portant sur un don de 50 000 tonnes de farine» à la Tunisie, note, sur un ton ironique et désabusé, l’ancien ambassadeur Elyes Kasri dans un poste Facebook.
Il commentait l’annonce faite par l’Irak d’un don de 50 000 tonnes de blé à la Tunisie.
«Dans le cadre du soutien de l’Irak aux pays arabes frères, le Conseil des ministres [irakien a décidé de faire don de cinquante mille tonnes de blé à la République tunisienne, un cadeau du peuple irakien au peuple tunisien frère», peut-on lire dans un communiqué du bureau du Premier ministre irakien Mohammad Shia’ Al-Sudani, rapporté mercredi 7 mai 2025 par les médias.
Rappelons que le Premier ministre irakien avait eu un appel téléphonique, le 4 mai, avec le président de la république Kaïs Saïed, officiellement pour l’inviter à participer au 34e Sommet de la Ligue des Etats arabes qui aura lieu à Bagdad le 17 mai courant.
Le don représente 1,67% de la consommation annuelle de blé de la Tunisie (estimée à 3 millions de tonnes en 2024) et équivaut à environ 6 jours de besoins en céréales. Ce n’est donc pas de refus, même si on peut déplorer que l’on soit arrivé à assurer notre alimentation grâce à la générosité, sans doute désintéressée, des «pays frères et amis».
Quant on connaît les immenses superficies agricoles non exploitées, notamment celles appartenant à l’Etat, on mesure l’ampleur du gâchis de la mauvaise gouvernance qui a transformé la Tunisie en un pays sous-développé qui survit grâce à l’aide internationale.
La Tunisie a toujours su éviter le jusqu’au-boutisme des approches radicales fussent-elles fondées sur des arguments moraux. Aujourd’hui, face à ses nombreux défis internes et externes, elle aurait tout intérêt à maintenir sa position traditionnelle de neutralité et même à nourrir une certaine ambiguïté stratégique afin d’éviter de se laisser entraîner dans des conflits dont elle se passerait bien.
Elyes Kasri *
En temps normal, la diplomatie est un métier qui nécessite beaucoup de sang froid et de retenue dans l’analyse, les déclarations et les actions car plus qu’ailleurs tout excès tombe dans l’insignifiance.
Dans un monde aussi volatile que ce XXIe siècle, où les équilibres géostratégiques planétaires sont en pleine mutation vers des schémas incertains, l’obligation de retenue et de sérénité devient vitale car elle risque, en cas de mauvais calcul et de dérapage, de discréditer son auteur et de porter préjudice aux intérêts nationaux.
La Tunisie qui fait face à de nombreux défis internes et externes aurait tout intérêt à maintenir sa position traditionnelle de neutralité et même nourrir une certaine ambiguïté stratégique afin d’éviter de se laisser entraîner dans des différends ou conflits qui ont différentes perceptions, logiques et espaces de soutien international.
Si l’approche morale du conflit israélo-arabe peut avoir jusqu’à une certaine limite une justification, les résultats désastreux du jusqu’au-boutisme et les propos récemment divulgués des leaders égyptien et libyen, Gamal Abdel Nasser et Mouammar Kadhafi, champions du prétendu nationalisme arabe, ont montré l’ambivalence sinon l’hypocrisie de l’approche radicale.
Quant à une quelconque prise de position au sujet de vieux contentieux entre des pays asiatiques notamment le Pakistan, l’Inde ou la Chine, les dessous géopolitiques et les mouvements des plaques tectoniques géostratégiques dictent de ne rater aucune occasion de faire preuve de discrétion et mieux de se taire.
La situation dans laquelle se trouve la Tunisie lui donne le meilleur des alibis pour éviter de s’incruster dans des conflits aux multiples facettes, historiques, géopolitiques, culturelles et confessionnelles. Si chaque histoire a plusieurs versions, les conflits internationaux, à l’exception peut être de la cause palestinienne qui permet quand même à l’autorité palestinienne et d’importants pays arabes une ambivalence indéniable frôlant l’ambiguïté morale, les autres conflits surtout dans la zone Asie-Pacifique, nouveau théâtre de confrontation globale, méritent une approche empreinte de sérénité et de pondération.
Alors que l’Europe, son principal partenaire et investisseur, s’enfonce dans une crise socio-économique profonde nécessitant la recherche d’alternatives économiques crédibles, durables et non idéologiques, la Tunisie devra œuvrer à projeter une image de stabilité et la traduire durablement dans la réalité.
Elyes Kasri *
On entend parler de temps à autre de fermetures d’usines étrangères installées en Tunisie et d’autres opérateurs étrangers y prospectant des opportunités d’investissement, dans l’attente d’une éventuelle et souhaitée concrétisation.
Ma modeste expérience de quelques décennies de diplomatie économique et même de direction, pendant près de quatre ans, du bureau de promotion des investissements extérieurs à Washington (API avant la création de la Fipa) me font penser qu’en dépit de ses nombreux avantages comparatifs, malheureusement en constante érosion depuis deux décennies, en commençant par la fin du règne de Ben Ali pour en arriver à la transe révolutionnaire aux relents anticapitalistes, l’élément le plus dissuasif pour tout investisseur étranger en Tunisie, dans un monde en phase de fluidité et d’incertitudes exceptionnelles, est l’opacité qui plane sur l’avenir de notre voisinage et surtout sur l’avenir de la Tunisie même tant du point de vue réglementaire, fiscal que sociopolitique.
Un «génie» tunisien de la gouvernance avait déclaré que le capital est «jabene» (lâche) **. Malgré tous ses errements et défauts, ce politicien avait mis le doigt sur un facteur fondamental pour tout investisseur étranger, à savoir la phobie de l’incertitude et l’exigence de stabilité et de prévisibilité.
Alors que l’Europe, son principal partenaire et investisseur, s’enfonce dans une crise socio-économique profonde nécessitant la recherche d’alternatives économiques crédibles, durables et non idéologiques, la Tunisie devra œuvrer à projeter une image de stabilité et la traduire durablement dans la réalité.
Ce n’est qu’à cette condition qu’elle pourra espérer regagner l’attractivité qu’elle a pu avoir à une certaine époque et probablement mieux avec un modèle socio-économique viable et prometteur de prospérité durable pour tous les opérateurs, nationaux et étrangers.
* Ancien ambassadeur.
** L’ancien Premier ministre islamiste Hamadi Jebali (2011-2013).