Mehdi Ghazzai: L’IA à nos portes : 30 % des emplois sur la sellette d’ici 2030
Par Mehdi Ghazzai, expert en communication et systèmes IA
D’après le McKinsey Global Institute, 400–800 millions de postes pourraient disparaître sous l’effet de l’automatisation d’ici dix ans, soit jusqu’à 30 % du travail mondial. En Tunisie, c’est près d’un emploi sur trois qui bascule vers les algorithmes : l’urgence n’est plus de débattre, mais de former et d’agir.
Qui serait prêt à perdre son travail au prochain déploiement de chatbot ? Aujourd’hui, une PME peut déployer en quelques semaines un agent vocal 24 h/24 et réduire ainsi de 30 % ses opérateurs sans ligne de code complexe. Une autre met à jour un outil de pilotage prédictif pour ajuster la maintenance : – 25 % d’arrêts machine et un bond immédiat de la productivité, sans intervention humaine.
Rappelons-nous : la première Révolution industrielle a mis près de 80 ans à traverser le monde. L’IA, elle, fait le tour du globe en quelques mois. Chaque tâche automatisée est un emploi menacé ; chaque POC low-code devient un séisme social latent. Si rien ne change, les Tunisiens les plus exposés (centres d’appel, back-office, marketing, R & D, logistique) n’auront pas le luxe d’une transition graduelle. Leur horizon ? Un monde où algorithmes et bots redéfinissent la valeur du travail humain.
Former ou périr : l’IA redessine les métiers
L’émergence de l’IA impose une remise à plat des fiches de poste. Un examen rigoureux des activités révélera d’un côté les tâches vouées à l’automatisation, de l’autre celles qui se muent en responsabilités nouvelles. Plutôt que de subir la disparition, les entreprises tunisiennes doivent apprendre à transférer les savoir-faire : la supervision de systèmes intelligents remplace la simple exécution, et l’analyse des résultats prévaut sur la routine.
Cette transition débute par un projet pilote, mené en quelques semaines, qui prouve que l’IA n’est pas un concurrent mais un levier de montée en compétences. Les enseignements de chaque expérience se partagent ensuite dans un hub IA tunisien, garantissant une diffusion rapide des bonnes pratiques. Sans cette stratégie, diagnostic, évolution des rôles, partage de retours, les métiers figés se verront balayés.
Et si l’État prenait le train en marche ?
Quand les entreprises expérimentent, l’administration reste à quai. Pourtant, services publics et collectivités sont les prochains visés : gestion des flux, accueil citoyen, traitement des dossiers, orientation des patients, suivi des élèves… Partout, l’IA peut se fondre dans les process existants et alléger la charge bureaucratique.
Imaginer le robot logiciel traitant instantanément les formulaires, le système conversationnel orientant le citoyen vers le bon interlocuteur, l’outil d’analyse anticipant les pics d’activité hospitalière… Ces usages ne relèvent pas de la science-fiction, mais d’un déploiement progressif et maîtrisé.
L’essentiel : diagnostiquer les besoins, lancer un pilote simple et observer, avant d’élargir. Une vague d’initiatives IA dans l’État tunisien créera un effet d’entraînement. Si chaque ministère partage ses retours dans le hub national, tout l’écosystème gagnera en agilité. Sans l’engagement public, l’IA restera un privilège privé. Mais si l’État intègre ses premiers modules intelligents à l’école, à l’hôpital, à la mairie, il trace la voie d’une transformation structurelle bénéfique pour tous.
Et si la souveraineté ne se limitait pas au discours et à la maîtrise des outils IA disponibles, mais à produire sa propre IA au sein d’un consortium de pays partageant nos valeurs ? La prochaine bataille de la souveraineté se jouera dans la construction d’un écosystème indépendant : data centers, normes éthiques et cadre législatif commun. Cette coalition deviendra un contre-poids naturel aux autres puissances étrangères.
L’heure est à l’anticipation : mieux vaut forger notre avenir algorithmique que le subir.
L’article Mehdi Ghazzai: L’IA à nos portes : 30 % des emplois sur la sellette d’ici 2030 est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.