Cette nouvelle est parue pour la première fois dans le quotidien arabe international ‘‘Al-Qods Al-Arabi’’ daté du 30 janvier 2004. Plus de vingt ans après, elle garde toute sa fraîcheur, car la réalité qu’elle décrit, de manière fantasmagorique, n’a pas changé d’un iota. Elle s’est même aggravée. Le mur dont parle l’auteur s’est transformé en une immense prison où tout un peuple est aujourd’hui enfermé, bombardé, martyrisé, génocidé…
Taoufik Grira * (traduit de l’arabe par Abdelatif Ben Salem)
Au Palestinien que le mur a coupé de son ombre
Quand le bon Dieu m’a expédié dans l’autre monde au cours de l’un de ces jours qui se suivent et se ressemblent, j’ai eu comme une sensation d’apesanteur onirique, pareille à celle que nous ressentons lors d’un assoupissement furtif.
Sous la forme d’un corps sensible, je me suis lancé dans les immensités intersidérales. En me retournant, je vis à mes côtés un être de pure luminescence, j’ai immédiatement compris, grâce au pressentiment intuitif des âmes vagabondes, qu’il s’agissait de mon ange exterminateur, qui avait pour mission de me conduire jusqu’à l’antre qui m’était réservé dans le barzakh des âmes. Un spleen comme celui auquel j’étais habitué au royaume de l’éphémère m’envahit. Je me suis dis à part moi : ‘‘Je dois, étant donné l’état de subtilité et d’extase jubilatoire dans laquelle je me trouve, goûter un peu aux délices de la liberté que j’avais en vain quêté ma vie durant’’.
Avant de réfléchir à la ruse qui me permettrait de fausser compagnie à mon ange de la mort, je l’ai bien dévisagé, je l’ai trouvé avenant, sa face candide était empreinte d’une douceur amène et sa compagnie était agréable. J’ai alors pensé que, pour endormir la vigilance de cette créature séraphique, rien n’était plus facile qu’une ruse d’enfant. J’ai montré du doigt une direction derrière lui. Il s’est retourné, j’en ai profité pour prendre congé, me propulsant de tout mon être, fendant l’air vif et lévitant subtilement en direction de l’Orient. Je me suis dit : la meilleure façon de le semer est de partir à la recherche des cieux plus cléments ou les âmes errent en abondance.
Un sentiment de satisfaction a effleuré ma conscience quand je me suis souvenu que du côté de l’Orient la mort frappait sans répit. Quelques instants après, mes appréhensions prenaient corps; une nuée d’âmes transhumantes en ascension volaient à ma rencontre, j’ai ralenti et obliqué légèrement pour me dissoudre dans leur banc.
Malheureusement mon stratagème n’a pas fonctionné; mon ange exterminateur était toujours là, il s’approchait en me scrutant avec une attention soupçonneuse. Je tremblais de tout mon être, quand l’une des ces âmes curieuses m’a dit : ‘‘Tu n’as qu’à descendre dans ce catafalque si tu veux échapper à ton poursuivant’’, et elle fit un geste vers le bas. Sans hésiter, j’ai piqué dans la direction indiquée. La civière, lorsque j’ai atterri, se souleva violemment entre les mains des porteurs et retomba par terre; affolés, ceux-ci lâchèrent prise et détalèrent dans la confusion générale.
Assis et souffrant le martyre en raison des contusions causées par la chute, j’ai tâté le corps ou j’avais échu. Le trouvant noueux et bien en chair, j’ai pensé : ‘‘En plein dans le mille !’’ Voilà le corps dont j’ai rêvé toute ma vie. J’ai mangé la meilleure nourriture, bu l’eau la plus claire et me suis soumis à une discipline Spartiate, mais cela n’a servi à rien, mon corps était demeuré difforme et insignifiant jusqu’au jour où je l’ai inhumé dans un endroit éloigné pour m’en débarrasser une bonne fois pour toutes. Plus d’embonpoint, plus de jambe claudicante ni de dos voûté, plus de poitrine comprimée, plus d’oreilles décollées ni de taille plutôt petite. Tout est pour le mieux. Avec ma main j’ai palpé ce corps; mais à un endroit précis du dos, j’ai senti une blessure profonde auréolée de sang coagulé. La sensation de douleur avait disparu en passant la main dessus.
Posté à une certaine distance, le groupe de personnes qui s’est enfui tout à l’heure m’observait, la crainte et l’espoir peints sur leur visage.
Je me suis redressé, sain et sauf, j’ai promené mon regard sur la civière. Elle était faite de planches en bois aux nervures visibles, et nouées par des cordelettes en branchage tressé.
J’ai scruté «ma» dépouille; pas de suaire, pour toute vêture quelques morceaux de tissus et fragments de vêtements déchirés sur les parties honteuses. J’ai senti pour la première fois que le corps où je me suis réincarné était digne de commisération. Son propriétaire d’origine était pauvre et démuni, il n’a pas dû être bien différent de ceux qui sont venu l’ensevelir sous terre.
La présence de ces gens suscitait en moi une sensation d’intimité confiante. J’ai voulu crier à leur adresse, mais ma langue n’a émis qu’une parole aux mots saccadés et brefs. Les visages détendus, ils se sont avancés vers moi pour mieux entendre. J’ai appelé quelqu’un par son nom, j’ai dit sur un ton dont je me souviens encore : ‘‘Shubrâk !…Shubrâk !’’ C’était le nom de son frère, mon frère.
Un jeune homme à la carrure robuste hasarda un pas dans ma direction, ensuite s’arrêta. Je me suis avancé vers lui, il m’a serré dans ses bras avec effusion et je l’ai étreint comme si j’étais son propre frère. Rassuré, il a passé sa main sur la blessure. Constatant qu’elle avait disparu, il hurla : ‘‘Udjodor Ha ha !… Udjodor Ha ha !’’ (Vivant !… Il est vivant !).
Les hommes avancèrent et formèrent un cercle autour de moi, criant en chœur ‘‘Udjodor Ha ha … .Udjodor Ha ha !’’ Ils dansèrent et entonnèrent des chants enjoués et émouvants, ceignirent mon front d’un diadème de roses, me portèrent à nouveau sur leurs épaules, dans cette même civière qui remplit désormais une fonction différente.
Grisé par l’arôme des fleurs déposées sur ma tête, je me mis à mon tour à danser, reprenant le refrain d’une mélodie dont j’avais l’impression de connaître par cœur les paroles — elle raconte l’histoire d’une petite fille triste à qui l’on a confié la garde du taureau d’un maître despotique. Le taureau mourut de chagrin de la voir toujours si mélancolique. La petite pleura sa mort. Terrorisée par le courroux du maître qui allait s’abattre sur elle, elle adjura la divinité de la métamorphoser en taureau; son vœu exaucé, elle devint taureau, pourchassa son maître et l’éventra jusqu’à ce que mort s’ensuive. Le conte ne nous dit pas si la fillette avait ensuite repris son apparence première.
Au milieu de la danse, j’ai entendu des propos à travers lesquels j’ai cru comprendre que j’étais mort d’un coup de couteau assené par un tyran vivant de l’autre côté de la lointaine muraille. Je fus assassiné pour avoir découvert le secret du labyrinthe mural; je n’ai pas cherché à en savoir plus et me suis contenté de ce que j’ai pu entendre, quoique que je ne sache pas trop ce que voulait dire labyrinthe mural. J’ai espéré que les jours se chargeraient de me fournir davantage de détails.
Un cheval étrange, aux fers en or, aux rênes magnifiquement parées surgit au beau milieu du cercle. Il était monté par un homme masqué. Regardant autour de moi, j’ai lu sur les visages la rage et l’exécration, j’ai en déduit qu’il s’agissait de l’un des maîtres qui croupissait derrière la muraille. J’ai senti percer son regard brûlant derrière le masque protecteur. L’homme s’exclama : ‘‘Budjodor ?’’ (Tu es vivant ?). D’un hochement de tête, les présents répondirent oui, par défi. Il se tut avant de lancer à la cantonade : ‘‘A moi de jouer maintenant !’’ Les gens restèrent immobiles et persistèrent d’autant plus dans leur immobilité qu’il m’intima l’ordre de le suivre; je me suis avancé mais Shubrâk s’interposa entre nous, m’empêchant d’aller plus loin. Je lui ai pris les mains en les serrant et, me retournant vers les présents, je leur fis comprendre qu’ils ne devaient avoir aucune crainte à mon sujet. Shubrâk me susurra à l’oreille : ‘‘Ne le laisse pas te tuer une seconde fois’’. Je l’ai rassuré et je suis parti.
Les gens s’ébranlèrent derrière moi pour m’accompagner mais je leur ai fit signe de rebrousser chemin. Ils s’en retournèrent alors vers les vastes champs étalés à l’infini et entourés de vergers. Jamais je n’ai vu de contrée aussi magnifique. Chatouillant les narines, ses exhalaisons vous procurent la sensation que la vie y est votre destinée naturelle. Les arbres sont si nombreux et si variés que je ne pourrais les reconnaître, certains m’apparurent comme des vignes — des plus beaux, je n’en ai jamais vu —, d’autres, comme des oliveraies plutôt orientales qu’occidentales, d’autres encore, comme des orangeraies, mais leur parfum était plus acide, des pommiers qui te persuadent plus que tout qu’Adam n’a commis aucune erreur en succombant à la pomme qui fut la cause de son expulsion de l’Eden.
J’ai suivi ce maître qu’un destin étrange m’a jeté entre ses mains, jusqu’à ce que nous arrivions à un portail aux dimensions gigantesques, pareil à ceux des antiques forteresses romaines. A l’entrée, des cerbères aux uniformes chamarrées, brodées et rehaussées d’or montaient la garde. Ils ouvrirent le portail et se mirent au garde-à-vous. Le cheval s’engouffra, suivi par d’autres, qui veillaient de loin, à ce qu’il semblait, à la sécurité du maître.
Où sommes-nous ? Et à quelle époque sommes-nous ? J’ai réalisé que la question était idiote, le temps ou l’espace m’importaient peu, à présent que j’aie un but pour lequel j’agis. Les interrogations se bousculaient dans mon esprit, quand la voix du maître me parvint : ‘‘Voici le labyrinthe, conduis-nous sur la bonne voie’’.
En face de moi se dressaient des murs cyclopéens de dimensions et de hauteurs inégales. Sombres et sinistres, ils paraissaient invincibles. Leur gigantisme vous donnait l’impression d’être lilliputien. Ils sont construits de ce matériau qui ressemble à ce qui sera connu comme béton armé. Lancinante, la question m’assaillait toujours : A quelle époque sommes-nous ? J’ai détaillé minutieusement le masque du maître mais je n’ai rien relevé de datable, rien qui puisse livrer une quelconque information historique. Il a dit : ‘‘Allons-y ! Engageons-nous dans le labyrinthe puisque c’est toi qui as découvert le secret de ses dédales’’.
J’ai remarqué que les murs dressés derrière moi ont eux aussi été aménagés de sorte qu’une fois à l’intérieur on se prend dans le réseau d’un labyrinthe. Me revenait alors à l’esprit le jeu que je pratiquais dans ma vie antérieure pour chasser l’ennui et prouver que j’étais le plus doué. C’était le jeu du labyrinthe, ces enceintes disposées en lacis enchevêtrés et hermétiquement fermés, conduisant à une issue unique. J’ai compris que ce fut le maître qui trucida le corps dans lequel mon âme s’est réincarnée, parce qu’il a percé le secret et découvert l’énigme de la muraille. Le maître s’écria : ‘‘Allons ! allons ! La balade post mortem ne t’a pas fait perdre la mémoire, que je sache ?’’ Des coups des fouets se mirent à pleuvoir sur moi mais je n’entendais que leur sifflement. Pauvre de moi, j’ai perdu toute sensation de douleur. Le cheval galopa dans mille directions, si bien que je fus pris d’étourdissement.
Nous traversâmes les murs sinistres, je n’entendais rien d’autre que le bruit des sabots. L’écho des sabots du cheval du maître résonnait avec ceux des autres chevaux. Je ne pouvais rien distinguer tellement l’ombre obscure des murs planait sur toute chose.
Tout oreilles, j’écoutais seulement l’écho de mes pas qui n’étaient plus branlants comme au bon vieux temps de ma vie antérieure. J’appuyai sur le talon du pied droit, et ma taille s’allongea, je devins démesurément grand. Ma tête toucha la hauteur du mur le moins élevé. Je me suis dit que ce n’était pas assez. Elle s’étira encore jusqu’à atteindre la hauteur de la deuxième muraille. C’est alors que j’aperçus mon ombre. Mais dès que j’ai senti s’arrêter le cheval du maître, je me suis fait tout petit par crainte que celui-ci ne découvre ma taille de géant. Il se retourna, voyant que ma stature de géant avait disparu. Et je redevins lilliputien. Il me lança, avec une satisfaction ironique : ‘‘As-tu survolé la géhenne ? Tu t’es peut-être dis, le brasier du mur plutôt que celui de Dieu. Quoi qu’il en soit, vous, vous n’échapperez pas… Nous et le Dieu nous vous assiégeons.’’
De nouveau, le bruit des sabots assourdissait mes pas. Et les murs me coupaient de mon ombre. La noirceur projetée sur moi me donnait l’impression d’être plongé dans une nuit éternelle, me séparant des exhalaisons de la vie répandues par les champs, me séparant des balades poignantes des miens et de la danse de la vie et de la mort. Je me suis dit : ‘‘Il me faut grandir de nouveau. Il faut se battre contre cet ennemi sournois, il faut découvrir le secret de sa puissance et lui arracher la substance de sa force pour en construire une nouvelle capable de l’anéantir’’.
Je me suis rapproché du mur et j’y ai planté mes ongles. Ils grillèrent. J’ai passé ma main dessus, elle se carbonisa; mais je n’ai senti aucune douleur. Mes ongles repoussèrent plus longs et plus vigoureux et j’ai repris du poil de la bête. J’ai labouré le mur, je l’ai fendillé à plusieurs endroits, j’ai lui ôté un peu de sa superbe, et j’ai découvert qu’il n’était pas si solide qu’on le prétendait. La matière dont il était construit était mélangée à un fluide inconsistant qui s’effiloche entre les doigts avant même que tu le pétrisses. Rien à voir avec la substance que j’avais imaginée dans mon esprit. Le mur que j’avais mentalement érigé était plus résistant et titanesque, et c’était ce mur-là qui existait dans ma tête et m’avait en réalité vaincu.
Je n’étais devenu lilliputien qu’à l’avènement du mur. Après un bref répit, j’ai appuyé de toutes mes forces sur mes talons, j’ai monté, monté jusqu’à ce que ma silhouette atteigne la dernière hauteur, je dominais la muraille de la forteresse, j’ai monté encore et j’ai aperçu des fellahs vaquant à leurs travaux, j’ai cherché des yeux Shubrâk, je l’ai aperçu, j’ai lui ai fait signe de la main, il m’a reconnu. Alors je suis revenu à ma taille normale.
Au sortir du labyrinthe nous aperçûmes des palais et des édifices somptueux. Le maître marcha jusqu’à ce que son cortège débouchât sur un édifice majestueux sur lequel était inscrit : «Maison de la Conférence».
Je suis resté à l’extérieur, sous la surveillance des sbires. Je pensais à ce que j’allais faire d’eux et non à ce qu’ils allaient faire de moi. On me fit finalement introduire dans leur conférence. Leur Grand Chef me demanda si je me souvenais encore des dédales du labyrinthe. Avant que je ne lui réponde, le maître qui m’avait conduit jusqu’à eux me dit : ‘‘Nous avons modifié le tracé du labyrinthe, au cas où ta première mort n’aurait pas effacé ta mémoire.’’ J’ai trouvé absurde de lui rétorquer que dans la loi des philosophes, la mort n’est pas oubli mais souvenance. Leur Grand Chef a décrété : ‘‘La puissance du labyrinthe gît dans ses dédales inextricables, s’il réussit à en trouver l’issue, attachez-le au mur, foudroyez-le et passez ses restes au fil de l’épée, on n’échappera pas deux fois à la mort.’’
J’ai eu la confirmation que le propriétaire du corps est mort sous la torture, car il a réussi à triompher du mur. C’est sa volonté sincère et inébranlable qui généra le phénomène de métempsycose, l’insufflation de mon esprit dans son corps, pour que je puisse venger sa mort. L’ange auquel j’ai faussé compagnie fut chargé de m’épauler dans cette tâche pendant l’émigration de la quarantaine dans le barzakh (1), avant que mon âme ne se réfugiât dans sa demeure en attente du Jugement. J’ai compris également que mon salut éternel ne faisait pas partie de sa feuille de route.
J’ai attendu jusqu’à ce que les gardes soient plongés dans un sommeil profond pour m’envoler à nouveau dans l’atmosphère. J’ai lévité jusqu’à une baraque illuminée où les hommes attendaient mon retour. Nous avons procédé à une répartition des rôles. Je leur ai dit : ‘‘Je m’occupe du mur et vous du reste. N’ayez crainte après la destruction du mur.’’ Mon frère m’a dit qu’ils y ont déposé une substance capable d’anéantir les corps. Je lui répondis : ‘‘Tu ne dois rien craindre pour ton corps tant que ton âme est ardente.’’ Je lui ai susurré quelque chose à l’oreille qui l’apaisa. Il m’embrassa entre les yeux.
Les ténèbres couvraient encore de leur manteau le mur et ses alentours quand nous lançâmes l’attaque. Les gardes ont pris la fuite sans opposer de résistance, tellement ils étaient effrayés par nos cris lugubres. Nous nous faufilâmes à travers les dédales des corridors jusqu’à déboucher sur un endroit au centre duquel se trouvait la substance de la puissance du mur. J’ai ordonné à mon frère de la larguer loin de la portée des hommes. Ensuite j’ai introduit ma main dans un trou secret et j’ai arraché son nodule, sa materia prima, elle était visqueuse, je l’ai jetée par terre, elle s’embrasa et se rigidifia, ses flammes dévorèrent la chair de la moitié droite de mon corps. J’ai introduit la main qui me restait au fond du second trou et j’ai purgé celui-ci d’une substance fangeuse et nauséabonde que j’ai jetée par terre. Elle s’enflamma, libérant des rayons radioactifs et crachant au loin des gaz toxiques. Au moment de la combustion, ses flammes consumèrent la moitié restante du corps.
Instantanément, les murs s’effondrèrent en un amas de poussière. Et j’ai vu soudain poindre à l’horizon, la ville des maîtres, nue et découverte. L’ange se tenait toujours à mes côtés, je lui ai tendu une parcelle de mon âme, le priant de patienter pour le reste. Shubrâk était occupé à ligoter les mains du dernier des maîtres en hurlant à tue-tête : ‘‘Vous ne nous échapperez pas! Nous et le Dieu nous vous encerclons.’’ Et il leva la tête vers le ciel. J’ai dit à l’ange : ‘‘Emmène-moi.’’ Nous volâmes tant que nous pûmes, durant un laps de temps que je ne saurais déterminer. J’ai aperçu Shubrâk et ses amis chevauchant des montures magnifiques, étendards claquant au vent. J’ai humé l’air dans leur direction et mes narines furent nimbées de senteurs douces et fraîches émanant de leurs contrées. J’ai apostrophé mon ange : ‘‘Tu veux le testament du défunt au préposé à l’éternité !’’ ‘‘Vas-y, je t’écoute !’’ me répondit-il. Cela m’est égal que vous me jetiez dans l’Averne ou au paradis, ce qui m’importe c’est que vous érigiez des murs pour que je les abatte, pour que ma souffrance prenne un sens et mon éternité une valeur’’.
* Professeur à l’université de Tunis.
Note:
1. Dans l’eschatologie musulmane, l’âme, une fois sortie du corps du défunt, rejoint le bareac, intermonde qui sépare le monde sensible du monde subtil. Là, elle erre pendant quarante jours avant de se réfugier en un lieu où elle attendra le jugement dernier. NDT.
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