CPI – Mandat d’arrêt contre Netanyahu : entre soutien et rejet
La Cour pénale internationale (CPI) a émis jeudi 21 novembre un mandat d’arrêt contre le Premier ministre israélien et son ancien ministre de la Défense ainsi que le chef militaire du Hamas Mohammed Deif pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité ». Cette décision historique sera-t-elle suivie d’effet? Il est permis d’en douter tant les divisions au sein des pays occidentaux sur cette question sont profondes.
Série noire pour le boucher de Gaza de plus en plus contesté à l’international et même dans son propre pays. Ainsi, des manifestations houleuses ont eu lieu hier dimanche à Tel Aviv pour exiger la libération des otages restants dans la bande de Gaza et la fin de la guerre. Alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’obstine mordicus à poursuivre sa guerre génocidaire pour éliminer, selon son délire, le dernier combattant du Hamas.
« La Cour s’attaque désormais aux puissants »
Jeudi 21 novembre, le chef du Likoud et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant ainsi que le chef militaire du Hamas Mohammed Deif étaient visés par un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI).
Ainsi, pour la première fois depuis la création de cette institution, en 2002, des responsables politiques sont inculpés contre la volonté des Occidentaux. Les mêmes qui applaudirent à deux mains le mandat d’arrêt émis par la Cour de La Haye, vendredi 17 mars, contre le président russe Vladimir Poutine, pour le crime de guerre de « déportation illégale » d’enfants ukrainiens.
« Il se passe quelque chose d’important. Avant, les personnes inculpées étaient toujours des responsables du tiers-monde. La Cour s’attaque désormais aux puissances », note Sévag Torossian, avocat pénaliste au barreau de Paris et auprès de la CPI.
« Un test pour la coopération internationale »
« C’est un test pour la coopération internationale en matière pénale », fait observer l’avocat auprès de la CPI. Car, « les 124 pays qui ont ratifié le Traité de Rome ont l’obligation d’arrêter Benyamin Netanyahu et de l’extrader à la Haye s’il se rend dans leur pays. Si les Etats-Unis, Israël, la Russie ou la Chine n’en sont pas signataires, tous les pays européens reconnaissent l’institution ».
« Cependant, aucune sanction n’est prévue si un Etat ne respecte pas la décision de la CPI. Preuve en a été faite en septembre dernier quand Vladimir Poutine s’est rendu en Mongolie – pays qui a ratifié le Traité de Rome – sans être arrêté par les autorités locales ».
La famine comme crime de guerre
Pour rappel, les deux Israéliens sont poursuivis pour « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité » pour des faits allant du 8 octobre 2023, au lendemain de l’attaque perpétrée par le Hamas, jusqu’au 24 mai 2024, jour où le procureur de la CPI, Karim Khan, avait officialisé la demande de mandats d’arrêt à leur encontre.
Les juges estiment qu’ils ont trouvé « des motifs raisonnables » de croire que le premier ministre israélien et Yoav Gallant sont responsables de plusieurs actes : « Crimes de guerre de famine comme une arme de guerre, crimes contre l’humanité de meurtre, de persécution et d’autres actes inhumains ». Dans le même temps, la chambre a émis un mandat d’arrêt contre Mohammed Deïf, le chef de la branche militaire du Hamas, probablement mort dans un bombardement en juillet dernier, sans que son corps soit retrouvé.
Divisions
Au final, le Premier ministre de l’Etat hébreu sera-t-il jugé ?
En apprenant la décision de la CPI, le cabinet de Benjamin Netanyahu s’est empressé comme à l’accoutumée de crier à « la haine antisémite d’Israël ». Allant même jusqu’à la comparer à « l’équivalent moderne de l’affaire Dreyfus ».
Alliés inconditionnels de l’Etat hébreu, les Etats-Unis « rejettent catégoriquement la décision de la Cour d’émettre des mandats d’arrêt contre de hauts responsables israéliens ».
Pour sa part, Joe Biden juge cette décision « scandaleuse ». Alors que le futur conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, Mike Waltz, a lui promis « une réponse forte » au « biais antisémite » de la CPI, quand le président élu prêtera serment en janvier.
Les Européens pour leur part sont profondément divisés sur cette question : ainsi, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrel, a affirmé que les mandats d’arrêt devaient être « respectés et appliqués ».
L’Espagne compte « se conformer à ses engagements et obligations en vertu du Statut de Rome et du droit international ». Le gouvernement irlandais a indiqué dans un communiqué « soutenir fermement la CPI » et appelle « tous les Etats à respecter son indépendance et son impartialité, en s’abstenant de toute tentative d’affaiblir la Cour ». Tandis que les Pays-Bas ont également annoncé qu’ils respecteront la décision de la Cour pénale internationale, tout comme la Belgique.
Plus ambigüe est la position de la France qui par la voix du porte-parole Quai d’Orsay rappelle lors d’un point presse jeudi 21 novembre « l’importance de la CPI ». Tout en jugeant l’arrestation de Benyamin Netanyahu comme étant « un point juridiquement complexe ».
En Italie, le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, a déclaré que son pays serait « obligé d’arrêter le Premier ministre israélien ou son ancien ministre en cas de visite dans le pays ». Mais dans le même temps, le ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani, s’est montré beaucoup plus prudent : « Nous évaluerons avec nos alliés la manière de réagir et d’interpréter cette décision. »
Le porte-parole du gouvernement allemand quant à lui a indiqué « avoir du mal à imaginer que les arrestations puissent être effectuées en Allemagne ».
En revanche, certains Européens sont totalement opposés à l’arrestation de Benyamin Netanyahu. En Autriche, le ministre des Affaires étrangères, Alexander Schallenberg estime qu’ « il paraît absurde de placer sur le même plan les membres d’un gouvernement élu démocratiquement et le dirigeant d’une organisation terroriste ».
Par pure provocation, l’infréquentable Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, a invité son homologue israélien à visiter son pays et a promis que le mandat d’arrêt émis contre lui « ne serait pas appliqué ».
Pour résumer, il convient de rappeler que chacun des 125 États membres de la Cour internationale pénale, dont les États-Unis ne font pas partie, sont théoriquement contraints d’arrêter les deux responsables israéliens s’ils se trouvaient sur leur territoire. Cela étant, la Cour ne disposant d’aucune force de police pour faire appliquer ses mandats, compte sur le bon vouloir de ses États membres pour exécuter ses décisions.
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