Fiscalité en Tunisie : Sommes-nous trop taxés pour attirer les investissements ?
Quand la croissance économique ne décroche pas, il reste le levier fiscal pour faire l’appoint des recettes budgétaires
La Chambre de Commerce et d’Industrie Tuniso-Française (CCITF) a organisé, à l’attention de ses adhérents, une présentation de la loi de finances 2025. Deux experts étaient à la manœuvre : Mohamed Louzir, expert-comptable et secrétaire général de la chambre, s’est livré à une analyse économique du budget en mettant en avant son volet social. Avec pédagogie, il a rappelé que la fiscalité ne peut, à elle seule, rétablir les grands équilibres des finances publiques. De son côté, Faez Choyakh, associé chez EY, a présenté les dispositions fiscales du nouveau budget avec une approche exploratoire et didactique, apportant des enseignements utiles pour un débat éclairé sur les perspectives des finances publiques du pays.
Un budget à fort profil social
Le déficit budgétaire est devenu une constante des finances publiques tunisiennes. Face à cette réalité, Mohamed Louzir souligne que la fiscalité est appelée à la rescousse pour combler les lacunes. L’endettement demeure accessoire, car le budget repose principalement sur les ressources intérieures, elles-mêmes restreintes.
Lorsque la croissance économique fait défaut, un problème majeur surgit : faute de nouvelles niches fiscales, il devient difficile d’élargir l’assiette fiscale. Ainsi, l’augmentation des taux devient la seule solution, bien que cette option ait ses limites. En 2024, les recettes fiscales ont accusé un manque à gagner de 2 milliards de TND. Une pression fiscale excessive, atteignant 36% du PIB, place la Tunisie au-dessus des pays africains et des 38 pays de l’OCDE, compromettant son attractivité économique.
Si les transferts sociaux jouent un rôle essentiel dans la cohésion sociale, leur impact économique reste limité. Ainsi, l’investissement public se maintient à 5 milliards de TND, un niveau similaire à celui de 2010. Ce faible niveau d’investissement public n’encourage pas le secteur privé, rendant difficile le retour à une dynamique économique soutenue. Mohamed Louzir s’interroge : sans revitalisation des flux d’investissement privé et public, comment assurer les équilibres financiers à l’avenir ?
Les soubresauts de la fiscalité
Faez Choyakh est l’auteur du fascicule « Mesures fiscales de la loi de finances 2025 », publié par le cabinet EY et distribué aux participants. Lors de son exposé, il a présenté les principales dispositions fiscales de la loi, aidant ainsi les contribuables à naviguer avec précision dans les nouvelles règles. Parmi les mesures phares, la reconduction de l’amnistie fiscale pour le premier semestre de 2025 a suscité un intérêt particulier. Il a mis l’accent sur le concept des créances constatées servant de base à cette amnistie.
Avec précision, Choyakh a appelé les managers à concilier les textes de loi et les pratiques administratives. Il a également évoqué le reprofilage de l’IRPP, soulignant qu’un million cent mille assujettis déclarent des revenus dans la tranche de 0 à 5 mille dinars, tandis que seulement 47 000 contribuables se situent au-dessus de 50 mille dinars, contribuant pourtant à hauteur de 26% de l’IRPP.
L’augmentation rétroactive du taux d’imposition sur les sociétés de 15 à 20%, en rupture avec les traditions administratives, est un autre point de friction. Faez Choyakh note, en écho aux propos de Mohamed Louzir, que les entreprises du secteur organisé sont une fois de plus les principales contributrices fiscales.
Alléger la structure du budget
Les interventions des deux experts mettent en lumière la nécessité de reconsidérer la structure du budget. Si les transferts sociaux sont indispensables pour garantir un climat social stable, une pression fiscale excessive peut freiner l’initiative économique. Il s’agit d’identifier un équilibre entre incitations et mesures fiscales pour réconcilier ces deux dimensions et favoriser une croissance durable.
Abou SARRA
EN BREF
Loi de finances 2025
- Déficit budgétaire persistant : La fiscalité est sollicitée pour compenser le manque de ressources internes.
- Pression fiscale élevée : 36% du PIB, dépassant les pays africains et de l’OCDE.
- Investissement public limité : Stagnation à 5 milliards de TND, niveau de 2010.
- Chiffres marquants : 1,1 million de contribuables déclarent moins de 5 000 TND/an ; 47 000 déclarent plus de 50 000 TND, contribuant à 26% de l’IRPP.
- Mesures phares : Amnistie fiscale pour le premier semestre 2025, hausse rétroactive de l’impôt sur les sociétés (15% à 20%).
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