IDE : analyse des investissements en Tunisie
On ne le répétera jamais assez, la Tunisie se plaît à mettre en avant ses indicateurs, ceux de 2025 n’échappent pas à cette règle. C’est le cas des investissements directs étrangers (IDE) en l’espèce, qui sont en nette hausse, un volume d’investissements déclarés proche des 6 milliards de dinars. Et surtout un regain d’intérêt des partenaires internationaux.
Mais cette lecture optimiste cacherait des angles morts structurels, comme disent les spécialistes. Lesquels sont invisibles dans les communiqués institutionnels, mais omniprésents dans le quotidien des investisseurs qui vivent les tracas de l’administration. Or, ce sont précisément ces angles morts qui déterminent la capacité réelle d’un pays, la Tunisie en l’occurrence, à convertir les projets en emplois et en croissance.
Car si l’année 2025 donne l’illusion d’un redressement, la mécanique de l’attractivité tunisienne reste grippée là où cela compte vraiment, assure un expert en investissements étrangers.
Loin de nous l’idée de nous prendre pour des experts en la matière; cependant, nous allons tenter de faire ressortir, dans ce qui suit, un certain nombre de freins à l’investissement en Tunisie.
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Un modèle d’investissement encore bloqué à “l’ancien régime”
La Tunisie continue de s’appuyer sur les mêmes leviers qu’il y a vingt ans, à savoir : coûts salariaux compétitifs, proximité européenne, industrie manufacturière orientée export.
Sans doute, ces atouts sont réels, toutefois, ils n’ont pas évolué. « Dans un monde où les pays émergents réinventent leur stratégie d’accueil, nous dit un spécialiste en stratégie de développement, la Tunisie semble figée dans un modèle “zone offshore + industrie légère” ».
Par conséquent, notre pays attire certes des flux, mais peine à attirer des projets transformateurs. Vous aurez perçu la nuance, pardon la grosse différence. Ceci étant, l’économie mondiale avance, la Tunisie suit cependant parfois. Et c’est déjà ça !
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Le grand absent : la montée en gamme
L’attractivité tunisienne souffre d’un angle mort majeur qui est “le manque d’investissements à haute intensité technologique“.
Pour étayer cela, nous allons citer des domaines où la Tunisie peine à avoir de la visibilité. Elle a peu de projets dans l’industrie 4.0, les technologies propres, la mobilité électrique et les chaînes de valeur numériques avancées. Or, tout le monde en convient, ce sont là des secteurs ou domaines qui font aujourd’hui la différence et tracent même le salut des nations dans l’avenir.
D’ailleurs, l’écosystème ne dissuade pas l’arrivée de ces projets, il ne les attire tout simplement pas ou peu en tout cas. Autrement dit, ce n’est pas un rejet, affirme un analyste, mais c’est une « indifférence silencieuse du marché mondial ».
Réformes : l’éternelle promesse qui ne devient jamais un avantage
Le troisième angle mort, et l’un des plus coûteux pour le pays, c’est la réforme lente, hésitante, inachevée. Hélas. Oui, tous les spécialistes s’accordent sur le fait que la Tunisie parle beaucoup de modernisation, mais peine à concrétiser :
- Procédures d’investissement toujours complexes;
- Guichets uniques qui n’en sont pas vraiment;
- Interdépendances administratives opaques;
- Législation fluctuante selon les secteurs;
- Autorisations qui ne sont jamais vraiment “finales”.
Force est de constater que cet écosystème génère un coût invisible mais on ne peut plus réel : la lassitude de l’investisseur. Un investisseur est même catégorique : « Cette fatigue ne figure dans aucune statistique… Mais elle se lit dans le taux de projets abandonnés ».
Le risque : une attractivité “statistique”, pas structurelle
Les chiffres de 2025 des IDE montrent plusieurs signaux positifs, mais il faudra nuancer la réalité :
- Les IDE progressent parce que la région est instable; pas seulement parce que la Tunisie s’améliore.
- Les investissements déclarés augmentent rapidement; mais le taux de conversion reste faible.
- Les secteurs moteurs tournent; mais aucun ne change réellement de catégorie.
Pour un autre analyste : « La Tunisie attire… mais elle ne retient pas. Elle progresse… mais elle ne se transforme pas ». On ne peut pas être plus clair.
L’énergie, le foncier, l’infrastructure : les angles morts qui plombent la compétitivité
Les investisseurs le répètent discrètement : l’incertitude énergétique, la rareté du foncier industriel vraiment exploitable, les zones industrielles sous-équipées, les ports saturés, la logistique fragmentée. Ce sont là autant de facteurs rarement mentionnés dans les rapports officiels pourtant déterminants dans la décision d’implantation d’une entreprise, d’un investissement… institutionnel ou particulier. En somme, « l’attractivité commence par le terrain, pas par les chiffres », confie un investisseur.
Le dernier angle mort : la narration économique
Comme nous l’avons souligné plus haut, la Tunisie n’a pas encore réussi à se projeter comme un marché du futur, un hub, une plateforme d’innovation, ou un champion sectoriel. Théoriquement, elle tente de le faire ou le devenir, mais ce n’est pas encore le cas. Le pays n’a pas de stratégie économique très claire. Et cette absence constitue « un handicap majeur dans un monde où les investisseurs suivent autant les opportunités que les visions ».
Un spécialiste de stratégie de développement estime qu’« aujourd’hui, l’histoire tunisienne raconte la résilience. Ce qu’elle doit raconter, c’est l’ambition ». Mais pour notre part, nous pensons que cette ambition y est. Ce qui manque c’est comment l’exprimer et la transformer en réalité.
In fine, « les chiffres sur les IDE montent, et il faut s’en réjouir. Mais les angles morts persistent, et il faut en finir avec leur invisibilité confortable. L’attractivité tunisienne ne souffre pas d’un manque de potentiel. Elle souffre d’un manque de transformation. Tant que ces angles morts ne seront pas traités, la Tunisie continuera à attirer des investisseurs… mais pas ceux qui changent un pays », résume un analyste de la place.
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