Lors de l’examen du projet de loi de finances 2026, l’Assemblée des représentants du peuple a fait un pas important en faveur des travailleurs. En effet, la majorité des députés ont voté pour une mesure destinée à alléger la charge fiscale: l’exonération de l’impôt sur le revenu pour les services de transport fournis ou financés par l’employeur. L’article 22, au cœur de cette décision, a été approuvé à une large majorité — 101 voix pour, 5 abstentions et seulement 4 voix contre.
Cette initiative s’inscrit dans une dynamique plus large visant à soutenir le pouvoir d’achat des citoyens. Le gouvernement sait que les trajets quotidiens entre le domicile et le travail pèsent lourdement sur le budget de nombreux ménages, surtout dans les zones éloignées des centres urbains, où les transports publics se font rares.
En supprimant l’impôt sur ce type d’avantage, l’État espère réduire les dépenses quotidiennes des salariés, encourager les employeurs à proposer des solutions de transport adaptées et, au passage, améliorer la ponctualité comme la productivité en facilitant les déplacements.
Mais la mesure ne s’adresse pas seulement aux travailleurs. Elle constitue aussi un signal envoyé aux entreprises: investir dans le transport n’est plus seulement un geste social, mais un choix soutenu par la loi. Navettes internes, partenariats avec des transporteurs privés, solutions collectives et écologiques… les possibilités sont nombreuses, et pourraient, à terme, désengorger les routes, diminuer les émissions de CO₂ et fluidifier l’accès au travail.
Dans cet entretien réalisé dans le cadre de la 2ème édition du Hors-Série sur le marché de l’Automobile de webmanagercenter, Monsieur Moez Belkhiria, Président-directeur général de BSB Toyota, explique comment, par la vision et la conviction d’un homme, en l’occurrence feu Béchir Salem Belkhiria, fondateur du Groupe éponyme, la marque nippone est devenue incontournable dans le paysage automobile tunisien.
Et ce n’est pas tout, car le patron de Toyota Tunisie avance des propositions à même de “révolutionner” le marché automobile dans notre pays, entre autres la création d’«une zone franche de l’automobile». Monsieur Belkhiria est convaincu que le site tunisien possède d’importants atouts en termes d’investissements étrangers, de création d’emplois et donc de richesses.
Moez Belkhiria – BSB Toyota
Le groupe BSB est l’importateur officiel de la marque japonaise Toyota depuis maintenant 45 ans. Une grande et longue histoire non ?
Moez Belkhiria : Avant de parler de Toyota, je voudrais parler du fondateur de BSB, feu Béchir Salem Belkhiria qui, après avoir fait des études en gestion et commerce en France, est parti aux Etats-Unis poursuivre des études en Management and business administration (MBA).
Il rentre en Tunisie en 1959. Avec une vision, une grande vision. La Tunisie venait d’accéder à l’indépendance, mais ses relations économiques et commerciales se faisaient essentiellement avec la France et subsidiairement avec l’Europe. Il y avait également quelques produits américains sur le marché tunisien mais introduits par des sociétés françaises (problème de langue oblige), etc.
Si Béchir avait une autre vision selon laquelle l’Asie représentait un futur économique prometteur que la Tunisie se devait de saisir, et développer ainsi des relations commerciales avec les pays du Sud-est asiatique, Japon et Corée du Sud essentiellement.
« De retour en Tunisie en 1959, après des études en France et aux États-Unis, Béchir Salem Belkhiria refuse de faire carrière dans l’administration pour créer son propre business et ouvrir le pays à l’Asie. »
En fait, alors qu’il aurait pu travailler dans une administration publique, Béchir Salem Belkhiria a choisi de créer son propre business. Il contacte une société japonaise, en l’occurrence Sharp Corporation, un des géants mondiaux du matériel bureautique et de l’informatique. C’est ainsi qu’il obtient la représentation de Sharp en Tunisie. C’était aux alentours des années 1966-67.
Et c’est ainsi que les relations entre la société BSB et les Japonais ont commencé.
Après Sharp, si Béchir a pensé à l’automobile. Il avait choisi d’introduire Toyota en Tunisie, une marque qui monte, mais surtout une marque synonyme de fiabilité et de qualité. Après quelques contacts, ils ont fini par signer un «Gentlment Agreement».
Dans les années 70, vu les relations économiques et commerciales essentiellement avec l’Europe, plus particulièrement avec la France, il y avait un blocage dans l’importation et la distribution des véhicules japonais sur le marché tunisien, le gouvernement tunisien de l’époque refusait cela.
Mais Béchir Salem Belkhiria était quelqu’un qui débordait d’idées, alors il trouva une première solution, laquelle consistait à vendre en hors-taxe (HT) des voitures aux diplomates accrédités en Tunisie, aux sociétés offshore et aux Tunisiens résidents à l’étranger. Si vous voulez, en ce temps, il s’agit d’une idée innovante. Et mieux, il avait obtenu une autorisation de la Banque centrale de Tunisie pour pouvoir vendre les voitures en devises étrangères. C’était quelque chose d’extraordinaire dans les années 70 et 80.
Ceci pour vous dire que c’est petit à petit que la marque Toyota a commencé à se développer en Tunisie.
Après le décès de Béchir Salem Belkhiria en 1985, nous ses neveux avons continué à gérer la société qu’il a fondée et tenter de relever ce qu’était son slogan, «le défi permanent»… En fait, pour lui, il fallait s’inspirer voire imiter les pays du Sud-est asiatique (Corée du Sud, Taiwan, Singapour, Malaisie…).
Pour revenir à Toyota, nous avons signé le premier contrat de représentation de la marque en Tunisie en 1988. C’était la période où le gouvernement a voulu encourager le tourisme saharien. Les agences de voyage avaient besoin de véhicules 4×4, car auparavant elles n’utilisaient que les Land Rover. C’était suite à un appel d’offres lancé par le ministère du Commerce que la société BSB avait remporté. Et nous avons pu importer 250 unités de Land Cruiser.
Ce fut le vrai démarrage de la marque Toyota en Tunisie. Sauf qu’on était limité à l’importation des 4×4, des véhicules utilitaires pour tout ce qui est appel d’offres ou agences de voyage. Autrement dit, on n’avait pas le droit d’importer des voitures particulières, pour la simple raison que tout ce qui concerne la distribution de voitures particulières était contrôlé par l’Etat et les proches de l’ancien président de la République.
Cette situation dura jusqu’en 2012, pour pouvoir obtenir enfin l’autorisation d’importation et de vente de voitures particulières, ce qui a permis à la marque Toyota de se développer sur le marché tunisien.
« Pour Béchir Salem Belkhiria, l’Asie représentait un futur économique prometteur et la Tunisie devait nouer des relations commerciales structurées avec le Japon et la Corée du Sud. »
La marque Toyota est dans le top 10 des marques, en nombre d’immatriculations en Tunisie. C’est quand même une grande responsabilité quant à la gestion de la relation client, l’animation du réseau…
Vous avez parfaitement raison. Mais pour tout ce qui est qualité, Toyota, en tant que marque automobile, est la référence mondiale dans le système Kaizen ; système qui a été développé par Toyota Motor Corporation et qui est devenu un système de gestion de qualité et de performance.
Il y a le Kaizen pour tout ce qui est qualité et relation avec le client/optimisation, mais également le Toyota Production System. Donc, la gestion de la qualité est dans le gène de Toyota.
Il est très important d’assurer le service après-vente en plaçant le client comme priorité. En clair, il est bon d’acheter un produit de qualité, mais encore mieux d’avoir un service qui suit derrière. Et c’est cela notre priorité absolue, parce nous sommes convaincus qu’un client satisfait c’est une assurance pour l’avenir de la marque..
A part cela, le SAV détermine en grande partie l’avenir de la société, étant donné qu’il constitue un service générateur de revenus. Et c’est très important dans un marché de plus en plus concurrentiel et exigeant. On n’est plus au moment où le client devait attendre des mois voire des années pour avoir sa voiture, ce sont les concessionnaires qui vont maintenant vers les clients.
AGYA populaire est parmi les voitures les moins chères de cette catégorie, une success story sur le marché…
Votre question est pertinente. En fait, le marché tunisien de l’automobile en particulier et mondial en général est devenu tellement concurrentiel que les constructeurs sont obligés de s’adapter pour satisfaire les clients, en proposant des modèles qui répondent à leurs demandes, à leur goût, en termes de qualité et de prix. C’est l’objectif principal.
Dans cette optique, Toyota, en tant que numéro 1 mondial dans le secteur de l’automobile, et puis dans sa stratégie de développement, est en train de produire un modèle qui répond à cette demande. Et on sait que le marché tunisien, davantage que les autres, est un marché avec un pouvoir d’achat limité.
C’est en tenant compte de tous ces facteurs que Toyota a développé le modèle AGYA qui propose un excellent rapport qualité/prix tout en gardant la qualité Toyota, parce qu’on ne peut pas sacrifier la qualité juste pour pouvoir vendre.
Nous espérons que l’arrivée de ce modèle sur le marché tunisien dans les conditions actuelles pourrait permettre à BSB Toyota Tunisie d’augmenter ses parts de marché.
C’est un modèle qui a bien réussi jusqu’à présent. En plus, on l’a en deux versions : “voiture populaire“ et qui est l’une des moins chères sur le marché, et on l’a dans une version 5 CV (en boite manuelle et boîte automatique) à des prix très compétitifs également (39.000 dinars la boîte manuelle, et 42.000 dinars la boîte automatique).
« Le véritable décollage de Toyota en Tunisie commence avec l’importation de 250 Land Cruiser, à la faveur d’un appel d’offres lié au développement du tourisme saharien. »
Toyota fait partie des marques les plus échangées sur le marché de l’occasion. L’activité reprise-vente de voitures d’occasion est-elle dans votre stratégie de développement ?
Tout à fait. Cela rentre dans notre politique et stratégie de développement. D’ailleurs, nous sommes en train de préparer la structure de l’établissement qui va accueillir l’activité reprise-vente de voitures d’occasion Toyota. Nous prenons cette activité très au sérieux, car il s’agit d’un excellent moyen non seulement de vendre plus de voitures mais aussi et surtout de satisfaire les clients et faciliter le processus d’achat. Nous lui proposons de reprendre sa voiture Toyota et de lui en revendre une neuve. Ça aussi c’est un argument de vente supplémentaire qui va nous permettre d’optimiser nos ventes de voitures.
Cependant, il y a un problème actuellement, comme je l’ai dit plus haut, nous avons déjà commencé à vendre des voitures particulières il y a huit ans, autrement dit, nous avions déjà anticipé le mouvement. Or, la durée moyenne pour la revente de sa voiture pour le Tunisien est de 10 ans (y en a qui le font 5-7 ans, d’autres à 12-13 ans). Donc, nos véhicules sur les routes sont relativement neufs, et il n’y en a pas beaucoup sur le marché. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les sites de vente de véhicules d’occasion, dès qu’une voiture Toyota est proposée, elle trouve tout de suite preneur.
Cela n’empêche, la vente d’occasion figure bel et bien dans notre démarche ; et d’ici l’année prochaine, la structure dédiée sera prête, parce que cela rentre dans notre programme d’investissement, en collaboration avec la maison mère au Japon pour encourager les clients à venir acheter les nouveaux véhicules Toyota.
Toyota a été le premier constructeur à développer la voiture hybride dans le monde. En Tunisie le groupe BSB est le premier concessionnaire à se lancer dans la vente des modèles hybrides. Quels sont les avantages de ce type de motorisation et les contraintes qui freinent le développement des voitures propres ?
Pour les avantages, je dois vous avouer que nous avons été très agréablement surpris de constater que le Tunisien s’intéressait à ce genre de véhicule, car en ramenant cette voiture, on n’était pas très optimiste. Raison pour laquelle nous avions misé sur 10 unités par mois, ce qui devait faire 100 unités par an. Eh ben, il s’est avéré qu’au cours de la première année de lancement, on avait dépassé les 200 unités.
L’avantage de la Toyota hybride, c’est son histoire, cela fait plus de 20 ans que Toyota développe la technologie hybride, ce qui en fait le numéro 1 dans le monde.
L’avantage de l’hybride vient du fait qu’il est équipé de deux moteurs : un moteur thermique avec essence normale, et un moteur électrique qui est alimenté par une batterie.
« J’ai proposé la création d’une zone franche de véhicules en Tunisie pour servir la Libye, l’Algérie et l’Afrique subsaharienne, mais nous faisons face à des blocages, à des autorisations et des interdictions successives. »
Quand vous êtes au centre-ville avec une moyenne de vitesse qui ne dépasse pas les 50-60 Km/h à cause des embouteillages, c’est le moteur électrique qui fonctionne, autrement dit, vous ne consommez pas de carburant. Et quand vous dépassez les 60 Km/h, c’est le moteur à essence qui prend le relais. Mais pas que cela, car en même temps il recharge la batterie électrique. Il y a également le système de freinage, quand vous freinez, ça crée de l’énergie laquelle recharge la batterie. Du coup, nous avons un gain en carburant impressionnant, de l’ordre de plus de 50%.
Pour autant, nous avons un problème au niveau de la taxation des véhicules. Prenons l’exemple d’une RAV4 que nous proposons en deux versions ; la version normale (essence) est équipée d’un moteur de 2 L. Si on prend une RAV4 hybride, elle est équipée de deux moteurs : un moteur à essence de 2,5 L et un moteur électrique. Mais comme en Tunisie la taxation des véhicules se fait sur la base de leur cylindré, la taxation augmente sensiblement pour le 2,5 L. Donc, même avec l’encouragement de l’Etat de réduire de 30% les droits et taxes sur l’hybride, la RAV4 hybride reste relativement chère.
Et pourquoi l’hybride a un moteur de 2,5 L ? C’est parce que, comme il est équipé de deux moteurs, le poids de la voiture est plus important, donc on a besoin d’un moteur à essence plus puissant pour supporter tout ça. Voilà donc le handicap majeur : la taxation.
A titre de comparaison, au Maroc la voiture hybride, petite ou grande, est taxée à 2,5% de droits de douane. En Tunisie, nous avons essayé de convaincre le ministère des Finances de réduire les droits de douane, en vain ; ils veulent tirer le maximum de droits de douane avec l’importation de véhicules. Pour eux, c’est une équation : combien de millions de dinars ils collectent chaque année en droits de douane avec l’importation de véhicules : en année normale, ils récoltent par exemple 100 MDT parce que c’est ce qui est prévu dans le budget de l’Etat, avec l’hybride ils descendent à 60-70 MDT peut-être. Malheureusement, c’est un mauvais calcul, car la différence ils la gagneraient dans le carburant qui est importé et subventionné.
Il y a aussi la voiture électrique. Nous avons chez Toyota l’avantage de posséder la voiture hybride qui ne nécessite pas d’infrastructure particulière (une borne, une prise, etc.). Mais nous avons aussi le véhicule Toyota 100% électrique. Malheureusement, ce genre de véhicule nécessite une infrastructure dédiée, des investissements énormes, des installations gigantesques, et le pays n’a pas les moyens pour cela actuellement. De ce fait, les concessionnaires, y compris Toyota, doivent attendre. Sans oublier que l’électricité elle-même coûte très cher en Tunisie.
« La gestion de la qualité est dans le gène de Toyota, avec le Kaizen et le Toyota Production System ; le service après-vente est devenu notre priorité absolue. »
Compte tenu de ce qui précède, comment voyez-vous le secteur automobile en Tunisie, dans 10-15 ans ?
Je dirais tout d’abord que la Tunisie et Cuba restent peut-être les seuls marchés au monde qui contrôlent l’importation de véhicules, en utilisant le système de quotas, c’est-à-dire que l’Etat fixe le volume annuel d’importation pour l’ensemble des concessionnaires. Cela n’a plus de sens. Il faut ajouter que la taxation des véhicules est l’une des plus élevées au monde. A part la voiture dite « populaire », la voiture 5 CV normale entrée de gamme subit plus de 50% de droits et taxes (TVA, droits de consommation, etc.). Les concessionnaires sont également les plus taxés au monde (ils payent un impôt de 35% comme les banques).
Autrement dit, le développement du secteur de l’automobile se heurte à beaucoup d’obstacles : quota, limitation des volumes – du coup on ne laisse pas le client choisir ce qu’il veut… Pour qu’il y ait des investissements dans l’après-vente, l’amélioration de la qualité de service, l’emploi pour le développement du réseau à travers tout le pays, il est indispensable de libéraliser le marché.
La Tunisie est un petit pays par sa géographie et sa population, mais nous avons la Libye à côté qui est un marché très important qui n’a pas de concessionnaires mais qui importe des milliers de véhicules, essentiellement d’Europe et des pays du Golfe. C’est un pays qui a des frontières avec l’Afrique subsaharienne (Niger, Tchad essentiellement). Nous avons également l’Algérie qui a d’énormes problèmes en matière d’importation de véhicules neufs…
Estimant qu’il s’agit là des réelles opportunités pour la Tunisie, j’ai proposé la création «d’une zone franche de véhicules en Tunisie » (l’exemple de Dubaï), étant donné que nous avons le port et des terrains qui vont avec, chaque marque pourrait louer un espace dans cette zone franche, sans payer des droits et taxes, mettre leurs véhicules dans leurs entrepôts et promouvoir leurs ventes en Algérie, Libye, pays d’Afrique subsaharienne, etc.
Au lieu de cela, on crée toutes sortes de blocages, avec des demandes d’autorisation, interdiction d’exportation et d’importation de et vers la Libye et l’Algérie, risque de trafic de devises par-ci, risque d’autre chose par-là, etc.
A Dubaï, en deux heures de temps, vous avez tous les papiers nécessaires pour l’exportation de votre véhicule. A méditer.
Propos recueillis par Tallal BAHOURY
EN BREF
Moez Belkhiria revient sur la vision de son oncle, Béchir Salem Belkhiria, qui a ouvert la Tunisie aux marques japonaises Sharp puis Toyota.
Il décrit le développement progressif de Toyota, des 4×4 pour le tourisme saharien jusqu’aux voitures particulières et aux modèles hybrides.
Il souligne l’importance du service après-vente, de la qualité et de l’hybride sur un marché au pouvoir d’achat limité.
Il critique la fiscalité et le système de quotas, qu’il juge pénalisants.
Il défend l’idée d’une zone franche automobile pour faire de la Tunisie une plateforme régionale.
(Interview publiée dans le Hors-Série Automobile de Septembre 2021)
Le Parlement a adopté, hier soir à Tunis, l’augmentation des salaires et des pensions de retraite dans les secteurs public et privé pour les années 2026, 2027 et 2028. Cette décision s’inscrit dans le cadre de l’article 15 du projet de loi de finances 2026. Les majorations seront fixées par décret, une fois les modalités arrêtées par le gouvernement.
Un allégement fiscal approuvé malgré l’opposition du ministère
Les députés ont également validé la réduction progressive de la charge fiscale sur les pensions de retraite à travers l’adoption de l’article 56. Cette mesure a été approuvée malgré l’objection de la ministre des Finances, Mechket Slama Khaldi. Elle a rappelé que 56% des retraités percevant moins de 5.000 dinars de revenu annuel imposable bénéficient déjà d’une exonération totale de l’impôt sur le revenu et de la contribution sociale solidaire. Ce taux atteint 70 % dans le secteur privé et près de 18 % dans le secteur public.
Des impacts budgétaires jugés lourds
La ministre a averti que la modification adoptée aura un impact considérable sur les finances publiques, non seulement en 2026 mais également jusqu’en 2028. Les ressources fiscales concernées sont intégrées dans les projections budgétaires à moyen terme ainsi que dans celles des caisses. Elle a souligné que la réduction de l’impôt entraînera une hausse mécanique des pensions, ce qui obligera les caisses sociales à mobiliser des montants supplémentaires.
Selon la ministre, le mécanisme de réduction retenu accentue les déséquilibres dans la répartition de l’impôt. Plus la pension est élevée, plus la réduction d’impôt est importante, ce qui va, selon elle, à l’encontre des principes d’équité fiscale et sociale. Ce point a nourri un débat marqué sur l’impact réel de la mesure, notamment dans un contexte de pression budgétaire et de fragilité des caisses sociales.
Près de 1,3 million de retraités concernés
La Tunisie compte environ un million 278 mille retraités, répartis entre le secteur public (34,9 %) et le secteur privé (65,1 %). L’ensemble des mesures adoptées dans le cadre du budget 2026 aura donc des répercussions directes sur une large part de cette population, entre revalorisation des pensions et évolution de leur fiscalité.
CHIFFRES CLÉS
2026-2028 — Les augmentations salariales et des pensions s’étalent sur trois ans et seront précisées par décret, marquant un engagement pluriannuel.
56 % — Plus de la moitié des retraités disposent déjà d’une exonération totale, rappelée par la ministre pour contextualiser le débat fiscal.
1 278 000 — Le volume de retraités concernés renforce l’enjeu budgétaire des mesures nouvellement adoptées.
34,9 % / 65,1 % — La majorité des retraités relève du privé, un facteur structurant pour l’impact des réformes.
L’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) et le Conseil National des Régions et des Districts (CNRD) vont discuter, vendredi, en plénière, le Projet de Loi de Finances (PLF) 2026.
Le projet, déjà approuvé sous sa forme amendée par les Commissions des Finances et du Budget de l’ARP et du CNRD, a été examiné du 11 au 25 novembre 2025. Cet examen a conduit à l’intégration de sept nouvelles propositions d’articles dans le texte soumis par le gouvernement.
Mesures fiscales pour familles et retraités
La première mesure concerne l’octroi d’un avantage fiscal à l’acquisition ou l’importation de véhicules pour les familles résidentes. L’avantage est unique à vie et s’applique aux voitures neuves ou d’occasion de moins de huit ans.
Le deuxième article propose un allègement progressif de la fiscalité sur les pensions de retraite, en portant la déduction du montant brut imposable de 25 % à 40 % d’ici 2029, afin de préserver le pouvoir d’achat des retraités.
Emploi et soutien aux jeunes diplômés
La troisième proposition instaure un Programme de recrutement direct des chômeurs de longue durée parmi les diplômés du supérieur, avec des crédits budgétaires alloués pour la première vague en 2026. La mise en œuvre se fera par décret publié au Journal officiel.
Soutien aux agriculteurs et environnement
Le quatrième article prévoit l’exonération de la redevance foncière et des pénalités pour les agriculteurs touchés par la sécheresse ou la pénurie d’eau, sous condition de certificat délivré par les commissariats régionaux. L’exonération s’applique également aux renouvellements ou prolongations de contrats.
Le cinquième article harmonise la taxe pour la protection de l’environnement, en appliquant une taxation égale aux produits locaux et importés, avec l’ajout de nouvelles catégories à l’article 58 de la loi de finances de 2003.
Culture et secteur audiovisuel
Le sixième article prévoit la création d’un Fonds d’appui à l’investissement dans le cinéma et l’audiovisuel, afin de soutenir le développement de ce secteur.
Rééchelonnement des dettes agricoles
Le septième article instaure des mesures de règlement et de rééchelonnement des dettes agricoles. Les banques publiques et privées devront rééchelonner les dettes de catégorie 2 et plus sur 10 ans avec un an de grâce, supprimer les pénalités de retard et annuler 50 % des intérêts contractuels. Les dettes classées en catégories 4 et 5 seront remboursables sur un an, renouvelable une fois. La Banque centrale définira les modalités d’application sous 30 jours, en fixant des modèles types de contrats.
À partir de ce samedi 1er novembre 2025, certaines catégories de commerces seront tenues d’utiliser des caisses enregistreuses agréées, a annoncé la Direction générale des impôts (DGI). La mesure, encadrée par un arrêté publié le 14 octobre au Journal officiel (JORT n°125), marque le début d’un dispositif national de traçabilité numérique des ventes.
Première phase du déploiement
Cette première étape concerne les personnes morales exploitant des restaurants touristiques classés, des salons de thé et des cafés de deuxième et troisième catégories.
Les appareils utilisés devront être conformes au cahier des charges établi par la DGI et fournis exclusivement par des prestataires agréés, dont la liste est disponible sur la plateforme jibaya.tn. Les données de vente seront transmises en temps réel à une plateforme centrale conçue par le Centre informatique du ministère des Finances (CIMF).
Un calendrier progressif jusqu’en 2028
Le déploiement s’étalera sur quatre phases :
1er novembre 2025 : premières entreprises concernées (restaurants touristiques, salons de thé, cafés 2e et 3e catégories).
1er juillet 2026 : extension à toutes les personnes morales offrant des services de consommation sur place.
1er juillet 2027 : inclusion des personnes physiques soumises au régime réel avec déclaration mensuelle.
1er juillet 2028 : généralisation à toutes les autres personnes physiques concernées.
Objectif : transparence et équité fiscale
Selon Sofiene Khorchani, analyste central à la DGI, cette réforme vise à lutter contre la fraude fiscale et à renforcer l’équité entre contribuables. Entièrement dématérialisé, le processus d’adhésion permet aux exploitants de contacter directement les fournisseurs agréés pour installer ou adapter leurs équipements.
Fruit d’un travail amorcé il y a plus de cinq ans, ce système se veut un levier de transparence, de fiabilité et de sécurité pour les recettes fiscales.
Le marché automobile tunisien affiche une nette reprise, mais les consommateurs restent lourdement pénalisés par une fiscalité parmi les plus élevées du monde. Selon Anouar Ben Ammar, directeur général d’une agence de vente automobile, jusqu’à 50% du prix d’un véhicule neuf correspond aux taxes et impôts imposés par l’État.
Invité de l’émission Midi Eco ce jeudi, Ben Ammar a indiqué que près de 70 000 véhicules ont été immatriculés en Tunisie à la fin septembre 2025 — dont 47 300 voitures neuves et 22 000 réenregistrements. Ces chiffres marquent une hausse notable par rapport à 2024, où seulement 57 000 véhicules avaient été enregistrés à la même période.
Cette progression reflète, selon lui, une demande soutenue malgré la flambée des prix et la complexité du régime fiscal appliqué au secteur automobile.
Un fardeau fiscal qui pèse sur les acheteurs
Ben Ammar a détaillé la composition du prix d’un véhicule en Tunisie : « La moitié du montant payé par le client correspond à des taxes », a-t-il affirmé, citant notamment le droit de consommation, la TVA et l’impôt sur les sociétés.
« Pour une voiture coûtant 100 000 dinars, au moins 50 000 dinars vont directement au fisc ».
Cette pression fiscale, jugée « excessive » par les professionnels, freine l’accès à la voiture neuve et alimente le marché parallèle et les importations d’occasion.
Le régime FCR, une brèche qui inquiète les concessionnaires
Le responsable a également tiré la sonnette d’alarme face à la hausse des importations de véhicules d’occasion sous le régime FCR (Franchise douanière pour les Tunisiens résidant à l’étranger).
Ces voitures, a-t-il rappelé, ne sont pas soumises aux mêmes conditions fiscales ni réglementaires que celles vendues localement, ce qui crée une distorsion de concurrence au détriment des concessionnaires tunisiens.
Trois jours après la publication de l’arrêté ministériel officialisant l’obligation d’utiliser des caisses enregistreuses pour les activités de consommation sur place, le ministère des Finances a franchi une nouvelle étape en lançant, vendredi 17 octobre, un système d’information national et une plateforme virtuelle destinés aux fournisseurs de ces équipements.
Cette double annonce marque le début concret de la réforme de la facturation électronique en Tunisie, prévue pour entrer progressivement en vigueur à partir du 1er novembre 2025.
Un cadre légal désormais opérationnel
L’arrêté ministériel du 14 octobre 2025, publié au Journal officiel de la République tunisienne, a défini pour la première fois les secteurs concernés par l’usage obligatoire des caisses enregistreuses connectées : restaurants, cafés, salons de thé, pâtisseries et autres établissements de consommation sur place.
Ce texte fixe également un calendrier progressif d’application :
Dès le 1er novembre 2025, l’obligation s’imposera aux établissements à fort volume d’activité, notamment les restaurants touristiques, les cafés de 2ᵉ et 3ᵉ catégories et les salons de thé.
Entre 2026 et 2028, la mesure sera élargie par étapes à d’autres secteurs, tels que les snacks, boulangeries et commerces assimilés.
Cette réforme, inscrite dans la stratégie de modernisation du système fiscal, vise à renforcer la traçabilité des transactions commerciales, lutter contre l’économie informelle et assurer une perception plus équitable de la TVA et de l’impôt sur les bénéfices.
Une plateforme numérique pour les fournisseurs
Afin d’assurer une mise en œuvre fluide de la réforme, le ministère des Finances a annoncé la création d’un système d’information centralisé et d’un espace virtuel sécurisé accessible via https://homologation.nacef.tn.
Ce portail, conçu pour les fournisseurs et fabricants de caisses enregistreuses, permet :
de consulter et télécharger le cahier des charges techniques et fonctionnelles,
d’accéder au manuel des procédures pour adapter les logiciels aux normes fiscales,
d’effectuer des tests d’intégration avec le système central du ministère,
et de déposer en ligne les demandes d’accréditation nécessaires avant la commercialisation des équipements.
Les fournisseurs peuvent également y vérifier la sécurité, la compatibilité et la fiabilité du transfert des données vers la plateforme centrale, garantissant ainsi la conformité des caisses enregistreuses avec les exigences techniques nationales.
Un outil de transparence et de modernisation fiscale
Derrière cette réforme technologique se dessine un objectif plus large : la numérisation du contrôle fiscal. Grâce à ces caisses connectées, les données des ventes (tickets, montants, TVA, total journalier) seront automatiquement transmises au système central du ministère, ce qui permettra :
une surveillance en temps réel des flux commerciaux,
une réduction significative de la fraude et de l’économie parallèle,
et une simplification des obligations comptables pour les entreprises en règle.
Le ministère insiste sur le fait que ce dispositif n’a pas vocation à alourdir les démarches, mais à instaurer un climat de confiance et de transparence entre l’administration et les contribuables.
La Direction générale des impôts assure que la transition sera graduelle et accompagnée, avec des campagnes d’information et des sessions d’assistance technique prévues au profit des commerçants et fournisseurs.
Pour les entreprises souhaitant devenir fournisseurs agréés, les inscriptions sont désormais ouvertes sur le portail officiel. Le Centre d’information fiscale à distance (tél. : 81 100 400) reste disponible pour tout renseignement complémentaire.
Ce calendrier progressif doit permettre au marché de s’adapter, aux fournisseurs d’obtenir leur homologation à temps et aux établissements concernés de s’équiper de matériels certifiés avant les échéances légales.
La Fédération tunisienne des artisans et des petites et moyennes entreprises a lancé un appel urgent à la présidence de la République et au ministère des Finances pour mettre fin aux procès-verbaux fiscaux à caractère pénal dressés contre des sociétés traversant de graves difficultés financières.
Selon la Fédération, l’article 92 du Code des droits et procédures fiscaux prévoit des peines de prison et des amendes pour défaut de paiement des impôts dus. Toutefois, son application suppose la preuve d’une intention délibérée, comme stipulé à l’article 37 du Code pénal. Or, dans la pratique, des procès-verbaux seraient établis contre des entreprises en détresse économique, sans démonstration de ce caractère intentionnel. Une situation qualifiée de « harcèlement injustifié » mettant en péril l’investissement et la pérennité du tissu économique.
Le communiqué rappelle que ces pratiques se sont poursuivies même en 2021, en pleine pandémie de Covid-19, alors que le gouvernement appelait à soutenir les entreprises et préserver les emplois. La Fédération parle d’une « politique dangereuse » visant à « briser les entrepreneurs et les pousser vers la faillite ou l’exil économique ».
Elle dénonce également les poursuites engagées contre des sociétés ayant adhéré à l’amnistie fiscale, les jugeant contraires à l’article 74 du même code. D’où son appel à l’ouverture d’une enquête urgente, à l’annulation des procès-verbaux litigieux et à la mise en place d’un mécanisme permettant aux entreprises en difficulté de déposer leurs déclarations fiscales et sociales en reconnaissance de dette, plutôt que de les accabler de pénalités jugées « mortelles ».
Enfin, les signataires du communiqué exhortent l’État à concentrer ses efforts sur la lutte contre la contrebande et l’évasion fiscale, au lieu d’« étrangler » des entreprises légalement constituées qui évoluent déjà dans un environnement d’affaires dégradé et sous une pression fiscale qualifiée d’« injuste ».