LâAccord dâAssociation Tunisie-Union EuropĂ©enne : Bilan et Perspectives dâun Partenariat ControversĂ©

Le 17 juillet 2025 marquera le 30Ăšme anniversaire de lâaccord dâAssociation entre la Tunisie et lâUnion europĂ©enne (UE), conclu en 1995. Bien que le texte initial prĂ©voyait une Ă©valuation et une rĂ©vision tous les vingt ans, aucune Ă©tude objective nâa Ă©tĂ© menĂ©e Ă ce jour pour en mesurer lâatteinte des objectifs.
Un Retard Ăloquent dans lâĂvaluation
Tout porte Ă croire que les responsables europĂ©ens et leurs homologues tunisiens, pour la plupart, ne sont guĂšre pressĂ©s dâengager cette Ă©valuation. Ă dĂ©faut de stabilitĂ© politique, ils ont habilement exploitĂ© les crises traversĂ©es par la Tunisie pour repousser sine die lâouverture de ce dossier, ce qui semble servir leurs intĂ©rĂȘts et leur confort.
JusquâĂ prĂ©sent, les deux partenaires nâont pas officiellement annoncĂ© le dĂ©but des nĂ©gociations pour la rĂ©novation de lâaccord. Cependant, de rĂ©centes dĂ©clarations de diplomates tunisiens et europĂ©ens esquissent dĂ©jĂ les axes dâun futur partenariat.
Une Perception NĂ©gative de lâOpinion Publique Tunisienne
Lâopinion publique tunisienne perçoit trĂšs nĂ©gativement cet accord dâAssociation, et ce, pour plusieurs raisons. Nous nous empressons de les signaler en attendant dâanalyser la portĂ©e du contenu des dĂ©clarations des diplomates dans un prochain article.
Un Accord Conclu sans Concertation
La premiÚre raison est que cet accord, entré en application le 1er mars 2008, a été conclu unilatéralement par le gouvernement Ben Ali, sans aucune concertation avec les partenaires sociaux. Il en a résulté la disparition de nombreuses filiÚres industrielles locales non compétitives, exacerbant ainsi le chÎmage, le travail précaire et la sous-traitance.
Comble du mĂ©pris de la part du gouvernement Ben Ali envers les Tunisiens, il nâa jamais exigĂ© des EuropĂ©ens la traduction en arabe, langue officielle de la Tunisie, du document de cet accord, pourtant traduit dans les langues des 27 pays membres de lâUnion EuropĂ©enne.
Une Asymétrie Criante
La deuxiĂšme raison rĂ©side dans lâasymĂ©trie flagrante de cet accord, qui servait manifestement davantage les intĂ©rĂȘts europĂ©ens que ceux des Tunisiens. Forts dâune industrie florissante et excĂ©dentaire, les EuropĂ©ens peuvent, sous le parapluie de cet accord, exporter tous leurs produits manufacturĂ©s vers la Tunisie, alors que la Tunisie, pays sous-industrialisĂ©, ne peut le faire ni en quantitĂ© ni en qualitĂ©.
MĂȘme lâavantage accordĂ© Ă la Tunisie, lui permettant dâĂ©couler annuellement environ 57000 tonnes dâhuile dâolive en franchise de douane, profite davantage aux EuropĂ©ens quâaux Tunisiens. La raison est simple : exportĂ©e gĂ©nĂ©ralement en vrac, câest-Ă -dire sans valeur ajoutĂ©e et Ă trĂšs bas prix, lâhuile dâolive tunisienne est utilisĂ©e pour rĂ©gulariser la production europĂ©enne, particuliĂšrement en pĂ©riode de baisse de production, la production dâhuile dâolive Ă©tant par essence irrĂ©guliĂšre et intermittente.
Un Impact NĂ©gatif sur la Croissance et lâExclusion de la Libre Circulation des Personnes
La troisiĂšme raison concerne lâimpact nĂ©gatif sur la croissance en Tunisie. La suppression des droits de douane, due Ă cet accord, sur les produits europĂ©ens exportĂ©s en Tunisie, sâest traduite annuellement par un manque Ă gagner de 2 points de croissance pour la Tunisie.
La quatriĂšme raison, la plus grave Ă notre avis, est lâexclusion de la libre circulation des personnes de cet accord qui se prĂ©tend pourtant un accord de libre-Ă©change. Il nâest pas nĂ©cessaire de rappeler quâun accord de libre-Ă©change prĂ©voit lâinstauration concomitante de trois libertĂ©s :
- la libre circulation des biens et services,
- la libre circulation des capitaux et
- la libre circulation des personnes.
Plus grave encore, lâĂ©conomie tunisienne aurait pu pĂątir davantage de cet accord, nâeussent Ă©tĂ© les Ă©meutes du « 17 dĂ©cembre 2010 â 14 janvier 2011 » et leur corollaire, lâinstauration de la libertĂ© dâexpression.
Cette libertĂ© a permis aux Tunisiens de dĂ©noncer la dissymĂ©trie de cet accord de libre-Ă©change des produits manufacturĂ©s et surtout de mener une campagne fĂ©roce pour tuer dans lâĆuf un autre accord complĂ©mentaire, lâAccord de libre-Ă©change complet et approfondi Tunisie-UE (ALECA). Cet accord prĂ©voyait une libĂ©ralisation des Ă©changes des produits agricoles et des services.
Les EuropĂ©ens ont tentĂ© par tous les moyens de relancer lâALECA avant de perdre tout espoir, vers 2020, avec lâaccession Ă la magistrature suprĂȘme dâun prĂ©sident populiste et souverainiste, en lâoccurrence Kais Saied.
La NĂ©cessitĂ© dâune Convergence des Valeurs pour un Nouveau Partenariat
Il leur sera encore plus difficile de nĂ©gocier un nouvel accord dâAssociation avec les mĂȘmes conditions quâen 1995, en raison de la crise de confiance qui existe dĂ©sormais entre les deux partenaires.
Les Tunisiens nâont plus confiance en lâUnion europĂ©enne. Lâappui inconditionnel quâelle a apportĂ© aux gĂ©nocidaires sionistes Ă Gaza lâa beaucoup dĂ©crĂ©dibilisĂ©e auprĂšs des Tunisiens.
Ils estiment que tout nouveau partenariat doit dâabord passer par une convergence de valeurs, incluant le respect des droits humains et du droit international. Malheureusement, ce nâest pas le cas aujourdâhui avec lâUnion europĂ©enne.
Ă bon entendeur.
Abou SARRA
Indicateurs Clés
- 30 ans : Anniversaire de lâaccord dâAssociation Tunisie-UE en 2025.
- 10 ans de retard : DĂ©lai dâĂ©valuation de lâaccord par rapport Ă la clause de rĂ©vision (tous les 20 ans).
- 57 000 tonnes : QuantitĂ© annuelle dâhuile dâolive tunisienne pouvant ĂȘtre Ă©coulĂ©e en franchise de douane vers lâUE.
- 2 points de croissance : Manque à gagner annuel pour la Tunisie suite à la suppression des droits de douane sur les produits européens.
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