La Commission européenne a lancé, mercredi, un réseau regroupant les différents acteurs du secteur de la cybersécurité, qui aura pour but de combler le déficit de compétences dans les 27 États membres.
Un rapport de prospective, publié par l’ENISA, l’Agence de l’UE pour la cybersécurité, avait en effet pointé le déficit de compétences en matière de cybersécurité, alertant sur cette ‘’menace majeure’’ pour le fonctionnement des réseaux et des systèmes d’information, ainsi que pour le marché unique dans son ensemble.
Le nouveau réseau lancé par la CE, intitulé ‘’Industry-Academia Network’’, tend ainsi à ‘’développer les liens entre l’industrie et le monde universitaire, afin de renforcer les compétences en matière de cybersécurité et de préparer la main-d’œuvre européenne du cyberespace à l’évolution rapide des demandes de l’industrie’’.
‘’La cybersécurité est une priorité essentielle pour l’UE, et il est essentiel de combler le déficit de compétences pour faire en sorte que notre économie numérique reste sûre et compétitive’’, a commenté Henna Virkkunen, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la souveraineté technologique, de la sécurité et de la démocratie.
Elle a lancé, à cet égard, un appel à toutes les parties prenantes concernées pour rejoindre le réseau Industry-Academia Network et contribuer à la mise en place d’un ‘’écosystème solide’’, qui réponde aux besoins du marché du travail dans le domaine de la cybersécurité et soutienne la croissance d’une main-d’œuvre européenne hautement qualifiée.
Selon la Commission, le réseau comprendra des membres de l’Académie européenne des compétences en matière de cybersécurité, d’établissements d’enseignement supérieur, d’alliances universitaires européennes et de prestataires d’enseignement et de formation professionnels (EFP).
Ils se concentreront sur l’alignement des besoins du marché du travail dans le domaine de la cybersécurité sur les programmes universitaires et de formation adaptés aux besoins actuels et émergents de la main-d’œuvre. Des partenariats concrets devraient émerger, notamment des programmes communs, des programmes de mentorat, des apprentissages et d’autres initiatives.
Le 1er décembre 2024, le député Fakhreddine Fadhloun a annoncé le retrait officiel de l’initiative parlementaire visant à lutter contre la migration des compétences tunisiennes. Cette décision fait suite à la polémique qui a secoué la scène politique et sociale du pays.
L’initiative parlementaire, qui avait pour objectif de contrer la fuite des cerveaux, proposait notamment le remboursement d’une partie des dépenses publiques engagées pour la formation des médecins et des ingénieurs ayant quitté la Tunisie pour travailler à l’étranger. Cette proposition a rapidement enflammé le débat public, suscitant de vives critiques de la part de plusieurs secteurs de la société.
Critiques et réactions
De nombreux experts ont dénoncé cette initiative comme étant inconstitutionnelle et contraire aux principes fondamentaux du droit. Ils ont estimé que le remboursement des dépenses de l’État sur des formations universitaires ne ferait qu’aggraver la situation, et qu’une telle démarche risquait de nuire à l’avenir des jeunes Tunisiens. Ces derniers ont également pointé du doigt le manque de vision stratégique derrière cette proposition, qui, selon eux, n’aurait fait qu’exacerber les tensions sociales sans apporter de solutions concrètes.
Le retrait officiel
Face à l’ampleur de la polémique, le retrait de l’initiative a été officialisé, marquant la fin d’un projet législatif qui n’a pas réussi à trouver un consensus, ni parmi les élus ni au sein de l’opinion publique.
L’initiative parlementaire portant sur la fuite des compétences, particulièrement celle des ingénieurs, est anticonstitutionnelle. C’est ce qu’affirme le président de l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT), Kamel Sahnoun.
Le 26 novembre 2024, Kamel Sahnoun, président de l’Ordre des ingénieurs tunisiens (OIT), a exprimé son désaveu concernant une initiative parlementaire portant sur la fuite des compétences, en particulier celle des ingénieurs. Il estime que cette proposition est anticonstitutionnelle et ne mérite pas le soutien de l’OIT.
Un scepticisme partagé au sein de l’ARP
D’après les informations dont dispose M. Sahnoun, les députés de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) seraient majoritairement pessimistes quant à l’adoption de cette loi. Le président de l’OIT a ajouté qu’il doute que le président de la République signe un tel texte qu’il considère comme incompatible avec la Constitution.
Un projet contre la jeunesse tunisienne
Lors de son intervention dans l’émission Sbeh Ennes, Kamel Sahnoun a qualifié cette initiative de démarche « contre la jeunesse tunisienne » et lui a reproché de manquer de vision stratégique. Il a également critiqué le projet, le qualifiant de tentative de créer un buzz médiatique sans réel fondement.
Les recommandations de l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES)
Kamel Sahnoun a rappelé que l’Institut tunisien des études stratégiques (ITES) avait déjà abordé la question de la fuite des ingénieurs et formulé plusieurs recommandations pour améliorer la situation. Parmi celles-ci, l’ITES préconise notamment une amélioration du climat des affaires et la suppression des pratiques liées à l’économie de rente, en plus d’une meilleure gestion des conditions professionnelles et matérielles des ingénieurs.
La fuite des compétences : une perte économique pour la Tunisie
Le président de l’OIT a souligné l’impact économique de la fuite des ingénieurs, rappelant qu’en 2022, 6 500 ingénieurs ont quitté la Tunisie. Il a mis en garde contre une éventuelle aggravation de ce phénomène dans les dix prochaines années, avec des prévisions de départ pouvant doubler. Il a également insisté sur le coût pour l’État tunisien, estimant que chaque ingénieur formé représente une dépense de 100 000 dinars, soit une perte annuelle d’environ 650 millions de dinars.
Kamel Sahnoun a conclu en affirmant que le problème de la fuite des compétences, en particulier des ingénieurs, nécessitait des solutions plus structurées et fondées sur des réformes profondes, plutôt que sur des initiatives politiques controversées.
La septième réunion du comité de pilotage du programme Thamm («Pour une approche globale de la gouvernance des migrations et de la mobilité de main-d’œuvre dans les pays de l’Afrique du Nord»), financé par l’Union européenne (UE), s’est tenue mercredi 20 novembre 2024 à Tunis pour discuter de la gouvernance de la migration professionnelle et du transfert de compétences.
C’est ce qu’a annoncé la délégation de l’UE en Tunisie qui cite les données de l’Institut national de la statistique (INS) et de l’Office international des migrations (OIM) pour 2021 sur les migrations internationales, selon lesquelles 40% des jeunes tunisiens âgés de 15 à 29 ans aspirent à migrer et 80% recherchent de meilleures opportunités d’emploi.
«Il est nécessaire de promouvoir l’accès légal des jeunes Tunisiens aux possibilités de formation, d’exercice et de transport», écrit le bureau de l’UE, dont les États membres se sont engagés auprès de la Tunisie à offrir des horizons concrets en matière de développement des compétences et de mobilité, garantissant des bénéfices communs aux deux parties.
Le programme Thamm, lancé en 2020 sous l’égide du ministère tunisien du Travail et de la Formation professionnelle, vise à améliorer les opportunités de formation et d’emploi en créant des plans de mobilité équilibrés et sûrs qui profitent à toutes les parties.
Financé par l’UE pour une valeur de 17,6 millions d’euros, il est cofinancé par l’Allemagne et l’Italie.
Le programme «Thamm Plus» représente une nouvelle opportunité pour une plus grande gouvernance et une simplification de la mise en œuvre des programmes de migration organisée et une consolidation de la relation entre migration et développement pour réaliser le concept de triple profit commun entre le pays d’origine, le pays d’accueil et les émigrants. Il représente également une extension du programme Thamm et vise à mettre en place un système vigilant permettant de suivre l’évolution du marché du travail pour déterminer les professions en demande au niveau national et international. Il vise aussi à améliorer la gouvernance de l’immigration de travail, en mettant en place des programmes de mobilité dans le cadre de la coopération entre les pays d’Afrique du Nord et l’UE, comprenant également des travaux de démonstration, des activités d’exposition réalisées ou en cours de mise en œuvre et de cristallisation des propositions dans le domaine.
Elisabeth Wolbers, ambassadeur d’Allemagne à Tunis, a déclaré, lors du lancement de Thamm Plus, que ce dernier «un programme qui promeut la migration de main d’œuvre sûre, ordonnée et régulière. La migration professionnelle crée des perspectives économiques à la fois pour la Tunisie en tant que pays d’origine ainsi que pour les pays européens de destination, dont l’Allemagne. Cet événement démontre à merveille l’étroite collaboration entre les partenaires tunisiens, les organisations internationales, l’Union européenne et ses pays membres ».
L’ambassadeur d’Italie, Alessandro Prunas, a déclaré que le programme Thamm Plus «s’inscrit parfaitement dans les priorités du gouvernement italien telles que définies dans le Plan Mattei et le Processus de Rome, comme l’a confirmé la participation de la ministre italienne du Travail à l’inauguration du 4 novembre.» «Il s’agit d’une initiative gagnant-gagnant qui vise à créer, grâce au financement de l’Union européenne et du ministère italien de l’Intérieur et à l’expérience de l’OIM et de l’organisation Elis, une route migratoire régulière pour répondre aux besoins des entreprises italiennes du secteur de la construction, tout en garantissant un emploi décent aux travailleurs tunisiens», a-t-il ajouté.
«Dans une conjoncture de forte demande de compétences sur le continent européen, le risque pour les pays d’origine serait de se vider de leurs forces vives. C’est pourquoi il est indispensable de construire ensemble des réponses équilibrées à la demande des acteurs économiques, en veillant à préserver le tissu économique local», a averti , pour sa part, le représentant de l’ambassade de France, Manuel Bufala.
Riadh Chaoued, ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle, a souligné, de son côté, «l’importance du partenariat de mobilité avec les pays impliqués dans le programme Thamm, dans un esprit gagnant-gagnant, [qui] doit être bénéfique aussi bien pour la Tunisie que pour les pays partenaires (France, Allemagne, Italie et Belgique).» Il a également salué «la bonne collaboration et coordination entre les différentes parties prenantes de ce programme, ce qui a permis de créer un espace de dialogue entre toutes les parties impliquées dans la mobilité de main-d’œuvre, d’adopter une approche globale de traitement de la migration et d’avoir une vision commune dans ce domaine».