La conjoncture internationale de fin 2025 demeure marquée par un tournant monétaire progressif. Après deux années de resserrement brutal, les grandes banques centrales, au premier rang desquelles la Réserve fédérale américaine, ont engagé une phase de normalisation prudente. La baisse graduelle des taux directeurs a entraîné un reflux du dollar, une détente des conditions financières mondiales et un rééquilibrage partiel des flux de capitaux vers les économies émergentes.
Cette inflexion monétaire mondiale constitue un facteur exogène favorable pour les pays importateurs nets d’énergie et fortement dépendants des financements extérieurs, comme la Tunisie. Toutefois, ses effets positifs restent conditionnés à la solidité des fondamentaux internes et à la crédibilité de la politique économique domestique.
En Tunisie : liquidité bancaire, une tension persistante mais maîtrisée
Sur le plan interne, les indicateurs monétaires du 12 décembre confirment la persistance d’une tension structurelle sur la liquidité bancaire, malgré un encadrement étroit par la Banque centrale de Tunisie (BCT).
Le volume global du refinancement atteint 11,8 milliards de dinars, en hausse par rapport à la veille mais en retrait par rapport à fin 2024. Cette évolution traduit une dépendance toujours élevée du système bancaire aux ressources de la BCT, même si l’intensité de cette dépendance tend à se stabiliser.
La structure du refinancement révèle une préférence marquée pour les opérations à moyen terme, notamment les refinancements à six mois (ORPLT); tandis que les interventions d’open market continuent de se contracter. Cette recomposition suggère une volonté de sécuriser la visibilité de la liquidité bancaire dans un environnement encore incertain.
Le volume global du refinancement atteint 11,8 milliards de dinars, en hausse par rapport à la veille mais en retrait par rapport à fin 2024. Cette évolution traduit une dépendance toujours élevée du système bancaire aux ressources de la BCT, même si l’intensité de cette dépendance tend à se stabiliser.
Par ailleurs, la montée des facilités permanentes de prêt à 24 heures confirme des tensions ponctuelles sur la trésorerie de certaines banques. Alors que le recours à la facilité de dépôt demeure négatif, signe d’un excès de liquidité très limité.
Politique monétaire : une détente confirmée, mais sous surveillance
La stabilité du taux directeur à 7,50 %, conjuguée à l’alignement du taux du marché monétaire (TM) sur ce niveau, confirme l’entrée de la politique monétaire tunisienne dans une phase de détente graduelle. La baisse de 50 points de base par rapport à 2024 reflète une amélioration relative du risque inflationniste, sans pour autant signaler un basculement vers une politique franchement accommodante.
La BCT reste manifestement engagée dans une stratégie d’équilibre délicat : soutenir l’activité économique et la capacité de financement de l’État; tout en évitant toute résurgence inflationniste ou pression excessive sur les réserves en devises.
Finances publiques : un Trésor sous contrainte permanente
Le solde du compte courant du Trésor, à 2,2 milliards de dinars, recule légèrement par rapport à la veille mais reste nettement supérieur à son niveau de 2024. Cette situation illustre une gestion de trésorerie sous tension, fortement dépendante du recours au marché domestique.
La structure de la dette publique confirme cette dépendance : l’encours des Bons du Trésor Assimilables progresse fortement sur un an; tandis que les bons à court terme se contractent. Ce basculement vers le moyen et long terme permet de lisser le profil d’amortissement de la dette. Mais, il accroît le stock global et renforce l’effet d’éviction sur le crédit à l’économie.
La structure de la dette publique confirme cette dépendance : l’encours des Bons du Trésor Assimilables progresse fortement sur un an; tandis que les bons à court terme se contractent.
Réserves en devises : une érosion lente mais préoccupante
Les avoirs nets en devises de la BCT s’établissent à 24,8 milliards de dinars, correspondant à 105 jours d’importation. Bien que ce niveau reste au-dessus du seuil critique; la tendance demeure baissière par rapport à 2024.
Cette érosion s’explique par un service de la dette extérieure toujours élevé, malgré une amélioration des recettes courantes. Elle rappelle la fragilité de l’équilibre externe tunisien et la nécessité de maintenir un flux régulier de devises, qu’il s’agisse d’exportations, de tourisme, de transferts ou de financements extérieurs concessionnels.
Secteurs générateurs de devises : des signaux encourageants
Les indicateurs réels offrent néanmoins des motifs d’optimisme prudent. Les recettes touristiques cumulées atteignent 7,5 milliards de dinars à fin novembre, en nette progression annuelle. De même, les revenus du travail des Tunisiens à l’étranger poursuivent leur hausse, dépassant 7,9 milliards de dinars.
Ces deux postes jouent un rôle d’amortisseur macroéconomique essentiel, contribuant à contenir le déficit courant et à soutenir les réserves de change, dans un contexte de financement extérieur contraint.
Taux de change : un dinar plus résilient face au dollar
L’évolution des cours interbancaires du dinar confirme une appréciation sensible face au dollar américain, dans le sillage du repli du billet vert sur les marchés internationaux. Cette dynamique contribue à modérer l’inflation importée, notamment sur les matières premières énergétiques et alimentaires.
En revanche, le dinar s’inscrit dans une légère dépréciation face à l’euro, reflet des relations commerciales asymétriques avec la zone euro et de la structure des échanges extérieurs tunisiens. Cette évolution demeure toutefois maîtrisée et cohérente avec les fondamentaux actuels.
Perspectives à court et moyen terme : stabilité fragile et arbitrages délicats
À court terme, la trajectoire macroéconomique tunisienne devrait rester marquée par une stabilité fragile, soutenue par la détente monétaire, la résilience des recettes en devises et une gestion active de la liquidité par la BCT.
À moyen terme, les marges de manœuvre demeurent étroites. La soutenabilité des finances publiques, la consolidation des réserves en devises et la relance de l’investissement productif constituent des priorités absolues. Sans accélération des réformes structurelles et sans clarification du cadre de financement externe, les ajustements monétaires resteront insuffisants pour enclencher une dynamique de croissance durable.
Dans ce contexte, la politique économique tunisienne continue d’évoluer sur une ligne de crête, où chaque décision monétaire ou budgétaire doit arbitrer entre stabilité immédiate et viabilité à long terme.
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Références :
(1) Sources principales consultées pour le contexte international : World Bank MENAAP (12 déc. 2025), données prix Brent / marché pétrolier (12 déc. 2025), minutes Fed / prises de position récentes, analyses Reuters sur la réaction des marchés aux tensions régionales. (Banque Mondiale)
(2) (*) https://www.bct.gov.tn/bct/siteprod/indicateurs.jsp
(**) https://www.ins.tn/
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)
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