Gaz russe : l’UE veut tourner la page, mais à quel prix ?
Même si l’Union européenne tente de se sevrer des approvisionnements en gaz russe après cinq décennies, l’environnement géopolitique complexe rend ses plans difficiles à mettre en œuvre.
La Commission européenne, l’organe exécutif du bloc, a présenté mardi 6 mai 2025 une feuille de route visant à couper définitivement les flux restants de gaz, de combustible nucléaire et de pétrole russes, plus de trois ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Comme l’a rapporté Bloomberg, le plan prévoit que les entreprises européennes résilieront tous leurs contrats avec les fournisseurs de gaz russes d’ici la fin de 2027.
Si l’UE y parvient, ce sera un changement notable par rapport à l’ancien plus grand fournisseur d’énergie du bloc : la Russie couvrait 40% de ses besoins en gaz et un tiers de sa consommation de pétrole avant la guerre. Bruxelles parie qu’elle peut développer les énergies renouvelables et s’approvisionner en combustibles fossiles ailleurs, mais son plan pourrait être affecté par les efforts de Donald Trump pour négocier un accord de paix en Ukraine et par sa demande que l’Europe achète davantage de gaz américain.
La feuille de route de l’UE est considérée comme une ouverture à Trump, mais des questions subsistent quant à l’expansion des expéditions de gaz naturel liquéfié en provenance des États-Unis au moment où Washington menace d’imposer des tarifs douaniers.
« La guerre en Ukraine a brutalement exposé les risques de chantage, de coercition économique et de chocs sur les prix », a déclaré Ursula von der Leyen, présidente de la Commission. « Il est désormais temps pour l’Europe de rompre complètement ses liens énergétiques avec un fournisseur peu fiable ».
Les détails sur la manière exacte dont l’UE prévoit de forcer les entreprises à résilier leurs contrats avec la Russie seront annoncés en juin, mais la feuille de route présentée mardi à Strasbourg suggère qu’elle envisage une approche progressive. Premièrement, elle interdira tous les nouveaux contrats et mettra fin aux accords existants sur le marché spot – un tiers des flux de gaz russe vers le bloc – d’ici la fin de 2025. Les contrats à long terme seront progressivement supprimés d’ici la fin de 2027.
À noter que le Premier ministre slovaque, Robert Fico, n’a pas tardé à critiquer, lundi 5 mai, la publication prévue du plan. Il tente de maintenir le flux de gaz russe après qu’une route de transit à travers l’Ukraine a été coupée à la fin de l’année dernière, alors que son pays, avec la Hongrie, reste l’un des plus dépendants du pétrole de Moscou.
« Nous sommes tous préoccupés par les prix élevés de l’énergie, pour lesquels l’Union européenne ne propose pas de solutions pratiques. C’est exactement le contraire. En s’efforçant de stopper l’approvisionnement énergétique en provenance de l’Est, les autorités de l’UE, pour des raisons purement politiques, créent les conditions d’une nouvelle hausse des prix du gaz », regrette-t-il.
Pas seulement du gaz naturel…
La réticence de la Slovaquie et de la Hongrie à mettre fin à leurs relations énergétiques avec la Russie signifie que les sanctions – l’outil le plus puissant de l’UE pour mettre fin aux contrats, mais qui requiert l’unanimité de ses 27 États membres – pourraient s’avérer un obstacle trop important.
Le bloc pourrait plutôt utiliser des outils commerciaux, tels que des tarifs douaniers ou des quotas, mais il n’est pas juridiquement certain qu’ils puissent agir comme un cas de « force majeure » pour permettre aux entreprises d’abandonner les contrats techniques de type « take or pay » avec Moscou.
« Si un embargo total sur le gaz russe est hautement souhaitable d’un point de vue politique, cette option pourrait être très difficile à mettre en œuvre, compte tenu de l’exigence d’unanimité », a déclaré Simone Tagliapietra, analyste au groupe de réflexion Bruegel à Bruxelles.
L’inquiétude pourrait également exister parmi les entreprises européennes. En vertu des règles qui doivent être introduites le mois prochain, elles seront obligées de fournir des détails clés sur les contrats qu’elles ont avec les fournisseurs russes. TotalEnergies SE, Naturgy Energy Group SA et l’entreprise allemande Securing Energy for Europe GmbH font partie des entreprises qui ont des contrats à long terme.
Pour l’instant, la feuille de route présentée mardi est un plan pour l’avenir. Les mois à venir montreront à quel point l’UE est sérieuse.
L’article Gaz russe : l’UE veut tourner la page, mais à quel prix ? est apparu en premier sur Leconomiste Maghrebin.