L’EURO numérique entre confiance et méfiance
Dans un monde où la transformation digitale ne cesse de s’accélérer, la monnaie ne fait pas exception. Depuis quelques années, la Banque centrale européenne (BCE), comme plusieurs autres banques centrales, envisage d’émettre sa propre monnaie numérique. L’euro numérique, émis et garanti par la BCE, serait un complément aux moyens de paiement existants et non un substitut immédiat.
Les objectifs de mettre en place cette monnaie numérique sont multiples et de natures diverses, sociale, économique et politique. D’abord, un objectif d’inclusion financière. L’euro numérique pourrait inclure les populations non bancarisées ou mal desservies. Ensuite, il permettrait de réduire les coûts de transaction, notamment les paiements internationaux souvent très élevés dans le système bancaire traditionnel. Enfin, l’euro numérique répondrait aussi à un souci politique, à savoir le renforcement de la souveraineté monétaire de l’Europe. Aujourd’hui, plus de 70% des paiements par cartes en Europe sont gérés par les deux acteurs américains Visa et Mastercard. De même, dans un contexte où le yuan numérique et les stablecoins, adossés au dollar, prennent de l’ampleur, l’Europe a bien besoin de rester compétitive.
Néanmoins, le projet de lancement d’une monnaie unique numérique ne suscite pas un écho positif chez les futurs usagers et le milieu bancaire, comme en témoigne la vague de panique observée sur les réseaux sociaux après que Christine Lagarde, présidente de la BCE, a déclaré que la fin de la phase préparatoire du projet est prévue pour octobre 2025. La BCE a beau rassurer qu’un euro numérique serait un bien public, et qu’il n’y aura jamais utilisation des données personnelles à des fins commerciales, plusieurs voix se lèvent pour mettre en garde contre un pouvoir démesuré de la BCE qui pourrait tracer et bloquer les transactions, menaçant la liberté financière des citoyens. Les banques nourrissent également des inquiétudes concernant ce projet. Leur principale crainte est de voir les dépôts s’orienter massivement vers les nouveaux portefeuilles virtuels, ce qui transformerait profondément l’activité bancaire et leur pouvoir de création monétaire.
La méfiance actuelle laisse entendre que l’euro numérique ne verra pas le jour dans l’immédiat. La mise en circulation d’une monnaie est un processus complexe qui, au-delà de ses aspects techniques et juridiques, repose avant un contrat social.
Par Lamia Jaidane-Mazigh
Cette analyse est disponible dans le mag de l’Economiste Maghrébin n 917 du 9 au 23 avril 2025
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