Immigration, paix, pétrole : le triptyque politique de Trump
Dans une allocution solennelle depuis la Maison-Blanche, Donald Trump a livré bien plus qu’un simple bilan de son action. En 19 minutes, le président américain a articulé trois récits politiques centraux — immigration, paix mondiale et ressources énergétiques — révélateurs d’une présidence qui privilégie la narration stratégique à l’exposé factuel. Il a également évoqué, plus brièvement, la situation économique intérieure, la sécurité aux frontières et la lutte contre les cartels de drogue, sans que ces thèmes ne constituent l’ossature centrale de son discours.
L’immigration comme ennemi intérieur
Au cœur de son discours, Donald Trump a de nouveau désigné l’immigration illégale comme la source de plusieurs maux structurels des États-Unis. Emploi, système de santé, sécurité publique, crise du logement : autant de domaines que le président a reliés à l’arrivée de migrants, accusés de « voler des emplois » et de peser sur les finances publiques.
Une rhétorique bien rodée, qui fait pourtant abstraction de nombreuses données économiques. Plusieurs études montrent que les immigrés contribuent largement à l’économie américaine, notamment dans l’agriculture, la construction et les services, et qu’ils paient davantage en impôts qu’ils ne bénéficient d’aides publiques. En 2023, leur contribution fiscale dépassait 650 milliards de dollars, générant près de 1 700 milliards de dollars d’activité économique.
Le discours de Trump s’est également illustré par des propos ciblant certaines communautés, notamment les Somaliens, accusés sans fondement d’avoir « pris le contrôle » de l’économie du Minnesota. Une sortie qui contraste avec la trajectoire personnelle du président, dont les deux épouses sont issues de l’immigration européenne.
La paix mondiale comme trophée personnel
Sur le plan international, Donald Trump s’est présenté comme un artisan de paix, affirmant avoir « réglé huit guerres en dix mois » et mis fin au conflit à Gaza, allant jusqu’à évoquer une paix inédite « depuis 3 000 ans » au Moyen-Orient.
Ces déclarations, spectaculaires, ne reposent toutefois sur aucun cadre diplomatique reconnu. Aucun accord de paix global n’a été signé, et les violences se poursuivent dans les territoires palestiniens et ailleurs dans la région. La référence historique elle-même apparaît largement exagérée, Israël ayant été fondé en 1948.
Ce registre hyperbolique s’inscrit dans une logique de personnalisation de la diplomatie, où les conflits complexes sont ramenés à des succès individuels, sans reconnaissance multilatérale ni mécanisme institutionnel durable.
Le Venezuela, entre silence et convoitise
Fait notable, le président américain n’a pratiquement pas abordé la crise avec le Venezuela, malgré des tensions croissantes et une présence militaire américaine renforcée dans la région. Ce silence contraste avec des déclarations tenues quelques heures plus tôt, dans lesquelles Trump affirmait vouloir « récupérer » les droits pétroliers américains dans le pays sud-américain.
Un rappel implicite au processus de nationalisation engagé en 2007 sous Hugo Chávez, qui avait conduit à l’éviction de plusieurs compagnies américaines. Depuis, le pétrole vénézuélien demeure un enjeu géoéconomique majeur, au cœur d’un bras de fer mêlant sanctions, pressions diplomatiques et démonstration de force.
En évitant toute annonce formelle, Trump entretient une ambiguïté stratégique, laissant planer l’option d’une escalade sans en assumer publiquement les contours.
Un même fil conducteur
Immigration, paix, pétrole : trois thèmes distincts, mais un mécanisme commun. Celui d’un pouvoir exercé par le récit, fondé sur la désignation d’ennemis — intérieurs ou extérieurs —, la simplification des rapports de force et la centralisation du succès autour de la figure présidentielle.
Derrière l’image d’une Amérique « de retour » et « plus forte que jamais », le discours de Donald Trump révèle surtout une méthode : gouverner par la narration, quitte à laisser les faits au second plan.
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