AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, lâAllemagne a longtemps incarnĂ© la puissance Ă©conomique de lâEurope. Toutefois, au cours des deux derniĂšres dĂ©cennies, des vents contraires fondamentaux ont commencĂ© Ă sâaccumuler : des tendances dĂ©mographiques dĂ©favorables, une rĂ©glementation et une fiscalitĂ© excessives, ainsi quâun retard dans la modernisation des secteurs clĂ©s face Ă lâĂšre numĂ©rique et Ă un paysage mondial en mutation rapide. En consĂ©quence, lâĂ©conomie allemande a sous-performĂ©, avec un PIB rĂ©el qui est restĂ© inchangĂ© au cours des cinq derniĂšres annĂ©es â une Ă©volution peu flatteuse comparĂ©e Ă la croissance de 12,2 % aux Ătats-Unis ou mĂȘme Ă celle de 5 % dans le reste de la zone euro sur la mĂȘme pĂ©riode.
LâarrivĂ©e au pouvoir du Chancelier Friedrich Merz pourrait marquer un tournant en matiĂšre de politique Ă©conomique et de performance. Pendant des dĂ©cennies, lâAllemagne sâest consacrĂ©e Ă la rigueur budgĂ©taire et Ă lâaustĂ©ritĂ©. En revanche, le nouveau gouvernement arrive avec un vaste plan de relance budgĂ©taire qui pourrait atteindre 1 000 milliards dâeuros, incluant des investissements dans les infrastructures et la dĂ©fense, ainsi que des projets de rĂ©formes fiscales et du marchĂ© du travail.
Ce programme Ă©conomique constitue un changement de paradigme par rapport au conservatisme budgĂ©taire traditionnel de lâAllemagne et devrait stimuler la croissance Ă moyen terme. Toutefois, la nouvelle administration hĂ©rite de dĂ©fis majeurs qui exigent des rĂ©formes profondes pour relancer durablement une Ă©conomie stagnante. Cet article explore trois facteurs clĂ©s qui illustrent ces dĂ©fis et Ă©tayent notre analyse.
PremiÚrement : Des défis structurels majeurs qui sapent la compétitivité et la productivité
Le Rapport mondial sur la compĂ©titivitĂ© offre une Ă©valuation utile de cette dimension. Il y a dix ans Ă peine, lâAllemagne occupait le 6e rang mondial ; elle est aujourdâhui tombĂ©e Ă la 24e place, en raison des lourdeurs rĂ©glementaires, dâune fiscalitĂ© contraignante, de lois rigides sur lâemploi et dâune complexitĂ© administrative excessive.
La bureaucratie coĂ»te jusquâĂ 146 milliards dâeuros par an Ă lâĂ©conomie allemande. La perte de compĂ©titivitĂ© se reflĂšte clairement dans les statistiques de productivitĂ© : depuis 2017, la production par travailleur a chutĂ© de 2,5 %. Les chefs dâentreprise dĂ©noncent une administration tentaculaire et une transition numĂ©rique trop lente. Ce ralentissement nuit particuliĂšrement aux start-ups, pour lesquelles les retards administratifs peuvent dĂ©cider du succĂšs ou de lâĂ©chec dâun projet. Par consĂ©quent, de plus en plus dâentreprises transfĂšrent leurs activitĂ©s vers dâautres pays europĂ©ens comme les Pays-Bas, la SuĂšde, le Portugal ou la Pologne. Ces problĂšmes structurels continueront donc Ă freiner la croissance, et devront ĂȘtre traitĂ©s par des mesures allant au-delĂ dâun simple stimulus fiscal.
DeuxiÚmement : La modernisation des infrastructures, un impératif pour la croissance future
Si lâAllemagne veut relancer sa croissance Ă©conomique, elle doit impĂ©rativement moderniser ses infrastructures vieillissantes. Sa politique budgĂ©taire ultra-conservatrice a conduit Ă une sous-finance chronique dans des domaines clĂ©s. En 2023-2024, lâinvestissement public reprĂ©sentait en moyenne 2,8 % du PIB, contre 4,3 % en France.
Faute dâinvestissements suffisants, les infrastructures de transport et dâĂ©nergie vieillissent, et les technologies numĂ©riques restent Ă la traĂźne, ce qui freine la croissance Ă long terme. Il est donc crucial de procĂ©der Ă des mises Ă niveau massives. Dans le passĂ©, les dĂ©lais de planification et de passation de marchĂ©s ont souvent excĂ©dĂ© ceux de la construction elle-mĂȘme. En 2023, 76 milliards dâeuros de ressources budgĂ©taires sont restĂ©s inutilisĂ©s, en raison dâobstacles administratifs et rĂ©glementaires. La modernisation des infrastructures doit ainsi figurer en tĂȘte des prioritĂ©s du nouveau gouvernement.
Par ailleurs, une rĂ©forme visant Ă rĂ©duire lâimpĂŽt sur les sociĂ©tĂ©s ne serait appliquĂ©e que progressivement, Ă partir de 2028.
TroisiĂšmement : Lâindustrie manufacturiĂšre poursuit sa dĂ©gradation, pesant sur la croissance globale
Secteur clĂ© de lâĂ©conomie allemande, lâindustrie manufacturiĂšre traverse une pĂ©riode prolongĂ©e de dĂ©clin, affectant la croissance gĂ©nĂ©rale. Entre 2000 et le pic de 2017, la composante industrielle du PIB rĂ©el augmentait de 1,9 % par an. Depuis, cette dynamique sâest brusquement inversĂ©e, sous lâeffet de nombreux chocs : tensions commerciales mondiales, ralentissement de lâĂ©conomie mondiale, pandĂ©mie de Covid, crise Ă©nergĂ©tique liĂ©e Ă la guerre en Ukraine, et dĂ©clin du secteur automobile.
Depuis son pic en 2017, la production industrielle allemande a reculĂ© de 18 %. En 2025, les nouvelles guerres commerciales lancĂ©es par lâadministration Trump, conjuguĂ©es Ă lâincertitude gĂ©opolitique Ă©levĂ©e, exerceront une pression supplĂ©mentaire sur les industries tournĂ©es vers lâexportation. MĂȘme si le secteur manufacturier devrait bĂ©nĂ©ficier des investissements dans les infrastructures et la dĂ©fense, le nouveau gouvernement devra assurer un environnement plus stable pour compenser ces vents contraires majeurs.
En conclusion, Le gouvernement hĂ©rite dâun lourd passif qui pĂšse sur les perspectives de croissance. Le changement de paradigme en matiĂšre de politique budgĂ©taire devrait permettre une mise Ă niveau essentielle des infrastructures et amorcer une reprise, stimulant ainsi la croissance Ă moyen terme. Toutefois, des rĂ©formes structurelles plus profondes seront nĂ©cessaires pour garantir une relance durable de lâĂ©conomie allemande..
(SOURCE : REVUE ECONOMIQUE | QNB)
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