Après la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne a longtemps incarné la puissance économique de l’Europe. Toutefois, au cours des deux dernières décennies, des vents contraires fondamentaux ont commencé à s’accumuler : des tendances démographiques défavorables, une réglementation et une fiscalité excessives, ainsi qu’un retard dans la modernisation des secteurs clés face à l’ère numérique et à un paysage mondial en mutation rapide. En conséquence, l’économie allemande a sous-performé, avec un PIB réel qui est resté inchangé au cours des cinq dernières années — une évolution peu flatteuse comparée à la croissance de 12,2 % aux États-Unis ou même à celle de 5 % dans le reste de la zone euro sur la même période.
L’arrivée au pouvoir du Chancelier Friedrich Merz pourrait marquer un tournant en matière de politique économique et de performance. Pendant des décennies, l’Allemagne s’est consacrée à la rigueur budgétaire et à l’austérité. En revanche, le nouveau gouvernement arrive avec un vaste plan de relance budgétaire qui pourrait atteindre 1 000 milliards d’euros, incluant des investissements dans les infrastructures et la défense, ainsi que des projets de réformes fiscales et du marché du travail.
Ce programme économique constitue un changement de paradigme par rapport au conservatisme budgétaire traditionnel de l’Allemagne et devrait stimuler la croissance à moyen terme. Toutefois, la nouvelle administration hérite de défis majeurs qui exigent des réformes profondes pour relancer durablement une économie stagnante. Cet article explore trois facteurs clés qui illustrent ces défis et étayent notre analyse.
Premièrement : Des défis structurels majeurs qui sapent la compétitivité et la productivité
Le Rapport mondial sur la compétitivité offre une évaluation utile de cette dimension. Il y a dix ans à peine, l’Allemagne occupait le 6e rang mondial ; elle est aujourd’hui tombée à la 24e place, en raison des lourdeurs réglementaires, d’une fiscalité contraignante, de lois rigides sur l’emploi et d’une complexité administrative excessive.
La bureaucratie coûte jusqu’à 146 milliards d’euros par an à l’économie allemande. La perte de compétitivité se reflète clairement dans les statistiques de productivité : depuis 2017, la production par travailleur a chuté de 2,5 %. Les chefs d’entreprise dénoncent une administration tentaculaire et une transition numérique trop lente. Ce ralentissement nuit particulièrement aux start-ups, pour lesquelles les retards administratifs peuvent décider du succès ou de l’échec d’un projet. Par conséquent, de plus en plus d’entreprises transfèrent leurs activités vers d’autres pays européens comme les Pays-Bas, la Suède, le Portugal ou la Pologne. Ces problèmes structurels continueront donc à freiner la croissance, et devront être traités par des mesures allant au-delà d’un simple stimulus fiscal.
Deuxièmement : La modernisation des infrastructures, un impératif pour la croissance future
Si l’Allemagne veut relancer sa croissance économique, elle doit impérativement moderniser ses infrastructures vieillissantes. Sa politique budgétaire ultra-conservatrice a conduit à une sous-finance chronique dans des domaines clés. En 2023-2024, l’investissement public représentait en moyenne 2,8 % du PIB, contre 4,3 % en France.
Faute d’investissements suffisants, les infrastructures de transport et d’énergie vieillissent, et les technologies numériques restent à la traîne, ce qui freine la croissance à long terme. Il est donc crucial de procéder à des mises à niveau massives. Dans le passé, les délais de planification et de passation de marchés ont souvent excédé ceux de la construction elle-même. En 2023, 76 milliards d’euros de ressources budgétaires sont restés inutilisés, en raison d’obstacles administratifs et réglementaires. La modernisation des infrastructures doit ainsi figurer en tête des priorités du nouveau gouvernement.
Par ailleurs, une réforme visant à réduire l’impôt sur les sociétés ne serait appliquée que progressivement, à partir de 2028.
Troisièmement : L’industrie manufacturière poursuit sa dégradation, pesant sur la croissance globale
Secteur clé de l’économie allemande, l’industrie manufacturière traverse une période prolongée de déclin, affectant la croissance générale. Entre 2000 et le pic de 2017, la composante industrielle du PIB réel augmentait de 1,9 % par an. Depuis, cette dynamique s’est brusquement inversée, sous l’effet de nombreux chocs : tensions commerciales mondiales, ralentissement de l’économie mondiale, pandémie de Covid, crise énergétique liée à la guerre en Ukraine, et déclin du secteur automobile.
Depuis son pic en 2017, la production industrielle allemande a reculé de 18 %. En 2025, les nouvelles guerres commerciales lancées par l’administration Trump, conjuguées à l’incertitude géopolitique élevée, exerceront une pression supplémentaire sur les industries tournées vers l’exportation. Même si le secteur manufacturier devrait bénéficier des investissements dans les infrastructures et la défense, le nouveau gouvernement devra assurer un environnement plus stable pour compenser ces vents contraires majeurs.
En conclusion, Le gouvernement hérite d’un lourd passif qui pèse sur les perspectives de croissance. Le changement de paradigme en matière de politique budgétaire devrait permettre une mise à niveau essentielle des infrastructures et amorcer une reprise, stimulant ainsi la croissance à moyen terme. Toutefois, des réformes structurelles plus profondes seront nécessaires pour garantir une relance durable de l’économie allemande..
Programme de la 34e et dernière journée du Championnat d’Allemagne qui sera disputée le samedi 17 mai (en heures de Paris, GMT+2): (15h30) Mönchengladbach – Wolfsburg St Pauli – Bochum RB Leipzig – Stuttgart Dortmund – Kiel Hoffenheim – Bayern Munich Heidenheim – Werder Brême Fribourg – Eintracht Francfort Augsbourg – Union Berlin Mayence – […]
L’Allemagne refusera désormais l’entrée sur son territoire à la majorité des étrangers en situation irrégulière, y compris les demandeurs d’asile. C’est ce qu’a annoncé mercredi Alexander Dobrindt, le nouveau ministre allemand de l’Intérieur, au lendemain de la prise de fonction du gouvernement dirigé par le chancelier Friedrich Merz.
Selon le quotidien Bild, le ministre conservateur (CSU) a donné l’ordre à la police fédérale de renforcer les contrôles aux frontières et de refuser les entrées jugées illégales. Cette décision suscite des interrogations juridiques : l’accord de coalition entre le bloc conservateur CDU/CSU et les sociaux-démocrates (SPD) prévoit en effet qu’une telle mesure doit faire l’objet d’une coordination avec les pays voisins.
Souhaitant réduire l’immigration clandestine, Alexander Dobrindt a indiqué vouloir revenir sur une directive de 2015, adoptée au plus fort de la crise migratoire, qui interdisait alors le refoulement des demandeurs d’asile à la frontière.
« Il s’agit d’une question de clarté, de cohérence et de contrôle », a-t-il affirmé devant la presse.
Toujours selon Bild, le ministre prévoit aussi de déployer jusqu’à 3 000 agents supplémentaires aux frontières, portant ainsi leur nombre à 14 000, dans le but de freiner davantage les entrées illégales.
La dette mondiale a augmenté d’environ 7,5 billions de dollars. Le dollar a augmenté au premier trimestre de l’année et a atteint un nouveau sommet historique de plus de 324 000 milliards de dollars, comme l’a annoncé mardi 6 mai l’Institut de la finance internationale (IIF).
L’IIF a annoncé que la Chine, la France et l’Allemagne ont contribué le plus à l’augmentation de la dette mondiale, tandis que les niveaux d’endettement ont diminué au Canada, aux Émirats arabes unis et en Turquie.
« Bien que la dépréciation rapide du dollar américain par rapport à ses principaux rivaux ait contribué à l’augmentation de la valeur de la dette en dollars, l’augmentation du premier trimestre a été plus de quatre fois supérieure à l’augmentation trimestrielle moyenne de 1,7 billion de dollars observée depuis la fin de 2022 », a déclaré l’IIF dans son rapport Global Debt Monitor.
Le ratio dette/PIB s’élevait à un peu plus de 325 %, le ratio des marchés émergents atteignant un nouveau record de 245 %.
La dette totale des marchés émergents a augmenté de plus de 3,5 billions de dollars au premier trimestre, atteignant un niveau record de plus de 106 000 milliards. La contribution de la Chine à cette hausse a dépassé à elle seule les 2 000 milliards de dollars, selon l’IIF. La dette publique chinoise par rapport au PIB s’élève à 93 % et devrait atteindre 100 % avant la fin de 2025.
Les rendements des obligations allemandes ont brièvement atteint leur plus haut niveau au cours des trois dernières semaines, dans le contexte de l’élection de Friedrich Merz au poste de chancelier.
L’échec de Merz à être élu dès le premier tour, une première pour l’Allemagne d’après-guerre, a amené les investisseurs à s’attendre à des mesures visant à stimuler l’économie allemande en difficulté alors que les tarifs douaniers font des ravages.
Cependant, l’événement « passera rapidement au second plan », a déclaré Marion Muehlberger, économiste et analyste politique à la Deutsche Bank, à condition que le nouveau gouvernement mette rapidement en œuvre le programme de 100 jours avec l’aide urgente nécessaire à l’économie allemande.
Les conservateurs de Merz et les sociaux-démocrates avaient déjà voté la création d’un fonds d’infrastructure de 500 milliards d’euros (565,75 milliards de dollars) et la révision d’une limite d’emprunt constitutionnelle pour augmenter les dépenses de défense au cours de la législature précédente.
Après une réaction limitée du marché obligataire à la surprise de mardi 6 mai, le rendement des obligations allemandes à 10 ans a brièvement augmenté jusqu’à 3,7 points de base sur la journée pour atteindre un nouveau sommet de séance de 2,557% après le deuxième tour de scrutin, le niveau le plus élevé en trois semaines.
Les plans de dépenses sont considérés comme un changement radical pour l’économie allemande et les marchés obligataires. Leur annonce choc en mars a fait grimper les coûts d’emprunt allemands à leur plus forte hausse hebdomadaire depuis les années 1990 et les rendements des obligations de la zone euro ont augmenté dans tous les domaines, les investisseurs se préparant à des emprunts supplémentaires et à une croissance plus forte.
Cependant, les coûts d’emprunt de l’Allemagne ont fortement chuté en avril, les investisseurs se réfugiant sur le marché comme valeur refuge dans un contexte de vente massive de bons du Trésor américain en raison des craintes liées aux tarifs douaniers, soulevant des questions sur la santé du plus grand marché obligataire du monde.
Un autre point d’attention mardi a été la vente de dettes. L’Allemagne a vu plus de 47 milliards de dollars. La demande des investisseurs en euros pour la réémission d’une obligation à 30 ans en circulation qui a levé au moins 4 milliards euros dans une coentreprise, selon une note de l’administrateur en chef consultée par Reuters.
Par ailleurs, les données définitives sur l’activité économique dans la zone euro pour avril ont montré que l’activité s’est légèrement mieux maintenue que prévu initialement, le secteur des services évitant la contraction.
Au vu des décisions prises en faveur de l’intégration au sein de l’Otan, après le déclenchement de la guerre actuelle en Ukraine, il eût été nécessaire de s’assurer, préalablement, que soit fondée la confiance placée par les pays nordiques et ceux de la mer Baltique dans les promesses anglo-saxonnes de les protéger. Le précédent de 1940 en Norvège prouve la pertinence du doute entretenu sur le sujet, que de récentes intentions américaines d’annexer le Groenland danois ne font que renforcer
Mounir Hanablia *
Prétendre que les événements en Norvège n’ont pas de répercussions en Grande-Bretagne témoignerait d’une méconnaissance profonde de l’Histoire du Moyen-âge européen. Néanmoins, à l’époque moderne, rien ne prédestinait ce pays scandinave du nord de l’Atlantique possédant près de 4000 kilomètres de rivage à devenir un jour un champ de bataille précurseur d’une guerre mondiale. Il avait pourtant choisi la neutralité, tout comme ses voisins suédois et rien ne laissait penser qu’elle ne serait pas respectée. Fatalité géostratégique?
Il se trouve que l’un des ports norvégien situés au nord, Narvik, était le débouché en eaux libres d’une ligne de chemin de fer acheminant le fer de la mine suédoise de Gallivare, l’autre débouché en étant le port de Lulea situé sur la mer Baltique, en ayant ceci de particulier, qu’étant pris par les glaces, il est en hiver impraticable. Le grand client en minerai de fer étant l’Allemagne, située sur la côte sud de la Baltique, ses bateaux étaient donc obligés en hiver pour ravitailler son industrie de se rendre à Narvik en Norvège, sur l’Océan Atlantique, et cela en faisait évidemment des cibles potentielles pour d’éventuels ennemis, autrement dit ceux qui avaient les moyens de les attaquer.
La drôle de guerre
Ce fut effectivement le cas à partir de septembre 1939 avec l’invasion de la Pologne et la déclaration de guerre subséquente par l’Angleterre et la France à l’Allemagne. La plus grande partie de l’armée britannique débarqua donc en France pour se placer aux côtés de l’armée française et s’opposer à une éventuelle invasion allemande attendue du côté de la Belgique. Ce fut ce qu’on a appelé plus tard la drôle de guerre quand, durant près de 9 mois, les belligérants se firent face sans tirer un seul coup de feu. Curieusement, il ne vint pendant des mois à l’idée de quiconque, de le faire.
Il a fallu la guerre russo-finlandaise début 1940 pour que les Britanniques, excités par leur allié, le gouvernement français, ne commencent à envisager l’idée d’une aide militaire à la Finlande dont le point de départ serait… le port norvégien de Narvik.
Le gouvernement français, pressé par son opinion publique qui le critiquait pour sa passivité dans l’affaire de la Finlande, menaçait de tomber. Mais le cabinet britannique, dans l’obligation de définir des buts de guerre acceptables pour sa propre opinion publique, et sauver le gouvernement français n’en était pas un, convint que l’occupation de Narvik priverait également l’Allemagne du fer nécessaire à son industrie de guerre, mais que l’aide à la Finlande en constituerait la raison apparente.
En effet, il y avait le risque que les intentions britanniques clairement affichées ne poussent les Allemands à occuper les premiers la Norvège. Le gouvernement britannique commença donc à préparer ce qui restait de son armée en conséquence. Sauf que pour mener une opération militaire en Norvège il fallait pour respecter les lois internationales, l’accord du gouvernement norvégien, et celui-ci n’était pas prêt à abandonner sa neutralité et à se ranger dans le camp des Anglo-français.
Entretemps, les Finlandais, ne voyant aucune aide venir et conscients des tergiversations des Anglo-français incapables de définir des objectifs de guerre communs et de les exécuter rapidement, préférèrent négocier avec leurs adversaires russes et finalement, en mars 1940, un accord de paix fut signé.
Le débarquement en Norvège n’avait donc plus sa raison d’être officielle. Mais l’idée d’interrompre les livraisons de fer en Norvège ne disparut pas pour autant. Les Britanniques envisagèrent pour cela deux solutions, une à minima, le minage des eaux norvégiennes, une autre plus importante, la prise de contrôle de la ville de Trondheim qui assurerait aux armées britanniques une tête de pont capable d’assurer leurs objectifs de guerre dans la péninsule scandinave, et de frapper l’économie allemande par l’occupation de Narvik.
L’impossible neutralité
Il y eut entretemps l’affaire de l’Altmark, ce navire de guerre allemand qui coulait à travers l’Atlantique les navires marchands et qui convoyait 250 prisonniers de guerre anglais. Traqué par la marine britannique, il se réfugia dans les eaux territoriales norvégiennes, dans un fjord. Les Britanniques le prirent d’assaut, et libérèrent leurs prisonniers. Pour Hitler ce fut la preuve que la Norvège ne voulait pas ou ne pouvait pas assurer sa neutralité, et que la sécurité de l’Allemagne imposait l’occupation du pays.
Les Allemands après une planification et une préparation de deux semaines envoyèrent donc début avril 1940 leurs navires de transport sous la protection de leur flotte de guerre débarquer le corps expéditionnaire chargé d’occuper les terrains d’aviation capables d’assurer la supériorité aérienne nécessaire à l’occupation du pays. Le Danemark en fut le point de passage obligé.
La coïncidence a voulu qu’au même moment la flotte de guerre britannique faisait route vers les côtes norvégiennes. Mais le mouvement vers le large de leurs adversaires dû à des nécessités de navigation fut à l’origine d’une méprise issue de l’observation aérienne.
Les Anglais, au lieu de se diriger vers la péninsule scandinave pour y débarquer, prirent la direction de l’océan et ratèrent ainsi la flotte adverse qu’ils auraient pu détruire. Le plus grave fut les contraintes logistiques que ce changement d’objectif de dernière minute impliqua, et dont ils paieraient plus tard un lourd prix au moment du combat.
Quoiqu’il en soit, les troupes allemandes trouvèrent le champ libre pour envahir le pays en surprenant le gouvernement et l’armée, qui s’attendaient à une invasion anglaise, et l’impéritie fut telle que la mobilisation générale immédiate contre l’envahisseur ne put être décrétée, la procédure réglementaire prévoyant l’usage du courrier à cette fin.
C’est ainsi que l’armée norvégienne naturellement sous équipée et qui plus est désemparée réussit quand même à couler le navire transportant les agents chargés de l’arrestation du Roi et des membres du gouvernement, à laquelle Hitler accordait une importance fondamentale pour obtenir la soumission du pays. Ces derniers s’enfuirent donc vers les montagnes et les régions enneigées du nord où ils prirent contact avec des émissaires anglais qui les assurèrent de l’aide immédiate et inconditionnelle de leur pays ainsi que du proche débarquement d’un corps expéditionnaire chargé d’occuper l’important port de Trondheim, ce que les Norvégiens souhaitaient avant tout.
En réalité, il s’agissait d’un mensonge et ce ne serait pas le dernier. Les Anglais depuis le début n’avaient fait qu’hésiter sur la marche à suivre et leurs décisions avaient varié d’une réunion du cabinet à l’autre, entre le contrôle du centre et du pays (Trondheim, opération Hammer), ou bien du Nord (Narvik opération Rupert).
Les Britanniques à la manœuvre
Cependant face aux quelques milliers de volontaires armés de quelques fusils qui s’étant regroupés sous les ordres d’un officier valeureux, le général Ruger, tentaient tant bien que mal de freiner l’avance allemande vers le nord composée de troupes aguerries soutenues par les blindés, l’artillerie, et surtout l’aviation, les Britanniques finissaient par débarquer au nord et au sud de Trondheim seulement deux ou trois centaines de soldats dénués d’armement lourd ou de canons anti-aériens, et surtout des skis et des raquettes nécessaires pour marcher sur la neige profonde. Ils se regroupaient en dépit de tout avec les skieurs norvégiens mais étaient sévèrement éprouvés par les combats. Leurs bases de débarquement finissaient par être bombardées par l’aviation allemande maîtresse du ciel et tout leur ravitaillement détruit.
Cependant, alors que les quelques troupes engagées n’arrivaient pas à assurer le succès de leur mission, l’état major français également impliqué dans le commandement suprême allié échafaudait des plans irréalisables pour l’envoi de troupes au nord à travers des routes enneigées impraticables.
Pour les Britanniques, l’opération Hammer se révélait irréalisable, et sa conclusion la plus logique serait l’évacuation du corps expéditionnaire sous peine de le voir anéanti. Mais cela impliquait l’abandon des unités norvégiennes à leur propre sort, et probablement l’arrêt de toute résistance contre l’envahisseur nazi. Le gouvernement britannique, n’ayant jamais eu qu’une confiance limitée dans la population et les autorités locales, et soucieux de ne pas voir ses troupes abandonnées dans un pays qu’elles ne connaissaient pas en étant exposées au feu d’un ennemi supérieur, décidait donc de maintenir sa décision secrète jusqu’au dernier moment.
Cependant Hitler, fou de rage pour ne pas avoir capturé l’autorité légitime du pays, décidait d’installer à sa tête celui dont le nom allait devenir synonyme de trahison, un certain Vidkun Quisling, alors ministre de la Défense, qui mourra fusillé le 24 octobre 1945 pour collaboration avec l’occupant nazi pendant la Seconde Guerre mondiale. Cette mesure accroissait au contraire l’indignation des autochtones et leur volonté de résistance au point que les Nazis tentaient de rétablir le contact avec le gouvernement légitime, en fuite. En vain. Les Nazis n’auraient dès lors de cesse de tenter d’en tuer les membres, et ceux-ci de s’échapper, jusqu’à finalement gagner l’Angleterre sur des navires britanniques afin d’y former un gouvernement en exil. Et en effet les répercussions politiques de la Norvège (et de la Finlande) furent importantes. En France elle entraîna la chute d’Edouard Daladier et son remplacement par Paul Reynaud. En Angleterre c’est le Premier ministre Neville Chamberlain qui tomba, celui qui prédit le 3 avril qu’Hitler en Norvège «avait raté le coche».
Le désastre norvégien
En effet, le Parlement considéra l’évacuation de la Norvège comme une défaite majeure due aux erreurs du commandement politique et militaire. Mais contrairement à ce qui est communément répété, ce n’est nullement Winston Churchill qui en fut le responsable. Les discours de deux conservateurs, l’Amiral Keyes, un héros de la première guerre mondiale, ainsi que celui de Léopold Emery, un parlementaire influent qui a emporté l’unanimité en citant des propos tenus par Cromwell au XVIIe siècle («Vous avez siégé trop longtemps pour le peu de bien que vous avez apporté; au nom du ciel, partez !»), emportèrent l’adhésion. Le lendemain 10 mai 1940, l’Allemagne envahit la Belgique et la Hollande, et Winston Churchill, pourtant membre du gouvernement sortant, fut immédiatement nommé au poste de Premier ministre, celui que ses amis lui destinaient malgré sa responsabilité dans le désastre norvégien.
Après la débâcle en France des armées anglaise et française du 14 Mai, le front de Norvège passa au second plan, malgré les succès au nord du pays des forces anglo-françaises, réussissant, aidés par les Norvégiens après de durs combats, à occuper Narvik au prix d’une véritable boucherie contre les civils supposés avoir évacué la ville, et à couper la route du fer. Churchill savait bien qu’avec la défaite en France de son armée, l’Angleterre étant menacée, il n’aurait pas trop besoin de toutes ses troupes pour s’opposer à l’armée nazie. Narvik fut donc évacuée immédiatement après son occupation.
Une fois encore les Norvégiens ne seraient pas prévenus des intentions anglaises, pas plus d’ailleurs que ne le seraient les Français. Il est troublant de constater combien cette aventure en Norvège fut mal préparée, à laquelle Churchill fut étroitement associé, il ne faut pas l’oublier. Et surtout combien les considérations de politique interne pesèrent. Il est en effet déjà curieux que cette guerre qui prétendait priver l’Allemagne du fer nécessaire à son effort de guerre en lui interdisant l’océan fut entreprise en avril lors de la fonte des glaces qui libérait le port de Lulea pour son transport par la mer Baltique.
L’occupation de l’Alsace Lorraine allait d’ailleurs fournir aux envahisseurs le minerai nécessaire les rendant moins tributaires de la Suède. L’autre constatation, c’est évidemment le désastre logistique, dû à des changements d’objectifs de dernière minute décidés par des états major et des politiciens peu au fait des réalités, ne disposant pas des cartes géographiques nécessaires, fixant des missions de combat à une flotte prévue au débarquement de troupes de combat au sol.
Ainsi contrairement à ce que nous, les peuples sous développés, croyons relativement aux capacités d’organisation hors norme des pays industrialisés, en réalité, ces derniers sont capables dans les moments décisifs des mêmes erreurs dont dans nos pays nous sommes quotidiennement les témoins.
Enfin on ne peut passer sous silence de quelle manière les Norvégiens furent entraînés dans des combats aux côtés des Britanniques sans rien connaître de leurs véritables intentions, pour se voir au bout du compte abandonnés sans aucun espoir de succès, sans même les armes qui auraient pu leur être laissées au lieu d’être détruites, afin de résister à l’ennemi.
En la circonstance, les grands et blonds norvégiens, pour anglophiles qu’ils eussent été supposés être, n’ont pas mieux été traités que les Arabes du désert dirigés par Lawrence. Les Anglais ignoraient d’ailleurs autant la langue norvégienne que leurs hôtes la leur, ce qui dans le feu des combats n’assurait pas la meilleure des coordinations possibles. Et dans la course à l’occupation d’un pays souverain et neutre, ils furent simplement battus par plus rapides qu’eux.
Quant aux Suédois leur refus de livrer passage au Roi de Norvège flanqué de ses ministres, alors poursuivis par les Allemands, et leur proposition de soumettre le nord du pays voisin à un régime de non belligérance leur permettant l’écoulement naturel de leur minerai, alors même que la force occupante était bien connue, ne les fait pas apparaître sous un jour très favorable. Au vu des décisions prises en faveur de l’intégration au sein de l’Otan, après le déclenchement de la guerre actuelle en Ukraine considérée comme une cause, pour ne pas dire un prétexte, par l’Allemagne à son réarmement, il eût été nécessaire de s’assurer, préalablement, que soit fondée la confiance placée par les pays nordiques et ceux de la mer Baltique dans les promesses anglo-saxonnes de les protéger. Le précédent de 1940 en Norvège prouve la pertinence du doute entretenu sur le sujet, que de récentes intentions d’annexer le Groenland danois ne font que renforcer.
* Médecin de libre pratique.
‘‘Churchill contre Hitler. Norvège 1940, la victoire fatale’’ de François Kersaudy, éditions Tallandier, 24 mai 2012, 368 pages.