Les banques viennent de demander un délai d’une semaine pour répondre à des clients ayant exigé de bénéficier des dispositions de la loi n°2024-41 relatif à la réduction des taux d’intérêt fixes appliqués aux crédits, a affirmé Ammar Mouelhi membre de la coordination nationale de l’activation de l’article 412 du code du commerce.
Ammar a rappelé dans une déclaration à l’agence TAP, que cette mesure concerne toute personne ayant obtenu un crédit remboursable sur plus de 7 ans, dont 3 ans déjà remboursés. Tout client qui remplit ces conditions est éligible à cette mesure, à condition de présenter une demande à sa banque, a-t-il dit .
Cependant, en dépit de la publication au JORT de cette loi depuis le 2 août 2024, elle est restée lettre morte ce qui a incité les clients à créer un groupe de pression « la coordination pour la réactivation de l’article 412 », laquelle a organisé un sit-in devant le ministère des finances le 23 janvier 2025.
Le même jour, la BCT a rappelé dans une note aux banques que « les dispositions de 2ème tiret de l’article 412 Ter (nouveau) de la Loi n°2024-41 (code du commerce), relatif à la réduction des taux d’intérêt fixes appliqués aux crédits constituent des dispositions exécutoires d’office tirant leur force contraignante du texte de la loi.
L’Institut d’émission a estimé dans cette note à l’attention des banques tunisiennes, inutile la publication d’un décret d’application, a appelé ces banques à respecter les nouvelles dispositions et à traiter les demandes présentées par les clients avec tout l’intérêt requis.
Des marges de manœuvre pour tergiverser encore
Selon Ammar, la coordination n’a reçu jusque aujourd’hui aucune donnée prouvant que les clients ont pu bénéficier de cette mesure, ajoutant que cette question relève probablement du Conseil Bancaire et Financier (CBF) qui régit le secteur ou des directions générales des banques.
Et d’ajouter qu’un nombre d’experts ont assuré que le taux des bénéficiaires éligibles à cette mesure varie entre 10% et 15%.
En effet, les banques islamiques tunisiennes estiment que la note de la Banque centrale ne les concerne pas dans la mesure où ces banques exercent dans le cadre du régime de finance islamique, ce qui constitue une problématique, selon Mouelhi.
Exempter les banques islamiques de cette loi constitue une discrimination à l’égard des Tunisiens, a critiqué de son coté, Ridha Chkandali, économiste, rappelant que ces banques s’appuient sur le taux d’intérêt pour déterminer le pourcentage de leurs gains.
Il a, dans ce sens, appelé la BCT à exiger des banques islamiques, la mise en application de cette loi, au moins, en ce qui concerne les transactions d’achat-vente “Mourabha” relatives aux logements car elles sont similaires aux crédits logements.
En attendant une nouvelle réaction de la banque centrale, l’expert en risques financiers, Mourad Hattab, estime que les banques traditionnelles ont encore la capacité de retarder encore l’application de la décision en se basant sur les formalités d’application et sur la nécessité d’élaborer une application pour traiter les demandes.
L’une des manœuvres les plus importantes que les banques pourraient entreprendre consiste à agir avec « ruse » et annuler les prêts à taux fixe, afin de priver ainsi les clients, de leur droit de bénéficier de cette mesure, a-t-il noté.
Pour Hattab, les revenus découlant de l’application cbfde la décision “sont considérables et atteignent au moins 800 millions de dinars par an, pour l’ensemble du secteur”. Le montant des prêts logements (qui dépassent 7 ans) excède les 12 milliards de dinars, d’après cet expert.
Il est à noter que la réduction des taux d’intérêt sur les prêts est périodique (effectuée tous les trois ans), ce qui signifie qu’elle a un caractère cumulatif.
Absence de réaction du CBF
Malgré le mouvement de protestation des clients et la réaction de la BCT, le CBF n’a pas réagi sous prétexte du manque de textes d’application. Il a également refusé de répondre à la demande d’information concernant les mesures que les banques prendront après les derniers évènements.
Le secteur bancaire tunisien compte 22 banques résidentes, 7 banques non résidentes, 5 institutions de leasing, 2 institutions de gestion de prêts, 2 banques d’affaires et 5 établissements de paiement.
Le montant des prêts bancaires destinés à l’acquisition de logements s’élevait en 2020, à 11 milliards 725 millions de dinars à la fin de 2020.
L’augmentation du taux d’intérêt par les banques a eu un impact sur ces crédits, qui n’ont pas connu une évolution significative entre 2019 et 2020, passant de 11 milliards 279 millions de dinars en décembre 2019, à 11 milliards 725 millions de dinars à la fin de 2020.
Par ailleurs, le secteur bancaire et financier revêt une importance particulière pour l’exécutif, d’où les multitudes de rencontres, tenues aux niveaux de la présidence de la République au du gouvernement, avec la BCT ou le CBF.
A cet égard, le chef de l’Etat a mis l’accent lors de son entretien, le 15 janvier 2025, avec le gouverneur de la BCT, Fethi Zouheir Nouri, sur l’importance de la contribution des banques publiques et privées à l’effort national visant à stimuler l’investissement et à faciliter les transactions financières.
A noter également que le CBF a annoncé, le 8 février 2024, l’entrée en vigueur, à compter du 12 février 2024, de nouvelles dispositions introduites dans la circulaire de la Banque Centrale de Tunisie (BCT) du 29 janvier 2024, portant révision de certaines commissions bancaires.
« Les banques et les établissements financiers membres du CBF rassurent leurs clients et s’engagent à ne procéder à aucune augmentation des commissions en vigueur et ce jusqu’au 31 décembre 2024 », a indiqué le conseil. Quant à la question sur la prorogation de cette mesure en 2025, elle demeure sans réponse pour le moment.
Ainsi, le secteur bancaire tunisien demeure au centre du débat public particulièrement, après la mise en œuvre de la nouvelle réglementation des chèques. Entre temps, la clientèle aspire toujours à avoir un secteur plus proche et ce au service des deux parties.
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