« Le bradage de l’huile d’olive tunisienne menace directement les producteurs et compromet l’avenir de toute la filière oléicole », alerte l’expert international en développement agricole et rural, Noureddine Nasr.
Intervenant lors du 10ᵉ Colloque international sur la Gestion intégrée des ressources naturelles et l’agriculture durable (GIRNAD 2025), tenu les 5, 6 et 7 novembre 2025 à Hammamet, l’expert a pointé la précarité croissante des oléiculteurs tunisiens, soumis à une pression constante sur les prix de l’huile.
« Bien que la Tunisie produise l’une des meilleures huiles d’olive au monde, cette huile est vendue à des tarifs inférieurs à ceux pratiqués en Italie, en Grèce, en Turquie, en Espagne ou en France », a-t-il déploré.
Pour illustrer les difficultés rencontrées par les petits producteurs, Ben Nasr a cité une étude qu’il a coréalisée avec les chercheurs universitaires Mohamed Arbi Abdeladhim et Wassim Riahi sur les coûts de production dans le gouvernorat de Zaghouan.
L’enquête, menée auprès de 11 exploitations et couvrant deux campagnes agricoles, s’est intéressée à la campagne 2023-2024 — une année sèche marquée par des pertes et un endettement accru — ainsi qu’à la campagne 2024-2025, relativement favorable grâce au retour des précipitations après une longue sécheresse. L’étude montre que certains agriculteurs, en particulier ceux en mode pluvial, n’ont dégagé aucun bénéfice en moyenne sur les deux campagnes.
Ben Nasr a souligné que, « chaque année, deux à trois mois avant le début de la récolte, une vaste campagne sur les réseaux sociaux et dans les médias tire les prix de l’huile d’olive tunisienne vers le bas. Ces campagnes pénalisent les petits agriculteurs, qui attendent parfois des années pour obtenir une bonne récolte ».
Rappelant que 85 % des superficies oléicoles du pays sont cultivées en mode pluvial et que la majorité de ces exploitations — souvent familiales et de petite taille — relèvent d’une agriculture vulnérable, l’expert a estimé que la compression des prix affecte non seulement le bien-être des producteurs et de leurs familles, mais aussi l’économie nationale et l’attractivité de la filière pour les jeunes.
Le rôle régulateur de l’État
Pour réguler les prix, l’expert a avancé deux scénarios. Le premier implique une intervention publique : l’État vendrait à prix subventionné l’huile produite par l’Office des Terres Domaniales, financée par l’argent du contribuable, aux consommateurs tunisiens. Parallèlement, il fixerait les prix à l’exportation en s’alignant sur les cours mondiaux tout en garantissant une marge aux exportateurs. Une telle approche assurerait transparence et équilibre entre les intérêts des producteurs et ceux des exportateurs, l’État jouant un rôle d’arbitre.
Le second scénario consiste à s’inspirer de modèles internationaux de commercialisation agricole. « L’exemple de l’Arabie saoudite est particulièrement intéressant : le Centre saoudien des Palmiers et des Dattes achète chaque année les dattes des petits producteurs à des prix préférentiels et se charge ensuite de leur commercialisation. Ce modèle pourrait inspirer la Tunisie, notamment l’Office national de l’huile pour l’huile d’olive et, pour les dattes, le Groupement interprofessionnel des dattes. »
En conclusion, Ben Nasr a insisté sur l’urgence de repenser la gouvernance agricole afin de protéger les petits producteurs, préserver la filière oléicole et en garantir la pérennité face aux défis économiques et climatiques.
Avec TAP
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