Tunisie : Des experts de l’ONU s’alarment de la situation des avocats en matière de droits de l’Homme
Des experts* de l’ONU ont exprimé aujourd’hui leur inquiétude quant à la situation des avocats en Tunisie, faisant état d’une détérioration grave au cours de l’année écoulée.
« Le fait de cibler des professionnels du droit uniquement pour leur rôle dans le système judiciaire ou l’exercice de leur liberté d’expression constitue une menace directe pour l’intégrité et l’équité des procédures judiciaires en Tunisie et pourrait mettre en péril le droit à un procès équitable », ont déclaré les experts.
Les experts ont noté que l’avocat Ahmed Souab a été arrêté le 21 avril 2025, suite à des commentaires critiques faits publiquement sur le récent procès de plusieurs figures de l’opposition. Il défendait certains de ses clients qui ont été condamnés à de lourdes peines de prison pour des accusations qualifiées de « conspiration contre la sécurité de l’État ».
L’avocate Sonia Dahmani aurait été violemment arrêtée dans les locaux de l’Ordre national des avocats de Tunisie par des hommes masqués en mai 2024 et fait l’objet de cinq affaires pénales, toutes initiées en vertu du décret-loi 2022-54 sur la « cybercriminalité », devant le tribunal de première instance de Tunis, uniquement pour avoir exprimé publiquement son opinion. Dahmani a été condamnée en janvier 2025 à 18 mois de prison pour ses commentaires dans une émission télévisée, et en juin dernier, elle a reçu une peine supplémentaire de deux ans de prison.
Les experts ont également déploré des autres cas de professionnels du droit dans le pays qui auraient été accusés pénalement, et même condamnés à de longues peines de prison, uniquement pour avoir défendu leurs clients et exprimé leur opinion publiquement, tels que Dalila Msaddak, Islem Hamza, Ayachi Hamami, Ghazi Chaouachi, Mehdi Zagrouba, et Lazhar Akremi.
« Les mesures prises interfèrent directement avec l’indépendance de la profession juridique, sapant la capacité des avocats à représenter leurs clients », ont déclaré les experts. « Elles semblent destinées à réduire au silence ceux qui critiquent le pouvoir exécutif. »
Les experts ont souligné que le libre exercice de la profession d’avocat contribue à garantir l’accès à la justice, le contrôle du pouvoir de l’État, la protection des droits à une procédure régulière et à un procès équitable.
« Nous appelons la Tunisie à se conformer aux normes internationales qui prévoient que les avocats doivent être en mesure d’exercer toutes leurs fonctions professionnelles sans intimidation, entrave, harcèlement ou ingérence indue. Ils ne doivent pas faire l’objet de poursuites ou de sanctions administratives, économiques ou autres pour toute action entreprise conformément aux devoirs professionnels, aux normes et à l’éthique reconnus », ont-ils déclaré. « Comme tous les êtres humains, les avocats ont droit à la liberté d’expression et d’opinion. ».
Les experts ont été en contact avec le Gouvernement de la Tunisie pour faire part de leurs préoccupations.
*Les experts : Margaret Satterthwaite, Rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats ; Irene Khan, Rapporteur spécial sur le droit à la liberté d’expression et d’opinion.
Les experts font partie de ce que l’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.
Communiqué
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