« Kerkena, l’archipel de la charfiya », ou un voyage dans l’histoire millénaire de l’île
Inscrite en 2020 sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, la pêche à la charfiya, technique de pêche traditionnelle pratiquée aux îles Kerkena, à 18 km de Sfax, est au coeur d’un nouvel ouvrage qui s’intitule « Kerkena, l’archipel de la charfiya » paru en juin 2025.
Cet opus de 83 pages vient de paraître en coédition entre l’Agence de mise en valeur du patrimoine et de promotion culturelle (AMVPPC) et les Editions du patrimoine Maghreb Méditerranée (EPMM/ALIF) dans la collection Saveurs et savoir-faire.
Dans la même collection sont parus deux autres ouvrages (arabe, français et anglais) autour d’éléments classé au patrimoine mondial, « Potières de Sejnane – sans tour ni four » (janvier 2025) et « La Harissa tunisienne, un livre qui ne manque pas de piment » (mai 2024).
L’île de Kerkennah est évoquée par Hérodote (484-425 av. J.-C.). « Les Carthaginois rapportent qu’auprès des Gyzantes est situé une île dont le nom est Kyranis, longue de deux cents stades, resserrée dans sa largueur, où l’on passe aisément du continent voisin. Elle est couverte d’oliviers et de vignes … J’écris ce que j’ai entendu raconter », indique un texte de l’historien grec.
L’archipel a été connu par les navigateurs en tant que relai/abri et approvisionnement en eau douce. Kerkinitis, Kerkinna, Kerkina ou Cercina chez les Grecs et les Latins, l’ile a conservé la résonnance des appellations antiqus « Kerkena » et « Kerkennah » ou « Qarqna » pour les locaux.
L’ouvrage revient sur l’histoire millénaire de l’archipel depuis l’antiquité jusqu’à notre époque et où les fouilles menées témoignent d’une présence punique très dense.
Il présente cinq chapitres : « Au cœur de l’histoire », Scanner d’un archipel », « Pêches et charfiya », « Les voiles latines » et « Les Kerkeniens ichtyophage » avec une carte de l’archipel, sur deux pages au début du livre.
Le livre est composé de textes de Viviane Bettaieb, une Française passionnée par l’histoire de la Méditerranée qui écrit des textes pour différentes maisons d’édition, Ameur Oueslati universitaire spécialisé en géomorphologie et auteurs de plusieurs livres et articles sur le littoral tunisien et ses Iles, et des photographies de Mohamed Salah Bettaieb, photographe chevronné dont les photographies illustrent de Beaux livres.
La recherche documentaire s’est basée sur plusieurs sources contenues dans les Archives nationales et la Bibliothèque nationale de Tunisie en plus de la collaboration des établissements spécialisés et les habitants de l’archipel.
« Dans ce livre, Kerkennah n’est pas réduit à ses somptueux levers et couchers de soleil, ni aux plaisirs de la mer. Kerkena, l’archipel de la charfiya », est autant de nouvelles fenêtres ouvertes pour vivre une aventure livresque enrichissante, étonnante, en plongeant au cœur de traditions singulières qui ont défié le temps », peut-on lire dans le résumé.
Dans « Kerkena, l’archipel de la charfiya », le lecteur explore l’archipel, son histoire, sa géographie et ses coutumes traditionnelles de pêche et modes de vie à travers des textes, des photos et des dessins.
La couverture du livre porte l’image d’un pêcheur à la charfyia, probablement au lever du soleil, au large de l’archipel de Kerkena, une terre basse qui émerge à peine de l’eau.
Selon le site de l’Unesco, la pêche à la charfiya est une technique de pêche traditionnelle, pratiquée aux îles Kerkennah, qui exploite passivement les conditions hydrographiques, le relief marin et les ressources naturelles sur mer comme sur terre.
La charfiya est une pêcherie fixe qui circonscrit, grâce à des murs de palmes fichées dans le fond marin, un champ triangulaire. Les poissons, entrainés par la marée descendante, s’engouffrent dans des chambres de capture puis dans des filets ou des nasses et ne peuvent plus en ressortir Contrairement à ceux pêchés à l’aide de chaluts qui raclent les fonds marins, les poissons restent vivants et à jeun dans les nasses jusqu’au moment de la levée.
Selon la coutume, la charfiya est installée et utilisée entre l’équinoxe d’automne et le mois de juin pour permettre à la faune marine de se régénérer. Chaque année, la reconstruction de ce dispositif est associée à des pratiques sociales, comme le partage d’un repas ou des prières. La pratique de la pêche à la charfiya suppose une excellente connaissance de la topographie sous-marine et des courants marins.
La plupart des habitants des Kerkennah apprennent à pêcher dès leur plus jeune âge. Il est aussi courant qu’un râїs transmette la pêcherie à son fils aîné pour que la famille en reste propriétaire.
Ce type de pêcherie aurait été ainsi nommé vraisemblablement en référence à la lignée de la famille Charfi qui aurait possédé pendant plusieurs générations, des pêcheries fixes de ce genre. En réalité, cette appellation est générique de plusieurs types de pêcheries fixes dont les noms varient selon leur envergure, leur emplacement et leur orientation, ainsi que la profondeur de la mer.
Avec TAP
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