26 ème édition du forum de l’Economiste Maghrébin: L’allocution de M. Hédi Mechri
L’édition 2025 du Forum de l’Économiste maghrébin se focalise sur un thème majeur : l’Accord d’association Tunisie-UE, trente ans après sa signature en 1995. Lors de son intervention, Hédi Mechri, directeur des publications de Promedia, a souligné que cet accord, qui prolongeait des partenariats antérieurs, a profondément transformé l’industrie tunisienne en levant progressivement ses protections, exposant ainsi le secteur à la concurrence internationale dans le cadre d’une dérégulation réfléchie et maîtrisée.
L’Accord d’association Tunisie-UE, 30 ans après
Messieurs les ministres
Monsieur Giuseppe Perrone, ambassadeur de l’UE,
Si Habib Karaouli, président du Forum
Excellences
Nos chers invités/Mesdames et messieurs et chers amis
Je voudrais vous dire toute ma joie de vous accueillir ce soir, vous remercier du fond du cœur pour avoir répondu à notre invitation.
Vous dire aussi tout l’intérêt et l’importance de l’édition 2025. Non que les précédents Forums ne le furent pas assez. L’édition 2025, coïncide, -au-delà de l’onde de choc du basculement géopolitique- avec le trentenaire de l’Accord d’association Tunisie-UE.
Une étape qui fut en son temps l’un des principaux marqueurs de l’industrie tunisienne. Il y eut un avant et un après Accord d’association Tunisie-UE.
Ce soir, nous allons précisément débattre de cet accord.
Ce soir, nous avons également une pensée pour Si Tahar Sioud, qui nous a quittés pour un autre monde il y a moins d’un mois. Grand commis de l’État comme ce pays a su en produire, il a pris part, -tout au long de ses mandats-, aux différentes étapes des négociations tuniso-européennes.
Natif de Mahdia, l’ancienne capitale fatimide, largement ouverte sur le large, Méditerranéen convaincu, il fut un fervent militant d’un partenariat Tunisie-UE juste, responsable et inclusif. Et ne s’en cachait pas pour le faire savoir.
Trente ans, une éternité dans un monde qui évolue et se transforme à un rythme effréné. Jamais l’accélération de l’histoire n’aura été aussi forte et aussi rapide. Trente ans d’un Accord partiel et donc forcément partial, même si, à bien des égards, on ne peut en contester les effets.
En trente ans, le monde, tout autant que le pourtour méditerranéen ont considérablement changé. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont de Carthage et entre les deux rives de la Méditerranée. On ne compte plus les failles et les fractures provoquées par la dérive des continents. L’ancien ordre économique mondial vacille, le nouvel ordre tarde à se mettre en place.
Cela n’enlève rien au fait que l’Accord d’association signé en 1995, qui prolonge des accords antérieurs, a contribué à changer la physionomie de l’industrie tunisienne. Il lui a ôté son puissant voile protecteur et l’a exposée, quoique progressivement, à la concurrence internationale. Une dérégulation réfléchie et maîtrisée.
Cet accord n’a pas fait que des émules. Il était, en son temps et depuis, salué par les uns et dénoncé par d’autres qui y voyaient la démonstration d’un accord proche des traités inégaux des temps anciens, d’échange inégal ou tout au moins d’un accord asymétrique : le pot de fer contre le pot de terre.
Loin de cette controverse stérile, l’Accord a, en vérité, provoqué un électrochoc salvateur et contraint les industriels tunisiens à entreprendre une véritable révolution copernicienne, une mutation technologique et des transformations sans lesquelles ils auraient précipité leur déclin.
Un plan d’accompagnement fut mis en place de manière à inciter et encourager les entreprises à engager des programmes de mise à niveau à l’effet d’élever leur niveau de productivité et de compétitivité à l’égal des standards mondiaux.
Elles ont d’autant plus de mérite qu’elles ont pris à leur charge, l’essentiel du coût du PMN et donc de leur nécessaire transformation, loin des idées reçues selon lesquelles elles auraient largement bénéficié de la manne financière de l’Etat et de l’UE.
On aimerait écouter à ce propos le témoignage de Si Afif Chalbi, ministre de l’Industrie de l’époque et principal architecte de nos politiques sectorielles industrielles : qui ont solidement forgé l’attractivité du site Tunisie.
D’un mot, l’Accord d’association a projeté davantage les entreprises tunisiennes dans la mondialisation. Elle ne fut pas heureuse pour toutes. Elle les a, en tout cas, contraintes à des remises en cause, à des efforts d’adaptation, de transformation, d’innovation et surtout à quitter leur éphémère zone de confort à force de protection douanière, pour se frotter à la concurrence internationale.
Trente ans après, un large bilan s’impose. Quid des avancées, mais aussi des zones d’ombre si tant est qu’elles existent ?
L’architecture mondiale n’est plus ce qu’elle était. L’irruption de nouvelles activités, de nouveaux métiers, de technologies émergentes, de l’IA, d’un nouveau déploiement des chaînes de valeur et d’approvisionnement dans le monde a radicalement transformé le paysage industriel et fait émerger de nouvelles puissances régionales et mondiales.
L’UE elle-même, à force de s’élargir, n’est plus ce qu’elle était. Elle s’ouvre sur elle-même et davantage encore sur le reste du monde. Canada, Amérique latine, Asie en quête de nouveaux traités et accords d’association et de partenariat. Ce qui n’est pas, quoi qu’on ait pu dire, sans impacter sa politique vis-à-vis de son voisinage.
Messieurs les ministres
Monsieur l’ambassadeur de l’UE
Excellences
Nos chers invités/Mesdames et messieurs et chers amis
Un accord rénové, complet, global, ouvert sur de nouveaux horizons industriels et technologiques, plus adapté que celui de 1995 est nécessaire au regard des liens historiques, des enjeux stratégiques et sécuritaires. Un accord a l’effet de créer une véritable communauté d’intérêt de tous les instants et un destin partagé pour un nouveau départ.
Au-delà de l’aspect sécuritaire lié à l’immigration illégale -devenue la principale préoccupation de l’UE-, un accord plus audacieux, plus responsable est possible dans l’intérêt de tous. Un accord qui soit un facteur de résilience, de souveraineté et de compétitivité.
C’est le moment de donner plus de chair à la politique de voisinage pour écrire une nouvelle page de notre histoire industrielle, une page tournée vers l’innovation et la responsabilité.
Nous sommes à un tournant décisif de notre histoire. Et rien n’est définitivement figé. Les équilibres d’aujourd’hui ne sont pas voués à l’éternité et ne résisteront pas aux vents des turbulences géopolitiques et des mouvements des plaques tectoniques qui sont à l’œuvre. Que dire en conclusion sinon que pour parer à tous les dangers, la Tunisie et l’UE ont l’obligation de bâtir un avenir plus efficace, plus sûr et plus inclusif.
Toutes ces questions, et bien d’autres encore, seront abordées avec plus de détails, de précision, et de profondeur – ce qui, promet -comme de coutume- un débat enrichissant, suivi d’effets et de décisions.
J’étais hélas, comme à mon habitude, très long. Je vous remercie de votre patience et de votre attention.
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