BlackRock, le plus grand gestionnaire d’actifs au monde, cherche à accélérer son expansion en matière d’investissements en Arabie saoudite et au Moyen-Orient dans les années à venir, face aux opportunités croissantes notamment dans les infrastructures et l’intelligence artificielle.
Le responsable de la division de conseil financier de BlackRock au Moyen-Orient a déclaré, mercredi 26 novembre, que la société avait jusqu’à présent investi plus de 35 milliards de dollars en Arabie saoudite dans des actions, des titres à revenu fixe et des projets d’infrastructure.
Il a ajouté que la société compte actuellement quatre équipes d’investissement à Riyad travaillant sur des stratégies couvrant les marchés du Moyen-Orient.
Un doublement, voire un triplement, du volume des investissements en Arabie saoudite au cours de la période à venir constitue une estimation réaliste.
BlackRock estime que les plus grandes opportunités se concentrent dans le secteur des infrastructures, car le Royaume continue d’étendre ses projets de développement de l’économie non pétrolière, notamment le métro de Riyad, la construction de l’un des plus grands aéroports du monde et l’accélération de la création de centres de données grâce à la nouvelle société d’intelligence artificielle, ‘Human’.
L’Office national de l’artisanat (ONA) participe à la troisième édition de la Semaine saoudienne internationale de l’artisanat « Banan », organisée du 13 au 26 novembre à Riyad, ont indiqué les organisateurs.
La Tunisie est représentée par un pavillon collectif rassemblant cinq artisans spécialisés dans la couture et les vêtements traditionnels, la broderie manuelle, les produits en cuir, la sculpture sur bois de palmier, les bijoux en ambre et le tissage traditionnel.
Le pavillon expose également des produits issus d’entreprises artisanales tunisiennes actives dans le verre soufflé, les cages traditionnelles, la poterie, la céramique, les textiles, le cuivre et les carreaux décoratifs.
Parmi les pièces mises en avant figure une mosaïque en pierre naturelle représentant un olivier, symbole culturel majeur en Tunisie, présentée dans l’espace dédié aux œuvres artisanales d’art.
Organisée à l’initiative de la Commission saoudienne du patrimoine, la Semaine « Banan » s’inscrit dans le cadre de l’Année des métiers d’art 2025. L’événement réunit plus de 400 artisans issus d’une quarantaine de pays, dont la Tunisie, Oman, les Émirats arabes unis, le Qatar, la Jordanie, le Yémen, le Maroc, la Turquie, le Pakistan, le Japon, la Corée du Sud, la France, l’Italie, l’Espagne, les États-Unis et l’Australie. La Chine est l’invitée d’honneur de cette édition.
La Semaine « Banan » vise notamment à mettre en valeur les métiers traditionnels, soutenir les artisans et favoriser les échanges culturels internationaux.
À l’occasion de l’ouverture, dimanche 23 novembre à Riyad (Arabie saoudite), du Sommet mondial de l’industrie, des dirigeants du monde entier ont discuté d’un sujet clé. A savoir : comment le développement industriel peut contribuer à relever certains des défis les plus urgents de la planète. Et notamment le changement climatique, la sécurité alimentaire et la création de chaînes d’approvisionnement plus équitables.
Lors de la cérémonie d’ouverture du Sommet mondial de l’industrie, Mohammed Al-Zarqaani, coordonnateur résident des Nations unies en Arabie saoudite, a lu un message du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, adressé au sommet. Dans ce message, Guterres a déclaré : « Le développement industriel est essentiel pour renforcer les économies, éradiquer la pauvreté et créer des emplois et de la prospérité. »
Éliminer le fardeau de la pauvreté
Des représentants des gouvernements, du secteur privé et de la société civile sont arrivés dans la capitale saoudienne pour une conférence d’une semaine. Actuellement, certaines économies sont confrontées à un problème épineux : plusieurs pays riches ont réduit leurs dépenses d’aide au développement.
La conférence sur le changement climatique au Brésil, qui s’est achevée samedi 22 novembre, a mis en lumière la gravité de la crise climatique, qui représente une menace existentielle pour certains pays, notamment les petits États insulaires en développement.
À cette fin, Guterres a exhorté les gouvernements et les entreprises à unir leurs efforts pour éliminer les obstacles en développant une industrialisation durable. Parmi les mesures concrètes préconisées figurent l’adoption de technologies plus propres et plus économes en ressources, la modernisation des infrastructures et la garantie que le développement industriel n’entraîne pas de coûts sociaux ou environnementaux excessifs.
Il s’agit également d’une recommandation clé du Pacte pour l’avenir des Nations unies, adopté à l’unanimité en 2024 et qui constitue un nouveau cadre de référence pour l’ONU en matière de coopération internationale, de paix et de développement.
Conférence de l’ONUDI
Ce sommet marque également la 21ème session de l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI). Cette organisation œuvre à la promotion d’un développement industriel inclusif et durable afin d’aider les pays en développement à réduire la pauvreté, à renforcer leur compétitivité économique et à soutenir la durabilité environnementale.
En tant qu’organe décisionnel suprême de l’ONUDI, la 21ème Conférence générale se concentrera sur trois thèmes :
Comment réduire les émissions et soutenir les énergies renouvelables;
Comment améliorer la sécurité alimentaire grâce à l’innovation industrielle dans l’agriculture pour mettre fin à la faim;
Et comment construire des chaînes d’approvisionnement durables pour garantir que le commerce profite aux travailleurs, aux communautés et à l’environnement.
« Un nouveau pacte mondial équitable »
Le directeur général de l’ONUDI, Gerd Müller, réélu lors de la conférence, s’est adressé aux délégués et a exhorté les pays développés à redoubler d’efforts pour éliminer les inégalités. « Pays riches, pays industrialisés et pays producteurs de pétrole, vous devez assumer vos responsabilités mondiales », a-t-il souligné. Il a également demandé avec insistance pourquoi, trente ans après s’être engagés à consacrer 0,7 % de leur budget annuel à l’aide publique au développement, ces pays n’avaient toujours pas atteint cet objectif…
Le prince Mohammed Ben Salmane (MBS) achevait hier mercredi deux jours de visite à Washington où il affichait avec Donald Trump une connivence rare. Au menu de cette visite, des investissements saoudiens colossaux aux Etats-Unis en contre partie d’un accord de sécurité mutuelle.
Garde d’honneur montée sur des chevaux arborant les drapeaux américain et saoudien, coups de canon, survol d’avions de combat F-15 et F-35, réception officielle au porche sud de la Maison Blanche où des chasseurs américains ont effectué un spectacle aérien, le prince héritier Mohamed Ben Salman (MBS) fût traité avec des égards exceptionnels lors de sa visite de travail, mardi 18 novembre, à Washington.
L’on est loin du temps où, sous l’ère de Joe Biden, le dirigeant de facto du royaume Wahhabite était une sorte de paria, une persona non grata. Et ce, pour avoir commandité, selon un rapport de la CIA en 2018, l’assassinat du journaliste saoudien Jamal KhashoggiJamal Khashoggi. Celui-ci avait été séquestré, assassiné, puis découpé à la scie dans le consulat saoudien à Istanbul. Autre temps, autres priorités.
MBS innocenté
D’ailleurs, le président américain Donald Trump a volé au secours de MBS quand une journaliste de la chaîne ABC a posé une question au sujet de Jamal Khashoggi, l’ancien collaborateur saoudien du Washington Post : « Vous mentionnez une personne qui fut extrêmement controversée. Beaucoup de gens n’aimaient pas ce monsieur dont vous parlez. Qu’on l’aime ou pas, des choses arrivent ». Puis, désignant le prince héritier : « Mais il ne savait rien de tout cela. Et on peut en rester là. Vous n’êtes pas obligée d’embarrasser notre invité ».
« Nous avons aujourd’hui dans le Bureau ovale un homme extrêmement respecté, un ami de longue date, un très bon ami. Je suis très fier du travail qu’il a accompli », a déclaré le président américain avant de saluer, sans rire , les « accomplissements incroyables en matière de droits de l’homme » de son invité.
« C’est douloureux et c’est une énorme erreur et nous faisons tout notre possible pour que cela ne se reproduise plus », a déclaré pour sa part Mohammed Ben Salmane.
Des investissements colossaux
Pourquoi tant d’égards pour le prince héritier saoudien ? C’est que l’homme fort du royaume n’est pas venu les mains vides à Washington. Il a promis au locataire de la Maison Blanche d’investir la somme astronomique de 1 000 milliards de dollars dans l’économie américaine contre 600 auparavant.
« Nous croyons en l’avenir de l’Amérique. Je crois, monsieur le président, qu’aujourd’hui et demain, nous pouvons annoncer que nous allons augmenter ces 600 milliards à près de 1 000 milliards de dollars pour l’investissement », a-t-il promis. A la grande satisfaction du président américain, qui, manifestement, ne s’attendait pas à tant de largesse.
Le danger vient de Tel-Aviv
En contre partie, Donald Trump a donné son feu vert à un accord de vente d’armement majeur, qui inclut de futures livraisons de 28 F-35, des avions de combat furtifs. Sachant que jusqu’à présent, Israël est le seul pays du Proche-Orient à posséder des avions de chasse américains F-35.
C’est qu’aujourd’hui, la domination militaire écrasante d’Israël est considérée par Ryad comme l’élément le plus déstabilisant dans la région. Les ambitions expansionnistes d’Israël au Liban et en Syrie, les nombreuses violations du cessez-le-feu à Gaza depuis l’adoption du plan Trump, la recrudescence des violentes attaques commises par les colons contre les Palestiniens de Cisjordanie avec la complicité de l’armée israélienne, sont perçues comme une volonté délibérée d’étendre la « pax hébraïca » à l’ensemble du Moyen-Orient.
Partenariat stratégique
A part la vente d’avions américains de technologie avancée, les deux pays s’étaient entendus sur un partenariat de défense. L’Arabie saoudite- dont l’objectif est de se prémunir contre de nouvelles attaques visant des sites stratégiques vitaux, comme celles revendiquées par les Houthis contre les installations pétrolières saoudiennes de Khuraïs et d’Abqaiq, le 14 septembre 2019- veut des garanties américaines renforcées afin d’éviter que ne se reproduise le scénario traumatique des frappes israéliennes contre le Qatar du 9 septembre 2025. Or, les deux fois, l’administration Trump s’est abstenue de venir à la rescousse de ses partenaires du Golfe.
Cette instabilité régionale persistante explique que la priorité absolue pour MBS consiste à d’obtenir de Washington la signature d’un accord de sécurité mutuelle. Lequel stipule que toute attaque contre son pays serait considérée comme « une menace pour la paix et la sécurité des États-Unis ». Celui-ci prendrait d’abord la forme d’un Ordre exécutif, qui ne nécessite pas l’aval du Congrès, pour se formaliser ensuite en un accord de sécurité engageant et pérenne.
En attendant la signature officielle de cet accord stratégique, Donald Trump a par ailleurs annoncé lors du dîner de gala en l’honneur de son invité de marque, que l’Arabie saoudite devenait un « allié majeur non-membre de l’Otan ». Sachant que seuls 19 pays bénéficient actuellement de ce statut privilégié qui prévoit une étroite coopération militaire avec les États-Unis.
Or, l’Arabie saoudite ne peut se contenter de gestes symboliques. Riyad et Islamabad ont déjà signé un accord de défense mutuelle le 17 septembre 2025, une semaine après les bombardements israéliens sur Doha. Une manière de rappeler à leur grand allié américain que le royaume dispose de plusieurs cordes à son arc pour instaurer un rééquilibrage stratégique des rapports de force dans la région du Moyen-Orient.
Difficile de trouver plus cupide et plus vénal que Donald Trump ! On dit que l’argent est le nerf de la guerre mais chez le président américain c’est le nerf des relations internationales tout court. Face au gros chèque saoudien, le locataire de la Maison Blanche a disculpé en direct l’héritier Mohamed ben Salmane de toute responsabilité dans l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi. Il a aussi annoncé la vente de 48 avions de chasse F-35 dont la vente était liée jusque-là à la normalisation avec Israël et a décidé de pousser encore plus le partenariat stratégique avec Riyad. Bref, la lune de miel de Trump d’Arabie agace même les Israéliens !
Imed Bahri
Le journal arabophone londonien Al-Quds al Arabi est revenu sur cette visite en passant au peigne fin aussi bien sa forme que son fond car l’accueil en grande pompe de l’hôte saoudien a donné le ton de cette visite qui se veut historique.
Fait rare, le président américain a accueilli, mardi 18 novembre 2025, le prince héritier saoudien lors d’une cérémonie grandiose qui a eu lieu sur la pelouse sud de la Maison-Blanche. D’habitude, ce lieu est réservé aux accueils des visites d’État ! L’événement comprenait une revue des honneurs militaires, une salve de coups de canon et un survol d’avions de chasse américains.
Les discussions entre les deux dirigeants ont porté sur le renforcement des liens de sécurité et la coopération nucléaire civile. Ben Salmane s’est engagé à porter les investissements saoudiens dans l’économie américaine de 600 milliards de dollars à 1 000 milliards de dollars, tandis que Trump a confirmé un nouvel accord de défense et son approbation de la vente d’avions de chasse F-35 à l’Arabie saoudite.
Une garde d’honneur militaire américaine a escorté le cortège du prince héritier jusqu’à la pelouse sud où Trump l’a accueilli à son arrivée. Les deux dirigeants ont ensuite levé les yeux vers les avions de chasse qui survolaient la zone avant que Trump n’accompagne son hôte à l’intérieur.
La géopolitique de l’argent
D’habitude cet accueil prestigieux n’est réservé qu’à certains chefs d’État. Or, Ben Salman est toujours prince héritier et le chef d’État saoudien c’est son père le roi Salman. Cette exception protocolaire en dit long sur la place qu’occupe l’Arabie saoudite dans la géopolitique de M. Trump, une géopolitique dictée avant tout par les intérêts financiers.
Au cours de sa visite à la Maison Blanche, Ben Salmane s’est entretenu avec Trump dans le Bureau ovale où ce dernier a annoncé que Washington vendrait des avions de chasse F-35 à l’Arabie saoudite dans le cadre d’un accord similaire à celui conclu avec Israël. Ce serait la première fois que les États-Unis vendent ces avions de chasse à l’Arabie saoudite, marquant un tournant important dans la politique américaine. Cet accord pourrait potentiellement modifier l’équilibre militaire au Moyen-Orient et mettre à l’épreuve ce que Washington appelle jusque-là «l’avantage militaire qualitatif d’Israël», seul pays de la région à posséder à ce jour des F-35. Jusque-là, les États-Unis faisaient miroiter aux Saoudiens qu’ils ne leur vendraient des F-35 que s’ils reconnaissaient officiellement Israël.
Lors de sa rencontre avec Ben Salmane dans le Bureau ovale, Trump a confirmé que les États-Unis étaient parvenus à un accord de défense avec l’Arabie saoudite, que la plupart des experts estiment similaire au récent accord avec le Qatar sur lequel nous sommes revenus dans notre article du 24 octobre dernier intitulé «Nouveau traité en gestation entre Washington et Riyad». Si c’est effectivement le cas, toute agression contre l’Arabie saoudite sera considérée comme une agression contre les États-Unis.
Le président américain a, également, indiqué avoir discuté des accords d’Abraham avec Ben Salmane et s’est dit convaincu d’avoir reçu une réponse positive. Le prince héritier a répondu que l’Arabie saoudite souhaitait participer à ces accords qui prévoient la normalisation des relations avec Israël mais aussi garantir une voie claire vers une solution à deux États.
M. Trump a laissé entendre qu’un accord nucléaire civil avec l’Arabie saoudite était aussi envisageable. La réunion a, on l’imagine, porté aussi sur l’aspect économique, M. Trump affirmant que l’économie américaine était en excellente santé. Prenant note de l’accord de l’Arabie saoudite d’investir 600 milliards de dollars aux États-Unis, il a déclaré : «Je tiens à vous remercier d’avoir accepté d’investir 600 milliards de dollars aux États-Unis. Et comme il est mon ami, ce montant pourrait atteindre mille milliards de dollars… Je vais m’en occuper». Le prince héritier a répondu que l’Arabie saoudite augmenterait ses investissements aux États-Unis à mille milliards de dollars.
Trump a également abordé la question iranienne, affirmant que «le pays souhaitait parvenir à un accord avec Washington même s’ils prétendent le contraire et se disant ouvert aux négociations». Le prince héritier saoudien a affirmé que cela serait dans l’intérêt de l’Iran et de la région, soulignant qu’il ferait tout son possible pour y parvenir.
Lors du dîner, le président américain a fait une autre annonce de taille qui a ravi son hôte : «Ce soir, je suis ravi d’annoncer que nous poussons notre coopération militaire à des sommets encore plus élevés en désignant officiellement l’Arabie saoudite comme un allié majeur non-membre de l’Otan, ce qui est quelque chose de très important pour eux».
La vente des F-35 agace Israël
L’annonce par Trump de la vente d’avions de chasse furtifs F-35 à l’Arabie saoudite a provoqué un choc en Israël. Le journal de droite Maariv a employé le terme «coup de tonerre».
Maariv considère que cette vente de F-35 à l’Arabie saoudite ne se limite pas à une simple transaction d’armement. Elle empiète sur un domaine jusqu’ici réservé à un seul pays de la région : Israël. Certes, les États-Unis continuent d’affirmer qu’ils protégeront l’avantage militaire qualitatif d’Israël mais tout expert en sécurité sait que cette supériorité est relative et non garantie à vie. Dès lors qu’un pays voisin acquiert l’accès à des avions de chasse de cinquième génération (même de façon limitée, comme le minimisent les proches du Premier ministre), la supériorité aérienne d’Israël n’est plus assurée.
Le fait que Trump soit prêt à franchir un tel pas soulève une question troublante : Washington considère-t-il toujours Israël comme un atout stratégique irremplaçable ou comme un pays important, certes, mais qui n’est plus au centre de la politique américaine dans la région ?
Aux yeux de l’administration américaine actuelle, stabiliser l’Arabie saoudite, coopérer avec elle et freiner toute autre influence régionale est peut-être aussi important aujourd’hui que l’enthousiasme fervent pour l’exclusivité israélienne dans le ciel du Moyen-Orient.
Maariv estime que les États-Unis adoptent désormais une vision stratégique globale du Moyen-Orient et non pas une vision d’un prisme israélien.
Un pas prudent vers une possible normalisation avec Israël
Au cœur des échanges, la question de la normalisation entre Riyad et Tel-Aviv reste l’élément le plus chargé en symbolique. Trump et MBS disent avoir eu des « discussions positives », laissant entendre que l’Arabie saoudite pourrait rejoindre, à terme, les Accords d’Abraham. Mais le prince héritier reste ferme : aucune avancée sans un chemin crédible vers un État palestinien. Ce rappel, destiné autant à l’opinion publique arabe qu’aux partenaires internationaux, souligne que Riyad entend conserver son statut de leader régional tout en s’assurant de ne pas fracturer ses équilibres internes.
Dans un contexte où les États-Unis cherchent à redessiner les blocs régionaux autour d’alliances économiques et sécuritaires, la position saoudienne apparaît comme un levier diplomatique majeur — et un test pour Washington.
Un statut stratégique : Riyad devient “major non-NATO ally”
Donald Trump a annoncé l’octroi à l’Arabie saoudite du statut d’allié majeur hors OTAN, rejoignant un club restreint de 19 pays (dont la Tunisie). Pour Riyad, c’est un saut qualitatif : accès facilité aux systèmes d’armement les plus avancés, procédures accélérées, coopération renforcée.
Cette reconnaissance est accompagnée d’un accord stratégique de défense, pensé pour sceller un partenariat vieux de 80 ans. Washington assure ainsi vouloir « fortifier la dissuasion au Moyen-Orient », tandis que Riyad cherche à se prémunir contre les incertitudes régionales, du conflit israélo-qatari aux tensions avec l’Iran.
Cette décision survient quelques semaines après que l’Arabie a conclu un pacte militaire avec le Pakistan, signe que MBS entend diversifier les garanties sécuritaires tout en ancrant ses liens avec Washington.
Les F-35, symbole d’un rééquilibrage face à Israël
L’annonce la plus sensible concerne la vente de F-35 à Riyad. Trump assure que les appareils ne seront pas « dégradés » pour préserver l’avantage militaire israélien, rompant avec la doctrine américaine du « qualitative military edge ». Le signal est fort : MBS ne veut plus être traité comme un partenaire de second rang, et Washington semble prêt à entériner cette évolution.
Ce choix intervient dans un contexte où les États-Unis souhaitent stabiliser leurs alliances au Moyen-Orient, tout en évitant que Riyad ne poursuive des options asiatiques, notamment chinoises.
Iran : de la confrontation à l’ouverture diplomatique
Le dossier iranien a révélé un double langage assumé. Trump célèbre à nouveau les frappes américaines de juin contre les installations nucléaires iraniennes, vantant la supériorité militaire américaine. Mais il affirme dans le même temps que l’Iran « veut un accord » et qu’il est « totalement ouvert » à un processus diplomatique.
Fait notable, MBS s’aligne publiquement : l’Arabie saoudite soutiendra un potentiel accord américano-iranien. Un geste qui montre l’évolution de Riyad depuis la réconciliation de 2023, et qui confirme la volonté d’éviter une escalade régionale alors que les équilibres militaires restent fragiles.
Des investissements colossaux : jusqu’à 1 000 milliards de dollars
La dimension économique de la visite est tout aussi déterminante. Trump évoque un engagement d’investir 600 milliards de dollars, MBS parle d’un potentiel montant total de 1 000 milliards. Ces flux concerneraient l’intelligence artificielle, les technologies émergentes, les matériaux critiques, l’industrie et la finance.
Ce pacte économique scelle une convergence :
les États-Unis cherchent de nouveaux financements pour leurs géants technologiques et leurs infrastructures,
l’Arabie saoudite veut consolider sa stratégie Vision 2030 et devenir un acteur central des technologies du futur.
MBS répète que les États-Unis sont aujourd’hui le « marché le plus chaud du monde », et qu’il entend participer à ses fondations technologiques.
Le président Kaïs Saïed a reçu, mardi, au Palais de Carthage, le ministre des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, Fayçal Ben Farhane Ben Abdallah Al Saoud. Cette rencontre, inscrite dans le cadre d’une visite officielle à l’invitation de son homologue tunisien Mohamed Ali Nafti, a été marquée par un échange sur la situation régionale et les relations bilatérales.
Lors de l’entretien, Kaïs Saïed a affirmé que la région arabe et islamique traverse une phase critique assimilée à un « nouveau Sykes-Picot ». Selon lui, après le morcellement des pays arabes, « le mouvement sioniste cherche désormais à effacer leur existence même », cite un communiqué de la Présidence de la République.
Faire échec au « plan criminel »
Le chef de l’État a insisté sur l’importance d’unir les efforts pour faire échec à ce qu’il a qualifié de « plan criminel », réitérant l’attachement de la Tunisie au droit du peuple palestinien à recouvrer toute la Palestine et à établir son État indépendant avec Al-Qods comme capitale.
Il a dénoncé les « crimes de l’ennemi sioniste » visant à « exterminer par la famine » et à briser la volonté de libération des Palestiniens, tout en rejetant catégoriquement le projet de déplacement forcé de populations.
Les accords Sykes-Picot
Les accords Sykes-Picot sont des accords secrets signés le 16 mai 1916 entre la France et le Royaume-Uni (avec l’aval de l’Empire russe et du royaume d’Italie), prévoyant le découpage du Proche-Orient à la fin de la guerre en plusieurs zones d’influence au profit de ces puissances, ce qui revenait à dépecer l’Empire ottoman. Les accords s’inscrivent dans le contexte d’une domination coloniale par laquelle deux pays exercent une action déterminante et durable sur les peuples d’une région étrangère.
En rupture avec des promesses antérieures d’indépendance, le Royaume-Uni et la France morcellent le Moyen-Orient en cinq zones. Chacun de ces deux pays se réserve une zone « d’administration directe » et une zone « d’influence» ; à ces quatre zones s’ajoute une cinquième, la Palestine, censée devenir une zone internationale.
À l’issue de la Première Guerre mondiale, les zones seront, pour certaines, modifiées. La Palestine sera cédée au Royaume-Uni, au lieu d’être internationalisée.
Progression des échanges commerciaux
À l’issue de la rencontre, le ministre saoudien a déclaré avoir transmis au président Saïed les salutations du roi Salmane Ben Abdelaziz et du prince héritier Mohammed Ben Salmane, ainsi que leurs vœux de prospérité pour la Tunisie. Il a mis en avant l’importance accordée par Riyad au renforcement des relations bilatérales et son soutien constant à la sécurité et à la stabilité, tunisiennes.
Il a également souligné la progression des échanges commerciaux entre les deux pays, atteignant 417 millions de dollars en 2024.
Accélérer la réalisation de projets
La visite du ministre saoudien intervient à l’occasion de la 4e session du Comité de suivi et de concertation politique tuniso-saoudien. Historiquement, Tunis et Riyad entretiennent des relations de coopération étroite dans divers domaines.
Kaïs Saïed a rappelé la profondeur de ces liens et la volonté partagée d’accélérer la réalisation de projets communs malgré certains obstacles.
Par invitation de Mohamed Ali Nafati, ministre des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger, le Prince Fayçal bin Farhan bin Abdullah Al Saud, ministre des Affaires étrangères du Royaume d’Arabie Saoudite, effectuera une visite de travail en Tunisie le 9 septembre 2025.
Cette visite sera l’occasion de tenir la quatrième session de la Commission de suivi et de consultation politique, co-présidée par les deux ministres. Les discussions porteront sur le renforcement des relations bilatérales ainsi que sur l’intensification de la coordination et de la consultation concernant les questions régionales et internationales d’intérêt commun.
Cette rencontre traduit la volonté des deux pays de consolider leur partenariat stratégique et de favoriser un dialogue approfondi sur les enjeux géopolitiques et économiques régionaux.