Complexité administrative et rente : le double handicap de l’économie tunisienne
En Tunisie, plus de la moitié de l’économie évolue dans des secteurs fermés ou fortement régulés, selon une étude de l’Institut tunisien des études stratégiques. Ce système, dominé par des mécanismes de rente, entrave la concurrence, aggrave les inégalités et pèse sur le pouvoir d’achat de la classe moyenne. Une réforme en profondeur s’impose pour libérer le potentiel économique du pays.
L’économie tunisienne est marquée par la prédominance de la rente, qu’elle soit naturelle, foncière, financière ou institutionnelle. Licences d’importation, monopoles, subventions ciblées et barrières à l’entrée permettent à certains acteurs de capter la richesse sans contrepartie productive. Résultat : une concentration des opportunités et un affaiblissement de la dynamique entrepreneuriale. La complexité administrative aggrave la situation. La Loi d’Investissement de 2016 compte ainsi 243 régimes d’autorisations et de licences, et les délais d’obtention peuvent s’étendre sur plusieurs mois, voire années. Ces formalités représenteraient entre 20 et 30% du coût total des nouveaux projets. En outre, le Conseil de la concurrence manque d’indépendance et de moyens pour appliquer pleinement la législation anti-cartels.
Les recommandations : simplifier, contrôler, investir autrement
Pour rompre avec ce modèle, l’Institut tunisien des études stratégiques propose une série de réformes structurelles. Le renforcement de la concurrence apparaît comme une priorité, nécessitant de doter le Conseil de la concurrence de moyens opérationnels accrus, d’interdire les exemptions légales aux cartels et d’appliquer des sanctions dissuasives. Les procédures d’accès aux marchés publics et aux licences doivent être simplifiées et harmonisées. Parallèlement, l’accès au financement pour les PME et les startups doit être facilité par le développement de fonds régionaux, de la microfinance et d’autres formes de financement alternatif.
Le rétablissement de l’équité fiscale passe par la suppression des niches fiscales injustifiées, le renforcement de la progressivité de l’impôt et une meilleure fiscalisation de la rente foncière et immobilière. L’amélioration de la gouvernance requiert la création d’un portail open data pour les marchés publics, la publication des bénéficiaires effectifs des subventions, et la numérisation intégrale des services administratifs. Enfin, une réforme foncière s’avère nécessaire, incluant l’établissement d’un cadastre numérique et la publication des prix par zone pour limiter la spéculation.
Les impacts économiques escomptés
Selon les projections de l’étude, une réduction de cinq points de pourcentage des marges de prix grâce à une concurrence accrue pourrait entraîner une hausse de la productivité du travail d’environ 5%. Cette dynamique se traduirait par une croissance supplémentaire du PIB de l’ordre de 4,5% par an et la création d’environ 50 000 emplois annuels.
La transformation de l’écosystème économique tunisien nécessite un engagement politique soutenu et un dialogue élargi avec la société civile et le secteur privé. Sans une réforme déterminante des mécanismes de rente, la Tunisie risque de persister dans un modèle à faible valeur ajoutée, peu générateur d’emplois et socialement inéquitable.
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