Il est connu que l’Algérie, la Tunisie, l’Autriche, l’Allemagne et l’Italie ont convenu de construire un pipeline à hydrogène pour acheminer, vers l’Union européenne, un carburant propre produit à partir d’énergies renouvelables en Afrique du Nord. La démarche est considérée comme l’un des plus importants projets d’énergie renouvelable de la région. Le corridor SoutH2 sera opérationnel en 2030, soit dans cinq ans.
Du côté européen, il y a un suivi minutieux de l’état d’avancement des chantiers chez les deux partenaires nord-africains. On ne cache pas son inquiétude quant à la capacité de la Tunisie et de l’Algérie d’être en mesure d’exporter le carburant en quantité significative. Et ce, lorsque le gazoduc commencera à fonctionner en 2030. Ainsi, les deux pays ont de sérieux défis à relever pour devenir deux exportateurs majeurs d’hydrogène vert vers l’UE d’ici 2030.
Un projet clé pour les deux rives de la Méditerranée
Ce pipeline à hydrogène, le premier du genre, d’une longueur de 3 500 à 4 000 kilomètres, passerait sous la mer Méditerranée. Il vise à relier les centres de production d’hydrogène d’Algérie et de Tunisie, qui doivent encore être construits, à l’île italienne de Sicile et aux centres de consommation d’Autriche et d’Allemagne, en réutilisant l’infrastructure gazière existante sur 65 % de l’itinéraire.
L’Union européenne mise sur l’importation de grandes quantités d’hydrogène vert pour sevrer les secteurs très polluants et les industries difficiles à électrifier, comme la sidérurgie, les engrais et les transports longue distance. A savoir : des combustibles fossiles néfastes pour le climat. Grâce à son ensoleillement abondant, à son vaste potentiel en matière d’énergies renouvelables et à sa relative proximité avec l’Europe, les responsables de l’UE espèrent exploiter les ressources de l’Afrique du Nord et garantir l’approvisionnement en hydrogène vert.
Selon le consortium du projet, le gazoduc, lorsqu’il sera pleinement opérationnel, pourrait fournir plus de 40 % de l’objectif de l’UE d’importer 10 millions de tonnes d’hydrogène vert d’ici 2030. Mais l’Algérie et la Tunisie prévoient que la production d’hydrogène vert à grande échelle ne se fera pas avant au moins une décennie. Ce qui remet en question les projets d’exportation pour les cinq prochaines années. L’envergure de l’ensemble du projet met des doutes sur des retards dans l’exécution des projets.
Objectifs à réviser?
Au cours des deux dernières années, les deux pays ont publié des stratégies vertes en matière d’hydrogène. D’ici 2030, le corridor SouthH2 aura la capacité d’importer quatre millions de tonnes d’hydrogène par an. Toutefois, les deux pays africains prévoient de disposer d’une capacité combinée d’exportation d’environ 330 000 tonnes d’hydrogène. Soit 8 % seulement de la capacité du gazoduc.
La stratégie de l’Algérie en matière d’hydrogène suggère qu’elle pourrait produire environ 30 700 tonnes d’hydrogène vert d’ici 2030. Le pays prévoit une production de plus d’un million de tonnes à partir de 2040. La Tunisie prévoit d’exporter 300 000 tonnes d’hydrogène vert vers l’UE d’ici 2030 et 1,8 million de tonnes d’ici 2040.
Le tableau suivant, issu de la stratégie nationale pour le développement de l’hydrogène vert et ses dérivés en Tunisie, rappelle l’évolution des quantités (kt) d’H2 transportées par pipelines, que ce soit pour l’export ou la consommation locale :
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Ces dysfonctionnements ne sont pas exclusifs aux deux pays. Il s’agit d’une tendance mondiale. Selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), moins de 1 % des 97 millions de tonnes d’hydrogène produites dans le monde en 2023 étaient de l’hydrogène vert ou à faibles émissions. La croissance du secteur a été lente, de nombreux projets ayant du mal à dépasser les premiers stades de développement.
L’AIE a récemment constaté que les investissements dans les électrolyseurs et l’hydrogène vert ont pris du retard. Et ce, en raison de l’incertitude concernant les coûts, la demande et les cadres réglementaires.
De plus, l’Algérie et la Tunisie devraient utiliser cet hydrogène propre pour décarboniser leurs propres industries à forte intensité énergétique et augmenter leur part d’énergies renouvelables dans la production d’électricité.
Au final, notons que la Tunisie est déjà confrontée à des pénuries d’énergie et dépend des importations de gaz et d’électricité en provenance d’Algérie, pour répondre à ses besoins croissants en électricité. Un dossier à suivre.
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